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4. Mais si les docteurs sont ordinairement orthodoxes
sur l'article de la création, il faut avouer
qu'ils s'écartent presque aussi - tôt de Moïse. On toléroit
dans la synagogue les théologiens qui soutenoient
qu'il y avoit un monde avant celui que nous
habitons, parce que Moïse a commencé l'histoire de
la Genèse par un B, qui marque deux. Il étoit indifférent
à ce législateur de commencer son livre par
une autre lettre; mais il a renversé sa construction,
& commencé son ouvrage par un B, afin d'apprendre
aux initiés que c'étoitici le second monde, & que
le premier avoit fini dans le système millénaire, selon
l'ordre que Dieu a établi dans les révolutions qui se
feront. Voyez l'article
5. C'est encore un sentiment assez commun chez les Juifs que le ciel & les astres sont animés. Cette croyance est même très - ancienne chez eux; car Philon l'avoit empruntée de Platon, dont il faisoit sa principale étude. Il disoit nettement que les astres etoient des créatures intelligentes qui n'avoient jamais fait de mal, & qui étoient incapables d'en faire. Il ajoûtoit, qu'ils ont un mouvement circulaire, parce que c'est le plus parfait, & celui qui convient le mieux aux ames & aux substances intelligentes.
Sentimens des Juifs sur les anges & sur les démons, sur l'ame & sur le premier homme. 1. Les hommes se plaisent à raisonner beaucoup sur ce qu'ils connoissent le moins. On connoît peu la nature de l'ame; on connoît encore moins celle des anges: on ne peut savoir que par la révélation leur création & leur existence. Les écrivains sacrés que Dieu conduisoit ont été timides & sobres sur cette matiere. Que de raisons pour imposer silence à l'homme, & donner des bornes à sa témérité! Cependant il y a peu de sujets sur lesquels on ait autant raisonné que sur les anges; le peuple curieux consulte ses docteurs: ces derniers ne veulent pas laisser soupçonner qu'ils ignorent ce qui se passe dans le ciel, ni se borner aux lumieres que Moïse a laissées. Ce seroit se dégrader du doctorat que d'ignorer quelque chose, & se remettre au rang du simple peuple qui peut lire Moïse; & qui n'interroge les théologiens que sur ce que l'Ecriture ne dit pas. Avouer son ignorance dans une matiere obscure, ce seroit un acte de modestie, qui n'est pas permis à ceux qui se mêlent d'enseigner. On ne pense pas qu'on s'égare volontairement, puisqu'on veut donner aux anges des attributs & des perfections sans les connoître, & sans consulter Dieu qui les a formés.
Comme Moïse ne s'explique point sur le tems auquel les anges furent créés, on supplée à son silence par des conjectures. Quelques - uns croient que Dieu forma les anges le second jour de la création. Il y a des docteurs qui assurent qu'ayant été appellés au conseil de Dieu sur la production de l'homme, ils se partagerent en opinions differentes. L'un approuvoit sa création, & l'autre la rejettoit, parce qu'il prévoyoit qu'Adam pécheroit par complaisance pour sa femme; mais Dieu fit taire ces anges ennemis des
2. Il ne faut pas faire une herésie aux Juifs de ce qu'ils enseignent sur la nature des anges. Les docteurs éclairés reconnoissent que ce sont des substances purement spirituelles, entierement dégagées de la matiere; & ils admettent une figure dans tous les passages de l'Ecriture qui les représentent sous des idées corporelles, parce que les anges revêtent souvent la figure du feu, d'un homme ou d'une femme.
Il y a pourtant quelque tabbìns plus grossiers, lesquels ne pouvant digérer ce que l'Ecriture dit des anges, qui les représente sous la figure d'un boeuf, d'un chariot de feu ou avec des aîles, enseignent qu'il y a un second ordre d'anges, qu'on appelle les anges du ministere, lesquels ont des corps subtils comme le feu. Ils font plus, ils croient qu'il y a différence de sexe entre les anges, dont les uns donnent & les autres reçoivent.
Philon juif avoit commencé à donner trop aux anges, en les regardant comme les colomnes sur lesquelles cet univers est appuyé. On l'a suivi, & on a cru non - seulement que chaque nation avoit son ange particulier, qui s'intéressoit fortement pour elle, mais qu'il y en avoit qui présidoient sur chaque chose. Azariel préside sur l'eau; Gazardia, fur l'Orient, afin d'avoir soin que le soleil se leve; & Nékid, sur le pain & les alimens. Ils ont des anges qui president sur chaque planete, sur chaque mois de l'année & sur les heures du jour. Les Juifs croient aussi que chaque homme a deux anges, l'un bon, qui le garde, l'autre mauvais qui examine ses actions. Si le jour du sabbat, au retour de la synagogue, les deux anges trouvent le lit fait, la table dressée, les chandelles allumées, le bon ange s'en réjouit, & dit, Dieu veuille qu'au prochain sabbat les choses soient en aussi bon ordre! & le mauvais ange est obligé de répondre amen. S'il y a du désordre dans la maison, le mauvais ange à son tour souhaite que la même chose arrive au prochain sabbat, & le bon ange répond amen.
La théologie des Juifs ne s'arrête pas là. Maïmonides qui avoit fort étudié Aristote, soutenoit que ce philosophe n'avoit rien dit qui fût contraire à la loi, excepté qu'il croyoit que les intelligences étoient éternelles, & que Dieu ne les avoit point produites. En suivant les principes des anciens philosophes, il disoit qu'il y a une sphere supérieure à toutes les autres qui leur communique le mouvement. Il remarque que plusieurs docteurs de sa nation croyoient avec Pythagore, que les cieux & les étoiles formoient en se mouvant un son harmonieux, qu'on ne pouvoit entendre à cause de l'éloignement; mais qu'on ne pouvoit pas en douter, puisque nos corps ne peuvent se mouvoir sans faire du bruit, quoiqu'ils soient beaucoup plus petits que les orbes célestes. Il paroît rejetter cette opinion; je ne sais même s'il n'a pas tort de l'attribuer aux docteurs: en effet les rabbins disent qu'il y a trois choses dont le son passe d'un bout du monde à l'autre; la voix du peuple romain, celle de la sphere du soleil, & de l'ame qui quitte le monde.
Quoi qu'il en soit, Maïmonides dit non - seulement que toutes ces spheres sont mues & gouvernées par des anges; mais il prétend que ce sont véritablement [p. 48]
4. On donne trois origines différentes aux démons. 1°. On soutient quelquefois que Dieu les a créés le même jour qu'il créa les enfers pour leur servir de domicile. Il les forma spirituels, parce qu'il n'eut pas le loisir de leur donner des corps. La fête du sabbat commençoit au moment de leur création, & Dieu fut obligé d'interrompre son ouvrage, afin de de ne pas violer le repos de la fête. Les autres disent qu'Adam ayant été long tems sans connoître sa femme, l'ange Samaël touché de sa beauté, s'unit avec elle, & elle conçut & enfanta les démons. Ils soutiennent aussi qu'Adam, dont ils font une espece de scélérat, fut le pere des esprits malins.
On compte ailleurs, car il y a là - dessus une grande diversité d'opinions, quatre meres des diables, dont l'une est Nahama, soeur de Tubalin, belle commeles anges, auxquels elle s'abandonna; elle vit encore, & elle entre subtilement dans le lit des hommes endormis, & les oblige de se souiller avec elle; l'autre est Lilith, dont l'histoire est fameuse chez les Juifs. Enfin il y a des docteurs qui croyent que les anges créés dans un état d'innocence, en sont déchus par jalousie pour l'homme, & par leur révolte contre Dieu: ce qui s'accorde mieux avec le récit de Moïse.
5. Les Juifs croient que les démons ont été créés mâles & femelles, & que de leur conjonction il en a pu naître d'autres. Ils disent encore que les ames des damnés se changent pour quelques tems en démons, pour aller tourmenter les hommes, visiter leur tombeau, voir les vers qui rongent leur cadavres, ce qui les afflige, & ensuite s'en retournent aux enfers.
Ces démons ont trois avantages qui leur sont communs avec les anges. Ils ont des aîles comme eux; ils volent comme eux d'un bout du monde à l'autre; enfin ils savent l'avenir. Ils ont trois imperfections qui leur sont communes avec les hommes; car il sont obligés de manger & de boire; ils engendrent & multiplient, & enfin ils meurent comme nous.
6. Dieu s'entretenant avec les anges vit naître une dispute entre eux à cause de l'homme. La jalousie les avoit saisis; ils soutinrent à Dieu que l'homme n'étoit que vanité, & qu'il avoit tort de lui donner un si grand empire. Dieu soutint l'excellence de son ouvrage par deux raisons; l'une que l'homme le loueroit sur la terre, comme les anges le louoient dans le ciel. Secondement il demanda à ces anges si fiers, s'ils savoient les noms de toutes les créatures; ils avouerent leur ignorance, qui fut d'autant plus honteuse, qu'Adam ayant paru aussi - tôt, il les récita sans y manquer. Schamaël qui étoit le chef de cette assemblée céleste, perdit patience. Il descendit sur la terre, & ayant remarqué que le serpent étoit le plus subtil de tous les animaux, il s'en servit pour séduire Eve.
C'est ainsi que les Juifs rapportent la chute des anges; & de leur récit, il paroît qu'il y avoit un chef des anges avant leur apostasie, & que le chef s'appelloit Schamael. En cela ils ne s'éloignent pas beaucoup des chrétiens; car une partie des saints peres ont regardé le diable avant sa chute comme le prince de tous les anges.
7. Moise dit queles fils de Dieu voyant que les filles des hommes étoient belles, se souillerent avec elles. Philon juif a substitué les anges aux fils de Dieu; & il remarque que Moïse a donné le titre d'anges à
La remontrance eut pourtant son effet. Dieu ordonna
à Uriel
Unrabbin moderne (Menasse), qui avoit fort étudié les anciens, assure que la préexistence des ames est un sentiment généralement reçu chez les docteurs juifs. Ils soutiennent qu'elles furent toutes formées dès le premier jour de la création, & qu'elles se trouverent toutes dans le jardin d'Eden. Dieu leur parloit quand il dit, faisons l'homme; il les unit aux corps à proportion qu'il s'en forme quelqu'un. Ils appuient cette pensée sur ce que Dieu dit dans Isaïe, j'ai fait les ames. Il ne se serviroit pas d'un tems passé, s'il en créoit encore tous les jours un grand nombre: l'ouvrage doit être achevé depuis long - tems, puisque Dieu dit, j'ai fait.
9. Ces ames jouissent d'un grand bonheur dans le
ciel, en attendant qu'elles puissent être unies aux
corps. Cependant elles peuvent mériter quelque
chose par leur conduite; & c'est - là une des raisons
qui fait la grande différence des mariages, dont les
uns sont heureux, & les autres mauvais, parce que
Dieu envoie les ames selon leurs mérites. Elles ont
été créées doubles, afin qu'il y eût une ame pour le
mari, & une autre pour la femme. Lorsque ces ames
qui ont été faites l'une pour l'autre, se trouvent
unies sur la terre, leur condition est infailliblement
heureuse, & le mariage tranquille. Mais Dieu, pour
punir les ames qui n'ont pas répondu à l'excellence
de leur origine, sépare celles qui avoient été faites
l'une pour l'autre, & alors il est impossible qu'il
n'arrive de la division & du désordre. Origene n'avoit
pas adopté ce dernier article de la théologie judaïque,
mais il suivoit les deux premiers; car il
croyoit que les ames avoient préexisté, & que Dieu
les unissoit aux corps célestes ou terrestres, grossiers
ou subtils, à proportion de ce qu'elles avoient fait
dans le ciel, & personne n'ignore qu'Origene a eu
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