ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"775"> hommes, & en fit brûler cinq ou six mille avec l'appareil des plus augustes fêtes.

Tout ce qu'on nous rapporte des peuples qui ont sacrifié des hommes à la divinité, n'approche pas de ces exécutions accompagnées de cérémonies religieuses. Les Espagnols n'en conçurent pas d'abord assez d'horreur, parce que c'étoient leurs anciens ennemis, & des Juifs qu'on sacrifioit; mais bien - tôt eux - mêmes devinrent victimes: car lorsque les dogmes de Luther éclaterent, le peu de citoyens qui fut soupçonné de les admettre, fut immolé; la forme des procédures devint un moyen infaillible de perdre qui on vouloit.

Voici quelle est cette forme: on ne confronte point les accusés aux délateurs, & il n'y a point de délateur qui ne soit écouté: un criminel flétri par la justice, un enfant, une courtisane, sont des accusateurs graves. Le fils peut déposer contre son pere, la femme contre son époux, le frere contre son frere: enfin l'accusé est obligé d'être lui - même son propre délateur, de deviner, & d'avouer le délit qu'on lui suppose & que souvent il ignore. Cette procédure inouie jusqu'alors, & maintenue jusqu'à ce jour, fit trembler l'Espagne. La défiance s'empara de tous les esprits; il n'y eut plus d'amis, plus de société; le frere craignit son frere, le pere son fils, l'épouse son époux: c'est de - là que le silence est devenu le caractere d'une nation née avec toute la vivacité que donne un climat chaud & fertile; les plus adroits s'empresserent d'être les archers de l'inquisition, sous le nom de ses familiers, aimant mieux être satellites que de s'exposer aux supplices.

Il faut encore attribuer à l'établissement de ce tribunal cette profonde ignorance de la saine philosophie, où l'Espagne demeure toujours plongée, tandis que l'Allemagne, le Nord, l'Angleterre, la France, la Hollande, & l'Italie même ont découvert tant de vérités, & ont élargi la sphere de nos connoissances. Descartes philosophoit librement dans sa retraite en Hollande, dans le tems que le grand Galilée à l'âge de 80 ans, gémissoit dans les prisons de l'inquisition, pour avoir découvert le mouvement de la terre. Jamais la nature humaine n'est si avilie que quand l'ignorance est armée du pouvoir; mais ces tristes effets de l'inquisition sont peu de chose en comparaison de ces sacrifices publics qu'on nomme auto - da fé, actes de foi, & des horreurs qui les précedent.

C'est un prêtre en surplis; c'est un moine voué à la charité & à la douceur, qui fait dans de vastes & profonds cachots appliquer des hommes aux tortures les plus cruelles. C'est en suite un théâtre dressé dans une place publique, où l'on conduit au bucher tous les condamnés, à la suite d'une procession de moines & de confrairies. On chante, on dit la messe, & on tue des hommes. Un asiatique qui arriveroit à Madrid le jour d'une telle exécution, ne sauroit si c'est une réjouissance, une fête religieuse, un sacrifice, ou une boucherie; & c'est tout cela ensemble. Les rois, dont ailleurs la seule présence suffit pour donner grace à un criminel, assistent à ce spectacle, sur un siege moins élevé que celui de l'inquisiteur, & voyent expirer leurs sujets dans les flammes. On reprochoit à Montézuma d'immoler des captifs à ses dieux; qu'auroit - il dit s'il avoit vû un auto da fé?

Ces exécutions sont aujourd'hui plus rares qu'autrefois; mais la raison qui perce avec tant de peine quand le fanatisme est sur le trone, n'a pu les abolir encore.

L'inquisition ne fut introduite dans le Portugal que vers l'an 1557, & même quand ce pays n'étoit point soumis aux Espagnols, elle essuya d'abord toutes les contradictions que son seul nom devroit produire: mais enfin elle s'établit, & sa jurisprudence fut la même à Lisbonne qu'à Madrid. Le grand inquisiteur est nommé par le roi, & confirmé par le pape. Les tribunaux particuliers de cet office qu'il nomme saint, sont soumis en Espagne & en Portugal, au tribunal de la capitale. L'inquisition eut dans ces deux états la même sévérité & la même attention à signaler sa puissance.

En Espagne, après le décès de Charles - quint, elle osa faire le proces à l'ancien confesseur de cet empereur, à Constantin Ponce, qui périt dans un cachot, & dont l'effigie fut ensuite brûlée dans un auto - da fé.

En Portugal Jean de Bragance ayant arraché son pays à la domination espagnole, voulut aussi le délivrer de l'inquisition: mais il ne put réussir qu'à priver les inquisiteurs des confiscations; ils le déclarerent excommunié après sa mort; il fallut que la reine sa veuve les engageât à donner au cadavre une absolution aussi ridicule qu'elle étoit honteuse: par cette absolution on le déclaroit coupable.

Quand les Espagnols passerent en Amérique, ils porterent l'inquisition avec eux. Les Portugais l'introduisirent aux Indes occidentales, immédiatement après qu'elle fut autorisée à Lisbonne.

On sait l'histoire de l'inquisition de Goa. Si cette jurisdiction opprime ailleurs le droit naturel, elle étoit dans Goa contraire à la politique. Les Portugais n'alloient aux Indes que pour y négocier. Le commerce & l'inquisition sont incompatibles. Si elle étoit reçue dans Londres & dans Amsterdam, ces villes seroient desertes & misérables: en effet quand Philippe II. la voulut introduire dans les provinces de Flandres, l'interruption du commerce fut une des principales causes de la révolution.

La France & l'Allemagne ont été heureusement préservées de ce fléau; elles ont essuyé des guerres horribles de religion, mais enfin les guerres finissent, & l'inquisition une fois établie semble devoir être éternelle.

Cependant le roi de Portugal a finalement secoué son joug en suivant l'exemple de Venise; il a sagement ordonné, pour anéantir toute puissance de l'inquisition dans ses états, 1°. que le procureur général accusateur communiqueroit à l'accusé les articles de l'accusation, & le nom des témoins: 2°. que l'accusé auroit la liberté de choisir un avocat, & de conférer avec lui: 3°. il a de plus défendu d'exécuter aucune sentence de l'inquisition qu'elle n'eût été confirmée par son couseil. Ainsi les projets de Jean de Bragance ont été exécutés un siecle après par un de ses successeurs.

Sans doute qu'on a imputé à un tribunal, si justement détesté, des excès d'horreurs qu'il n'a pas toujours commis: mais c'est être mal - adroit que de s'élever contre l'inquisition par des faits douteux, & plus encore, de chercher dans le mensonge de quoi la rendre odieuse; il suffit d'en connoître l'esprit.

Bénissons le jour où l'on a eu le bonheur d'abolir dans ce royaume une jurisdiction si contraire à l'indépendance de nos rois, au bien de leurs sujets, aux libertés de l'église gallicane, en un mot à toute sage police. L'inquisition est un tribunal qu'il faut rejetter dans tous les gouvernemens. Dans la monarchie, il ne peut faire que des hypocrites, des délateurs & des traitres. Dans les républiques, il ne peut former que de malhonnêtes gens. Dans l'état despotique, il est destructeur comme lui. Il n'a servi qu'à faire perdre au pape un des plus beaux fleurons de sa couronne, les Provinces - unies; & à brûler ailleurs, aussi cruellement qu'inutilement, un grand nombre de malheureux. [p. 776]

Ce tribunal inique, inventé pour extirper l'hérésie, est précisément ce qui éloigne le plus tous les protestans de l'Eglise romaine; il est pour eux un objet d'horreur. Ils aimeroient mieux mourir mille fois que de s'y soumettre, & les chemises ensoufrées du saint office sont l'étendard contre lequel on les verra toujours réunis. De - là vient que leurs habiles écrivains proposent cette question: « Si les puissances protestantes ne pourroient pas se liguer avec justice pour détruire à jamais une jurisdiction cruelle sous laquelle gémit le Christianisme depuis si long - tems ».

Sans prétendre résoudre ce problème, il est permis d'avancer, avec l'auteur de l'esprit des lois, que si quelqu'un dans la postérité ose dire qu'au dix - huitieme siecle tous les peuples de l'Europe étoient policés, on citera l'inquisition pour prouver qu'ils étoient en grande partie des barbares; & l'idée que l'on en prendra sera telle qu'elle flétrira ce siecle, & portera la haine sur les nations qui adoptoient encore cet établissement odieux. (D. J.)

INQUOFFO (Page 8:776)

INQUOFFO, s. m. (Hist. nat. Botan.) plante d'Afrique, commune dans les royaumes de Congo & d'Angola. Elle ressemble à la vigne - vierge, & produit une grande quantité de petites grappes chargées de grains, de la grosseur des grains de coriandre, mais qui ont le goût des grains de poivre. Les habitans s'en servent dans la cuisine, & leur trouvent même plus de force qu'au poivre ordinaire.

INRAMO (Page 8:776)

* INRAMO, s. f. (Commerce.) sorte de coton en masse & non - filé, qui se tire du Levant & de l'Egypte par la voie du Caire.

INSAG (Page 8:776)

INSAG, s. m. (Ornit. exot.) nom vulgaire que les habitans des îles Philippines donnent à une espece de perroquets communs dans leurs bois. Ces sortes de perroquets ont tout le corps d'un beau verd lustré, & la tête d'un rouge vif, éclatant. (D. J.)

INSALITA (Page 8:776)

INSALITA, (Hist. nat.) Quelques naturalistes entendent par ce mot les corps étrangers au regne minéral, qui étant renfermés sous terre, y ont été pénétrés de quelques sels minéraux, tels sont plusieurs bois fossiles chargés de vitriol ou d'alun. On prétend qu'on a trouvé dans les mines de sel qui sont près de Cracovie en Pologne, une poule avec ses oeufs pénétrée & comme pétrifiée par le sel. ( - )

INSANDA (Page 8:776)

INSANDA, (Hist. nat. Bot.) arbre d'Afrique, qui se trouve abondamment au royaume de Congo. On nous dit qu'il ressemble beaucoup au laurier d'Europe. Les Négres mettent son écorce en macération, & en font une étoffe assez fine, dont les plus opulens se vêtissent.

INSATIABLE (Page 8:776)

* INSATIABLE, adj. (Gramm.) qui ne peut être assouvi. Il se dit au physique & au moral. Il y a des maladies où l'on est tourmenté d'une faim insatiable. Les passions sont insatiables.

INSCRIPTION (Page 8:776)

INSCRIPTION, s. f. (Littérat. Antiq. Médailles.) caracteres gravés sur le marbre ou le bronze, pour perpétuer à la postérité la mémoire de quelque événement.

La maniere la plus ordinaire chez les anciens peuples du monde, pour conserver le souvenir des faits qu'ils regardoient comme mémorables, étoit l'usage des monumens matériels. On se contenta, dans les siecles grossiers, pour y parvenir, de dresser en colonnades des monceaux de pierres. Quand Jacob & Laban se reconcilierent, dit la Genese, chap. xxxj. vers. 45. le premier prit une pierre qu'il érigea en forme de colonne, pour servir de témoignage de cette réconciliation; les freres de Laban prirent à leur tour des pierres, & en firent un monceau. Jacob & Laban donnerent chacun en leur langue, à cet amas de pierres, le nom de monceau du témoignage, parce que ce monceau de pierres devoit rester pour témoignage solemnel du traité d'amitié qu'ils contractoient ensemble.

Xénophon rapporte, dans l'histoire de la fameuse retraite des dix mille, que les soldats ayant vû le Pont - Euxin, après avoir essuyé beaucoup de fatigues & de dangers, éleverent une grande pile de pierres, pour marquer leur joie, & laisser des vestiges de leurs voyages.

Cependant ces pierres n'avoient rien qui montrât qu'elles signifioient quelque chose, que leur position & leur situation. Elles remettoient bien devant les yeux quelque événement, mais on avoit besoin de la mémoire pour se rappeller cet événement.

Dans la suite, on fit sensément parler ces pierres mêmes, premierement en leur donnant des figures qui representoient des dieux, des hommes, des batailles, & en faisant des bas reliefs, où ces choses étoient dépeintes; secondement, en gravant dessus des caracteres ou des lettres qui contenoient des inscriptions de noms.

Cette coutume de graver sur les pierres se pratiqua de toute ancienneté chez les Phéniciens & les Egyptiens, d'où les Grecs en emprunterent l'usage pour perpétuer la mémoire des événemens de leur nation. Ainsi dans la citadelle d'Athènes, il y avoit, au rapport de Thucydide, liv. VI. des colonnes où étoit marquée l'injustice des tyrans qui avoient usurpé l'autorité souveraine. Hérodote, liv. VII. nous apprend que, par le decret des Amphictions, on érigea un amas de pierres avec une épitaphe en l'honneur de ceux qui furent tués aux Thermopyles.

On fit plus avec le tems; on écrivit sur des colonnes & des tables les lois religieuses & les ordonnances civiles. Chez les Juifs, le Décalogue & le Deutéronomne furent inscrits sur des pierres enduites de chaux. Théopompe prétend que les Corybantes inventerent l'art de dresser des colonnes pour y écrire les lois. Sans examiner s'il a tort ou raison, cette coutume prit faveur chez tous les peuples de la Grece, excepté les Lacédémoniens, chez lesquels Lycurgue n'avoit pas voulu permettre que l'on écrivît ses loix, afin que l'on fût contraint de les savoir par coeur.

Enfin, l'on grava sur le marbre, le bronze, le cuivre & le bois l'histoire du pays, le culte des dieux, les principes des sciences, les traités de paix, les guerres, les alliances, les époques, les conquêtes, en un mot tous les faits mémorables ou instructifs. Porphyre nous parle des inscriptions que les Crétois possédoient, & dans lesquelles se lisoit la cérémonie des sacrifices des Corybantes. Evhémerus, au rapport de Lactance, avoit tiré son histoire de Jupiter & des autres dieux, des inscriptions qui se trouvoient dans les temples, & principalement dans celui de Jupiter Triphylien. Pline raconte que les astronomes de Babylone écrivoient leurs observations sur des briques, & se servoient de matieres dures & solides pour conserver les opérations des arts. Aremnestus, fils de Pythagore, selon le témoignage de Porphyre, dédia au temple de Junon, une lame d'airain, sur laquelle il avoit gravé les principes des sciences qu'il avoit cultivés. Ce monument, dit Malchus, avoit deux coudées de diametre, & contenoit sept sciences écrites. Pythagore, selon l'opinion de plusieurs savans, apprit la Philosohie des inscriptions gravées en Egypte sur des colonnes de marbre. Il est dit, dans le dialogue de Platon, intitulé Hipparque, que le fils de Pisistrate fit graver sur des colonnes de pierres des préceptes utiles aux laboureurs.

Numa, second roi de Rome, écrivit les cérémonies de sa religion sur des tables de chêne. Quand Tarquin révoqua les lois de Tullius, il fit ôter du forum

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