ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"69"> Ascagne, par laquelle mon pere avoit coutume de jurer.

Per caput hoc juro, per quod pater ante solebat.

Dans la célebre ambassade que les Troïens envoient au roi Latinus, Ilionée qui porte la parole, emploie ce noble & grand serment: j'en jure par les destins d'Enée, & par sa droite aussi fidele dans les traités, que redoutable dans les combats.

Fata per AEneoe juro, dextramque potentem Sive fide, seu quis bello est expertus, & armis. AEneid. VII. v. 234.

On ne doit pas être surpris que les amans préférassent à tout autre usage celui de jurer par les charmes, par les beaux y eux de leurs maitresses: c'étoient - là des sermens dictés naturellement par l'amour, attestor oculos, sydera nostra, tuos: je me souviens, dit Ovide, que cette ingrate me juroit fidélité par ses yeux, par les miens; & les miens eurent un pressentiment de la persidie qu'elle me préparoit.

Perque suos nuper jurasse recordor, Perque meos oculos, & doluere mei. Amor. lib. III. Eleg. 3.

Mais on est indigné de voir les Romains jurer par le génie, par le salut, par la fortune, par la majesté, par l'éternité de l'empereur.

Il semble que les dieux n'auroient jamais dû employer de juremens; cependant la fable a voulu leur donner une garantie étrangere, pour justifier aux hommes la sainteté de la parole. Ainsi la Mythologie déclare, que les divinités de l'Olympe juroient elles - mêmes par le Styx, ce fleuve que nous concevons sous l'idée d'un dieu, & que les Grecs concevoient sous l'idée d'une déesse. Hésiode conte fort au long, tout ce qui regarde cette divinité redoutable.

Dii cujus jurare timent, & fallere numen.

Elle étoit, dit - il, fille de l'Océan, & épousa le dieu Pallas. De ce mariage naquirent un fils & trois filles, le Zele, la Victoire, la Force, & la Puissance. Tous quatre prirent les intérêts de Jupiter dans la guerre qu'il eut à soutenir contre les Titans: le maître du monde pour marquer sa reconnoissance, ordonna qu'à l'avenir tous les dieux jureroient par le Styx, & en même tems il établit des peines séveres contre quiconque d'entre les dieux oseroit se parjurer. Il devoit subir une pénitence de neuf années célestes, garder le lit la premiere année, c'est - à - dire - demeurer tout ce tems - là sans voix & sans respiration, être ensuite chassé du ciel, exclus du conseil & des repas des dieux, mener cette triste vie pendant huit ans, & ne pouvoir reprendre sa place qu'à la dixieme année.

C'est par ces fictions qu'on tàchoit de rappeller l'homme à lui - même, & le contenir dans le devoir. Les sages disoient simplement que la déesse Fidélité étoit respectable à Jupiter même. Voyez Styx, Fidélité, Fidius , & Serment. (D. J.)

Jurement (Page 9:69)

Jurement, (Théologie.) Dieu défend le faux serment, & les sermens inutiles; mais il veut que quand la nécessité & l'importance de la matiere demandent que l'on jure, on le fasse en son nom, & non pas au nom des dieux étrangers, ou au nom des choses inanimées & terrestres, ou même par le ciel & par les astres, ou par la vie de quelque homme que ce soit. Notre Sauveur qui étoit venu, non pour détruire la Loi, mais pour la perfectionner, défend aussi les juremens; & les premiers chrétiens observoient cela à la lettre, comme on le voit dans Tertullien, dans Eusebe, dans saint Chrisostome, dans saint Basile, dans saint Jérome, &c. Mais ni J. C. ni les Apôtres, ni les Peres, universellement n'ont pas condamné le jurement, ni même les ser<cb-> mens pour toutes occasions & pour toutes sortes de sujets. Il est des circonstances où l'on ne peut moralement s'en dispenser; mais il ne faut jamais jurer sans une très grande nécessité ou utilité. Nous devons vivre avec tant de bonne - foi & de droiture, que notre parole vaille un serment, & ne jurer jamais que selon la justice & la vérité. Voyez saint Augustin, ép. 157. n. 40. & les Commentateurs sur saint Matthieu, v. 33. 34. Calmet, Dictionnaire de la Bible.

Jurement (Page 9:69)

Jurement, (Jurisprud.) se prend quelquefois pour serment ou affirmation que l'on fait d'une chose en justice. Voyez Affirmation & Serment.

Mais le terme de jurement, se prend plus souvent pour certains termes d'emportement & d'exécration que l'on prononce dans la colere & dans les passions. Saint Louis fit des réglemens séveres contre les juremens & les blasphèmes; les ordonnances postérieures ont aussi établi des peines contre ceux qui proferent des juremens en vain. L article 86. de l'ordonnance de Moulins défend tous blasphêmes & juremens du nom de Dieu, sous peine d'amende & même de punition corporelle, s'il y échet. Voyez Blasphême. (A)

JUREUR (Page 9:69)

JUREUR, s. m. jurator, (Droit des Barbares.) on nommoit ainsi celui qui parmi les Francs, se purgeoit par serment d'une accusation ou d'une demande faite contre lui.

Il faut savoir que la lof des Francs ripuaires, différente de la loi salique, se contentoit pour la décision des affaires, des seules preuves négatives. Ainsi, celui contre qui on formoit une demande ou une accusation, pouvoit dans la plûpart des cas, se justifier en jurant avec un certain nombre de témoins qu'il n'avoit point fait ce qu'on lui imputoit; & par ce moyen il étoit absous de l'accusation.

Le nombre des témoins qui devoient jurer, augmentoit selon l'importance de la chose; il alloit quelquefois à soixante & douze, & on les appelloit jureurs, juratores.

La loi des Allemands porte que jusqu'à la demande de six sols, on s'en purgera par son serment, & celui de deux jureurs réunis. La loi des Frisons exigeoit sept jureurs pour établir son innocence dans le cas d'accusation d'homicide. On voit par notre ancienne histoire que l'on requéroit dans quelques occasions, outre le serment de la personne, celui de dix ou de douze jureurs, pour pouvoir obtenir sa décharge; ce qu'on exprimoit par ces mots, cum sextâ, septimâ, octavâ, decimâ, &c. manu, jurarz.

Mais personne n'a su tirer un parti plus heureux de la loi des jureurs que Frédégonde. Après la mort de Chilpéric, les grands du royaume & le reste de la nation, ne vouloient point reconnoître Clotaire ûgé de 4 mois pour légitime héritier de la couronne; la conduite peu réguliere de la mere faisoit douter que son fils ne fût point du sang de Clovis. Je crains bien, disoit Gontran son propre oncle, que mon neveu ne soit le fils de quelque seigneur de la cour; c'étoit même bien honnête à lui de ne pas craindre quelque chose de pis: cependant trois cens personnes considérables de la nation ayant été promptement gagnées par la reine, vinrent jurer avec elle, que Clotaire étoit véritablement fils de Chilpéric. A l'ouie de ce serment, & à la vûe d'un si grand nombre de jureurs, les craintes & les scrupules s'évanouirent; Clotaire fut reconnu de tout le monde, & de plus fut surnommé dans la suite Clotaire le Grand, titre qu'il ne méritoit à aucun égard. (D. J.)

JURIDIQUE (Page 9:69)

JURIDIQUE, adj. (Jurisprud.) se dit de ce qui est régulier & conforme au droit d'un jugement qui n'est pas juridique, & de celui qui est contraire aux regles du droit ou de l'équité.

On dit aussi d'une procédure qu'elle n'est pas ju<pb-> [p. 70] ridique, c'est - à - dire qu'elle n'est pas réguliere. (A)

JURIPÉBA (Page 9:70)

JURIPÉBA, s. m. (Botan. exot.) arbrisseau épineux, ombrageux, & qui croît au Brésil dans les terres sablonneuses; sa feuille est longue, déchiquetée en plusieurs endroits, lanugineuse en - dessous, & amere au goût; sa fleur faite en étoile, est de couleur blanche & bleue; son fruit ressemblant au raisin ou aux baies de genievre, est disposé en grappes. Voyez Pison, Hist. Brasil. (D. J.)

JURISCONSULTE (Page 9:70)

JURISCONSULTE, s. m. (Jurisprud.) est un homme versé dans la Jurisprudence, c'est - à - dire dans la science des lois, coutumes, & usages, & de tout ce qui a rapport au droit & à l'équité.

Les anciens donnoient à leurs jurisconsultes le nom de sages & de philosophes, parce que la Philosophie renferme les premiers principes des lois, & que son objet est de nous empêcher de faire ce qui est contre les lois de la nature, & que la Philosophie & la Jurisprudence ont également pour objet l'amour & la pratique de la justice. Aussi Cassiodore donne - til de la Philosophie la même définition que les lois nous donnent de la Jurisprudence. Philosophia, ditil en son livre de la Dialectique, est divinarum humanarumque rerum, in quantum homini possibile est, probabilis sententia. Pithagore, Dracon, Solon, Lycurgue, & plusieurs autres, ne devinrent législateurs de la Grece, que parce qu'ils étoient philosophes.

Tout jurisconsulte cependant n'est pas législateur; quelques - uns qui avoient part au gouvernement d'une nation, ont fait des lois pour lui servir de regle; d'autres se sont seulement appliqués à la connoissance des lois qu'ils ont trouvé établies.

On ne doit pas non plus prodiguer le titre de jurisconsulte, à ceux qui n'ont qu'une connoissance superficielle de l'usage qui s'observe actuellement; on peut être un bon praticien sans être un habile jurisconsulte; pour mériter ce dernier titre, il faut joindre à la connoissance du Droit celle de la Philosophie, & particulierement celle de la Logique, de la Morale, & de la Politique; il faut posséder la chronologie & l'histoire, l'intelligence, & la juste application des lois dépendant souvent de la connoissance des tems & des moeurs des peuples; il faut sur - tout allier la théorie du Droit avec la pratique, être profond dans la science des lois, en savoir l'origine & les circonstances qui y ont donné lieu, les conjonctures dans lesquelles elles ont été faites, en pénétrer le sens & l'esprit, connoître les progrès de la Jurisprudence, les révolutions qu'elle a éprouvées; il faudroit enfin avoir des connoissances suffisantes de toutes les choses qui peuvent faire l'objet de la Jurisprudence, divinarum atque humanarum rerum scientiam; & conséquemment il faudroit posséder toutes les sciences & tous les arts: mais j'appliquerois volontiers à la Jurisprudence la restriction que Cassiodore met par rapport aux connoissances que doit avoir un philosophe, in quantum homini possibile est; car il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, qu'un seul homme réunisse parfaitement toutes les connoissances nécessaires pour faire un grand jurisconsulte.

On conçoit par - là combien il est difficile de parvenir à mériter ce titre; nous avons cependant plusieurs auteurs qui se le sont eux - mêmes attribué, tel que Dumolin, qui prenoit le titre de jurisconsulte de France & de Germanie, & qui le méritoit sans contredit: mais il ne sied pas à tous ceux qui ont quelque connoissance du Droit, de s'ériger en jurisconsultes; c'est au public éclairé à déferer ce titre à ceux qu'il en juge dignes.

Le premier & le plus célebre de tous les Jurisconsultes, fut Moïse envoyé de Dieu, pour conduire son peuple, & pour lui transmettre ses lois.

Les Egyptiens eurent pour jurisconsultes & légis<cb-> lateurs trois de leurs princes, savoir les deux Mercures & Amasis.

Minos donna des lois dans l'île de Crete; mais s'il est glorieux de voir des rois au nombre des jurisconsultes, il ne l'est pas moins de voir des princes renoncer au trône pour se consacrer entierement à l'étude de la Jurisprudence, comme fit Lycurgue, lequel, quoique fils d'un des deux rois de Sparte, préfera de réformer comme concitoyen, ceux qu'il auroit pû gouverner comme roi. Il alla pour cet effet, s'instruire des lois en Crete, parcourut l'Asie & l'Egypte, & revint à Lacédémone, où il s'acquit une estime si générale, que les principaux de la ville lui aiderent à faire recevoir ses lois.

Zoroastre, si fameux chez les Perses, leur donna des lois qui se répandirent chez plusieurs autres peuples. Pithagore qui s'en étoit instruit dans ses voyages, les porta chez les Crotoniates: deux de ses disciples, Charondas & Zaleucus, les porterent l'un chez les Thuriens, l'autre chez les Locriens; Zamolxis qui avoit aussi suivi Pithagore, porta ces lois chez les Scythes.

Athènes eut deux fameux philosophes, Dracon & Solon, qui lui donnerent pareillement des lois.

Chez les Romains, la qualité de législateur fut distinguée de celle de jurisconsulte: le pouvoir de faire des lois appartenoit à ceux qui avoient part à la puissance publique; la fonction des jurisconsultes se borna à étudier les lois & à les interpreter. On les appelloit prudentes, & leurs réponses étoient appellées par excellence responsa prudentum. On leur donnoit aussi le titre de juris autores; & ils se qualifioient de prêtres de la justice, justitioe sacerdotes.

Les Jurisconsultes romains tiroient leur origine du droit de patronage établi par Romulus. Chaque plébéien se choisissoit parmi les patriciens un patron qui l'aidoit de ses conseils, & se chargeoit de sa défense: les cliens faisoient à leurs patrons des présens appellés honoraires.

La connoissance du droit romain étant devenue difficile par la multiplicité & les variations des lois, on choisit un certain nombre de personnes sages & éclairées, qui feroient leur unique occupation des lois, pour être en état de les interpreter: on donna à ces interpretes le nom de patrons, & à ceux qui les consultoient, le nom de cliens.

Ces interpretes n'étoient pas d'abord en grand nombre; mais dans la suite ils se multiplierent tellement, que le peuple trouvant chez eux toutes les ressources pour la conduite de leurs affaires, le crédit des anciens patrons diminua peu - à - peu.

Depuis que Cnaeus Flavius, & Sextus AElius, eurent publié les formules des procédures, plusieurs jurisconsultes composerent des commentaires sur les lois; ces commentaires furent toûjours d'un grand poids, mais ils ne commencerent à faire véritablement partie du droit écrit, que lorsque Théodose le jeune donna force de loi aux écrits de plusieurs anciens jurisconsultes.

Outre ces commentaires, les Jurisconsultes donnoient aussi des réponses à ceux qui les venoient consulter; ces réponses étoient verbales ou par écrit, selon la nature de l'affaire, ou le lieu dans lequel elles se donnoient; car les jurisconsultes se promenoient quelquefois dans la place publique pour être plus à portée de donner conseil à ceux qui en auroient besoin; ces sortes de consultations n'étoient que verbales; mais pour l'ordinaire ils se tenoient dans leurs maisons.

Il y avoit des termes consacrés par l'usage pour ces consultations; le client demandoit au jurisconsulte, licet consulere; si le jurisconsulte y consentoit, il répondoit consule. Le client après avoir expliqué son affaire, finissoit en disant, quaro an existi<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.