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JUSTICE (Page 9:88)
JUSTICE, s, f. (Morale.) la justice en général est une vertu qui nous fait rendre à Dieu, à nous - mêmes, & aux autres hommes ce qui leur est dû à chacun; elle comprend tous nos devoirs, & êtrejuste de cette maniere, ou être vertueux, ne sont qu'une même chose.
Ici nous ne prendrons la justice que pour un sentiment d'équité, qui nous fait agir avec droiture, & rendre à nos semblables ce que nous leur devons.
Le premier & le plus considérable des besoins étant de ne point souffrir de mal, le premier devoir est de n'en faire aucun à personne, sut - tout dans ce que les hommesont de plus cher; savoir, la vie, l'honneur & les biens. Ce seroit contrevenir aux droits de la charité & de la justice, qui soutiennent la société; mais en quoi précisément consiste la distinction de ces deux vertus? 1°. On convient que la charité & la justice tirent également leur principe, de ce qui est du au prochain: à s'en tenir uniquement à ce point, l'une & l'autre étant également dûes au prochain, la charité se trouveroit justice, & la justice se trouveroit aussi charité. Cependant, selon les notions commuément reçues', quoiqu'on ne puisse blesser la justice sans blesser la charité; on peut blesser la charité sans blester la justice. Ainsi quand on refuse l'aumône à un pauvre qui en a besoin, on n'est pas censé violer la justice, mais seulement la charité; au lieu que de manquer à payer ses dettes, c'est violer les droits de la justice, & au même tems ceux de la charité.
2°. Tout le monde convient que les fautes ou péchés contré la justice, exigent une réparation ou restitution, a quoi n'obligent pas les péchés ou fautes contre la charité? Sur quoi l'on demande sil'on peut jamais blesser la charité sans faire tort au prochain; & pourquoi l'on ne dit pas en général qu'on est obli<cb->
On répond communément qu'on ne fait tort au prochain qu'en des choses auxquelles il a droit; mais c'est remettre la même difficulté sous un autre terme. En effet, on demandera s'il n'a pas droit d'attendre qu'on fasse à son égard le bien qu'on lui doit, & qu'on s'abstienne du mal qu'on ne lui doit pas faire? Qu'est - ce donc que le droit du prochain; & comment arrive t - il qu'en blessant le prochain par les fautes qui sont contre la charité, & par celles qui sont contre la justice, on ne blesse point son droit dans les unes, & qu'on le blesse dans les autres? voici là - dessus quelques pensées qui semblent conformes aux droits de la société.
Par - tout où le prochain est offensé, & où l'on manque de faire à son égard ce que l'on auroit dû, soit qu'on appelle cette faute contre la charité ou contre la justice, on lui fait tort: on lui doit quelque réparation ou restitution; que si on ne lui en doit aucune, on n'a en rien intéressé son droit: on ne lui a fait aucun tort; dequoi se plaint - il, & comment est - il offensé?
Rappellons toutes les fautes qu'on a coutume de regarder comme opposées à la charité, sans les supposer contraires à la justice. Une mortification donnée sans sujet à quelqu'un, une brusquerie qu'on lui aura faite, une parole desobligeante qu'on lui aura dite, un secours, un soulagement qu'on aura manqué de lui donner dans un besoin considérable; est il bien certain que ces fautes n'exigent aucune réparation ou restitution? On demande ce qu'on lui restitueroit, si on ne lui a ôté ni son honneur, ni son bien: mais ces deux sortes de bien sont subordonnés à un troisieme plus général & plus essentiel, savoir la satisfaction & le contentement. Car si l'on pouvoit être satisfait en perdant son honneur & son bien, la perte de l'un & de l'autre cesseroit en quelque sorte d'être un mal. Le mal qu'on fait au prochain consiste donc en ce qui est de contraire à la satisfaction & au contentement légitime, à quoi il pouvoit prétendre; & quand on l'en prive contre les droits de la société humaine, pourquoi ne seroit on pas obligé à lui en restituer autant qu'on lui en a ôté?
Si j'ai manqué à montrer de la déférence & de la complaisance à qui je l'aurois dû, c'est lui restituer la satisfaction dont je l'ai privé mal - à - propos, que de le prévenir dans les choses qu'il pourroit une autre fois attendre de moi. Si je lui ai parlé avec hauteur ou avec dédain, avec un air brusque ou emporté; je réparerai le desagrément que je lui ar donné, en lui parlant dans quelqu'autre occasion avec plus de douceur & de politesse qu'à l'ordinaire. Cette conduite étant une juste réparation, il semble qu'il ne la faudroit refuser à qui que ce soit, & qu'on la doit faire au moins d'une maniere tacìte.
Par le principe que nous venons d'établir, on pourroit éclaircir peut - être une question qui a été agitée au sujet d'un homme qui avoit été attaqué & blessé injustement par un autre. Il demanda une somme d'argent pour dédommagement & pour se désister des poursuites qu'il intentoit en justice. L'aggresseur donna la somme convenue pour un accommodement, sans lequel il lui en auroit coûté beaucoup plus; & c'est ce qui fit un sujet de dispute entre d'habiles gens. Quelques - uns soutinrent que le blessé ayant reçu au - delà de ce qui étoit nécessaire pour les frais de sa guérison, il devoit rendre le surplus de l'argent reçu. Mais est - il dédommagé, demandoient les autres, du tort qu'il a souffert dans sa personne par la douleur, l'ennui & la peine de la maladie; & cela ne demande - t - il nulle réparation? Non, disoient les premiers: ces choses là, non plus que l'honneur, ne sont point [p. 89]
La chose semble plus plausible encore par rapport à la douleur corporelle; si on pouvoit ôter la douleur & la maladie causées injustement, on seroit indubitablement obligée de le faire, & à titre de justice; or ne pouvant l'ôter, on peut la diminuer & l'adoucir, en fournissant au malade lezé dequoi vivre un peu plus à son aise, dequoi se nourrir mieux, & se procurer certaines commodités qui sont des réparations de la douleur corporelle. Or il faut réparer en toutes les manieres possibles la peine causée sans raison au prochain, pour lui donner autant de satisfaction qu'on lui a causé de déplaisir. C'est aux savans à décider; il suffit d'avoir fourni des réflexions qui pourront aider la décision.
On propose ordinairement plusieurs divisions de la justice; pour en dire quelque chose, nous rema rquerons:
1°. Que l'on peut en général diviser la justice en parfaite ou rigoureuse, & imparsuite ou non rigoureuse. La premiere est celle par laquelle nous nous acquittons envers le prochain de tout ce qui lui est dû, en vertu d'un droit parfait & rigoureux, c'est - à - dire dont il peut raisonnablement exiger l'exécution par la force, si l'on n'y satisfait pas de bon gré. La seconde est celle par laquelle on rend à autrui les devoirs qui ne lui sont dûs qu'en vertu d'une obligation imparfaite & non rigoureuse, qui ne peuvent point être exigés par les voies de la contrainte, mais dont l'accomplissement est laissé à l'honneur & à la conscience d'un chacun. 2°. L'on pourroit ensuite subdiviser la justice rigoureuse en celle qui s'exerce d'égal à égal, & celle qui a lieu entre un supérieur & un inférieur. Celle - là est d'autant de differentes especes, qu'il y a de devoirs qu'un homme peut exiger à la rigueur de tout autre homme, considéré comme tel, & un citoyen de tout autre citoyen du même état. Celle - ci renfermera autant d'especes qu'il y a de différentes sociétés, où les uns commandent, & les autres obéissent.
3°. Il y a d'autres divisions de la justice, mais qui paroissent peu précises & de peu d'utilité. Par exemple celle de la justice universelle & particuliere, prise de la maniere que Puffendorf l'explique semble vicieuse, en ce que l'un des membres de la division se trouve enfermé dans l'autre.
La subdivision de la justice particuliere en distributive & permutative, est incomplette, puisqu'elle ne renferme que ce que l'on doit à autrui en vertu de quelque engagement où l'on est entré, quoiqu'il y ait plusieurs choses que le prochain peut exiger de nous à la rigueur, indépendamment de tout accord & de toute convention.
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On la peignoit ainsi qu'Astrée, en vierge, d'un regard sévere, joint à un certain air de fierté & de dignité, qui inspiroit le respect & la crainte.
Les Grecs du moyen âge la représenterent en jeune fille, assise sur une pierre quarrée, tenant une balance à la main, & de l'autre une épée nûe, ou faisceau de haches entourées de verges, pour marquer que la justice pese les actions des hommes, & qu'elle punit également comme elle récompense.
Elle étoit aussi quelquefois représentée le bandeau sur les yeux, pour montrer qu'elle ne voit & n'envisage ni le rang, ni la qualité des personnes. Les Egyptiens faisoient ses statues sans tête, voulant signifier par ce symbole, que les juges devoient se dépouiller de leur propre sentiment, pour suivre la décision des lois.
Hésiode assure que la justice fille de Jupiter, est
attachée à son trône dans le ciel, & lui demande
vengeance, toutes les fois qu'on blesse les lois &
l'équité. Voyez
Aratus dans ses phénomènes, peint d'un style
mâle la justice déesse, se trouvant pendant l'âge
d'or dans la compagnie des mortels de tout sexe & de
toute condition. Déja pendant l'âge d'argent, elle
ne parut que la nuit, & comme en secret, reprochant
aux hommes leur honteuse dégénération;
mais l'âge d'airain la contraignit par la multitude
des crimes, à se retirer dans le ciel, pour ne plus
descendre ici - bas sur la terre. Ce dernier trait me
fait souvenir du bon mot de Bautru, à qui l'on montroit
un tableau, dans lequel pour exprimer le bonheur
dont la France alloit jouir, on avoit peint la
Justice & la Paix qui s'embrassoient tendrement:
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On la divise en deux especes: justice commutative,
& justice distributive. Voyez ci - après
Le terme de justice se prend aussi pour la pratique de cette vertu; quelquefois il signifie bon droit & raison; en d'autres occasions, il signifie le pouvoir de faire droit à chacun, ou l'administration de ce pouvoir.
Quelquefois encore justice signifie le tribunal où l'on juge les parties, & souvent la justice est prise pour les officiers qui la rendent.
Dans les siecles les moins éclairés & les plus corrompus, il y a toujours eu des hommes vertueux qui ont conservé dans leur coeur l'amour de la justice, & qui ont pratiqué cette vertu. Les sages & les philosophes en ont donné des préceptes & des exemples.
Mais soit que les lumieres de la raison ne soient pas également étendues dans tous les hommes, soit que la pente naturelle qu'ils ont pour la plûpart au vice, étouffe en eux la voix de la raison, il a fallu employer l'autorité & la force pour les obliger de vivre honnêtement, de n'offenser personne, & de rendre à chacun ce qui lui appartient.
Dans les premiers tems de la loi naturelle, la justice étoit exercée sans aucun appareil par chaque pere de famille sur ses femmes, enfans & petits - enfans, & sur ses serviteurs. Lui seul avoit sur eux le droit de correction: sa puissance alloit jusqu'au droit de vie & de mort; chaque famille formoit comme un peuple separé, dont le chef étoit tout - à - la - fois le pere, le roi & le juge.
Mais bien - tôt chez plusieurs nations on éleva une puissance souveraine au - dessus de celle des peres; alors ceux - ci cesserent d'être juges absolus comme ils l'étoient auparavant à tous égards. Il leur resta [p. 90]
Pour ce qui est de la justice publique, elle a toûjours été regardée comme un attribut du souverain; il doit la justice à ses sujets, & elle ne peut être rendue que par le prince même, ou par ceux sur lesquels il se décharge d'une partie de cette noble & pénible fonction.
L'administration de la justice a toujours paru un objet si important, que dès le tems de Jacob le gouvernemont de chaque peuple étoit considéré comme une judicature. Dan judicabit populum suum, dit la Genese, ch. xlix.
Moïse, que Dieu donna aux Hébreux pour conducteur & pour juge, entreprit d'abord de remplir seul cette fonction pénible; il donnoit audience certains jours de la semaine, depuis le matin jusqu'au soir, pour entendre tous ceux qui avoient recours à lui; mais la seconde année se trouvant accablé par le grand nombre des affaires, il établit, par le conseil de Jethro, un certain nombre d'hommes sages & craignans Dieu, d'une probité connue, & sur - tout ennemis du mensonge & de l'avarice, auxquels il confia une partie de son autorité.
Entre ceux qu'il choisit pour juges, les uns étoient appellés centurions, parce qu'ils étoient préposes sur cent familles; d'autres quinquegenarii, parce qu'ils n'étoient préposés qu'à cinquante; d'autres decani, qui n'étoient que sur dix familles. Ils jugeoient les moindres affaires, & devoient lui référer de celles qui étoient plus importantes, qu'il décidoit avec son conseil, composé de soixante - dix des plus anciens, appellés seniores & magistri populi.
Lorsque les Juifs furent établis dans la Palestine, les tribunaux ne furent plus reglés par familles: on établit dans chaque ville un tribunal supérieur composé de sept juges, entre lesquels il y en avoir toûjours deux lévites; les juges inférieurs, au lieu d'etre préposés comme auparavant sur un certain nombre de familles, eurent chacun l'intendance d'un quartier de la ville.
Depuis Josué jusqu'à l'etablissement des rois, le peuple juif fut gouverné par des personnages illustres, que l'Ecriture - sainte appelle juges. Ceux - ci n'étoient pas des magistrats ordinaires, mais des magistrats extraordinaires, que Dieu envoyoit, quand il lui plaisoit, à son peuple, pour le délivrer de ses ennemis, commander les armées; & en général pour le gouverner. Leur autorité étoit en quelque chose semblable à celle desrois, en ce qu'elle leur étoit donnée à vie, & non pas seulement pour un tems. Ils gouvernoient seuls & sans dépendance, mais ils n'étoient point héréditaires; ils n'avoient point droit absolu de vie & de mort comme les rois, mais seulement selon les lois. Ils ne pouvoient entreprendre la guerre que quand Dieu les envoyoit pour la faire, ou que le peuple le desiroit. Ils n'exigeoient point de tributs & ne se succédoient pas immédiatement. Quand un juge étoit mort, il étoit libre au peuple de lui donner aussi - tôt un successeur; mais on laissoit souvent plusieurs années d'intervalle. Ils ne portoient point les marques de sceptre ni de diadème, & ne pouvoient faire de nouvelles loix, mais seulement faire observer celles de Moïse: ensorte que ces juges n'avoient point de pouvoir arbitraire.
On les appella juges apparemment parce qu'alors juger ou gouverner selon les lois étoit réputé la même chose. Le peuple hébreu fut gouverné par quinze juges, depuis Othoniel, qui fut le premier, jusqu'à Ileli, pendant l'espace de 340 années, entre lesquelles quelques - uns distinguent les années des juges, c'est à - dire de leur judicature ou gouvernement, & les années où le peuple fut en servitude.
Le livre des juges est un des livres de l'Ecrituresainte, qui contient l'histoire de ces juges. On n'est pas certain de l'auteur; on croit que c'est une collection tirée de différens mémoires ou annales par Esdras ou Samuel.
Les Espagnols donnoient aussi anciennement le titre de juges à leurs gouverneurs, & appelloient leur gouvernement judicature.
On s'exprimoit de même en Sardaigne pour désigner les gouverneurs de Cagliari & d'Oristagne.
Ménés, premier roi d'Egypte, voulant policer ce pays, le divisa en trois parties, & subdivisa chacune en dix provinces ou dynasties, & chaque dynastie en trois jurisdictions ou nomos, en latin proefecturoe: chacun de ces siéges étoit composé de dix juges, qui étoient présidés par leur doyen. Ils étoient tous choisis entre les prêtres, qui formoient le premier ordre du royaume. Ils connoissoient en premiere instance de tout ce qui concernoit la religion, & de toutes autres affaires civiles ou criminelles. L'appel deleurs jugemens étoit porté à celle des trois nomos ou jurisdictions supérieures de Thebes, Memphis ou Héliopolis, dont ils relevoient.
Chez les Grecs les juges ou magistrats avoient en même tems le gouvernement. Les Athéniens choisissoient tous les ans cinq cent de leurs principaux citoyens dont ils formoient le sénat qui devoit gouverner la république. Ces cinq cent sénateurs étoient divisés en dix classes de cinquante chacune, qu'ils nommoient prytanes; chaque prytane gouvernoit pendant un dixieme de l'année.
Pour l'administration de la justice, ils choisissoient au commencement de chaque mois, dans les neuf autres prytanes, neuf magistrats qu'ils nommoient archontes: on en tiroit trois au sort pour administrer la justice pendant le mois; l'un pour présider aux affaires ordinaires des citoyens, & pour tenir la main à l'exécution des lois concernant la police & le bien public; l'autre avoit l'intendance sur tout ce qui concernoit la religion; le troisieme avoit l'intendance de la guerre, connoissoit de toutes les affaires militaires & de celles qui survenoient à cette occasion entre les citoyens & les étrangers. Les six autres archontes servoient de conseil à ces premiers.
Il y avoit d'autres juges inférieurs qui connoissoient de différentes matieres, tant civiles que criminelles.
Le tribunal souverain établi au - dessus de tous ces juges, étoit l'aréopage: il étoit composé des archontes sortis de charge: ces juges étoient perpétuels: leur salaire étoit égal & paye des deniers de la république. On donnoit à chacun deux, trois oboles pour une cause. Ils ne jugeoient que la nuit, afin d'être plus recueillis, & qu'aucun objet de haine ou de pitié ne pût surprendre leur religion.
Les juges ou magistrats de Lacédémone étoient
tous appellés
Les premiers juges ou magistrats des Romains furent les senatcurs qui rendirent la justice avec les rois, & ensuite avec les consuls qui succéderent aux rois. Ils ne connoissoient point des matieres criminelles; le roi ou les consuls les renvoyoient au peuple, qui les jugeoit dans ses assemblees. On les renvoyoit à des commissaires; le préfet de la vilie rendoit la justice en l'absence du roi ou des consuls.
On érablit ensuitc deux questeurs pour tenir la
main à l'exécution des lois, faire la recherche des
crimes, & toutes les instructions nécessaires pour les
saire punir: & le peuple ayant demandé qu'il y eût
aussi des magistrats de son ordre, on créa les tribuns
& les édiles, qui furent chargés chacun de certaine
partie de la police. Voyez
Vers l'an 388 de Rome, les consuls firent créér un préteur pour rendre en leur place la justice dans la ville. Ce préteur connoissoit des affaires civiles & de police. Il commettoit quelquefois les édiles & autres personnes pour l'aider dans l'instruction ou dans le jugement; mais c'étoit toujours lui qui le prononçoit & au nom duquel on le faisoit exécuter.
Quelque tems après le préteur, pour être plus en état de juger les questions de droit, choisit dans chacune des trente - cinq tribus cinq hommes des plus versés dans l'étude des lois, ce qui fit en tout cent soixante - quinze personnes, qui néanmoins pour une plus facile prononciation, furent nommés centum viri, centumvirs, entre lesquels il prenoit des assesseurs ou conseillers pour les questions de droit, au lieu que pour les questions de fait, il en choisissoit indifferemment dans tous les ordres.
L'an 604 le peuple remit au préteur le soin de punir les crimes; &'les questeurs, qui furent rendus perpétuels, continuerent leurs fonctions sous les ordres du préteur.
Les édiles, dont le nombre fut augmenté, exerçoient aussi en son nom certaines parties de la police.
Il y avoit aussi un préteur dans chaque province, lequel avoit ses aides comme celui de Rome.
Sur la fin de la république, les tribuns & les édiles curules s'attribuerent une jurisdiction contentieuse, indépendante de celle du préteur.
L'autorité de celui - ci avoit dcja. été diminuée en lui donnant un collegue pour connoître des causes des étrangers, sous le titre de prator peregrinus; on lui adjoignit encore six autres préteurs pour les causes capitales. Les préteurs provinciaux prenoient aussi séance avec eux pendant un an, avant que de partir pour leurs provinces, sous prétexte de les instruire des affaires publiques. On institua aussi deux préteurs pour la police des vivres en particulier. Enfin, sous le triumvirat il y avoit jusqu'à soixante quatre préteurs dans Rome qui avoient tous leuis tribunaux particuliers, de même que les tribuns & les édiles.
Un des premiers soins d'Auguste, lorsqu'il se vit paisible possesseur de l'empire, fut de reformer la justice. Il réduisit d'abord le nombre des préteurs de la ville à seize, & établit au - dessus d'eux le préfet de la ville, dont la jurisdiction fut étendue jusqu'à cinquante stades autour de la ville. Il connoissoit scul des affaires où quelque sénateur se trouvoit in<cb->
Les édiles surent d'abord réduits à six: on leur ôta la police & tout ce qu'ils avoient usurpé de jurisdiction sur le préteur; & dans la suite Constantin les supprima totalement; on donna au préfet de la ville d'autres aides au nombre de quatorze, qui furent nommés curatores urbis, ou adjutores proesecti urbis. Ils étoient magistrats du second ordre, magistratus minores. La ville sut divisée en autant de quartiers qu'il y avoit de curateurs, & chacun d'eux fut chargé de faire la police dans son quartier. On leur donna à chacun deux licteurs pour marcher devant eux, & faire exécuter leurs ordres. L'empereur Sévere créa encore quatorze autres curateurs; & pour les faire considérer davantage, il voulut qu'ils sussent choisis dans les familles consulaires.
Le préfet de la ville ne pouvant connoître par luiméme de toutes choses, on lui donna deux subdélégués, l'un appellé proefectus annonoe, qui avoit la pollce des vivres; l'autre appellé proesectus vigilum, qui commandoit le guet. Celui - ci avoit une espece de jurisdiction sur les voleurs, filoux, malfaiteurs, & gens suspects qui commettoient quelque désordre pendant la nuit; il pouvoit les faire arrêter & constituer prisonniers, même les faire punir sur - le - champ s'il s'agissoit d'une faute légere; mais si le délit étoit grave ou que l'accusé fût une personne de quelque considération, il devoit en reférer au préfet de la ville.
Chaque province étoit gouvernée par un président ou proconsul, selon qu elle étoit du département de l'empéreur ou de celui du sénat. Ce magistrat étoit chargé de l'administration de la justice: les proconsuls avoient chacun près d'eux plusieurs subdélégués qu'on appelloit legati procon sulum, parce qu'ils les envoyoient dans les différens lieux de leurs gouvernemens. Ces subdélégués ayant été distribués dans les principales villes & y étant devenus sédentaires, furent appellés senatores loci, ou judices ordinarü, & quelquefois simplement ordinarü. Ceux des villes moins considérables furent nommés judices pedanei; & enfin les juges des bourgs & villages furent nommés magistri pagorum.
L'appel des juges des petites villes & des bourgs & villages, étoit porté au tribunal de la ville capitale de la province, de la capitale à la métropole, de la métropole à la primatie, d'où l'on pouvoit encore en certains cas appeller à l'empereur; mais comme cela engageoit dans des dépenses excessives pour ceux qui demeuroient dans les Gaules, Constantin y établit un préfet du prétoire pour juger en dernier ressort les affaires que l'on portoit auparavant à l'empereur.
Sous l'empire d'Adrien les magistrats romains qui étoient envoyés dans les provinces, furent appellés comites quasi de comitatu principis, parce qu'on les choisissoit ordinairement dans le conseil du prince. Ceux qui avoient le gouvernement des provinces frontieres furent nommés duces, parce qu'ils avoient le commandement des armées.
Lorsque les Francs eurent conquis les Gaules, ils y conserverent le même ordre que les Romains y avoient établi pour la division des gouvernemens & pour l'administration de la justice. Les officiers François prirent les titres de ducs & de comtes attachés aux gouvernemens qui leur furent distribués; mais les officiers d'un rang inférieur ne trouvant pas assez de dignité dans les titres de juges pedanei vet magistri pagorum, qui étoient usités chez les Romains, conserverent leurs titres de centeniers, de cinquanteniers & dixainiers, & sous ces mêmes titres ils ren<pb-> [p. 92]
Les centeniers auxquels étoient subordonnés les cinquanteniers & dixainiers, relevoient des comtes des villes capitales. Ces comtes relevoient eux - mêmes des comtes ou ducs des provinces ou villes métropolitaines; ceux - ci des patrices qui présidoient dans les villes primatiales, & les patrices relevoient du roi, lequel jugeoit souverainement & en dernier ressort les grandes affaires, soit dans son conseil particulier avec le comte ou maire du palais, qui prit la place du préfet du prétoire des Gaules, ou en public à la fête de son parlement, lorsqu'il étoit assemblé.
Les comtes avoient des vicaires ou vicomtes qui étoient comme leurs lieutenans.
Pour contenir tous ces officiers dans leur devoir, le roi envoyoit dans les provinces des commissaires appellés missi dominici, pour recevoir les plaintes que l'on avoit à faire contre les juges ordinaires des lieux.
Outre les juges royaux, il y avoit dès - lors deux
autres sortes de justices en France; savoir les justices ecclésiastiques & les justices seigneuriales; la jurisdiction
ecclésiastique étoit exercée par les évêques & les abbés, qui connoissoient chacun dans
leur territoire des matieres spirituelles, des assaires
ecclésiastiques & de celles qui étoient alors réputées
telles. Voyez ci - devant
Les vassaux & arriere - vassaux des comtes, & des évêques & abbés rendoient aussi la justice dans les terres qui leur étoient données à titre de bénéfice, ce qui fut le commencement des justices seigneuriales.
Quelque tems après tous les bénéfices des laïcs ayant été transformés en fiefs, les justices des comtes & des ducs devinrent elles - mêmes des justices seigneuriales, & il n'y avoit alors de justices royales que celles qui étoient exercées par les officiers du roi dans les terres de son domaine.
Lorsque les comtes & les ducs changerent leurs gouvernemens en seigneuries héréditaires, ils se déchargerent du soin de rendre la justice sur des vicomtes, viguiers ou prevôts; dans les lieux où il y avoit un château, leurs lieutenans furent nommés châtelains; dans les simples bourgs & villages, les juges qui prirent la place des centeniers furent appellés majores villarum, maires ou principaux des villages; titre qui revenoit assez à celui de magistri pagorum, qui étoit usité chez les Romains.
Les ducs & les comtes s'étoient néanmoins réservé une jurisdiction supérieure au - dessus de toutes ces justices, qu'ils continuerent encore pendant quelque tems d'exercer avec leurs pairs ou principaux vassaux qui étoient pares inter se: ils tenoient leurs audiences ou assises avec eux quatre fois l'année & même plus souvent, lorsque cela étoit nécessaire, on y traitoit des affaires concernant le domaine & autres droits du seigneur, de celles où quelque noble ou ecclésiastique étoit intéressé, de crimes qui méritoient la mort naturelle ou civile, enfin des appellations des juges inférieurs.
Cette portion de jurisdiction que les ducs & les comtes s'étoient réservée, fut encore abandonnée par eux à des officiers qu'on nomma baillifs, & en d'autres endroits, sénéchaux.
Les prelats, les chapitrcs & les abbayes de fondation royale s'étant plaint des entreprises que les juges royaux faisoient sur leurs privileges, nos rois les mirent sous leur protection & sauve - garde, leur donnant pour juge le prevôt de Paris; c'est ce que
D'un autre côté, les seigneurs supportant impatiemment l'inspection des commissaires du roi, appellés missi dominici, qui les rappelloient à leur devoir; on cessa pendant quelque tems d'en envoyer, mais au lieu de ces commissaires, le roi établit quatre baillifs pour juger les appellations des juges royaux inférieurs; le siege de ces baillages fut placé à Vermand, aujourd'hui Saint - Quentin, à Sens, à Mâcon & à Saint Pierre - le - Moutier.
Philippe Auguste établit en 1190 de semblables bailliages dans toutes les principales villes de son domaine, & dans la suite les anciens duchés & comtés ayant été réunis par divers voies à la couronne, les prevôtés, baillages, sénéchaussées & autres justices, qui étoient établies dans ces seigneuries, devinrent toutes des justices royales.
Les simples justices seigneuriales sont demeuré subordonnées aux prévôtés & autres justices royales du premier degré; elles ont aussi été appellées en quelques endroits prevôtés, & châtellenies en d'autres bailliages; mais pour distinguer les juges de ces bailliages seigneuriaux de ceux des bailliages royaux, ces derniers furent appellés baillivi majores, & les autres baillivi minores.
Les justices royales inférieures sont subordonnées
aux bailliages & sénéchaussées, & ces tribunaux
de leur part ressortissent par appel au parlement,
dont l'origine remonte jusqu'au commencement de
la monarchie, ainsi qu'on le dira ci - après au mot
Sous les deux premieres races de nos rois, & encore assez avant sous la troisieme, il ne connoissoit que des affaires d'état & autres affaires majeures; la voie d'appel au parlement ne devint guere usitée que depuis que cette cour eut été rendue sédentaire à Paris.
Les autres parlemens ont été établis peu - à - peu à mesure que les affaires se sont multipliées.
Pour décharger les parlemens de plusieurs petites affaires, on a établi les présidiaux qui jugent en dernier ressort jusqu'à 250 liv. de principal ou 10 l. de rente.
Outre les jurisdictions ordinaires, nos rois en ont etabli plusieurs autres extraordinaires, les unes qu'on appelle jurisdictions d'attribution, les autres jurisdictions de privilege; quelques - unes de ces jurisdictions ressortissent par appel au parlement comme les requêtes de l'hôtel & du palais, les tables de marbre; d'autres ressortissent aux cours des aides, telles que les élections & greniers à sel, &c.
Quant à la maniere de rendre la justice dans les tribunaux de France, anciennement il n'étoit pas permis de plaider par procureur; il falloit se présenter en personne même dans les affaires civiles, à moins d'en avoir obtenu dispense; mais depuis longtems les parties ont été admises à se servir du ministere des procureurs, il est même devenu nécessaire, excepté dans les petites justices où les parties peuvent défendre elles - mêmes leur cause.
On dit néanmoins encore qu'il n'y a que le roi & la reine qui plaident par procureur; mais cela veut dire qu'ils ne plaident pas on leur nom, & que c'est leur procureur général qui est on qualité pour eux; à quoi il faut ajouter les seigneurs qui plaident dans leur justice sous le nom de leur procureurfiscal.
Les affaires civiles s'intentent par une demande & sur les exceptions, défenses & autres procédures; on en vient à l'audience, où la cause se juge sur la plaidoirie des avocats ou des procureurs des parties; lorsqu'il s'agit d'un appel ou de questions de droit, la cause doit être plaidée par des avocats.
Quand l'assaire ne peut être vuidée à l'audience, [p. 93]
En matiere criminelle, l'affaire commence par une plainte ou par une dénonciation; on informe contre l'accusé, & sur l'information on décrete l'accusé, s'il y a lieu, & en ce cas il doit se représenter & répondre en personne; quand l'affaire est légere, on la renvoie à l'audience.
Ces questions de droit doivent être décidées par les lois, & celles de fait par les titres & par les preuves. Dans les premiers tems de la monarchie, les François étoient gouvernés par differentes lois, selon celle sous laquelle ils étoient nés ou qu'ils avoient choisie; car alors ce choix étoit libre. Les Francs suivoient communément la loi salique; les Bourguignons la loi gombette; les Goths qui étoient restés en grand nombre dans les provinces d'outre la Loire, suivoient les lois des Visigoths. Tous les autres sujets du roi suivoient la loi Romaine qui étoit le code Théodosien; les Ecclésiastiques la suivoient aussi tous, & en outre le droit canonique.
Aux anciennes lois des Francs ont succédé les capitulaires, qui sont aussi tombés en non - usage.
Les provinces les plus voisines de l'Italie ont continué
de se régir par le droit romain; les autres provinces
sont régies par des coutumes générales &
particulieres. Voyez
Outre le droit romain & les coutumes, on se regle par les ordonnances, édits & déclarations de nos rois, & par la jurisprudence des arrêts.
Les premiers juges doivent toujours juger à la rigueur & suivant la lettre de la loi; il n'appartient qu'au roi, & aux cours souveraines dépositaires de son aurorité, d'interpreter les lois.
Les formalités de la justice ont été établies pour instruire la religion des juges; mais comme on abuse des meilleures choses, il arrive souvent que les plaideurs multiplient les procédures sans nécesfité.
Dans les pays où la justice se rend sans formalités, comme chez les Turcs, les juges peuvent souvent être surpris. La partie qui parle avec le plus d'assurance est ordinairoment celle qui a raison; il est aussi très - dangereux qu'un juge soit le maître du sort des hommes, sans craindre que personne puisse le réformer.
La justice se rendoit autrefois gratuitement dans
toutes sortes d'affaires; elle se rend encore de même
de la part des juges pour les affaires qui se jugent à
l'audience; mais par succession de tems on a permis
aux greffiers de se faire payer l'expédition du jugement;
on a aussi autorisé les juges à recevoir de
ceux qui gagnoient leur procès de menus présens de
dragées & de confitures, qu'on appelloit alors épices, & dans la suite ces épices ont été converties
en argent; les juges n'en prennent que dans les procès
par écrit; il y a aussi des cas où ils ont des
vacations. Voyez
Le surplus de ce qui concerne cette matiere se
trouvera aux mots
Justice d'apanage (Page 9:93)
Justice d'attribution (Page 9:93)
Justices bailliageres (Page 9:93)
En Lorraine on appelle justices bailliageres des justices seigneuriales qui ressortissent directement à la cour souveraine, sans passer par le degré des bailliages royaux, lesquels n'y connoissent que des cas royaux & privilégiés; il y a une vingtaine de prevôtés & autres justices seigneuriales qui sont bailliageres. Voyez les Mém. sur la Lorraine, pag. 76. (A)
Justice basse (Page 9:93)
On l'appelle aussi justice fonciere ou censiere ou censuelle, parce que le bas - justicier connoît des cens & rentes, & autres droits dûs au seigneur.
Le juge qui exerce la basse justice, connoît aussi de toutes matieres personnelles entre les sujets du seigneur jusqu'à la somme de 60 sols parisis.
Il connoît pareillement de la police, du dégât fait par les animaux, des injures légeres & autres délits, dont l'amende n'excede pas dix sols parisis.
Si le délit mérite une amende plus forte, le juge doit en avertir le haut - justicier, & en ce cas il prend sur l'amende qui est adjugée, six sols parisis.
Il peut faire arrêter dans son district tous les délinquans, & pour cet effet avoir sergent & prison; mais il doit aussi - tôt faire conduire le prisonnier au haut - justicier avec l'information, & ne peut pas décreter.
Il connoît des censives du seigneur & amende de cens non payé; il peut du consentement des parties saire faire mesurage & bornage entre elles.
Il peut demander au haut - justicier le renvoi des causes qui sont de sa compétence.
Dans quelques coutumes on distingue deux sortes de basses justices; l'une qui est générale ou personnelle pour connoître de toutes causes civiles & criminelles entre les sujets du seigneur, jusqu'à concurrence de ce qui vient d'être dit; l'autre qu'on appelle simplement jurisdiction basse, particuliere ou fonciere, qui ne regarde que la connoissance du fond qui reléve du sief ou de l'étroit fond, comme dit la coutume de Poitou, art. 18, c'est - à - dire des causes réelles qui regardent le fond du fief & droits qui en peuvent venir au seigneur, comme le payement des lods & ventes, la notification & exhibition des contrats & autres causes concernant son fief. Voyez Bouchart sur l'art. 18 de la coutume de Poitou.
L'appel de la basse - justice ressortit à la haute - justice. Voyez ci - après
Justice capitale (Page 9:93)
Justice de censier (Page 9:93)
Justice censiere (Page 9:93)
Justice censuelle, censiere (Page 9:94)
Justice civile (Page 9:94)
La justice >ile est ainsi appellée pour la distinguer
de la justice criminelle qui prend connoissance
des crimes & délits. Voyez
Justice commutative (Page 9:94)
C'est principalement dans les affaires d'intérêt, où cette justice s'observe, comme quand il s'agit du partage d'une succession ou d'une société, de payer la valeur d'une chose qui a été sournie, ou d'une somme qui est dûe, avec les fruits, arrérages, intérêts, frais & dépens, dommages & intérêts.
La justice commutative, est opposée à la justice distributive,
c'est - à - dire qu'elles ont chacune leur objet.
Voyez ci après
Justice contentieuse (Page 9:94)
Justice cottiere (Page 9:94)
Ces sortes de justices cottieres ne sont connues qu'en Artois, & quelques autres coutumes des Pays - Bas. Voyez l'annotateur de la coutume d'Artois, art. premier. (A)
Justice criminelle (Page 9:94)
On entend aussi quelquefois par - là l'ordre judiciaire
qui s'observe dans l'instruction des affaires
criminelles, ou les lois qui s'observent pour la punition
des crimes & délits. Voyez
Justice distributive (Page 9:94)
On entend aussi quelquefois par le terme de justice
distributive, l'administration de la justice qui est confiée
par le roi à ses juges ou à ceux des seigneurs.
Le roi ni son conseil ne s'occupent pas ordinairement
de la justice distributive, si ce n'est pour la manutention
de l'ordre établi pour la rendre; mais le
roi exerce seul la justice distributive, entant qu'elle a
pour objet de donner des récompenses; il laisse aux
juges le soin de punir les crimes, & ne se réserve
que le droit d'accorder grace aux criminels, lorsqu'il le juge à propos. Voyez
Justice domaniale (Page 9:94)
Enfin, on entend aussi quelquefois par justice domaniale, une justice royale atrachée à un domaine engagé, laquelle s'exerce tant au nom du roi, que du seigneur engagiste. On l'appelle cependant plus communément justice royale, parce qu'en effet, elle en conserve toûjours le caractere. (A)
Justice domestique, familiere (Page 9:94)
Justice ecclésiastique (Page 9:94)
Justice engagée (Page 9:94)
Justice extraordinaire (Page 9:94)
Justice extravagante (Page 9:94)
Justice familiere (Page 9:94)
Justice féodale (Page 9:94)
Justice fiscale (Page 9:94)
Justice fonciere (Page 9:94)
Ces sortes de justices n'ont lieu que dans les coûtumes où le fief emporte de droit une portion de la basse justice, comme en Artois & aux coûtumes des Pays - Bas, dans celles d'Anjou, Maine & Poitou.
Quelques - unes confondent absolument la basse justice avec la justice fonciere, comme celle de Bar - le - Duc.
Dans les pays de nantissement, il faut être nanti par les officiers de la justice fonciere pour acquérir droit de propriété ou d'hypotheque.
A Paris & dans toutes les coutume où le sies & la justice n'ont rien de commun, il n'y a point de justice foneiere autre que la basse justice. Cette matiere est [p. 95]
Justice très - fonciere (Page 9:95)
La coûtume de Vermandois parle bien du seigneur soncier, mais elle ne parle plus de justice foncicre. (A)
Justice en garde (Page 9:95)
Ce que l'on entend présentement par justice en garde, est une justice royale, qui n'est point actuellement remplie par le chef ordinaire, & qui est exercée par interim au nom de quelqu'autre magistrat. Par exemple, le procureur général du parlement est garde de la prévôté & vicomté de Paris le siége vacant, & pendant ce tems les sentences sont intitulées de son nom. (A)
Justice du glaive (Page 9:95)
Il ne faut pas s'imaginer que par le terme de glaive on entende en cet endroit le droit de vie & de mort, appellé en droit jus gladü; car aucune justice ecclésiastique n'a ce pouvoir on n'entend donc ici autre chose par le terme de glaive, que le glaive spirituel; c'est - à - dire le glaive de l'excommunication, par lequel ceux qui désobéissent à l'Eglise sont retranchés de la communion des fideles, le pouvoir des jurisdictions ecclésiastiques se bornant à infliger des peines spiritaelles telles que les censures. (A)
Justice grande (Page 9:95)
Justice haute (Page 9:95)
Justice hommagere (Page 9:95)
Ces sortes de justices ne sont usitées que dans quel<cb->
Justice inférieure (Page 9:95)
Justice sous latte (Page 9:95)
Justice manuelle (Page 9:95)
Justice militaire (Page 9:95)
Cette jurisdiction connoît de tous les délits militaires qui sont commis par les gendarmes, cavaliers, dragons, soldats.
Pour entendre de quelle maniere s'exerce la justice militaire tant dans les places qu'à l'armée, il faut observer ce qui suit.
Tout gouverneur ou commandant d'une place peut faire arréter & constituer prisonnier tout soldat prévenu de crime, de quelque corps & compagnie qu'il soit, en faisant avertir dans 24 heures de l'emprisonnement le capitaine ou officier commandant la compagnie dont est le soldat.
Il peut aussi faire arrêter les officiers qui seroient tombés en grieve faute, à la charge d'en donner aussitôt avis à S. M. pour recevoir ses ordres.
Les chefs & officiers des troupes peuvent aussi faire arrêter & emprisonner les soldats de leurs corps & compagnies qui auront commis quelque excès ou désordre; mais ils ne peuvent les élargir sans la permission du gouverneur, ou qu'ils n'ayent été jugés au conseil de guerre, si le cas le requiert.
Le sergent - major de la place, & en sa place celui qui en fait les fonctions, doit faire faire le procès aux soldats ainsi arrêtés.
Les juges ordinaires des lieux où les troupes tiennent garnison, connoissent de tous crimes & délits qui peuvent être commis dans ces lieux par les gens de guerre, de quelque qualité & nation qu'ils soient, lorsque les habitans des lieux ou autres sujets du roi y ont intérêt, nonobstant tous priviléges à ce contraires, sans que les officiers des troupes en puissent connoitre en aucune maniere. Les juges ordinaires sont seulement tenus d'appeller le prevôt des bandes ou du régiment, en cas qu'il y en ait, pour assister à l'instruction & au jugement de tout crime de soldat à habitant; & s'il n'y a point de prevôt, ils doivent appeller le sergent - major, ou l'aide - major, ou l'officier commandant le corps de la troupe.
Les officiers des troupes du roi connoissent seulement des crimes ou délits qui sout commis de soldat à soldat: ils ne peuvent cependant, sous prétexte qu'ils auroient droit de connoître de ces crimes, retirer ou faire retirer leurs soldats des prisons où ils auroient été mis de l'autorité des juges ordinaires, mais seulement requérir ces juges de les leur remettre; & en cas de refus, se pourvoir pardevers le roi.
Les chefs & officiers ne peuvent s'assembler pour tenir conseil de guerre ou autrement, sans la permission expresse du gouverneur ou commandant.
La forme que l'on doit observer pour tenir le
conseil de guerre a été expliquée ci - devant au mot
La justice militaire peut condamner à mort ou à d'autres peines plus légeres, selon la nature du dé<pb-> [p. 96]
Lorsque le condamné, après avoir subi quelque peine légere, a passé sous le drapeau, & est admis à rester dans le corps, le jugement rendu contre lui n'emporte point d'infamie.
La justice qui est exercée par le prevôt de l'armée sur les maraudeurs, & pour la police du camp, est aussi une justice militaire qui se rend sommairement.
On appelle aussi justice militaire, dans un sens figuré, une jurisdiction où la justice se rend sommairement & presque sans figure de procès, ou bien une exécution faite militairement & sans observer aucune formalité.
La plûpart des justices seigneuriales tirent leur origine de la justice ou commandement militaire. (A)
Justice moyenne (Page 9:96)
Justice municipale (Page 9:96)
Justice ordinaire (Page 9:96)
Justice - Pairie (Page 9:96)
Toutes ces justices - pairies ou à l'instar des pairies,
ne sont que des justices seigneuriales attachées à des
terres plus ou moins titrées. L'appel de leurs sentences
se releve directement au parlement. Voyez
Justice par yairs (Page 9:96)
Voyez aussi
Justice en pareage (Page 9:96)
On trouve de tels pariages faits entre des seigneurs particuliers. Il y a aussi des justices tenues en pariage avec le roi.
On peut citer pour exemple de ces justices tenues en pariage, celle du bourg d'Essoye, coûtume de Chaumont en Bassigny. Ce pariage fut fait en 1233 entre Thibault, comte de Champagne, au lieu duquel est présentement le roi, & l'abbaye de Molesme, ordre de Saint Benoît. La charte de Thibault porte que l'abbé & les religieux de Molesme l'associent lui & ses héritiers comtes de Champagne, à perpétuité dans toute la justice qu'ils ont à Essoye sur les hommes & les femmes; ils lui cedent la moitié des amendes & confiscations des abonnemens & tailles; que le prevôt commun leur prêtera serment. Ce pariage fut confirmé en 1329 par Philippe de Valois: il a encore présentement son effet; le prevôt d'Essoye est prevôt royal; les religieux le nomment conjointement avec le roi; leurs provisions sont sous le contre - scel de celles du roi.
On trouve un autre exemple d'une justice établie en pariage directement avec le roi; le titre est du mois de Février 1306, passé entre Philippe le Bel & Guillaume Durand, évêque de Mende. C'est le roi qui associe l'évêque dans toute la justice du Gevaudan & dans toutes les commises qui pourroient survenir. L'évêque associe ensuite le roi dans tous les droits de justice qu'il pouvoit avoir au même pays & dans les commises & confiscations; chacun réserve les fiefs & domaines dont il jouissoit; ils excluent toute prescription de l'un contre l'autre; enfin ils erigent une cour commune. Ce pariage a été confirmé par Philippe de Valois en 1344, par le roi Jean en 1350, Charles V. en 1367, 1369 & 1372, Charles VII. en 1437, Louis XI. en 1464, Charles VIII. en 1484, Charles IX. en 1574, Henri IV. en 1595, lequel entr'autres releve l'évêque de Mende de la prescription qui auroit pû courir pendant les troubles des regnes de ses prédécesseurs & des siens; par Louis XIV. en 1643, & par Louis XV. à présent regnant, en 1720.
Il intervint Arrêt au parlement de Toulouse en 1601 sur la requête de M. le procureur général, lequel, en ordonnant l'exécution d'arrêts précédens de 1495 & 1597, ordonna l'exécution du pariage.
Il fut aussi rendu un arrêt au conseil du roi en 1641 sur la requête des agens généraux du clergé de France, qui ordonna que tous les contrats de pareage ou pariage passés entre les rois & les ecclésiastiques, seront exécutés & fidelement entretenus; ce faisant, le roi releve lesdits ecclésiastiques de la prescription de 150 ans.
Voyez M. Guyot en ses observations sur le droit des
patrons, p. 131 & suiv. & ci après au mot
Justice patibulaire (Page 9:96)
Le haut - justicier a droit d'avoir une justice à deux piliers, le châtelain à trois, le baron à quatre, le comte à six.
Les dispositions des coutumes ne sont pourtant
pas absolument uniformes à ce sujet, ainsi cela dépend
de la coutume, & aussi des titres & de la possession.
Voyez les coutumes de Tours, art. 58, 64,
72 & 74. Lodunois, chap. iv, art. 3, & chap. v, art.
6. Anjou, art. 43. Voyez aussi au mot
Justice personnelle (Page 9:96)
On entend aussi quelquefois par justice personnelle celle qui a droit de suite sur les justiciables sans être restraintes aux personnes domiciliées dans un certain territoire; l'exercice de chaque justice n'a pas [p. 97]
Justice populaire (Page 9:97)
Justice de privilege (Page 9:97)
Justice reglée (Page 9:97)
Le terme de justice réglée, signifie aussi quelquefois les tribunaux ordinaires où les affaires s'instruisent avec toutes les formes de la procédure, à la différence des arbitrages & de certaines commissions du conseil où les affaires s'instruisent par de simples mémoires sans autre procédure. (A)
Justice de ressort (Page 9:97)
Justice du ressort, est celle qui est enclavée dans le ressort d'une autre justice supérieure, & qui y ressortit par appel. (A)
Justice royale (Page 9:97)
Il y a aussi des justices dans les apanages & dans
les terres engagées qui ne laissent pas d'être toujours
justices royales & de s'exercer au nom du roi, quoiqu'elles s'exercent aussi au nom de l'apanagiste ou
de l'engagiste. Voyez ci - devant
Justice à sang (Page 9:97)
Ce droit n'appartient communément qu'à la haute justice qui comprend en entier la justice criminelle qui peut infliger des peines jusqu'à effusion de sang.
Il y a néanmoins quelques coutumes telles que
celles d'Anjou, du Maine & de Tours, où la moyenne
justice est appellée justice à sang; ces termes y
sont synonymes de moyenne justice, parce qu'elles
attribuent au moyen - justicier la connoissance du
sang, aussi donnent - elles à ce juge le droit d'avoir
des fourches patibulaires. Voyez ci - après
Justice du sang (Page 9:97)
Les coutumes de Picardie & de Flandre attribuent au moyen - justicier la connoissance du sang & da larron.
On entend par justice de sang la connoissance des battures ou batteries & rixes qui vont jusqu'à effusion de sang, & se font de poing garni de quelque arme ossensive, pourvû que ce soit de chaude colere, comme l'interprete la coutume de Senlis, art. 110, c'est - à - dire dans le premier mouvement & non pas de guet - à - pens.
La justice du larron, est la connoissance du simple larcin non qualifié & capital.
Ces deux sortes de délits le sang & le larron ont été désignés comme étant plus fréquens que les autres.
Loyseau en son traité des Seigneuries, chap. 10, n. 26, dit que suivant le droit commun de la France, le moyen justicier n'a pas la connoissance du sang & du larron; & en effet Quenois en sa conférence des coutumes rapporte un arrêt du 14 Novembre 1551, qui jugea que depuis qu'en batterie il y a effusion de sang, c'est un cas de haute justice. (A)
Justice séculiere (Page 9:97)
Justice de Seigneur (Page 9:97)
Justice seigneuriale (Page 9:97)
Les justices seigneuriales sont aussi appellées justice subalternes, parce qu'elles sont inférieures aux justices royales.
On leur donne le surnom de seigneuriales ou subalternes pour les distinguer des justices royales, municipales & ecclésiastiques.
Quelques - uns prétendent faire remonter l'origine des justices seigneuriales jusqu'aux Germains, suivant ce que dit Jules César, liv. VI. de bello gallico; principes regionum atque pagorum jus inter suos dicunt controversiasque minuunt; mais par ce terme principes pagorum, il ne faut pas entendre des seigneurs de village & bourgs, c'étoient des officiers élus par le peuple de ces lieux, pour lui commander en paix & en guerre, de sorte que ces justices étoient plutôt municipales que seigneuriales.
D'autres entre lesquels même on compte M
D'autres moins hardis se contentent de rapporter l'origine des justices seigneuriales à l'établissement des fiefs, lequel comme on sait ne remonte gueres qu'au commencement de la premiere race des rois ou au plutôt vers la fin de la seconde. Les comtes & autres officiers inférieurs dont les bénéfices n'étoient qu'à vie s'emparerent alors de la justice en propriété de même que des terres de leur gouvernement.
Il y a même lieu de croire que l'institution des justices seigneuriales, du moins pour les simples justices qui n'ont aucun titre de dignité, est plus ancienne que les fiefs tels qu'ils se formerent dans le tems dont on vient de parler, & que ces justices sont presque aussi anciennes que l'établissement de la monarchie, qu'elles tirent leur origine du commandement militaire que les possesseurs des bénéfices avoient sur leurs hommes qu'ils menoient à la guerre; ce commandement entraîna depuis la jurisdiction civile sur ceux qui étoient soumis à leur conduite. Le roi commandoit directement aux comtes, marquis & ducs, aux évêques, abbés & abbesses que l'on comprenoit sous les noms de druds, leudes ou fidéles; il exerçoit sur eux tous actes de jurisdiction; ceux - ci de leur part faisoient la même chose envers leurs vassaux, appellés vassi dominici, vassi comitum, episcoporum, abbatum, abbatissarum; ces vassaux étoient comme les pairs & les assesseurs des comtes & autres grands qui rendoient avec eux la justice, ils tenoient eux - mêmes du roi des bénéfices pour lesquels ils faisoient hommage au comte ou autre qui étoit leur supérieur & dans l'étendue de leur bénéfice, & avoient droit de jurisdiction, mais leur pouvoir étoit moins grand que celui des comtes.
Ces vassaux avoient sous eux d'autres vassaux d'un ordre inférieur, delà vint sans doute la distinction des justices royales & des justices seigneuriales & des différens degrés de jurisdiction.
Les leudes, comtes & ducs avoient tous au nom du roi l'exercice entier de la justice, appellée chez les Romains merum imperium, & parmi nous haute justice; mais il n'en fut pas de même des justices exercées par leurs vassaux & arriere - vassaux: on distingua dans ces justices trois degrés de pouvoir plus ou moins étendus, savoir la haute, la moyenne & la basse justice, & les seigneurs inférieurs aux leudes, comtes & ducs n'acquirent pas tous le même degré de jurisdiction; les uns eurent la haute justice, d'autres la haute & la moyenne, d'autres la moyenne seulement, d'autres enfin n'eurent que la basse justice; cette différence entre les vassaux ou seigneurs exerçans la justice du degré plus ou moins éminent qu'ils avoient dans le commandement militaire.
Quoi qu'il en soit, l'idée de ces trois sortes de justices seigneuriales fut empruntée des Romains, chez lesquels il y avoit pareillement trois degrés de jurisdiction, savoir le merum imperium ou jus gladii qui revient à la haute justice; le mixtum imperium que l'on interprête par moyenne justice, & le droit de justice appellé simplex jurisdictio qui revient à peu près à la basse justice.
Il ne faut cependant pas mesurer le pouvoir de ces trois sortes de justices seigneuriales sur les trois degrés de jurisdiction que l'on distinguoit chez les Romains; car le magistrat qui avoit le merum imperium, connoissoit de toutes sortes d'affaires civiles & criminelles, & même sans appel; au lieu que
Le juge du seigneur haut - justicier connoît en matiere civile de toutes causes, de celles personnelles & mixtes entre ses sujets, ou lorsque le défendeur est son sujet.
Il a droit de créer & donner des tuteurs & curateurs, gardiens, d'émanciper, d'apposer les scellés, de faire inventaire, de faire les decrets des biens situés dans son détroit.
Il connoît des causes d'entre le seigneur & ses sujets, pour ce qui concerne les domaines, droits, & revenus ordinaires & casuels de la seigneurie, même les baux de ces biens & droits. Mais il ne peut connoître des autres causes où le seigneur a intérêt, comme pour billets & obligations, ou réparation d'injures.
Il y a encore d'autres causes dont le juge haut justicier ne peut connoître, & qui sont reservées au juge royal; telles sont celles qui concernent le domaine du roi, ou dans lesquelles le roi a intérêt, celles qui regardent les officiers royaux, & de ceux qui ont droit de committimus, lorsqu'ils veulent s'en servir, celles des églises cathédrales, & autres privilégiées & de fondation royale.
Il ne peut pareillement connoître des dixmes, àmoins qu'elles ne soient inféodées & tenues en fief du seigneur haut - justicier; le juge royal a même la prévention.
Il ne peut encore connoître des fiefs, soit entre nobles ou entre roturiers, ni des complaintes en matiere bénéficiale.
Anciennement il ne pouvoit pas connoître des causes des nobles, mais la derniere jurisprudence paroît les autoriser.
Suivant l'ordonnance de 1667, titre 17. les jugemens définitifs donnés dans les matieres sommaires, dans les justices des duchés, pairies & autres, ressortissent sans moyen au parlement, nonobstant opposition ou appellation, & sans y préjudicier, quand les condamnations ne sont que de quarante livres, & pour les autres justices qui ne ressortissent pas nuement au parlement, quand la condamnation n'est que de 25 livres.
En matiere criminelle, le juge du seigneur haut justicier connoît de toutes sortes de délits commis dans sa justice, pourvû que ce soit par des gens domiciliés, & non par des vagabonds, & à l'exception des cas royaux, tels que le crime de lese - majesté, fausse monnoie, assemblées illicites, vols, & assassinats sur les grands chemins, & autres crimes exceptés par l'ordonnance de 1670.
Il peut condamner à toutes sortes de peines afflictives, même à mort; & en conséquence, il doit avoir des prisons sûres & un geolier, & il a droit d'avoir des fourches patibulaires, piloris, échelles & poteaux à mettre carcan; mais les sentences qui condamnent à peine afflictive, ne peuvent être mises à exécution, soit que l'accusé s'en plaigne ou non, qu'elles n'ayent été confirmées par le parlement.
L'appel des sentences du haut justicier en matiere civile, doit être porté devant le juge de seigneur supérieur, s'il en a un, sinon au bailliage royal; les appels comme de juge incompétent & deni de renvoi, & ceux des jugemens en matiere criminelle, sont portés au parlement omisso medio.
Le juge haut - justicier exerce aussi la police & la voirie.
Le seigneur haut - justicier jouit à cause de sa justice de plusieurs droits, savoir de la confiscation des meubles & immeubles qui sont en sa justice, excepté pour les crimes de lese - majesté & de faussemonnoie; il a pareillement les deshérences & biens [p. 99]
La moyenne justice connoît comme la haute de toutes les causes réelles, personnelles & mixtes, & des droits & devoirs dûs au seigneur, avec pouvoir de condamner les sujets en l'amende portée par la coutume; mais on ne peut pas y faire d'adjudication par decret.
Flle a la police des chemins & voiries publiques, & l'inspection des poids & mesures; elle peut faire mesurage & bornage, faire élire des messiers, condamner en l'amende dûe pour le cens non payé.
A l'égard des matieres criminelles, les coutumes ne sont pas uniformes par rapport au pouvoir qu'elles donnent au moyen - justicier.
Plusieurs coutumes lui donnent seulement le pouvoir de connoitre des délits légers dont l'amende n'excede pas 60 sols parisis; il peut néanmoins faire prendre tous délinquans qui se trouvent dans son territoire, les emprisonner, informer, tenir le prisonnier l'espace de 24 heures; après quoi si le crime mérite plus grieve punition que 60 sols parisis d'amende, il doit faire conduire le prisonnier dans les prisons du haut - justicier, & y faire porter le procès pour y être pourvû.
D'autres coutumes, telles que celles de Picardie & de Flandres, attribuent au moyen - justicier la connoissance des batteries qui vont jusqu'à effusion de sang, pourvû que ce ne soit pas de guet - à - pens, & la punition du larcin non capital.
D'autres encore attribuent au moyen - justicier la connoissance de tous les délits qui n'emportent pas peine de mort, ni mutilation de membres.
Enfin, celles d'Anjou, Touraine & Maine, lui attribuent la connoissance du larcin, même capital, & de l'homicide, pourvû que ce ne soit pas de guet - à - pens.
Ces différences proviennent ou des concessions plus ou moins étendues, faites soit par le roi, ou par les seigneurs dont les petites justices relevoient immédiatement, ou de ce que les seigneurs inférieurs ont été plus ou moins entreprenans, & de la possession qu'ils ont acquise.
La basse justice qu'on appelle aussi en quelques endroits justice fonciere, ou censuelle, connoît des droits dûs aux seigneurs, tels que cens & rentes, & de l'amende, du cens non payé, exhibition de contrats, lods & ventes.
Elle connoît aussi de toutes matieres personnelles entre les sujets du seigneur jusqu'à 50 sols parisis.
Elle exerce la police dans son territoire, & connoît des dégats commis par des animaux, des injures légeres, & autres délits, dont l'amende ne pourroit être que dix sols parisis & au - dessous.
Lorsque le délit requiert une amende plus forte, le bas - justicier doit en avertir le haut - justicier; auquel cas le premier prend sur l'amende qui est adjugée par le haut - justicier la somme de six s. parisis.
Le juge bas - justicier peut faire arrêter tous les délinquans; & pour cet effet, il doit avoir sergent & prison, à la charge aussi - tôt après la capture, de faire mener le prisonnier au haut - justicier avec l'information, sans pouvoir decréter.
Le bas justicier peut faire mesurage & bornage entre ses sujets de leur consentement.
En quelques pays il y a deux sortes de basse<-> justice; l'une fonciere ou censuelle, qui est attachée de droit à tout fief, & qui ne connoît que des droits du seigneur; l'autre personnelle, qui connoît de toutes les matieres dont la connoissance appartient communément aux bas - justiciers.
L'origine de la plûpart des justices seigneuriales est si ancienne, que la plûpart des seigneurs n'ont point le titre primitif de concession, soit que leur justice soit dérivée du commandement militaire qu'avoient leurs prédécesseurs, soit que ceux - ci l'ayent usurpée dans des tems de trouble & de révolution.
Quoi qu'il en soit des justices qui sont établies, elles sont toutes censées émanées du roi, & lui seul peut en concéder de nouvelles, ou les réunir ou démembrer; lui seul pareillement peut y créér de nouveaux offices.
Les justices seigneuriales sont devenues patrimoniales en même tems que les bénéfices ont été transformés en fiefs, & rendus héréditaires.
Une même justice peut s'étendre sur plusieurs fiefs qui n'appartiennent pas à celui qui a la justice, mais il n'y a point de justice seigneuriale qui ne soit attachée à un fief, & elle nepeut être vendue ni aliénée sans ce fief.
Anciennement les seigneurs rendoient eux - mêmes la justice; cela étoit encore commun vers le milieu du xij. siecle. Les abbés la rendoient aussi en personne avec leurs religieux; c'est pourquoi ils ne connoissoient pas des grands crimes, tels que le duel, l'adultere, l'incendie, trahison, & homicide; mais depuis on a obligé tous les seigneurs de commettre des juges pour rendre la justice en leur nom.
Il n'est pas nécessaire que les juges de seigneurs soient gradués, il suffit qu'ils ayent d'ailleurs les autres qualités nécessaires.
Ces juges sont commis par le seigneur, & prêtent serment entre ses mains; ils sont révocables ad nutum, mais ils ne peuvent être destitués comme elogio, sans cause légitime; & s'ils ont été pourvûs à titre onéreux, ou pour récompense de services réels, ils doivent être indemnisés.
Dans les simples justices non qualifiées il n'y a ordinairement qu'un seul juge; il ne peut pas avoir de lieutenant, que le seigneur ne soit autorisé par lettres - patentes à en commettre un.
En l'absence du juge c'est le plus ancien praticien qui tient le siége.
Dans les affaires criminelles les juges de seigneurs sont obligés d'appeller deux gradués pour juger conjointement avec eux; s'il y a deux juges officiers du siége, il suffit d'appeller un gradué.
Le seigneur plaide dans la justice par le ministere de son procureur - fiscal ou procureur d'office, lequel fait aussi toutes les fonctions du ministere public dans les autres affaires civiles & criminelles; mais sur l'appel des sentences où le seigneur est intéressé, c'est le seigneur lui - même qui plaide en son nom.
Les juges de seigneurs ont un sceau pour sceller leurs sentences; ils ont aussi des sergens pour les mettre à exécution, & pour faire les autres exploits de justice.
Les seigneurs même hauts justiciers, n'ont pas tous droits de notariat & tabellionage, cela dépend des titres ou de la possession ou de la coutume.
Les justices des duchés & comtés - pairies, & autres grandes terres titrées, ne sont que des justices seigneuriales, de même que les simples justices. Les pairies ont seulement la prérogative de ressortir nuement au parlement; les juges de ces justices pairies prennent le titre de lieutenant général, & en quelques endroits ils ont un lieutenant particulier.
Dans les châtellenies les juges sont nommés châtelains, dans les simples justices, prevôts ou baillifs;
dans les basses justices, ils ne doivent avoir que le
titre de maire, mais tout cela dépend beaucoup de
l'usage. Voyez Loiseau, des seigneuries, chap. iv. &
suiv. Bacquet, des droits de justice, &
Justice sommaire (Page 9:100)
En France la justice des bas - justiciers est sommaire dans son objet & dans sa forme.
L'article 153. de l'ordonnance de Blois, veut que tous juges soient tenus d'expédier sommairement & sur le champ les causes personnelles non excédentes la valeur de trois écus un tiers, sans appointer les parties à écrire ni à informer.
Les jurisdictions des maîtrises particulieres, connétablies, élections, greniers à sel, traites foraines, conservations des priviléges des foires, les consuls, les justices & maisons - de - ville, & autres jurisdictions inférieures, sont toutes justices sommaires: 24 heures après l'échéance de l'assignation, les parties peuvent être ouies en l'audience, & jugées sur le champ, sans qu'elles soient obligées de se servir du ministere des procureurs. Voyez l'ordonnance de 1667, tit. 14. article 14. & 15.
Dans tous les tribunaux les matieres sommaires,
c'est - à - dire légeres, se jugent aussi plus sommairement
que les autres. Voyez
Justice souveraine (Page 9:100)
Justice subalterne (Page 9:100)
Justice supérieure (Page 9:100)
Justice temporelle (Page 9:100)
Ces sortes de justices temporelles sont exercées par des officiers séculiers, & ne connoissent point des matieres ecclésiastiques, mais seulement des affaires de la même nature que celles dont connoissent les justices seigneuriales appartenantes à des seigneurs laics.
On ne suit pas en France le chapitre quod clericis extra de foro competenti, qui veut que dans ces jurisdictions temporelles on juge les causes suivant le droit canon, à l'exclusion des coutumes des lieux; on y suit au contraire les ordonnances de nos rois & les coutumes des lieux.
L'appel des sentences de ces sortes de jurisdictions se releve pardevant les juges royaux, de même qu'il s'observe pour les autres justices seigneuriales, à quoi est conforme le chap. si duobus >. ult. extra de appellationibus; quoique le contraire soit pratiqué
Justice vicomtiere (Page 9:100)
Elle a été ainsi appellée, parce que les vicomtes dans leur premiere institution n'avoient que la moyenne justice.
Il appartient à la justice vicomtiere de connoître de toutes actions pures, personnelles, civiles; le vicomtier peut aussi donner poids & mesures, tuteurs & curateurs, faire inventaire; il a la police & la voirie. Voyez l'annotateur de la coutume d'Artois, sur l'article 5. & art. 16. les anciennes coutumes de Beauquesne, art. 1. 2. 3. & 4. Montreuil, art. 18. 19. 21. 29. 40. 41. Amiens, 114. S. Riquier, art. 5. Saint Omer, art. 10.
En Normandie, les vicomtes sont les juges des roturiers.
Voyez
Justice de ville (Page 9:100)
Justice volontaire (Page 9:100)
Justice (Page 9:100)
Lorsqu'en 1665, on mit fin aux poursuites de la chambre de justice, en accordant une abolition aux coupables, il ne leur en coûta que le payement de quelques taxes. Néanmoins on découvrit pour 384 millions 782 mille 512 livres de fausses ordonnances du comptant; mais la faveur, les requêtes, les importunités étayées par de l'argent, effacerent le delit, & l'effaceront toûjours.
D'ailleurs l'établissement des chambres de justice peut devenir dangereux lorsqu'il n'est pas utile, & les circonstances en ont presque toûjours énervé l'utilité: le luxe que produit cette énorme inégalité des fortunes rapides, la cupidité que ce luxe vicieux allume dans les coeurs, présentent à la fois des motifs pour créer des chambres de justice, & des causes qui en font perdre tout le fruit. Les partisans abusent du malheur public, au point qu'ils se trouvent à la fin créanciers de l'état pour des sommes immenses, sur des titres tantôt surpris, tantôt chimériques, ou en vertu de traités dont la lésion est manifeste; mais la corruption des hommes est telle, que jamais ces sortes de gens n'ont plus d'amis & de protecteurs que dans les tems de nécessités, & pour lors il n'est pas possible aux ministres de fermer l'oreille à toutes les especes de sollicitations.
Cependant il importeroit beaucoup d'abolir une fois efficacement les profits excessifs de ceux qui manient les finances; parce qu'outre que de si grands profits, dit l'édit du roi de 1716, sont les dépouilles des provinces, la substance des peuples, & le pa<pb-> [p. 101]
En effet, tout luxe dans ce royaume procédant de cette cause, loin d'exciter l'émulation & l'industrie entre les citoyens, ne fait que les arracher aux autres professions qu'ils pourroient embrasser, & les corrompre perpétuellement. Il leur inspire une avidité d'autant plus funeste, qu'en devenant générale, elle se dérobe pour ainsi dire, à la honte. Les meilleures maisons ruinées par les efforts insensés qu'elles font, pour atteindre le faste des financiers, n'ont plus de ressources que dans des alliances honteuses avec eux, & très - dangereuses par le puissant crédit qu'elles portent dans ces sortes de familles. (D. J.)
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