ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"809"> gent le plus souvent de la discussion & instruction des affaires sur lesquelles ils font des procès - verbaux, & donnent des ordonnances pour faire venir devant eux les personnes intéressées, ou pour autres objets semblables.

Mais leurs ordonnances ne sont réputées que des avis à l'intendant; & si les parties ont à s'en plaindre, elles ne se peuvent adresser qu'à lui. Il n'est permis de se pourvoir par appel, que contre celles que l'intendant rend sur ces procès - verbaux de ses subdélégués; il n'y a que les ordonnances d'un subdélégué général, dont l'appel puisse être reçu au conseil, parce qu'il a une commission du grand sceau, qui l'autorise à remplir toutes les fonctions de l'intendant; mais ces commissions ne se donnent que quand l'intendant est hors d'état de vaquer à ses fonctions par lui - même, comme en tems de guerre, lorsqu'il est obligé de suivre les armées en qualité d'intendant d'armée. (A)

L'autorité des intendans est, comme on le voit, très - étendue dans les pays d'élection, puisqu'ils y décident seuls de la répartition des impôts, de la quantité & du moment des corvées, des nouveaux établissemens de commerce, de la distribution des troupes dans les différens endroits de la province, du prix & de la répartition des fourrages accordés aux gens de guerre; qu'enfin c'est par leur ordre & par leur loi que se font les achats des denrées, pour remplir les magasins du roi; que ce sont eux qui président à la levée des milices, & décident les difficultés qui surviennent à cette occasion; que c'est par eux que le ministere est instruit de l'état des provinces, de leurs productions, de leurs débouchés, de leurs charges, de leurs pertes, de leurs ressources, &c. qu'enfin sous le nom d'intendans de justice, police & finances, ils embrassent presque toutes les parties d'administration.

Les états provinciaux sont le meilleur remede aux inconveniens d'une grande monarchie; ils sont même de l'essence de la monarchie, qui veut non des pouvoirs, mais des corps intermédiaires entre le prince & le peuple. Les etats provinciaux font pour le prince une partie de ce que feroient les préposés du prince; & s'ils sont à la place du préposé, ils ne veulent ni ne peuvent se mettre à celle du prince; c'est tout au plus ce que l'on pourroit craindre des états généraux.

Le prince peut avoir la connoissance de l'ordre général, des lois fondamentales, de sa situation par rapport à l'étranger, des droits de sa nation, &c.

Mais sans le secours des états provinciaux, il ne peut jamais savoir quelles sont les richesses, les forces, les ressources; ce qu'il peut, ce qu'il doit lever de troupes, d'impôts, &c.

En France, l'autorité du roi n'est nulle part plus respectée que dans les pays d'états: c'est dans leurs augustes assemblées où elle paroît dans toute sa splendeur. C'est le roi qui convoque & révoque ces assemblées; il en nomme le président, il peut en exclure qui bon lui semble: il y est présent par ses commissaires. On n'y fait jamais entrer en question les bornes de l'autorité; on ne balance que sur le choix des moyens d'obéir, & ce sont les plus prompts que d'ordinaire on choisit. Si la province se trouve hors d'état de payer les charges qu'on lui impose, elle se borne à des représentations, qui ne sont jamais que l'exposition de leur subvention présente, de leurs efforts passés, de leurs besoins actuels, de leurs moyens, de leur zele & de leur respect. Soit que le roi persévere dans sa volonté, soit qu'il la change, tout obéit. L'approbation que les notables qui composent ces états, donnent aux demandes du prince, servent à persuader aux peuples qu'elles étoient justes & nécessaires; ils sont intéressés à faire obéir le peuple prompement: on donne plus que dans les pays d'élection, mais on donne librement, volontairement, avec zele, & on est content.

Dans les pays éclairés par la continuelle discussion des affaires, la taille sur les biens s'est établie sans difficulté; on n'y connoît plus les barbaries & les injustices de la taille personnelle. On n'y voit point un collecteur suivi d'huissiers ou de soldats épier s'il pourra découvrir & faire vendre quelques lambeaux qui restent au misérable pour couvrir ses enfans, & qui sont à peine échappés aux exécutions de l'année précédente. On n'y voit point cette multitude d'hommes de finance qui absorbe une partie des impôts & tyrannise le peuple. Il n'y a qu'un trésorier général pour toute la province; ce sont les officiers préposés par les états ou les officiers municipaux qui, sans frais, se chargent de la régie.

Les trésoriers particuliers des bourgs & des villages ont des gages modiques; ce sont eux qui perçoivent la taille dont ils répondent; comme elle est sur les fonds, s'il y a des délais, ils ne risquent point de perdre leurs avances, ils les recouvrent sans frais; les délais sont rares, & les recouvremens presque toujours prompts.

On ne voit point dans les pays d'états trois cent collecteurs, baillis ou maires d'une seule province, gémir une année entiere & plusieurs mourir dans les prisons, pour n'avoir point apporté la taille de leurs villages qu'on arendus insolvables. On n'y voit point charger de 7000 liv. d'impôts un village, dont le territoire produit 4000 livres. Le laboureur ne craint point de jouir de son travail, & de paroître augmenter son aisance; il sait que ce qu'il payera de plus sera exactement proportionné à ce qu'il aura acquis. Il n'a point à corrompre ou à fléchir un collecteur; il n'a point à plaider à une élection de l'élection, devant l'intendant de l'intendant au conseil.

Le roi ne supporte point les pertes dans les pays d'états, la province fournit toujours exactement la somme qu'on a exigée d'elle; & les répartitions faites avec equité, toujours sur la proportion des fonds, n'accable point un laboureur aisé, pour soulager le malheureux que pourtant on indemnise.

Quant aux travaux publics, les ingénieurs, les entrepreneurs, les pionniers, les fonds enlevés aux particuliers, tout se paye exactement & se leve sans frais. On ne construit point de chemins ou de ponts, qui ne soient utiles qu'à quelques particuliers: on n'est point l'esclave d'une éternelle & aveugle avarice.

S'il survient quelques changemens dans la valeur des biens ou dans le commerce, toute la province en est instruite, & on fait dans l'administration les changemens nécessaires.

Les ordres des états s'éclairent mutuellement, aucun n'ayant d'autorité, ne peut opprimer l'autre; tous discutent, & le roi ordonne. Il se forme dans ces assemblées des hommes capables d'affaires; c'est en faisant élire les consuls d'Aix, & exposant à l'assemblée les intérêts de la Provence, que le cardinal de Janson étoit devenu un célebre négociateur.

On ne traverse point le royaume sans s'appercevoir de l'excellente administration des états, & de la funeste administration des pays d'élection. Il n'est pas nécessaire de faire de question; il ne faut que voir les habitans des campagnes, pour savoir si on est en pays d'état, ou en pays d'élection; de quelle ressource infinie ces pays d'états ne sont - ils pas pour le royaume!

Comparez ce que le roi tire de la Normandie, & ce qu'il tire du Languedoc, ces provinces sont de même étendue, les sables & l'aridité de la derniere envoient plus d'argent au trésor royal que [p. 810] les pacages opulens & les fertiles campagnes de la premiere. Que seroit - ce que ces pays d'états, si les domaines du roi y étoient affermés & mis en valeur par les états mêmes? C'étoit le projet du feu duc de Bourgogne; & à ce projet il en ajoutoit un plus grand, celui de mettre tout le royaume en provinces d'état.

Si le royaume a des besoins imprévus, subits, & auxquels il faille un prompt remede, c'est des pays d'état que le prince doit l'attendre. La Bretagne, malgré ses landes & son peu d'étendue, donna dans la derniere guerre un tiers de subsides de plus que la vaste & riche Normandie. La Provence, pays stérile, donna le double du Dauphiné, pays abondant en toutes sortes de genre de production.

La Provence, dévastée par les armées ennemies, surchargée du fardeau de la guerre, propose de lever & d'entretenir une armée de trente mille hommes à ses dépens. Le Languedoc envoye deux mille mulets au prince de Conti pour le mettre en état de profiter de ses victoires & du passage des Alpes.

Ce que je dis est connu de tout le monde, & chez l'étranger nos provinces d'état ont la réputation d'opulence; elles ont plus de crédit que le gouvernement; elles en ont plus que le roi lui - même.

Souvenons - nous que Gènes, dans la derniere guerre, ne voulut prêter au roi que sous le cautionnement du Languedoc.

Il y a des intendans dans ces provinces, il est à desirer qu'ils n'y soient jamais que des hommes qui y veillent pour le prince; il est à desirer qu'ils ne n'y étendent jamais leur autorité, & qu'on la modere beaucoup dans les pays d'élection.

Intendans du Commerce (Page 8:810)

Intendans du Commerce; ce sont des magistrats établis en titre d'office pour s'appliquer aux affaires de commerce, & qui ont entrée & séance au conseil royal du Commerce, où ils font le rapport des mémoires, demandes, propositions & affaires qui leur sont renvoyées chacun dans leur département, & pour rendre compte des délibérations qui y ont été prises au contrôleur général des finances, ou au secrétaire d'état ayant le département de la marine, suivant la nature des affaires, lorsque leurs emplois ne leur ont pas permis d'y assister.

Toutes les nations policées ont reconnu la nécessité d'établir des officiers qui eussent une inspection sur le commerce, tant pour en perfectionner les différentes parties & le rendre plus florissant, que pour prévenir les inconvéniens qui peuvent se présenter, réprimer les abus & y faire régner la bonne foi, qui en doit être l'ame. On ne voit pas néanmoins qu'il y eût anciennement des officiers établis particulierement pour avoir inspection sur tout le commerce intérieur & extérieur d'une nation; cette inspection générale étoit réservée uniquement à ceux qui avoient part au gouvernement général de l'état; il y avoit seulement dans chaque ville quelques personnes chargées de la police, & en même - tems de veiller sur le commerce, comme étant un des principaux objets de la police.

Chez les Hébreux, dans chaque quartier de Jérusalem, il y avoit deux préfets ou intendans qui, sous l'autorité des premiers magistrats, tenoient la main à l'exécution des lois, au bon ordre & à la discipline publique. Ils avoient l'inspection sur les vivres & sur toutes les autres provisions dont le peuple avoit besoin, tant pour sa subsistance que pour son commerce. « Les Hébreux, dit Arianus lib. I. ont des préfets ou intendans des quartiers de leurs villes, qui ont inspection sur tout ce qui s'y passe; la police du pain, celle des autres vivres & du commerce est aussi de leurs soins; ils reglent eux - mêmes les petits différends qui s'y présentent, & des autres ils en réferent au magistrat ».

La ville d'Athènes avoit aussi des officiers appellés *AGORANO/MOI, c'est - à - dire, conservateurs des vivres, des marchés & du commerce. Leur emploi étoit de procurer l'abondance de toutes les choses nécessaires à la vie, d'entretenir la perfection des arts & la bonne foi dans le commerce, tant de la part des vendeurs, que de celle des acheteurs, auxquels la fraude & le mensonge étoient entr'autres défendus sous de très - grosses peines. Ils tenoient aussi la main à l'exécution des lois dans les tems de stérilité; faisoient ouvrir en ces occasions les magasins, & ne permettoient à chaque citoy en de garder en sa maison une plus grande quantité de vivres qu'il n'étoit nécessaire pour l'entretien de sa famille pendant un an. Platon & Théophraste, en leurs traités de leg. Aristote, Denis d'Halicarnasse, Démosthènes, Hypérides, Plaute, Ulpien, Postel, Polibe & Harpocrate font mention de ces officiers en divers endroits de leurs ouvrages.

Chez les Romains les prêteurs avoient d'abord seuls toute inspection sur le commerce. On institua dans la suite deux prêteurs particuliers pour la police des vivres. Jules César établit aussi deux édiles, qui furent surnommés ceréales, parce que sous l'autorité du prêteur ils veilloient à la police des vivres, dont le pain est le plus nécessaire. Ils prenoient soin de l'achat des biés que l'on faisoit venir d'Afrique pour distribuer au peuple, de la voiture de ces bles, de leur dépôt dans les greniers, & de la distribution qui s'en faisoit au peuple. Auguste, après avoir réformé le nombre excessif des prêteurs & des édiles, établit au - dessus des prêteurs un magistrat, qui fut appellé proefectus urbis, le préfet de la ville. Il étoit seul chargé de toute la police & du soin de tout ce qui concernoit le bien public & l'utilité commune des citoyens. Il mettoit le prix à la viande, faisoit les réglemens des marches & de la vente des bestiaux; il prenoit aussi le soin que la ville fût suffisamment pourvûe de blé & de toutes les autres provisions nécessaires à la subsistance des citoyens. Il avoit l'inspection sur tout le commerce, pour le faciliter, le permettre ou l'interdire; le droit d'établir des marchés ou de les supprimer pour un tems ou pour toujours, ainsi qu'il jugeoit à - propos pour le bien public. Il faisoit les réglemens pour les poids & les mesures, & punir ceux qui étoient convaincus d'y avoir commis quelque fraude. Les arts libéraux, & en général tous les corps de métier étoient soumis à sa jurisdiction pour tout ce qui concernoit leurs professions.

Quelque tems après, Auguste voulant soulager le préfet de la ville, qui étoit surchargé de différentes affaires, établit sous lui un préfet particulier, appellé proefectus annonoe, c'est - à - dire, préfet des vivres. Celui - ci fut choisi dans l'ordre des chevaliers; il fut chargé du soin de faire venir du blé & de l'huile d'Afrique, & de tirer de ces provinces éloignées ou d'ailleurs toutes les autres provisions nécessaires à la subsistance des citoyens, dans les tems & les salsons convenables. Il donnoit ses ordres pour faire décharger les grains & les autres vivres sur les ports, pour les faire voiturer à Rome, & serrer les blés dans les greniers publics. C'étoit lui qui faisoit distribuer ces grains aux uns à juste prix, aux autres gratuitement, selon les tems & les ordres qui lui étoient donnés par le premier magistrat de police. Il eut aussi l'inspection de la vente du pain, du vin, de la viande, du poisson & des autres vivres; il fut même dans la suite mis au nombre des magistrats: sa jurisdiction s'étendoit sur tous ceux qui se mêloient du commerce des vivres.

En France, pendant très - long - tems les seules personnes qui eussent inspection sur le commerce, étoient les ministres du roi, les commissaires du

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