ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"49"> beaucoup de disciples & d'approbateurs chez les Chrétiens.

10. Ces ames sortirent pures de la main de Dieu. On récite encore aujourd'hui une priere qu'on attribue aux docteurs de la grande synagogue, dans laquelle on lit: O Dieu! l'ame que tu m'as donnée est pure; tu l'as créée, tu l'as formée, tu l'as inspirée; tu la conserves au - dedans de moi, tu la reprendras, lorsqu'elle s'envolera, & la mel a rendras au tems que tu as marqué.

On trouve dans cette priere tout ce qui regarde l'ame; car voici comment rabbin Menasse l'a commentée: l'ame que tu m'as donnée est pure, pour apprendre que c'est une substance spirituelle, subtile, qui a été formée d'une matiere pure & nette. Tu l'as créée, c'est - à - dire au commencement du monde avec les autres ames. Tu l'as formée, parce quenotre ame est un corps spirituel, composé d'une matiere céleste & insensible; & les cabalistes ajoûtent qu'elle s'unit au corps pour recevoir la peine ou la récompense de ce qu'elle a fait. Tu l'as inspirée, c'est - à - dire tu l'as unie à mon corps sans l'intervention des corps célestes, qui influent ordinairement dans les ames végétatives & sensitives. Tu la conserves, parce que Dieu est la garde des hommes. Tu la reprendras, ce qui prouve qu'elle est immortelle. Tu me la rendras, ce qui nous assure de la vérité de la résurrection.

11. Les Thalmudistes débitent une infinité de fables sur le chapitre d'Adam & de sa création. Ils comptent les douze beures, du jour auquel il fut crée, & ils n'en laissent aucune qui soit vuide. A la premiere beure, Dieu assembla la poudre dont il devoit le composer, & il devint un embrion. A la seconde, il se tint sur ses piés. A la quatrieme, il donna les noms aux animaux. La septieme fut employée au mariage d'Eve, que Dieu lui amena cemme un paranymphe, après l'avoir frifée. A dix heures Adam pécha; on le jugea aussi - tôt, & à douze heures il sentoit déja la peine & les sueurs du travail.

12. Dieu l'avoit fait si grand qu'il remplissoit le monde, ou du moins il touchoit le ciel. Les anges étonnés en murmurerent, & dirent à Dieu qu'il y avoit deux êtres souverains, l'un au ciel & l'autre sur la terre. Dieu averti de la faute qu'il avoit faite, appuya la main sur la téte d'Adam, & le réduisit à une nature de mille coudées; mais en donnant au premier homme cette grandeur immense, ils ont voulu seulement dire qu'il connoissoit tous les secrets de la nature, & que cette science diminua considérablement par le péché; ce qui est orthodoxe. Ils ajoutent que Dieu l'avoit fait d'abord double, comme les payens nous représentent janus à deux fronts; c'est pourquoi on n'eut besoin que de donner un coup de hache pour partager ces deux corps; & cela est clairement expliqué par le prophere, qui assure que Dieu l'a formé par devant & par derriere: & comme Moïse dit aussi que Dieu le forma mâle & femelle; on conclut que le premier homme étoit hermaphrodite.

13. Sans nous arrêter à toutes ces visions qu'on multiplieroit à l'infini, les docteurs soutiennent, 1°. qu'Adam fut créé dans un état de perfection; car s'il étoit venu au monde comme un enfant, il auroit eu besoin de nourrice & de précepteur. 2°. C'étoit une créature subtile: la matiere de son corps étoit si délicate & si fine, qu'il approchoit de la nature des anges, & son entendement étoit aussi parfait que celui d'un homme le peut être. Il avoit une connoissance de Dieu & de tous les objets spirituels, sans l'avoir jamais apprise, il lui suffisoit d'y penser; c'est pourquoi on l'appelloit fils de Dieu. Il n'ignoroit pas même le nom de Dieu; car Adam ayant donné le nom à tous les animaux, Dieu lui demanda quet est mon nom? & Adam répondit, Jéhovah. C'est toi qui es; & c'est à cela que Dieu fait allusion dans le prophete Isaïe, lorsqu'il dit: je suis celui qui suis, c'est là mon nom; c'est - à - dire, le nom qu'Adam m'a donné & que j'ai pris.

14. Ils ne conviennent pas que la femme fut aussi parfaite que l'homme, parce que Dieu ne l'avoit formée que pour lui être une aide. Ils ne sont pas même persuadés que Dieu l'eût faite à son image. Un théologien chretien (Lambert Danoeus, in Antiquitatibus, pag. 42) a adopté ce sentiment en l'adoucissant; car il enseigne que l'image de Dieu étoit beaucoup plus vive dans l'homme que dans la femme; c'est pourquoi elle eut besoin que son mari lui servît de précepteur, & lui apprît l'ordre de Dieu, au lieu qu'Adam l'avoit reçu immédiatement de sa bouche.

15. Les docteurs croient aussi que l'homme fait à l'image de Dieu étoit circoncis; mais ils ne prennent pas garde que, ponr relever l'excellence d'une cérémonie, ils font un Dieu corporel. Adam se plongea d'abord dans une débauche affreuse, en s'accouplant avec les bêtes, sans pouvoir assouvir sa convoitise, jusqu'à ce qu'il s'unit à Eve. D'autres disent au contraire qu'Eve étoit le fruit défendu auquel il ne pouvoit toucher sans crime; mais emporté par la tentation que causoit la beauté extraordinaire de cette femme, il pécha. Ils ne veulent point que Caïn soit sorti d'Adam, parce qu'il étoit né du serpent qui avoit tenté Eve. Il fut si affligé de la mort d'Abel, qu'il demeura cent trente ans sans connoître sa femme, & ce fut alors qu'il commença à faire des enfans à son image & ressemblance. On lui reproche son apostasie, qui alla jusqu'à faire revenir la peau du prépuce, afin d'effacer l'image de Dieu. Adam, après avoir rompu cette alliance, se repentit; il maltraita son corps l'espace de sept semaines dans le fleuve Géhon, & le pauvre corps fut tellement sacrifié, qu'il devint percé comme un crible. On dit qu'il y a des mysteres renfermés dans toutes ces histoires; comme en effet il faut nécessairement qu'il y en ait quelques - uns; mais il faudroit avoir beaucoup de tems & d'esprit pour les développer tous. Remarquons seulement que ceux qui donnent des regles sur l'usage des métaphores, & qui prétendent qu'on ne s'en sert jamais que lorsqu'on y a préparé ses lecteurs, & qu'on est assuré qu'ils lisent dans l'esprit ce qu'on pense, connoissent peu le génie des Orientaux, & que leursregles se trouveroient ici beaucoup trop courtes.

16. On accuse les Juifs d'appuyer les systèmes des Préadamistes qu'on a développés dans ces derniers siecles avec beaucoup de subtilité; mais il est certain qu'ils croient qu'Adam est le premier de tous les hommes. Sangarius donne Jambuscar pour précepteur à Adam; mais il ne rapporte ni son sentiment, ni celui de sa nation. Il a suivi plutôt les imaginations des Indiens & de quelques barbares, qui contoient que trois hommes nommés Jambuscha, Zagtith & Boan ont vêcu avant Adam, & que le premier avoit été son précepteur. C'est en vain qu'on se sert de l'autorité de Maïmonides un des plus sages docteurs des Juifs; car il rapporte qu'Adam est le premier de tous les hommes qui soit né par une génération ordinaire; il attribue cette pensée aux Zabiens, & bien loin de l'approuver, il la regarde comme une fausse idée qu'on doit rejetter; & qu'on n'a imaginé cela que pour défendre l'éternité du monde que ces peuples qui habitoient la Perse soutenoient.

Les Juifs disent ordinairement qu'Adam étoit né jeune dans une stature d'homme fait, parce que toutes choses doivent avoir été créées dans un état de perfection; & comme il sortoit immédiatement des mains de Dieu, il étoit souverainement sage & prophete créé à l'image de Dieu. On ne finiroit pas, si [p. 50] on rapportoit tout ce que cette image de la divinité dans l'homme leur a fait dire. Il suffit de remarquer qu'au milieu des docteurs qui s'égarent, il y en a plusieurs, comme Maïmonides & Kimki, qui, sans avoir aucun égard au corps du premier homme, la placent dans son ame & dans ses facultés intellectuelles. Le premier avoue qu'il y avoit des docteurs qui croyoient que c'étoit nier l'existence de Dieu, que de soutenir qu'il n'avoit point de corps, puisque l'homme est matériel, & que Dieu l'avoit fait à son image. Mais il remarque que l'image est la vertu spécifique qui nous fait exister, & que par conséquent l'ame est cette image. Il outre même la chose; car il veut que les Idolâtres, qui se prosternent devant les images, ne leur ayent pas donné ce nom, à cause de quelque trait de ressemblance avec les originaux; mais parce qu'ils attribuent à ces figures sensibles quelque vertu.

Cependant il y en a d'autres qui prétendent que cette image consistoit dans la liberté dont l'homme jouissoit. Les anges aiment le bien par nécessité; l'homme seul pouvoit aimer la vertu ou le vice. Comme Dieu, il peut agir & n'agir pas. Ils ne prennent pas garde que Dieu aime le bien encore plus nécessairement que les anges qui pouvoient pécher, comme il paroît par l'exemple des démons; & que si cette liberté d'indifférence pour le bien est un degré d'excellence, on éleve le premier homme au - dessus de Dieu.

18. Les Antitrinitaires ont tort de s'appuyer sur le témoignage des Juifs, pour prouver qu'Adam étoit né mortel, & que le péché n'a fait à cet égard aucun changement à sa condition; car ils disent nettement que si nos premiers peres eussent persévéré dans l'innocence, toutes leurs générations futures n'auroient pas senti les émotions de la concupiscence, & qu'ils eussent toujours vêcu. R. Béchaî, disputant contre les philosophes qui défendoient la mortalité du premier homme, soutient qu'il ne leur est point permis d'abandonner la théologie que leurs ancêtres ont puisée dans les écrits des prophetes, lesquels ont enseigné que l'homme eût vêcu éternellement, s'il n'eût point péché. Manasse, qui vivoit au milieu du siecle passé, dans un lieu où il ne pouvoit ignorer la prétention des Sociniens, prouve trois choses qui leur sont directement opposées: 1. que l'immortalité du premier homme, persévérant dans l'innocence, est fondée sur l'Ecriture; 2. que Hana, fils de Hanina, R. Jéhuda, & un grand nombre de rabbins, dont il cite les témoignages, ont été de ce sentiment; 3. enfin, il montre que cette immortalité de l'homme s'accorde avec la raison, puisqu'Adam n'avoit aucune cause intérieure qui pût le faire mourir, & qu'il ne craignoit rien du dehors, puisqu'il vivoit dans un lieu très - agréable, & que le fruit de l'arbre de vie, dont il devoit se nourrir, augmentoit sa vigueur.

19. Nous dirons peu de chose sur la création de la femme: peut - être prendra - t - on ce que nous en dirons pour autant de plaisanteries; mais il ne faut pas oublier une si noble partie du genre humain. On dit donc que Dieu ne voulut point la créer d'abord, parce qu'il prévit que l'homme se plaindroit bientôt de sa malice. Il attendit qu'Adam la lui demandât; & il ne manqua pas de le faire, dès qu'il eut remarqué que tous les animaux paroissoient devant lui deux à deux. Dieu prit toutes les précautions nécessaires pour la rendre bonne; mais ce fut inutilement. Il ne voulut point la tirer de la tête, de peur qu'elle n'eût l'esprit & l'ame coquette; cependant on a eu beau faire, ce malheur n'a pas laissé d'arriver; & le prophete Isaïe se plaignoit, il y a déja long tems, que les filles d'Israël alloient la tête levée & la gorge nue. Dieu ne voulut pas la tirer des yeux, de peur qu'elle ne jouât de la prunelle; cependant Isaie se plaint encôre que les filles avoient l'oeil tourné à la galanterie. Il ne voulut point la tirer de la bouche, de peur qu'elle ne parlât trop; mais on ne sauroit arrêter sa langue, ni le flux de sa bouche. Il ne la prit point de l'oreille, de peur que ce ne fût une écouteuse; cependant il est dit de Sara, qu'elle écoutoit à la porte du tabernacle, afin de savoir le secret des anges. Dieu ne la forma point du coeur, de peur qu'elle ne fût jalouse; cependant combien de jalousies & d'envies déchirent le coeur des filles & des femmes! Il n'y a point de passion, après celle de l'amour, à laquelle elles succombent plus aisément. Une soeur, qui a plus de bonheur, & sur - tout plus de galans, est l'objet de la haine de sa soeur; & le mérite ou la beauté sont des crimes qui ne se pardonnent jamais. Dieu ne voulut point former la femme ni des prés ni de la main, de peur qu'elle ne fût coureûse, & que l'envie de dérober ne la prît; cependant Dina courut & se perdit; & avant elle, Rachel avoit dérobé les dieux de son pere. On a eu donc beau choisir une partie honnête & dure de l'homme, d'où il semble qu'il ne pouvoit sortir aucun défaut, la femme n'a pas laissé de les avoir tous. C'est la description que les auteurs juifs nous en donnent. Il y a peut - être des gens qui la trouveront si juste, qu'ils ne voudront pas la mettre au rang de leurs visions, & qui s'imagineront qu'ils ont voulu renfermer une vérité connue sous des termes figurés.

Dogmes des Péripatéticiens, adoptés par les Juifs. 1. Dieu est le premier & le suprème moteur des cieux.

2. Toutes les choses créées se divisent en trois classes. Les unes sont composées de matiere & de forme, & elles sont perpétuellement sujettes à la génération & à la corruption; les autres sont aussi composées de matiere & de forme, comme les premieres; mais leur forme est perpétuellement attachée à la matiere; & leur matiere & leur forme ne sont point semblables à celles des autres êtres créés: tels sont les cieux & les étoiles. Il y en a enfin qui ont une forme sans matiere, comme les anges.

3. Il y a neuf cieux, celui de la Lune, celui de Meroure, celui de Venus, celui du Soleil, celui de Mars, celui de Jupiter, celui de Saturne & des autres étoiles, sans compter le plus élevé de tous, qui les enveloppe, & qui fait tous les jours une révolution d'orient en occident.

4. Les cieux sont purs comme du crystal; c'est pour cela que les étoiles du huitieme ciel paroissent au - dessous du premier.

5. Chacun de ces huit cieux se divise en d'autres cieux particuliers, dont les uns tournent d'orient en occident, les autres d'occident en orient; & il n'y a point de vuide parmi eux.

6. Les cieux n'ont ni légéreté, ni pesanteur, ni couleur; car la couleur bleue que nous leur attribuons, ne vient que d'une crreur de nos yeux, occasionnée par la hauteur de l'atmosphere.

7. La terre est au milieu de toutes les spheres qui environnent le monde. Il y a des étoiles attachées aux petits cieux: or ces petits cieux ne tournent point autour de la terre, mais ils sont attachés aux grands cieux, au centre desquels la terre se trouve.

8. La terre est presque quarante fois plus grande que la lune; & le soleil est cent soixante & dix fois plus grand que la terre. Il n'y a point d'étoile plus grande que le soleil, ni plus petire que Mercure.

9. Tous les cieux toutes les étoiles ont une ame, & sont doués de connoissance & de sagesse. Ils vivent & ils connoissent celui qui d'une seule parole fit sortir l'univers du néant.

10. Au - dessous du ciel de la lune, Dieu créa une certaine matiere différente de la matiere des cieux; & il mit dans cette matiere des formes qui ne sont

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