ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"877"> toujours autour des Philosophes, rechercherent son intimité; mais il préféra l'étude, la retraite & le repos à tous les avantages de leur commerce. C'est de lui dont il est question dans la vieille & ridicule fable de cet astronome qui regarde aux astres, & qui n'apperçoit pas une fosse qui est à ses piés. Bien ou mal imaginée, il falloit en étendre la moralité en l'appliquant aux grandes vûes de l'homme & à la courte durée de sa vie; il projette dans l'avenir, & il a un tombeau ouvert à côté de lui. Thalès atteignit l'âge de quatre - vingt - dix ans. S'étant imprudemment engagé dans la foule que les jeux olympiques attiroient, il y périt de chaleur & de soif. On raconte de lui que, pour montrer à ses concitoyens combien il étoit facile au philosophe de s'enrichir, il acheta tout le produit des oliviers de Milet & de Chio, sur la connoissance que l'Astronomie lui avoit donnée d'une récolte abondante. Il ne fut pas seulement philosophe, il fut aussi poëte. Les uns lui attribuent un Traité de la nature des choses, un autre de l'Astronomie nautique & des points tropiques & équinoxiaux. Mais ceux qui assurent que Thalès n'a rien laissé, paroissent avoir raison. Il ne faut pas confondre le philosophe de Milet avec le législateur & le poëte de la Crete. Il eut pour disciple Anaximandre.

Il y a plusieurs circonstances qui rendent l'histoire de la secte Ionienne difficile à suivre. Peu d'écrits & de disciples; le mystere, la crainte du ridicule, le mépris du peuple, l'effroi de la superstition, la double doctrine, la vanité qui laisse les autres dans l'ignorance, le goût général pour la Morale, l'éloignement des esprits de l'étude des Sciences naturelles, l'autorité de Socrate qui les avoit abandonnées, l'inexactitude de Platon qui ramenant tout à ses idées, corrompoit tout; la briéveté & l'infidélité d'Aristote qui mutile, altere & tronque ce qu'il touche; les révolutions des tems qui défigurent les opinions, & ne les laissent jamais passer intactes aux bons esprits qui auroient pu les exposer nettement, s'ils avoient paru plutôt; la fureur de dépouiller les contemporains, qui recule autant qu'elle peut l'origine des découvertes; que sçais - je encore? & après cela quel fonds pouvons - nous faire sur ce que nous allons exposer de la doctrine de Thalès?

De la naissance des choses. L'eau est le principe de tout: tout en vient & tout s'y résout.

Il n'y a qu'un monde; il est l'ouvrage d'un Dieu: donc il est très - parfait.

Dieu est l'ame du monde.

Le monde est dans le lieu, la chose la plus vaste qui soit.

Il n'y a point de vuide.

Tout est en vicissitude, & l'état des choses est momentané.

La matiere se divise sans cesse; mais cette division a sa limite.

La nuit exista la premiere.

Le mélange naît de la composition des élémens.

Les étoiles sont d'une nature terrestre, mais enflammée.

La lune est éclairée par se soleil.

C'est l'interposition de la lune qui nous éclipse le soleil.

Il n'y a qu'une terre; elle est au centre du monde.

Ce sont des vents éthésiens qui soufflant contre le cours du Nil, le retardent, & causent ses inondations.

Des choses spirituelles. Il y a un premier Dieu, le plus ancien; il n'a point eu de commencement, il n'aura point de fin.

Ce Dieu est incompréhensible. Rien ne lui est caché; il voit au fond de nos coeurs.

Il y a des démons ou génies & des héros.

Les héros sont nos ames séparées de nos corps. Ils sont bons, si les ames ont été bonnes; méchans, si elles ont été mauvaises.

L'ame humaine se meut toujours & d'elle - même.

Les choses inanimées ne sont pas sans sentiment ni sans ame.

L'ame est immortelle.

C'est la nécessité qui gouverne tout.

La nécessité est la puissance immuable & la volonté constante de la Providence.

Géométrie de Thalès. Elle se réduit à quelques propositions élémentaires sur les lignes, les angles & les triangles; son astronomie à quelques observations sur le lever & le coucher des étoiles, & autres phénomenes.

Mais il faut observer à l'honneur de ce philosophe, que la Philosophie naturelle étoit alors au berceau, & qu'elle a fait ses premiers pas avec lui.

Quant aux axiomes de sa morale, voici ce que Démétrius de Phalere nous en a transmis. Il faut se rappeller son ami, quand il est absent. C'est l'ame & non le corps qu'il faut soigner. Avoir pour ses peres les égards qu'on exige de ses enfans. L'intempérance en tout est nuisible. L'ignorant est insupportable. Apprendre aux autres ce qu'on sçait de mieux. Il y a un milieu à tout. Ne pas accorder sa confiance sans choix.

Interrogé sur l'art de bien vivre, il répondit: ne faites point ce que vous blâmeriez en un autre. Vous serez heureux, si vous êtes sain, riche & bien né. Il est difficile de se connoitre, mais cela est essentiel. Sans cela, comment conformer sa conduite aux lois de la nature?

Anaximandre marcha sur les traces de Thalès. Il naquit à Milet dans la quarante - deuxieme olympiade. Il passa toute sa vie dans l'école. Le tems de sa mort est incertain. On prétend qu'il n'a vécu que 74 ans.

Il passe pour avoir porté les Mathématiques fort au - delà du point où Thalès les avoit laissées. Il mesura le diametre de la terre & le tour de la mer. Il inventa le gnomon. Il fixa les points des équinoxes & des solstices. Il construisit une sphere. Il eut aussi sa physiologie.

Selon lui, le principe des choses étoit infini, un non en nombre, mais en grandeur; immuable dans le tout, variable dans les parties; tout en émanoit, tout s'y resolvoit.

Le ciel est un composé de froid & de chaud.

Il y a une infinité de mondes qui naissent, périssent, & rentrent dans l'infini.

Les étoiles sont des receptacles de feu qu'elles aspirent & exspirent: elles sont rondes; elles sont entraînées dans leur mouvement par celui des spheres.

Les astres sont des dieux.

Le soleil est au lieu le plus haut, la lune plus bas; après la lune, les étoiles fixes & les étoiles errantes.

L'orbe du soleil est vingt - huit fois plus grand que celui de la terre; il répand le feu dans l'univers, comme la poussiere seroit dispersée de dessus une roue creuse & trouée, emportée sur elle - même avec vîtesse.

L'orbe de la lune est à celui de la terre comme 1 à 19.

Il attribue les éclipses à l'obstruction des orifices des trous par lesquels la lumiere s'échappe.

Le vent est un mouvement de l'air; les éclairs & le tonnerre, des effets de sa compression dans une nue, & de la rupture de la nue.

La terre est au centre; elle est ronde; rien ne la soutient; elle y reste par sa distance égale de tous les corps.

Cosmogonie d'Anaximandre. L'infini a produit des orbes & des mondes: la révolution perpétuelle est la cause de la génération & de la destruction; la [p. 878] terre est un cylindre dont la hauteur n'est que le tiers du diametre: un atmosphere de parties froides & chaudes, forma autour de la terre une enveloppe qui la féconda. Cette enveloppe s'étant rompue, ses pieces formerent le soleil, la lune, les étoiles, & la lumiere.

Quant aux animaux, il les tire tous de l'eau, d'abord hérissés d'épines, puis sechés, puis morts: il fait naître l'homme dans le corps des poissons.

Anaximene, disciple d'Anaximandre, & son compatriote, naquit entre la 55e & la 58e olympiade: il suivit les opinions de son maître, y ajoutant & y changeant ce qu'il jugea à propos.

Celui - ci veut que l'air soit le principe & la fin de tous les êtres; il est éternel & toûjours mû; c'est un dieu; il est infini. Il y a d'autres dieux subalternes, tous également enfans de l'air: une grande portion de cet élément échappe à nos yeux; mais elle se manifeste par le froid & le chaud, l'humidité & le mouvement, elle se condense & se raréfie; elle ne garde jamais une même forme.

L'air dissous au dernier degré, c'est du feu; à un degré moyen, c'est l'atmosphere; à un moindre encore, c'est l'eau; plus condensé, c'est la terre; plus dense, les pierres, &c.

Le froid & le chaud sont les causes opposées de la génération, les instrumens de la destruction.

La surface extérieure du ciel est terrestre.

La terre est une grande surface plane, soutenue sur l'air; il en est ainsi de la lune, du soleil, & de tous les astres.

La terre a donné l'existence aux astres par ses vapeurs qui se sont enflammées en s'atténuant.

Les vapeurs atténuées, enflammées, & portées à des distances plus grandes, ont formé les astres.

Les astres tournent autour de la terre, mais ne s'abaissent point au - dessous: si nous cessons de voir le soleil, c'est qu'il est caché par des régions élevées, ou porté à de trop grandes distances.

C'est un air condensé qui meut les plantes, & qui les retient.

Le soleil est une plaque ardente.

Les éclipses se font dans son système, comme dans celui d'Anaximandre.

Il ne nous reste de sa morale que quelques sentences décousues, sur la vieillesse, sur la volupté, sur l'étude, sur la richesse, & sur la pauvreté, qui toutes paroissent tirées de sa propre expérience. Il se maria, il étoit pauvre; il eut des enfans, il fut plus pauvre encore; il devint vieux, & connut tout ce que la misere, cette maîtresse cruelle, a coutume d'apprendre aux hommes.

Anaxagoras étudia sous Anaximene; il naquit à Clazomene, dans la 70e olympiade. Eubule son pere est connu par ses richesses & plus encore par son avarice. Son fils en fit peu de cas; il négligea la fortune que son pere lui avoit laissée, voyagea, & regardant à son retour d'un oeil assez froid le desastre que son absence avoit introduit dans ses terres, il disoit, non essem ego salvus, nisi istoe perissent. Il n'ambitionna aucune des dignités auxquelles sa naissance l'avoit destiné; & il répondit à quelqu'un qui lui reprochoit que sa patrie ne lui étoit de rien; ma patrie, en montrant le ciel de la main, elle m'est tout: il vint à Athènes à l'âge de vingt ans. Il n'y avoit point encore, à proprement parler, d'écoles de Philosophie. A peine eut - il connu Anaximene, qu'il s'écria dans l'enthousiasme, je sens que je suis né pour regarder la lune, le ciel, le soleil, & les astres. Ses succes ne furent point au - dessous de ses espérances; il alla dans sa patrie interroger Hermotime; il étoit venu la premiere fois à Athènes pour apprendre, il y reparut pour enseigner; il eut pour auditeurs Périclès, Euripide le Tragique, Socrate même, & Thémistocle.

Mais l'envie ne lui accorda pas long tems du repos; il fut accusé d'impiété, pour avoir dit que le soleil n'étoit qu'une lame ardente; mis en prison, & prêt à être condamné, l'éloquence & l'autorité de Périclès le sauverent de la fureur des prêtres. Le mot qu'il dit dans ces circonstances fâcheuses, marque la fermeté de son ame. Comme on lui annonçoit qu'il seroit condamné à mort lui & ses enfans, il répondit: il y a long - tems que la nature a prononcé cette sentence contre eux & contre moi; je n'ignorois pas que je suis mortel, & que mes enfans sont nés de moi.

Il sortit d'Athènes après un séjour de trente ans; il s'en alla à Lampsaque passer ce qui lui restoit de jours à vivre; il se laissa mourir de faim.

Philosophie d'Anaxagoras. Il ne se fait rien de rien.

Dans le commencement tout étoit, mais en confusion & sans mouvement.

Il n'y a qu'un principe de tout, mais divisé en parties infinies, similaires, contiguës, opposées, se touchant, se soutenant les unes hors des autres. Voyez Homoiomerie.

Les parties similaires de la matiere étant sans mouvement & sans vie, il y a eu de toute éternité un principe infini, intelligent, incorporel, hors de la masse, mû de lui - même, & la cause du mouvement dans le reste.

Il a tout fait avec les parties similaires de la matiere, unissant les homogenes aux homogenes.

Les contrées supérieures du monde sont pleines de feu, ou d'un air très - subtil, mû d'un mouvement très - rapide, & d'une nature divine.

Il a enlevé des masses arrachées de la terre, & les a entraînées dans sa révolution rapide là où elles forment des étoiles.

C'est cet art qui entretient leurs révolutions d'un pole à l'autre; le soleil ajoute encore à sa force par son action & sa compression.

Le soleil est une masse ardente plus grande que le Péloponnese, dont le mouvement n'a pas d'autre cause que celui des étoiles.

La lune & le soleil sont placés au - dessous des astres; c'est la grande distance qui nous empêche de sentir la chaleur des astres.

La lune est un corps opaque que le soleil éclaire; elle est semblable à la terre; elle a ses montagnes, ses vallées, ses eaux, & peut - être ses habitans.

La voie lactée est un effet de la lumiere réfléchie du soleil, qui se fait appercevoir par l'absence de tout astre.

Les cometes sont des astres errans qui paroissent pusieurs ensemble, par un concours fortuit qui les a réunis; leur lumiere est un effet commun de leur union.

Le soleil, la lune, & les autres astres, ne sont ni des intelligences divines, ni des êtres qu'il faille adorer.

La terre est plane; la mer formée de vapeurs raréfiées par le soleil, se soutient à sa surface.

La sphere du monde a d'abord été droite; elle s'est ensuite inclinée.

Il n'y a point de vuide.

Les animaux formés par la chaleur & l'humidité, sont sortis de la terre, mâles & femelles.

L'ame est le principe du mouvement; elle est aérienne.

Le sommeil est une affection du corps & non de l'ame.

La mort est une dissolution égale du corps & de l'ame.

L'action du soleil raréfiant ou atténuant l'air, cause les vents.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.