ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"919"> bat singulier, dit que l'un des combattans tomba, rit, & inourut. Le roi Regner Lodbrog, prêt à mourir de ses blessures s'écrie, nous nous sommes détruits à coups d'épées; mais je suis plein de joie en pensant que le festin se prépare dans le palais d'Odin. Nous boirons de la biere dans les crânes de nos ennemis: un homme brave ne redoute point la mort; je ne prononcerai point des paroles d'effroi en entrant dans la salle d'Odin. Enfin, l'histoire de ces peuples est remplie de traits qui prouvent le mépris de la vie & une joie sincere aux approches de la mort; au contraire ils se lamentoient dans les maladies, par la crainte d'une fin honteuse & misérable; & souvent les malades se faisoient porter dans la mêlée pour y mourir d'une façon plus glorieuse, & les armes à la main.

Il n'est point surprenant que la religion d'une nation si intrépide fût barbare & sanguinaire. L'histoire nous apprend que les peuples du Danemarck s'assembloient tous les neuf ans au mois de Janvier en Sélande dans un endroit appellé Lethra: là ils immoloient aux dieux 99 hommes, & autant de chevaux, de chiens, & de coqs. Les prêtres de ces dieux inhumains, issus d'une famille qu'on appelloit la race de Bor, étoient chargés d'immoler les victimes. Dans un tems de calamité les Suédois sacrifierent un de leurs rois, comme le plus haut prix dont ils pussent rachetter la faveur du ciel.

Ces peuples avoient leurs oracles, leurs devins, & leurs magiciens, qu'ils consultoient dans de certaines occasions. Odin étoit regardé comme le pere de la Magie & l'inventeur des caracteres runiques. Voyez Runiques.

Chez un peuple si intrépide le gouvernement absolu étoit ignoré, l'on y étoit fortement attaché à la liberté qui a toûjours été le partage des pays du Nord, tandis que l'asservissement a été celui des peuples énervés du Midi. Les nations du Nord avoient des lois dont plusieurs sont parvenues jusqu'à nous; elles étoient très - séveres contre ceux qui fuyoient dans les combats; ils étoient déclarés infâmes, exclus de la société, & même étouffés dans un bourbier.

Leurs idées de la justice étoient conformes aux maximes que l'on a vûes, & ils croyo ent que les dieux se rangent du côté des plus forts. Une de leurs lois portoit, on décidera par le fer les démêlés, car il est plus beau de se servir de son bras que d'invectives dans les différends. Fondés sur cette maxime, ils se battoient dans toutes les occasions où nous plaidons actuellement: il paroît que c'est de ces peuples qu'est venu l'usage du combat judiciaire. C'étoit aussi d'après ces principes, qu'ils alloient faire des incursions & des pirateries chez tous leurs voisins: à la faveur de ces irruptions ils ont conquis plusieurs royaumes, & pillé un grand nombre de provinces. La piraterie étoit une ressource nécessaire à des hommes qui avoient un profond mépris pour les Arts & pour l'Agriculture.

Les peuples du Nord, malgré leur ardeur guerriere & la rigueur de leur climat, n'étoient point insensibles à l'amour; ils avoient une très - grande vénération pour les femmes; ils ne se marioient que tard, parce qu'ils ne vouloient épouser leurs maîtresses qu'après les avoir méritées. Une beauté norwégienne refusa de partager le lit d'un monarque, avant qu'il eût terminé une expédition périlleuse qu'il avoit commencée.

Le roi Regner Lodbrog essuya de semblables refus d'une simple bergere à qui il avoit présenté ses voeux & sa couronne. Aslanga, c'étoit le nom de la bergere, ne se rendit à ses desirs, qu'après qu'il fut revenu victorieux de son entreprise. Les femmes de ces guerriers méritoient bien d'être acquises à un très - haut prix; elles excitoient les hom<cb-> mes aux grandes choses, & elles étoient renommées par leur chasteté & leur fidélité. Suivant Tacite, chez elles on ne rioit point des vices, & l'on ne se justifioit point de ses intrigues amoureuses, sous prétexte de la mode. Voyez l'Introduction à l'histoire de Danemarck, par M. Mallet. ( - )

ISLE (Page 8:919)

ISLE, s. f. (Géog. & Phys.) étendue de terre environnée d'eau.

Il est probable que plusieurs des îles que nous connoissons, ont été séparées du continent par quelque tremblement de terre. On connoît les vers de Virgile sur la Sicile: on peut voir aussi la dissertation de M. Desmarest sur l'ancienne jonction de l'Angleterre au continent. Voyez Terre, Mer, Terraqué, Géographie , &c.

Les îles nouvelles, dit M. de Buffon, dans son histoire naturelle, se forment de deux façons, ou subitement par l'action des feux souterrains ou lentement par le dépôt du limon des eaux. Nous parlerons d'abord de celles qui doivent leur origine à la premiere de ces deux causes. Les anciens historiens & les voyageurs modernes, rapportent à ce sujet des faits, de la vérité desquels on ne peut guere douter. Séneque assûre que de son tems l'île de Thérasie, aujourd'hui Santorin, parut tout - d'un - coup à la vûe des mariniers. Pline rapporte qu'autrefois il y eut treize îles dans la mer Méditerranée qui sortirent en même tems du fond des eaux, & que Rhodes & Délos sont les principales de ces treize îles nouvelles; mais il paroît par ce qu'il en dit, & par ce qu'en disent aussi Ammian Marcellin, Philon, &c. que ces treize îles n'ont pas été produites par un tremblement de terre, ni par une explosion souterraine. Elles étoient auparavant cachées sous les eaux, & la mer en s'abaissant a laissé, disent - ils, ces îles à découvert; Délos avoit même le nom de Pelagia, comme ayant autrefois appartenu à la mer. Nous ne savons donc pas si l'on doit attribuer l'origine de ces treize îles nouvelles à l'action des feux soûterrains, ou à quelqu'autre cause, qui auroit produit un abaissement & une diminution des eaux dans la mer Méditerranée; mais Pline rapporte que l'île d'Hiera, près de Thérasie, a été formée de masses ferrugineuses & de terres lancées du fond de la mer; & dans le chap. lxxxix. il parle de plusieurs autres îles formées de la même façon; nous avons sur tout cela des faits plus certains & plus nouveaux.

Le 23 Mai 1707, au lever du soleil, on vit de cette même île de Thérasie ou de Santorin, à deux ou trois milles en mer, comme un rocher flottant; quelques gens curieux y allerent & trouverent que cet écueil, qui étoit sorti du fond de la mer, augmentoit sous leurs piés; & ils en rapporterent de la pierre - ponce & des huîtres que le rocher qui s'étoit élevé du fond de la mer, tenoit encore attachées à sa surface. Il y avoit eu un petit tremblement de terre à Santorin deux jours auparavant la naissance de cet écueil: cette nouvelle île augmenta considérablement jusqu'au 14 Juin sans accident, & elle avoit alors un demi mille de tour, & 20 à 30 piés de hauteur. La terre étoit blanche & tenoit un peu de l'argile; mais après cela la mer se troubla de plus en plus; il s'en éleva des vapeurs qui infectoient l'île de Santorin, & le 16 Juillet on vit 17 ou 18 rochers sortir à - la - fois du fond de la mer, ils se réunirent. Tout cela se fit avec un bruit affreux qui cortinua plus de deux mois, & des flammes qui s'élevoient de la nouvelle île; elle augmentoit toûjours en circuit & en hauteur, & les explosions lançoient toûjours des rochers & des pierres à plus de sept milles de distance. L'île de Santorin elle - même, a passé chez les anciens pour une production nouvelle; & en 726, 1427, & 1573, elle areçu des ac<pb-> [p. 920] croissemens, & il s'est formé de petites îles auprès de Santorin. Voyez l'hist. de l'acad. 1708, pag. 23. & suiv. Le même volcan, qui du tems de Séneque a formé l'ile de Santorin, a produit du tems de Pline, celle d'Hiera ou de Volcanelle, & de nos jours a formé l'écueil dont nous venons de parler.

Le 10 Octobre 1720, on vit auprès de l'île de Tercere un feu assez considérable s'élever de la mer; des navigateurs s'en étant approchés par ordre du gouverneur, ils apperçurent le 19 du même mois une île qui n'étoit que feu & fumée, avec une prodigieuse quantité de cendres jettées au loin, comme par la force d'un volcan, avec un bruit pareil à celui du tonnerre. Il se fit en même tems un tremblement de terre qui se fit sentir dans les lieux circonvoisins, & on remarqua sur la mer une grande quantité de pierres - ponces, sur - tout autour de la nouvelle île; ces pierres - ponces voyagent, & on en a quelquefois trouvé une grande quantité dans le milieu même des grandes mers. Voyez Trans. phil. abr. vol. VI. part. II. pag. 154. L'Histoire de l'académie, année 1721, dit à l'occasion de cet évenement, qu'après un tremblement de terre dans l'île de Saint - Michel, l'une des Açores, il a paru à 28 lieues au large, entre cette île & la Tercere, un torrent de feu qui a donné naissance à deux nouveaux écueils. Page 26, dans le volume de l'année suivante 1722, on trouve le détail qui suit.

« M. de l'Isle a fait savoir à l'académie plusieurs particularités de la nouvelle île entre les Açores, dont nous n'avions dit qu'un mot en 1721 page 26; il les avoit tirées d'une lettre de M. de Montagnac, consul à Lisbonne.

Un vaisseau où il étoit, mouilla le 18 Septembre 1721 devant la forteresse de la ville de Saint - Michel, qui est dans l'île du même nom; & voici ce qu'on apprit d'un pilote du port.

La nuit du sept au huit Décembre 1720, il y eut un grand tremblement de terre dans la Tercere & dans Saint - Michel, distantes l'une de l'autre de 28 lieues, & l'île neuve sortit: on remarqua en même tems que la pointe de l'île de Pic, qui en étoit à 30 lieues, & qui auparavant jettoit du feu, s'étoit affaissée & n'en jettoit plus; mais l'île neuve jettoit continuellement une grosse fumée, & effectivement elle fut vûe du vaisseau où étoit M. de Montagnac, tant qu'il en fut à portée. Le pilote assura qu'il avoit fait dans une chaloupe le tour de l'île, en l'approchant le plus qu'il avoit pû. Du côté du sud il jetta la sonde & fila 60 brasses sans trouver fond; du côté de l'ouest il trouva les eaux fort changées; elles étoient d'un blanc bleu & verd, qui sembloit du bas fond, & qui s'étendoit à deux tiers de lieue; elles paroissoient vouloir bouillir: au nord - ouest, qui étoit l'endroit d'où sortoit la fumée, il trouva 15 brasses d'eau fond de gros sable; il jetta une pierre à la mer, & il vit à l'endroit où elle étoit tombée, l'eau bouillir & sauter en l'air avec impétuosité. Le fond étoit si chaud, qu'il fondit deux fois de suite le suif qui étoit au bout du plomb. Le pilote observa encore de ce côté - là que la fumée sortoit d'un petit lac borné d'une dune de sable: l'île est à peu - près ronde & assez haute pour être apperçûe de sept à huit lieues dans un tems clair.

On a appris depuis par une lettre de M. Adrien, consul de la nation françoise dans l'île de Saint - Michel, en date du mois de Mars 1722, que l'île neuve avoit considérablement diminué, & qu'elle étoit presque à fleur d'eau; de sorte qu'il n'y avoit pas d'apparence qu'elle subsistât encore long - tems, page 12».

On est donc assuré par ces faits & par un grand nombre d'autres semblables à ceux - ci, qu'au - des<cb-> sous même des eaux de la mer les matieres inflammables renfermées dans le sein de la terre, agissent & font des explosions violentes. Les lieux où cela arrive, sont des especes de volcans qu'on pourroit appeller soûmarins, lesquels ne different des volcans ordinaires, que par le peu de durée de leur action, & le peu de fréquence de leurs effets; car on conçoit bien que le feu s'étant une fois ouvert un passage, l'eau y doit pénétrer & l'éteindre. L'île nouvelle laisse nécessairement un vuide que l'eau doit remplir, & cette nouvelle terre, qui n'est composée que des matieres rejettées par le volcan marin, doit ressembler en tout au monte di Cenere, & aux autres éminences que les volcans terrestres ont formées en plusieurs endroits. Or dans le tems du déplacement causé par la violence de l'explosion, & pendant ce mouvement, l'eau aura pénétré dans la plûpart des endroits vuides, & elle aura éteint pour un tems ce feu soûterrain. C'est apparemment par cette raison que ces volcans soûmarins agissent plus rarement que les volcans ordinaires, quoique les causes de tous les deux soient les mêmes, & que les matieres qui produisent & nourrissent ces feux soûterrains, puissent se trouver sous les terres recouvertes par la mer en aussi grande quantité que sous les terres qui sont à découvert.

Ce sont ces mêmes feux soûterrains ou soûmarins, qui sont la cause de toutes ces ébullitions des eaux de la mer, que les voyageurs ont remarquées en plusieurs endroits, & des trombes dont nous avons parlé; ils produisent aussi des orages & des tremblemens qui ne sont pas moins sensibles sur la mer que sur la terre. Ces îles qui ont été formées par ces volcans soûmarins, sont ordinairement composées de pierres - ponces & de rochers calcinés; & ces volcans produisent, comme ceux de la terre, des tremblemens & des commotions très - violentes.

On a aussi vû souvent des feux s'élever de la surface des eaux; Pline nous dit que le lac de Thrasimene a paru enflammé sur toute sa surface. Agricola rapporte que lorsqu'on jette une pierre dans le lac de Denstad en Thuringe, il semble lorsqu'elle descend dans l'eau, que ce soit un trait de feu.

Enfin, la quantité de pierres - ponces que les voyageurs nous assurent avoir rencontrées dans plusieurs endroits de l'océan & de la méditerranée, prouve qu'il y a au fond de la mer des volcans semblables à ceux que nous connoissons, & qui ne different ni par les matieres qu'ils rejettent, ni par la violence des explosions, mais seulement par la rareté & par le peu de continuité de leurs effets; tout, jusqu'aux volcans, se trouve au fond des mers, comme à la surface de la terre.

Si même on y fait attention, on trouvera plusieurs rapports entre les volcans de terre & les volcans de mer: les uns & les autres ne se trouvent que dans les sommets des montagnes. Les iles des Açores & celles de l'Archipel, ne sont que des pointes de montagnes, dont les unes s'élevent au - dessus de l'eau, & les autres sont au - dessous. On voit par la relation de la nouvelle île des Açores, que l'endroit d'où sortoit la fumée, n'étoit qu'à 15 brasses de profondeur sous l'eau; ce qui étant comparé avec les profondeurs ordinaires de l'Océan, prouve que cet endroit même est un sommet de montagne. On en peut dire tout autant du terrein de la nouvelle île auprès de Santorin; il n'étoit pas à une grande profondeur sous les eaux, puisqu'il y avoit des huîtres attachées aux rochers qui s'éleverent. Il paroît aussi que ces volcans de mer ont quelquefois comme ceux de terre, des communications soûterraines, puisque le sommet du volcan du pic de Saint - Georges, dans l'île de Pic, s'abaissa lorsque la nouvelle île des Açores s'éleva. On doit encore observer que ces nou<pb->

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