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Jongleur (Page 8:875)
Les jongleurs, dit le P. de Charlevoix, font profession de n'avoir commerce qu'avec ce qu'ils appellent génies bienfaisans, & ils se vantent de connoître par leur moyen ce qui se passe dans les pays les plus eloignés, ou ce qui doit arriver dans les tems les plus reculés; de découvrir la source & la nature des maladies les plus cachées, & d'avoir le secret de les guérir; de discerner dans les affaires les plus embrouillées le parti qu'il faut prendre; de faire réussir les négociations les plus difficiles; de rendre les dieux propices aux guerriers & aux chasseurs; d'entendre le langage des oiseaux, &c.
Quoiqu'on ait vu naître ces imposteurs, s'il leur prend envie de se donner une naissance surnaturelle, ils trouvent des gens qui les en croyent sur leur parole, comme s'ils les avoient vu descendre du ciel, & qui prennent pour une espece d'enchantement & d'illusion de les avoir cru nés comme les autres hommes.
Une de leurs plus ordinaires préparations pour faire leurs prestiges, c'est de s'enfermer dans des étuves pour se faire suer. Ils ne different alors en rien des Pythies telles que les Poëtes nous les ont représentées sur le trépié. On les y voit entren dans des convulsions & des enthousiasmes; prendre des tons de voix, & faire des actions qui paroissent au - dessus des forces humaines. Le langage qu'ils parlent dans leurs invocations n'a rien de commun avec aucune langue sauvage; & il est vraissemblable qu'il ne consiste qu'en des sons informes, produits sur le champ par une imagination échauffée, & que ces charlatans ont trouvé le moyen de faire passer pour un langage divin; ils prennent différens tons, quelquefois ils grossissent leurs voix, puis ils contrefont une petite voix grêle, assez semblable à celle de nos marionnettes, & on croit que c'est l'esprit qui leur parle. On assure qu'ils souffrent beaucoup dans ces occasions, & qu'il s'en trouve qu'on n'engage pas aisément, même en les payant bien, à se livrer ainsi à l'esprit qui les agite. On a vu les pieux dont ces étuves etoient fermées, se courber jusqu'à terre, tandis que le jongleur se tenoit tranquille, sans remuer, sans y toucher, qu'il chantoit & qu'il prédisoit l'avenir. Cette circonstance & quelques prédictions singulieres & circonstanciées qu'on leur a entendues faire assez long - tems avant l'événement, & pleinement justifiées par l'événement, font penser qu'il entre quelquefois du surnaturel dans leurs opérations, & qu'ils ne devinent pas toujours par hasard.
Les jongleurs de profession ne sont jamais revêtus de ce caractere qui leur fait contracter une espece de pacte avec les génies, & qui rend leurs personnes respectables au peuple, qu'après s'y être disposés par des jeûnes qu'ils poussent très - loin, & pendant lesquels ils ne font autre chose que battre le tambour,
Mais la principale occupation des jongleurs, ou du moins celle dont ils retirent le plus de profit, c'est la Médecine. Quoiqu'en général ils exercent cet art avec des principes tondés sur la connoissance des simples, sur l'expérience & sur la conjecture, comme on fait par - tout, ils y mêlent ordinairement de la superstition & de la charlatanerie.
Par exemple. ils déclarent en certaines occasions qu'ils vont communiquer aux racines & aux plantes la vertu de guerir toutes sortes de playes, & même de rendre la vie aux morts. Aussi - tôt ils se mettent à chanter, & l'on suppose que pendant ce concert, qu'ils accompagnent de beaucoup de grimaces, la vertu médicinale se répand sur les drogues. Le principal jongleur les éprouve ensuite; il commence par se faire saigner les levres. Le sang que l'imposteur a soin de sucer adroitement cesse de couler, & on crie miracle. Après cela il prend un animal mort, il laisse aux assistans tout le loisir de se bien assurer qu'il est sans vie, puis au moyen d'une canule qu'il lui a insérée sous la queue, il la fait remuer, en lui souflant des herbes dans la gueule. Quelquefois ils font semblant d'ensorceler divers sauvages qui paroissent expirer; puis en leur mettant d'une certaine poudre sur les levres, ils les font revivre. Souvent quand il y a des blessures le jongleur déchire la playe avec ses dents, & montrant ensuite un morceau de bois ou quelque chose semblable, qu'il avoit eu la précaution de mettre dans sa bouche, il fait croire au malade qu'il l'a tiré de sa playe, & que c'étoit le charme qui causoit le danger de sa maladie.
Si le malade se met en tête que son mal est l'effet d'un maléfice, alors toute l'attention se porte à le découvrir, & c'est le devoir du jongleur. Il commence lui - même par se faire suer; & quand il s'est bien fatigué à crier, à se débattre & à invoquer son génie, la premiere chose extraordinaire qui lui vient en pensée, il lui attribue la cause de la maladie. Plusieurs avant que d'entrer dans l'étuve prennent un breuvage composé, fort propre, disent - ils, à leur faire recevoir l'impression céleste, & l'on prétend que la présence de l'esprit se manifeste par un vent impétueux qui se leve tout à coup, ou par un mugissement que l'on entend sous terre, ou par l'agitation & l'ébranlement de l'étuve. Alors, plein de sa prétendue divinité, & plus semblable à un énergumene qu'à un homme inspiré du ciel, il prononce d'un ton affirmatif sur l'état du malade, & rencontre quelquefois asfez juste.
Dans l'Acadie les jongleurs s'appelloient autmoins. [p. 876]
Chez les Natchez, autre nation d'Amérique, les jongleurs sont bien payés quand le malade guérit; mais s'il meurt, il leur en coûte souvent la vie à eux - mêmes. D'autres jongleurs entreprennent de procurer la pluie & le beau tems. Vers le printems on se cottise pour acheter de ces prétendus magiciens un tems favorable aux biens de la terre. Si c'est de la pluie qu'on demande, ils se remplissent la bouche d'eau, & avec un chalumeau dont un bout est percé de plusieurs trous comme un entonnoir, ils soufflent en l'air du côté où ils apperçoivent quelque nuage. S'il est question d'avoir du beau tems, ils montent sur le toit de leurs cabanes, & font signe aux nuages de passer outre. Si cela arrive, ils dansent & chantent autour de leurs idoles, avalent de la fumée de tabac, & présentent au ciel leurs calumets. Si on obtient ce qu'ils ont promis, ils sont bien récompensés; s'ils ne réussissent pas, ils sont mis à mort sans miséricorde. Hist. de la nouv. Franc. tom. I. Journal d'un voyage d'Amérique, pag. 214, 235, 347, 360 & suiv. 368, 428 & 427.
IONIDES (Page 8:876)
IONIDES, s. f. plur. (Mythologie.) nymphes qui étoient adorées près d'Héraclée en Epire. Elles avoient un temple sur le bord d'une fontaine qui se jettoit dans dans le Cytherus.
IONIE (Page 8:876)
IONIE, s. f. (Géog. anc.) partie de Péloponnese où les Ioniens s'établirent sous le nom de Pelasges AEgialiéens; ils furent nommés Ioniens d'Ion fils de Xuthus. L'Ionie étoit une partie de la presqu'isle que nous appellons présentement la Morée. Les Ioniens passoient pour les peuples les plus voluptueux de l'Asie; leur musique, leurs danses & leur poësie se sentoient de leur mollesse; leurs vers étoient d'une cadence aussi agréable, que la composition en est difficile.
La Ionie proprement dite, étoit une contrée de l'Asie mineure, sur la côte occidentale. Strabon lui assigne les douze villes suivantes, Milet, Ephese, Erythres, Clazomene, Priene, Lébede, Théon, Colophone, Myus & Phocée en terre ferme; Samos & Chio, capitales des isles de même nom; Milet au midi, & Phocée au nord, étoient les dernieres villes de l'Ionie.
L'Ionie reçut de fort bonne heure les lumieres de l'Evangile, & même dès le tems des Apôtres; elle eut des villes épiscopales, entre lesquelles Ephese semble avoir tenu le premier rang. (D. J.)
IONIEN (Page 8:876)
* IONIEN, adj. (Littérat.) Il se dit d'un pié
composé qui entroit dans la versification. Il y avoit
le grand & le petit ionien; le grand ionien étoit composé
d'un spondée & d'un pyrrhique (voyez
Ionien (Page 8:876)
IONIENNE, mer (Page 8:876)
IONIENNE,
IONIQUE (Page 8:876)
* IONIQUE, Secte. (Histoire de la Philosophie.)
L'histoire de la philosophie des Grecs se divise en fabuleuse,
politique & sectaire; & la sectaire en Ionique & en Pythagorique. Thalès est à la tête de la
secte Ionique, & c'est de son école que sont sortis
les Philosophes Ioniens, Socrate avec la foule de ses
disciples, les Académiciens, les Cyrénaïques, les
Eristiques, les Péripatéticiens, les Cyniques & les
Stoïciens. On l'appelle secte Ionique de la patrie de
son fondateur, Milet en Ionie. Pythagore fonda la
secte appellée de son nom la Pythagorique, & celle - ci
donna naissance à l'Eléatique, à l'Héraclitique, à
l'Epicurienne & à la Pyrrhonienne. Voyez à l'article
Thalès naquit à Milet, d'Examias & de Cleobuline, de la famille des Thalides, une des plus distinguées
de la Phoenicie, la premiere année de la trente - cinquieme
olympiade. L'état de ses parens, les soins
qu'on prit de son éducation, ses talens, l'élévation
de son ame, & une infinité de circonstances heureuses
le porterent à l'administration des affaires publiques.
Cependant sa vie fut d'abord privée; il
passa quelque tems sous Thrasibule, homme d'un génie
peu commun, & d'une expérience consommée.
Il y en a qui le marient; d'autres le retiennent dans
le célibat, & lui donnent pour héritier le fils de sa
soeur, & la vraisemblance est pour ces derniers.
Quand on lui demandoit pourquoi il refusoit à la nature
le tribut que tout homme lui doit, en se remplaçant
dans l'espece par un certain nombre d'enfans: je ne veux point avoir d'enfans, répondoit - il,
parce que je les aime; les soins qu'ils exigent, les
évenemens auxquels ils sont exposés, rendent la vie
trop pénible & trop agitée. Le législateur Solon,
qui regardoit la propagation de l'espece d'un oeil politique,
n'approuvoit pas cette façon de penser, &
Thalès qui ne l'ignoroit pas, se proposa d'amener
Solon à son sentiment par un moyen aussi ingénieux
que cruel. Un jour il envoye à Solon un messager
lui porter la nouvelle de la mort de son fils; ce pere
tendre en est aussi - tôt plongé dans la douleur la plus
profonde: alors Thales vient à lui, & lui dit en l'abordant
d'un air riant, eh bien, trouvez - vous encore
qu'il soit fort doux d'avoir des enfans? La tyrannie
n'eut point d'ennemis plus déclarés. Il crut
que les conseils d'un particulier auroient plus de
poids dans sa société que les ordres d'un magistrat,
& il n'imita point les sept Sages qui l'avoient précédé,
& qui tous avoient été à la tête du gouvernement.
Mais son goût pour la Philosophie naturelle
& l'étude des Mathématiques, l'arracha de bonne
heure aux affaires. Le desir de s'instruire de la Religion & de ses mysteres le fit passer en Crete; il espéroit
démêler dans le culte & la théogonie de ces
peuples ce que les tems les plus reculés avoient pensé
de la naissance du monde & de ses révolutions. De
la Crete il alla en Asie. Il vit les Phéniciens, si célebres
alors par leurs connoissances astronomiques.
Il voulut dans sa vieillesse converser avec les prêtres
de l'Egypte. Il apprit à ceux qu'il alloit interroger, à
mesurer la hauteur de leur pyramide, par son ombre
& par celle d'un bâton. Qu'étoit ce donc que ces Géometres Egyptiens? De retour de ses voyages, les
grands que la curiosité & l'amour - propre appellent
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