ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"835"> notre espérance? Quel bien est préférable? Mais nous disonsaussi sans interrogation, je sais combien coûte ce livre; j'ignore comment vont nos affaires; vous comprenez ou tendent ces discours; la religion nous enseigne pourquoi nous sommes nés; ceci nous apprend quand reviendra la paix: chacun devine ce que veut cet homme; personne ne sait qui a parlé de la sorte; vous connoissez sur quoi est fondée notre espérance; cherchons quel bien est préférable.

C'est la même chose en latin, si l'on excepte la seule particule enclitique ne, qu'il faut moins regarder comme un mot, que comme une particule élémentaire, qui ne fait qu'un mot avec celui à la fin duquel on la place, comme audisne ou audin'? (entendez - vous)? Voyez Particule. Elle indique que le sens est interrogatif dans la proposition où elle se trouve; mais elle ne se trouve pas dans toutes celles qui sont interrogatives: Quò te Moeri pedes? Quà transivisti? Quandiù vixit? An dimicatum est? &c.

Qu'est - ce qui dénote donc si le sens d'une phrase est interrogatif ou non?

1°. Dans toutes celles où l'on trouve quelqu'un de ces mots réputés interrogatifs en eux - mêmes, on y reconnoît ce sens, en ce que ces mots mêmes étant conjonctifs, & se trouvant néanmoins à la tête de la phrase construite selon l'ordre analytique, c'est un signe assuré qu'il y a ellipse de l'antécédent, & que cet antécédent est le complément grammatical d'un verbe aussi sous - entendu, qui exprimeroit directement l'interrogation s'il étoit énoncé. Reprenons les mêmes exemples françois, qui feront assez entendre l'application qu'il faudra faire de ce principe dans les autres langues. Combien coûte ce livre? c'est - à - dire, apprenez - moi le prix que coûte ce livre. Comment vont vos affaires? c'est - à - dire, dites - moi comment (ou la maniere selon laquelle) vont nos affaires. Ou tendent ces discours? c'est - à - dire, faitesmoi connoître le but où (auquel) tendent ces discours. Il en est de même des autres; pourquoi veut dire la raison, la cause, la fin pour laquelle; quand, le tems auquel; avant que & quoi, on sous - entend a chose ou un autre antécédent moins vague, indiqué par les circonstances; avant qui, sous - entendez la per<-> sonne, l'homme, &c. quel, c'est lequel dont on a supprimé l'article à cause de la suppression de l'antécédent qui se trouve pourtant après; quel bien, c'est - à - dire le bien, lequel bien.

2°. Dans les phrases où il n'y a aucun de ces mots conjonctifs, la langue françoise marque souvent le sens interrogatif par un tour particulier. Elle veut que le pronom personnel qui indique le sujet du verbe, se mette immédiatement après le verbe, s'il est dans un tems simple, & après l'auxiliaire, s'il est dans un temps composé; & cela s'observe lors même que le sujet est exprimé d'ailleurs par un nom soit simple, soit accempagné de modificatifs: Viendrez - vous? Avois - je compris? Serions - nous partis? Les Philosophes ont - ils bien pensé? La raison que vous alléguiez auroit - elle été suffisante? Il faut cependant observer, que si le verbe étoit au subjonctif, cette inversion du pronom personnel ne marqueroit point l'interrogation, mais une simple hypothèse, ou un desir dont l'énonciation explicite est supprimée par ellipse. Vinssiez - vous à bout de votre dessein, pour je suppose même que vous vinssiez à bout de votre dessein. Puissiez - vous être content! pour je souhaite que vous puissiez être content. Quelquefois même le verbe étant à l'indicatif ou au suppositif, cette inversion n'est pas interrogative; ce n'est qu'un tour plus élégant ou plus affirmatif: Ainsi conservons nos droits; en vain formerions - nous les plus vastes projets; il le fera, dit - il.

3°. Ce n'est souvent que le ton ou les circonstances du discours, qui déterminent une phrase au sens interrogatif; & comme l'écriture ne peut figurer le ton, c'est alors le point interrogatif qui y décide le sens de la phrase. (B. E. R. M.)

INTERROGATION (Page 8:835)

INTERROGATION, s. f. (Belles - Lettres.) figure de Rhétorique, par laquelle celui qui parle avance une chose par forme de question. L'apostrophe qu'il se fait alors à lui - même ou qu'il fait aux autres, ne donne pas peu de poids & de véhémence à ce qu'il dit. L'orateur peut en plusieurs occasions employer cette figure avec avantage. 1°. Quand il parle d'une chose d'un ton affirmatif, & comme ne pouvant souffrir aucun doute; 2°. quand il veut montrer les absurdités où l'on tomberoit en entreprenant de combattre ses sentimens; 3°. lorsqu'il veut démêler les réponses captieuses ou les sophismes de son adversaire; 4°. quand souvent pressé lui - même, il veut à son tour presser vivement son antagoniste. De ce dernier genre est ce bel endroit de l'oraison de Ciceron pour Ligarius, où il s'adresse avec une impétuosité, pour ainsi parler foudroyante, à l'accusateur Tubéron. Quid enim, Tubero, tuus ille districtus in acie Pharsalicâ gladius agebat? cujus latus ille mucro petebat? Qui sensus erat armorum tuorum? Quoe tua mens? oculi? manus? ardor animi? Quid cupiebas? quid optabas? Il est évident que de pareils traits devoient embarasser un homme qui, ayant porté les armes contre Cesar, faisoit à Ligarius un crime de ce qu'il avoit tenu la même conduite.

Cette figure est très - propre à peindre toutes les passions vives, mais sur tout l'indignation.

Quoi, Rome & l'Italie en cendres Me feront honorer Silla? J'admirerai dans Alexandre, Ce que j'abhorre en Attila?

INTERROGATOIRE (Page 8:835)

INTERROGATOIRE, s. m. (Jurisprud.) est un acte qui contient les demandes qu'un juge ou commissaire délégué pour interroger, fait à une partie au sujet de certains faits, & les réponses qui y sont faites par la partie, pour tirer de la bouche de celui qui est interrogé l'éclaircissement de la vérité, & servir de preuve dans la cause, instance ou procès.

Les interrogatoires sont différens des enquêtes & informations, en ce que ce sont les parties que l'on interroge; au lieu que ce sont les témoins que l'on entend dans une enquête ou information: il est même défendu pour les informations d'y faire d'autre interrogation aux témoins que sur leur nom, surnom, qualité; & s'ils sont parens, serviteurs ou alliés des parties.

On fait des interrogatoires en matiere civile & en matiere criminelle.

En matiere civile, les interrogatoires s'appellent ordinairement interrogatoires sur faits & articles, lorsqu'ils se font sur des faits & articles signifiés par une partie à l'autre. Il se fait cependant aussi d'autres interrogatoires sur le barreau par le juge aux parties qui se trouvent présentes à l'audience, & surtout dans les jurisdictions consulaires où la procédure est sommaire: lorsque l'on est en doute de la vérité d'un fait articulé en plaidant, les consuls ordonnent que la partie qui n'a pas comparu à l'audience sera ouie par sa bouche, ainsi qu'il est dit en l'article 4 du tit. 16. de l'ordonnance du mois d'Avril 1667.

En matiere criminelle, il y a plusieurs sortes d'interrogatoires; savoir, le premier interrogatoire qui se fait lorsque l'accusé est decreté; ceux qui se font dans le cours de l'instruction lorsqu'il y échet, & le dernier interrogatoire qui se fait derriere le barreau ou sur la sellete.

Interrogatoire sur faits & articles, est un acte qui se fait en matiere civile, pour découvrir la vérité des faits articulés par une partie. Ces interrogatoires se [p. 836] font par le juge ou par un commissaire délégué à cet effet: au châtelet de Paris, ce sont les commissaires qui font ces sortes d'interrogatoires; dans les autres tribunaux, on commet un conseiller qui est commissaire en cette partie, c'est - à - dire pour faire l'interrogatoire.

Il est permis aux parties de faire interroger, en tout état de cause, sur faits & articles pertinens, concernant seulement la matiere dont est question par - devant le juge où le différend est pendant; & en cas d'absence de la partie, par devant le juge qui sera par lui commis, le tout sans retardation de l'instruction & jugement.

La partie doit répondre en personne, & non par procureur ni par écrit; & en cas de maladie ou empêchement légitime, le juge ou commissaire doit se transporter en son domicile pour recevoir son interrogatoire.

Le juge ou commissaire après avoir pris le serment, reçoit les réponses sur chaque fait & article, & peut même d'office interroger sur quelques faits, quoiqu'il n'en ait pas été donné copie, & que l'on appelle par cette raison faits secrets.

Les réponses doivent être précises & pertinentes sur chaque fait, & sans aucun terme injurieux ni calomnieux.

La forme pour interroger les chapitres, corps & communautés, est qu'ils doivent nommer syndic, procureur ou officier, pour répondre sur les faits & articles qui lui auront été communiqués, & à cette fin ils doivent lui donner un pouvoir spécial, dans lequel les réponses seront expliquées & affirmées véritables, autrement les faits sont tenus pour confessés & avérés.

On peut aussi faire interroger les syndics, procureurs & autres qui ont agi par les ordres de la communauté, sur les faits qui les concernent en particulier, pour y avoir par le juge tel égard que de raison.

Si le tuteur poursuivi pour les affaires de son mineur refuse de répondre, les faits ne sont pas tenus pour cela pour confessés & avérés au préjudice du mineur.

La partie qui fait faire l'interrogation ne peut pas y être présente.

La procédure que l'on doit tenir pour les interrogatoires sur faits & articles, est expliquée dans l'ordonnance de 1667, tit. 10.

Interrogatoire derriere le barreau, est celui que l'on fait subir à un accusé en présence de tous les juges, lors du jugement du procès, quand les conclusions & la sentence dont est appel, ne tendent pas à peine afflictive.

Les curateurs & les interpretes sont toujours interrogés derriere le barreau, quand même les conclusions & la sentence porteroient peine afflictive contre l'accusé. Voyez ci - après Interrogatoire en matiere criminelle, & Interrogatoire sur la sellete.

Interrogatoire en matiere criminelle, est celui que subit l'accusé, tant lorsqu'il est arrêté ou decrété, que dans le cours de l'instruction s'il y échet, & avant le jugement définitif.

Les accusés pris en flagrant - délit, peuvent être interrogés dans le premier lieu qui sera trouvé commode.

Ceux qui sont decrétés doivent être interrogés au lieu où se rend la justice, dans la chambre du conseil ou de la geole.

Les prisonniers pour crime doivent être interrogés incessamment, & les interrogatoires commencés au plus tard dans les 24 heures après leur emprisonnement, à peine de tous dépens, dommages & intérêts contre le juge qui doit faire l'interrogatoire; & faute par lui d'y satisfaire, il doit y être procédé par un autre officier suivant l'ordre du tableau.

Il est défendu aux geoliers & guichetiers de permettre la communication de quelque personne que ce soit avec les prisonniers detenus pour crime, avant leur interrogatoire ni même après, si cela est ainsi ordonné par le juge.

Le juge doit vacquer en personne à l'interrogatoire, lequel ne peut en aucun cas être fait par le greffier, à peine de nullité & d'interdiction contre le juge & le greffier, & de 500 livres d'amende contre chacun d'eux.

Les procureurs du roi, ceux des seigneurs, & les parties civiles peuvent donner des mémoires aux juges pour interroger l'accusé, tant sur les faits portés par l'information qu'autres, pour s'en servir par le juge comme il avisera.

Les accusés doivent être interrogés chacun séparément, sans assistance d'autre personne que du juge & du greffier; mais au dernier interrogatoire tous les juges sont présens.

L'accusé doit prêter serment avant d'être interrogé, & il en doit être fait mention, à peine de nullité.

De quelque qualité & condition que soit l'accusé, il doit répondre par sa bouche sans le ministere d'aucun conseil, lequel ne peut leur être donné, même après la confrontation, nonobstant tous usages contraires, si ce n'est pour crime de péculat, concussion, banqueroute frauduleuse, vol de commis ou associés en affaires de finances ou de banque, fausseté de pieces, supposition de part, & autres crimes où il s'agit de l'état des personnes, à l'égard desquels les juges peuvent ordonner si la matiere le réquiert, que les accusés après l'interrogatoire communiqueront avec leur conseil ou leur commis.

Après l'interrogatoire les juges peuvent permettre à l'accusé de conférer avec qui bon leur semble.

Les hardes, meubles & autres pieces de conviction doivent être représentées à l'accusé lors de son interrogatoire, & les papiers & écritures paraphées par le juge & par l'accusé, après quoi l'interrogatoire est continué sur les faits & inductions résultantes des hardes, meubles & autres pieces, & l'accusé est tenu de répondre sur le champ, sans qu'il lui en soit donné d'autre communication, si ce n'est dans les cas mentionnés ci - dessus de péculat, concussion, &c.

Quand l'accusé n'entend pas la langue françoise, l'interprete ordinaire, ou s'il n'y en a point, celui qui est nommé d'office par le juge, après avoir prêté serment, explique à l'accusé les interrogations qui lui sont faites par le juge, & à celui - ci les réponses de l'accusé. Le tout doit être écrit en françois & signé par le juge, l'interprete & l'accusé, sinon l'on doit faire mention du refus de signer.

La minute de l'interrogatoire ne doit contenir aucune rature ni interligne; & si l'accusé fait quelque changement à ses réponses, il en doit être fait mention dans la suite de l'interrogatoire.

A la fin de chaque séance de l'interrogatoire, on en doit faire lecture à l'accusé; & le juge & l'accusé doivent cotter & parapher toutes les pages.

Les commissaires au châtelet de Paris peuvent interroger pour la premiere fois les accusés pris en flagrant - délit; les domestiques accusés par leurs maîtres, & ceux contre lesquels il y a decret d'ajournement personnel seulement.

On peut réitérer l'interrogatoire toutes les fois que le cas le requiert.

Chaque interrogatoire doit être mis en un cahier séparé.

Il est défendu à tous juges de rien prendre ni recevoir des prisonniers pour leur interrogatoire, sauf à se faire payer de leurs droits par la partie civile, s'il y en a une.

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