ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"833"> si l'on est forcé d'en venir à l'interprétation de quelque clause, elle fait contre ceux qui ne se sont pas expliqués assez clairement, in quorum fuit potestate legem apertius dicere.

En matiere criminelle, l'interprétation des faits & des actes se fait toujours à la décharge de l'accusé.

On est quelquefois obligé d'interpréter certaines lois, soit parce que les législateurs n'ont pas prévu tous les cas qui se rencontrent, ou parce que les termes de la loi présentent différens sens.

Il y a néanmoins une maxime qui veut que l'on ne distingue point où la loi n'a pas distingué; mais cela s'entend qu'on ne doit point admettre d'exception à la loi, sans une raison particuliere, tirée de la loi même ou du motif sur lequel elle est fondée.

C'est donc dans l'esprit de la loi qu'on doit en chercher l'interprétation.

Si la disposition est contraire au droit commun, elle ne doit point recevoir d'extension d'un cas à un autre, ni d'une personne à une autre, ni d'une chose à une autre.

C'est au prince qu'il appartient naturellement d'interpréter la loi, ejus est legem interpretari cujus est legem condere. C'est une maxime tirée du droit romain.

En France nos Rois se sont toujours réservé l'interprétation de leurs ordonnances.

Charlemagne ayant trouvé la loi des Lombards défectueuse en plusieurs points, la réforma en 801, & ajoûta que dans les choses douteuses il vouloit que les juges eussent recours à son autorité, sans qu'il leur fût permis de les décider suivant leur caprice.

L'ordonnance de 1667, tit. j. art. iij. veut que, si par la suite du tems, usage & expérience, aucuns articles de cette ordonnance se trouvoient contre l'utilité ou commodité publique, ou être sujets à interprétation, déclaration ou modération, les cours puissent en tout tems représenter au roi ce qu'elles jugeront à propos, sans que, sous ce prétexte, l'exécution en puisse être sursise.

L'art. vij. du même titre porte que, si dans le jugement des procès qui seront pendans au parlement ou autres cours, il survient quelque doute ou difficulté sur l'exécution de quelque article des ordonnances, édits, déclarations & lettres, Sa Majesté défend aux cours de les interpréter, mais veut qu'en ce cas elles ayent à se retirer par - devers S. M. pour apprendre son intention.

Il résulte de cet article que les cours mêmes ne peuvent interpréter la loi, lorsqu'il s'agit de le faire contre les termes & le sens évident de la loi.

Mais quand l'interprétation peut se tirer de la loi même, & qu'elle n'a rien de contraire à la loi, les cours sont en possession de la faire sous le bon plaisir de S. M.

Ce pouvoir d'interpréter les lois est une prérogative qui n'appartient qu'aux juges souverains, lesquels représentent la personne du roi, & vice sacrâ principis judicant. Les juges inférieurs sont obligés de se conformer à la lettre de la loi, ou se retirer par - devers M. le chancelier pour savoir quelle est l'intention du Roi. Voyez au code le tit. de legibus.

Lorsqu'il y a contrariété entre deux arrêts rendus en des tribunaux, entre les mêmes parties & pour raison du même fait, on peut se pourvoir en interprétation au grand - conseil.

Mais si les deux arrêts sont émanés du même tribunal, ou que dans un arrêt il se trouve deux dispositions qui paroissent contraires les unes aux autres, on ne peut pas se pourvoir contre de tels arrêts par simple requête en interprétation d'iceux; c'est le cas de se pourvoir par requête civile suivant l'ordonnance de 1667; & la déclaration du 21 Avril 1671, défend aux parties de se pourvoir contre les arrêts par requête en interprétation, & aux cours de rétracter les arrêts, & d'en changer les dispositions par maniere d'interprétation, ou autre voie.

Cependant s'il ne s'agissoit que d'expliquer quelque disposition, & de suppléer quelque chose, sur quoi l'arrêt auroit omis de prononcer; sans toucher à ce qui est porté par l'arrêt, ni rien ordonner de contraire, on pourroit se pourvoir par simple requête, & les cours pourroient ainsi statuer sur ce qui leur seroit demandé, de même que le feroient des juges inférieurs, lesquels, après avoir rendu leur jugement, ne peuvent plus le changer, mais bien statuer sur les nouveaux incidens que l'exécution du jugement fait naître. (A)

INTERPRETE (Page 8:833)

INTERPRETE, s. m. (Gramm. & Théologie.) celui qui fait entendre les sentimens, les paroles, les écrits des autres, lorsqu'ils ne sont pas intelligibles. Voyez Dragoman.

Le mot interprete, suivant Isidore, est composé de la préposition inter & de partes, l'interprete tenant le milieu entre deux parties ou deux personnes, pour leur faire entendre mutuellement leurs pensées. D'autres le font venir d'inter & de proes, c'est - à - dire, fidejussor, celui qui se porte pour caution entre deux personnes qui ne s'entendent point.

L'interprétation de l'Ecriture a donné lieu à des grands débats; les Catholiques soutiennent qu'elle appartient absolument à l'Eglise; que la raison peut bien en chercher le sens, lorsque l'Eglise n'a rien prononcé, mais qu'elle doit se taire dès que cet oracle a parlé. Les Protestans veulent que la raison soit le juge ou l'interprete souverain des Ecritures, quoique quelques - uns d'entre eux ayent beaucoup d'égard pour les synodes, & d'autres pour l'autorité de la primitive église. Quelques - uns enfin disent que c'est le S. Esprit qui l'interprete à chacun au fond du coeur. C'est ce que Bochart appelle APODEICIS2 TD PNEUMAOS2. Voyez Esprit.

Dans la primitive église l'office d'interprete étoit une fonction ecclésiastique, différente de celle du lecteur: car comme il arrivoit souvent que dans une ville les habitans étoient les uns naturels du pays, les autres établis ou par colonie, ou par droit de conquête, ou autrement, & que tous ne parloient pas la même langue; on n'entendoit pas également la lecture qu'on faisoit des livres sacrés; il y avoit dans presque toutes les églises des interpretes pour expliquer au peuple en langue vulgaire ce que le lecteur venoit de lire, ou le discours que l'évêque avoit prononcé. C'est ce que les Grecs appelloient ERUENEUTAS2. Ainsi dans les églises de la Palestine où la moitié du peuple parloit grec, & l'autre parloit syriaque, dans celles d'Afrique où la langue punique étoit encore en usage parmi les uns, tandis que la latine étoit familiere aux autres, il falloit nécessairement qu'il y eût de ces interpretes. Bingham, orig. ecclésiastiq. tom. II. lib. III. chap. xiij. §. 4.

Interpretes (Page 8:833)

Interpretes du droit (Jurisprud.) ce sont les jurisconsultes qui ont commenté les lois romaines. Voyez ci - devant Interprétation, & ci - dessus Jurisconsultes. (A)

INTERREGNE (Page 8:833)

INTERREGNE, s. m. (Droit polit.) on appelle interregne dans un état déja formé le tems qui s'écoule depuis la mort du roi, jusqu'à l'élection de son successeur.

Pendant cet intervalle le peuple redevient un corps imparfait, uni seulement par l'engagement primordial des états, qui ont jugé nécessaire de former une société civile.

Cet engagement est d'une très - grande force par les sentimens qu'inspirent le nom & la vûe d'une patrie, & par l'intérêt des citoyens qui ont leurs biens dans le pays; c'est par de si puissans motifs que la nation se trouve obligée de rétablir au plutôt le gouvernement parfait, civitatem cum impe - [p. 834] rio, & en attendant d'entretenir soigneusement la concorde. Il est même bien difficile qu'un peuple, tant soit peu considérable, qui s'est accru & soutenu long - tems sous une espece de gouvernement, pense à dissoudre le lien de la société, pour redevenir une simple multitude sans union civile. D'ailleurs pour détourner les malheurs & les troubles qui peuvent naître de l'anarchie, les états policés ont toujours eu l'attention de désigner d'avance les personnes qui doivent prendre soin de l'administration des affaires publiques durant le cours de l'interregne, c'est ainsi qu'en Pologne il est réglé que pendant l'interregne, l'archevêque de Gnesne avec les députés de la grande & petite Pologne, tiendront en main les rènes du gouvernement.

Lorsqu'on n'a pas pris d'avance les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre, en attendant que le gouvernement soit fixe, on y pourvoit d'abord comme on peut, & de cette maniere on continue l'engagement de demeurer uni en un corps de société civile. Voyez la Dissertation de Puffendorf de interregnis.

S'il arrivoit néanmoins une chose, qui étoit très possible dans le commencement, que les états se trouvoient fort petits, s'il arrivoit, dis - je, que le plus grand nombre des peres de famille voulussent rompre l'union civile, & rentrer dans l'indépendance de l'état de nature, il semble qu'ils en seroient les maîtres, sans faire tort aux autres; en ce cas - là la pluralité des voix auroit autant de force pour rompre l'engagement de vivre en un corps de société civile, que pour décider de la forme du gouvernement à établir. En effet, pendant que le gouvernement, quelqu'il soit, subsiste, son autorité maintient la force de la premiere convention, à l'égard de tous en général & de chacun en particulier, par une suite nécessaire de la souveraineté. Mais du moment qu'il n'y a plus de gouvernement fixe, ni de gouvernement établi par provision, il ne reste d'autre moyen de décider ce qu'il convient de faire pour le bien public, en vûe duquel toute société civile se contracte, que la volonté du plus grand nombre. (D. J.)

INTERREX (Page 8:834)

INTERREX, s. m. (Hist. rom.) sénateur qui étoit revêtu par élection pour cinq jours de l'autorité suprème, pendant la vacance du trône, & sous la république, dans le cas de quelque anarchie, au défaut d'un dictateur.

Ce nom est proprement latin, mais il faut bien s'en servir dans notre langue puisque nous n'en avons aucun qui lui réponde; gouverneur, régent & même entre - roi, ne rendent point le nom interrex, & ne peuvent le rendre, attendu la différence de nos gouvernemens avec celui de Rome.

Toutet les fois que dans le commencement de cette république l'élection d'un roi ne se faisoit pas sur le champ, & qu'il y avoit un interregne, le pouvoir cessoit entre les mains des sénateurs, qui choisissoient un chef pour gouverner l'état avec toutes les marques de la dignité royale; on appelloit le patricien qui en étoit honoré interrex. C'étoit lui qui assembloit le peuple pour procéder à l'élection d'un nouveau roi; mais sa charge ne duroit que cinq jours, au bout desquels on en déclaroit un autre, si la vacance du trône n'étoit pas remplie. On disoit déclarer l'interrex plutôt qu'élire: le mot consacré étoit, prodere interregem.

Il est vrai cependant que les Historiens ne sont point d'accord sur la maniere dont les sénateurs distribuerent entre eux l'exercice de l'autorité suprème, dans l'interregne qui subsista une année entiere après la mort de Romulus. Denys d'Halicarnasse assure que chaque sénateur fut interrex cinq jours de suite. Tite - Live marque que les sénateurs s'étant partagés en dixaines, chaque dixaine commandoit alternati<cb-> vement durant cinq jours; mais qu'il n'y en avoit qu'un de ces dix qui portât les marques de la souveraineté, & qui fît marcher devant lui les licteurs avec les haches & les faisceaux.

Le commandement de l'armée après la mort de Romulus, fut prolongé pour un an aux consuls, & le sénat nomma pour premier interrex Cn. Claudius, fils d'Appius. Ce fut sur la fin de cet interregne, que celui qui en fit le dernier la fonction, adressant la parole au peuple en pleine assemblée, lui tint ce discours remarquable: « Elisez donc un roi, Romains, le sénat y consent; & si vous faites choix d'un prince digne de succéder à Romulus, le sénat le confirmera ».

Après l'établissement de la république sous les consuls, quoiqu'il n'y eût plus de rois, on garda le nom & la fonction d'interrex; car lorsque les magistrats étoient absens ou morts, qu'ils ne pouvoient tenir les comices, qu'ils avoient abdiqué, qu'il y avoit eu quelque défaut dans leur élection, ou qu'en un mot l'etat se trouvoit dans une espece d'anarchie, qui ne demandoit pas néanmoins qu'on vînt à créer un dictateur, on declaroit un interrex pris du nombre des patriciens; sa fonction ne duroit comme sous la royauté que cinq jours, au bout desquels on en créoit un autre.

Il convoquoit le sénat par son pouvoir, faisoit assembler le peuple pour l'élection des consuls ou des tribuns militaires lorsqu'ils avoient lieu, & veilloit à ce qu'on y procédât dans les regles.

Pendant le tems de sa charge, tous les magistrats, excepté les tribuns du peuple, déposoient leur autorité. En effet il arriva que l'an 700 de la fondation de Rome, ils s'opposerent si fortement à l'élection des consuls que l'interrex ne pouvant les y contraindre, on fut obligé de déclarer Pompée dictateur: c'est - là, je pense, la derniere fois qu'il est parlé de cette magistrature provisionnelle dans l'Histoire romaine. Elle tomba d'elle - même avec la république, quand les empereurs se rendirent maîtres de tout le gouvernement. Voyez si vous voulez, Rosinus, lib. VII. cap. xvj. Pitisci Lexicon antiq. rom. & Midleton, Traité du sénat romain. (D. J.)

INTERROGAT (Page 8:834)

INTERROGAT, s. m. (Jurisprud.) terme de palais, se dit des demandes ou interrogations faites par le juge, ou commissaire député, à un accusé ou à une partie civile, lors d'un interrogatoire. Voyez Interrogatoire.

INTERROGATIF (Page 8:834)

INTERROGATIF, adj. (Gramm.) Une phrase est interrogative, lorsqu'elle indique de la part de celui qui parle, une question plutôt qu'une assertion: on met ordinairement à la fin de cette phrase un point surmonté d'une sorte de petite s retournée en cette maniere (?); & ce point se nomme aussi point interrogatif: par exemple,

Fortune, dont la main couronne Les forfaits les plus inouis, Du faux éclat qui t'environne Serons - nous toujours éblouis? Rousseau. Où suis - je? de Baal ne vois - je pas le prêtre? Quoi, filles de David, vous parlez à ce traitre? Racine.

Quoi qu'en disent plusieurs grammairiens, il n'y a dans la langue françoise aucun terme qui soit proprement interrogatif, c'est - à - dire qui désigne essentiellement l'interrogation. La preuve en est que les mêmes mots que l'on allegue comme tels, sont mis sans aucun changement dans les assertions les plus positives. Ainsi nous disons bien en françois, Com<-> bien coûte ce livre? Comment vont nos affaires? Ou tendent ces discours? Pourqoui sommes - nous nés? Quand reviendra la paix? Que veut cet homme? Qui a parlé de la sorte? Sur quoi est fondée

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