ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"917"> un lieu nommé muspelheim; c'est un monde lumineux, ardent, inhabitable aux étrangers, situé à l'extrémité de la terre; Surtur le noir y tient son empire; dans ses mains brille une épée flamboyante; il viendra à la fin du monde; il vaincra tous les dieux, & livrera l'univers en proie aux flammes.

Ces morceaux tirés de l'Edda, font connoître quelle étoit l'imagination de ces anciens Celtes, & leurs idées sur la formation du monde & sur sa destruction, qui devoit entraîner les dieux & les hommes. On voit aussi que leurs dogmes tendoient à exciter le courage, puisqu'ils assignoient des places aux enfers pour ceux qui mouroient de vieillesse & de maladie; quant à ceux qui périssoient dans les combats, ils alloient au sortir de ce monde dans un séjour nommé valhalla, ou le palais d'Odin, où ils passoient leur tems en festins & en batailles. Voyez Odin, & voyez Valhalla.

Suivant cette mythologie, il y avoit trois grands dieux; Odin, qui s'appelloit le pere des dieux & des hommes, & de toutes les choses produites par sa vertu; Frigga, la terre, étoit sa fille & sa femme, & il a eu d'elle le dieu Thor; c'étoient - là les trois grandes divinités des peuples du Nord. Ils reconnoissoient outre cela plusieurs autres dieux subalternes; Balder étoit le second fils d'Odin; on croit que c'est Belenus ou le Soleil. Niord étoit le Neptune des Scandinaves; il eut un fils & une fille nommés Frey & Freya; le premier étoit le dieu qui présidoit aux saisons; Freya étoit la déesse de l'Amour ou la Vénus des Celtes. Tyr, étoit le dieu de la guerre, très révéré par des peuples chez qui la valeur étoit la plus haute des vertus. Heimdall étoit un dieu puissant: on l'appelloit le gardien des dieux; il défendoit le pont de Bifrost, c'est - à - dire, l'arc - en - ciel, pour empêcher les géants d'y passer pour aller attaquer les dieux dans le ciel. Le dieu Hoeder etoit aveugle, mais extrèmement fort; Vidar étoit un dieu puissant; Vali ou Vile étoit fils d'Odin & de Rinda; Uller étoit le gendre de Thor; Forsete étoit fils de Balder; c'étoit le dieu de la réconciliation, & il assoupissoit toutes les querelles.

Quelques - uns mettent Loke au rang des dieux; mais il étoit fils d'un géant, & l'Edda l'appelle le calomniateur des dieux, l'artisan des tromperies, & l'opprobre des dieux & des hommes; il paroît que les Scandinaves vouloient designer sous ce nom le diable ou le mauvais principe.

Les déesses dont il est fait mention dans l'Edda, sont Frigga, femme d'Odin, c'est la terre; Saga Eira, déesse de la Medecine; Gésione, déesse de la Chasteté; Fylla, compagne & confidente de Frigga; Freya, la déesse de l'Amour, à qui on donnoit aussi le nom de Vanadis, déesse de l'Espérance; Siona, la déesse qui enflamme les amans les uns pour les autres; Lovna réconcilie les amans brouillés; Vara préside aux sermens & aux promesses des amans; Vora déesse de la Prudence; Synia est la gardienne de la porte du palais des dieux; Lyna, délivre des dangers; Snotra est la déesse de la Science; Gna est la ménagere de Frigga; Sol & Bil, étoient encore des déesses. Il y avoit outre cela les déesses nommées Valkyries: elles choisissoient ceux qui devoient avoir la gloire d'être tués dans les combats; enfin, Jord & Rinda, sont aussi mises au rang des déesses. Outre ces déesses, chaque homme a une divinité qui détermine la durée & les évenemens de sa vie. Les trois principales sont Urd, le passé; Werandi, le présent; & Sculde, l'avenir.

Tous ces dieux & ces déesses passoient leur tems dans le séjour céleste à boire de l'hydromel, & à voir les combats des héros admis avec eux dans le Valhalla; souvent ils alloient eux - mêmes chercher des avantures, dont quelquefois ils se tiroient très - mal; ils combattoient des géants, des génies, des magiciens, & d'autres êtres imaginaires, dont cette mythologie est remplie.

L'Edda parle ensuite d'un tems appellé ragnarokur, ou le crépuscule des dieux: ce tems est annoncé par un froid rigoureux & par trois hivers affreux; le monde entier sera en guerre & en discorde; les freres s'égorgeront les uns les autres; le fils s'armera contre son pere, & les malheurs se succéderont jusqu'à la chûte du monde. Un loup monstrueux nommé Fenris, dévorera le soleil; un autre monstre emportera la lune; les étoiles disparoîtront; la terre & les montagnes seront violemment ébranlées; les géants & les monstres déclarent la guerre aux dieux réunis; & Odin lui - même finit par être dévoré. Alors le monde sera embrasé, & fera place à un séjour heureux appellé Gimle, le ciel, où il y aura un palais d'or pur: c'est - là que seront ceux d'entre les dieux qui auront survécu à la ruine du monde, & qu'habiteront les hommes bons & justes: pour les méchans, ils iront dans le Nastrande, bâtiment vaste, construit de cadavres de serpens, où coule un fleuve empoisonné, sur lequel flotteront les parjures & les meurtriers. D'où l'on voit que ces peuples distinguoient deux cieux, le Valhalla & le Gimle; & deux enfers, Niftheim & Nastrande.

Les idées de ces peuples sur la formation de la terre & la création de l'homme, n'étoient pas moins singulieres que le reste de leur doctrine. Voici comme en parlent leurs poëtes: « dans l'aurore des siecles, il n'y avoit ni mer, ni rivage, ni zéphirs rafraîchissans; tout n'étoit qu'un vaste abîme sans herbes & sans semences. Le soleil n'avoit point de palais; les étoiles ne connoissoient point leurs demeures; la lune ignoroit son pouvoir; alors il y avoit un monde lumineux & enflammé du côté du midi; de ce monde des torrens de feux étincelans s'écouloient sans cesse dans l'abîme qui étoit au septentrion, en s'éloignant de leur source, ces torrens se congeloient dans l'abîme, & le remplissoient de scories & de glaces. Ainsi l'abîme se combla; mais il y restoit au - dedans un air léger & immobile, & des vapeurs glacées s'en exhaloient; alors un soufle de chaleur étant venu du midi, fondit ces vapeurs, & en forma des goutes vivantes, d'où naquit le géant Ymer». De la sueur de ce géant il naquit un mâle & une femelle, d'où sortit une race de géans méchans, ainsi que leur auteur Ymer. Il naquit aussi une autre race meilleure qui s'allia avec celle d'Ymer: cette race s'appella la famille de Bor, du nom du premier de cette famille, qui fut pere d'Odin. Les descendans de Bor tuerent le géant Ymer, & exterminerent toute sa race, à l'exception d'un de ses fils & de sa famille, qui échappa à leur vengeance; les enfans de Bor formerent un nouveau monde du corps du géant Ymer; son sang forma la mer & les fleuves; sa chair fit la terre; ses os firent les montagnes; ses dents firent les rochers; ils firent de son crâne la voûte du ciel; elle étoit soutenue par quatre nains nommés Sud, Nord, Est, & Ouest; ils y placerent des flambeaux pour éclairer cette voûte; ils firent la terre ronde, & la ceignirent de l'Océan, sur les rivages duquel ils placerent des géans. Les fils de Bor se promenant un jour sur les bords de la mer, trouverent deux morceaux de bois flottans, dont ils formerent l'homme & la femme; l'aîné des fils de Bor leur donna l'ame & la vie; le second, le mouvement & la science; le troisieme, la parole, l'ouie, la vûe, la beauté, & des vêtemens. Cet homme fut nommé Askus, & sa femme Embla; tous les hommes qui habitent la terre en sont descendus.

La seconde partie de l'Edda, ou de la Mytholo<pb-> [p. 918] gie istandoise, est remplie d'avantures merveilleuses, & de combats des dieux avec les géans. Ces détails sont suivis d'une espece de dictionnaire poétique, dans lequel les noms des dieux sont mis avec toutes les épithetes qu'on leur donnoit; Snorro Sturleson l'avoit compilé pour l'usage des Islandois, qui se destinoient à la profession de scaldes ou de poëtes.

A l'égard des morceaux contenus dans l'Edda de Saemund Sigfusson, qui sont parvenus jusqu'à nous; la premiere de ces pieces est un poëme appellé voluspa, c'est - à - dire l'oracle de Vola; c'est un poëme de quelques centaines de vers qui contient le système de Mythologie qu'on a vu dans l'Edda des Islandois. Cet ouvrage est rempli de desordre & d'enthousiasme; on y décrit les ouvrages des dieux, leurs fonctions, leurs exploits, le dépérissement de l'univers, son embrasement total, & son renouvellement, l'état heureux des bons, & les supplices des méchans.

Le second morceau est nommé havamal, ou discours sublime; c'est la morale d'Odin qui l'avoit, dit - on, apportée de la Scythie sa patrie, lorsqu'il vint faire la conquête des pays du Nord; on croit que sa religion étoit celle des Scythes, & que sa philosophie étoit la même que celle de Zamolxis, de Dicenaeus, & d'Anacharsis. Nous allons en rapporter les maximes les plus remarquables.

« L'hôte qui vient chez vous a - t - il les genoux froids, donnez - lui du feu: celui qui a parcouru les montagnes a besoin de nourriture & de vêtemens bien séchés.

Heureux celui qui s'attire la louange & la bienveillance des hommes; car tout ce qui dépend de la volonté des autres, est hasardeux & incertain.

Il n'y a point d'ami plus sûr en voyage qu'une grande prudence; il n'y a point de provision plus agréable. Dans un lieu inconnu, la prudence vaut mieux que les trésors; c'est elle qui nourrit le pauvre.

Il n'y a rien de plus inutile aux fils du siecle, que de trop boire de biere; plus un homme boit, plus il perd de raison. L'oiseau de l'oubli chante devant ceux qui s'enyvrent, & dérobe leur ame.

L'homme dépourvu de sens, croit qu'il vivra toûjours s'il évite la guerre; mais si les lances l'épargnent, la vieillesse ne lui fera point de quartier.

L'homme gourmand mange sa propre mort; & l'avidité de l'insensé est la risée du sage.

Aimez vos amis, & ceux de vos amis; mais ne favorisez pas l'ennemi de vos amis.

Quand j'étois jeune, j'étois seul dans le monde; il me sembloit que j'étois devenu riche quand j'avois trouvé un compagnon; un homme fait plaisir à un autre homme.

Qu'un homme soit sage moderément, & qu'il n'ait pas plus de prudence qu'il ne faut; qu'il ne cherche point à savoir sa destinée, s'il veut dormir tranquile.

Levez - vous matin si vous voulez vous enrichir ou vaincre un ennemi: le loup qui est couché ne gagne point de proie, ni l'homme qui dort de victoires.

On m'invite à des festins lorsque je n'ai besoin que d'un déjeuner; mon fidele ami est celui qui me donne un pain quand il n'en a que deux.

Il vaut mieux vivre bien, que long - tems; quand un homme allume son feu, la mort est chez lui avant qu'il soit éteint.

Il vaut mieux avoir un fils tard que jamais: rarement voit - on des pierres sépulcrales élevées sur les tombeaux des morts par d'autres mains que celles de leurs fils.

Les richesses passent comme un clin d'oeil; ce sont les plus inconstantes des amies. Les troupeaux périssent, les parens meurent; les amis ne sont point immortels, vous mourrez vous - même: Je connois une seule chose qui ne meurt point, c'est le jugement qu'on porte des morts.

Louez la beauté du jour, quand il est fini; une femme, quand vous l'aurez connue; une épée, quand vous l'aurez essayée; une fille, quand elle sera mariée; la glace, quand vous l'aurez traversée; la biere, quand vous l'aurez bûe.

Ne vous fiez pas aux paroles d'une fille, ni à celles que dit une femme; car leurs coeurs ont été faits tels que la roue qui tourne; la légereté a été mise dans leurs coeurs. Ne vous fiez ni à la glace d'un jour, ni à un serpent endormi, ni aux caresses de celles que vous devez épouser, ni à une épée rompue, ni au fils d'un homme puissant, ni à un champ nouvellement semé.

La paix entre des femmes malignes est comme de vouloir faire marcher sur la glace un cheval qui ne seroit pas ferré, ou comme de se servir d'un cheval de deux ans, ou comme d'être dans une tempête avec un vaisseau sans gouvernail.

Il n'y a point de maladie plus cruelle, que de n'être pas content de son sort.

Ne découvrez jamais vos chagrins au méchant, car vous n'en recevrez aucun soulagement.

Si vous avez un ami, visitez - le souvent; le chemin se remplit d'herbes, & les arbres le couvrent bien - tôt, si l'on n'y passe sans cesse.

Ne rompez jamais le premier avec votre ami; la douleur ronge le coeur de celui qui n'a que lui - même à consulter.

Il n'y a point d'homme vertueux qui n'ait quelque vice, ni de méchant quelque vertu.

Ne vous moquez point du vieillard, ni de votre ayeul décrépit, il sort souvent des rides de la peau des paroles pleines de sens.

Le feu chasse les maladies; le chêne la strangurie; la paille détruit les enchantemens; les runes détruisent les imprécations; la terre absorbe les inondations; la mort éteint les haines ».

Telles étoient les maximes de la théologie & de la morale de ces peuples du Nord. On voit que l'une & l'autre étoit adaptée au génie d'un peuple belliqueux, dont la guerre faisoit les délices: il n'est donc pas surprenant qu'une nation nourrie dans ces principes, se soit rendue redoutable à toute la terre, & ait fait trembler les Romains mêmes, ces vainqueurs & ces tyrans du reste de l'univers. La crainte de l'opprobre dans ce monde, & des supplices reservés dans l'autre à ceux qui périssoient d'une mort naturelle; la vûe de la gloire & du bonheur destinés à ceux qui mouroient dans les combats, devoient nécessairement exciter chez les Scandinaves, un courage à qui rien ne pouvoit résister. Un roi de Danemarck établit à Jomsbourg une république propre à former des soldats; il y étoit défendu de prononcer le nom de la peur, même dans les plus grands dangers. Ce législateur réussit en effet à détruire dans les soldats le sentiment de la crainte. En effet, les Jomsbourgeois ayant fait une irruption en Norwege, furent vaincus, malgré leur opiniâtreté: leurs chefs ayant été faits prisonniers furent condamnés à la mort. Cette nouvelle loin de les allarmer, fut pour eux un sujet de joie; & personne ne donna le moindre signe d'effroi. L'un d'eux dit à celui qui alloit le tuer, de le frapper au visage: je me tiendrai immobile, & tu observeras si je donne quelque signe de frayeur. Un roi des Goths mourut en chantant une hymne sur le champ de bataille, & s'écria à la fin d'une strophe, les heures de ma vie se sont envolées, je mourrai en riant. Un auteur de ce pays, parlant d'un com<pb->

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