ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"777"> toutes les tables sur lesquelles elles avoient été écrites. On gravoit sur de pareilles tables, & quelquefois sur des colonnes, les traités & les alliances. Romulus montra l'exemple; il avoit fait graver sur une colonne le traité d'alliance qu'il contracta avec ceux de Véïès; Tullus, celui qu'il fit avec les Sabins; & Tarquin, celui qu'il eut le bonheur de négotier avec les Latins.

Sous les empereurs, on formoit les monumens publics de lames de plomb gravées, dont on composoit des volumes en les roulant. L'acte de pacification, conclu entre les Romains & les Juifs, fut écrit sur des lames de cuivre, afin, dit Pline, que ce peuple eût chez lui de quoi le faire souvenir de la paix qu'il venoit d'obtenir. Tite - Live rapporte qu'Annibal dédia un autel sur lequel il fit graver, en langue punique & greque, la description de ses heureux exploits.

Thucydide ne parle que de colonnes de Grece qui se trouvoient dans les plaines d'Olinthe, dans l'Isthme, dans l'Attique, dans Athènes, dans la Laconie, dans Ampélie, & par - tout ailleurs, sur lesquelles colonnes les traités de paix & d'alliance étoient gravés. Les Messéniens, dans les contestations qu'ils eurent avec les Lacédémoniens touchant le temple de Diane Laménitide, produisirent l'ancien partage du Péloponnèse, stipulé entre les descendans d'Hercule, & prouverent par des monumens encore gravés sur les pierres & sur l'airain, que le champ dans lequel le temple avoit été bâti, étoit échu à leur roi. Que dis - je, toute l'histoire, toutes les révolutions de la Grece, étoient gravées sur des pierres ou des colonnes; témoin les marbres d'Arondel, ou sont marquées les plus anciennes & les plus impo - tantes époques des Grecs; monument incomparable, & dont rien n'égale le prix.

En un mot, le nombre des inscriptions de la Grece & de Rome sur des colonnes, sur des pierres, sur des marbres, sur des médailles, sur des monnoies, sur des tables de bois & d'airain, est presque infini; & l'on ne peut douter que ce ne soient les plus certains & les plus fideles monumens de leur nistoire. Aussi, parmi toutes les inscriptions qui sont parvenues jusqu'à nous, ce sont celles de ces deux peuples qui nous intéressent davantage, & qui sont les plus dignes de nos regards. Les Grecs, cherchant eux - mêmes toutes sortes de moyens pour mettre leurs inscriptions à l'abri des injures du tems, en écrivirent quelquefois les caracteres sur la surface inférieure d'un marbre, & se servirent d'autres blocs de marbre qu'ils avançoient par - dessus pour le couvrir & le conserver.

Mais outre que les inscriptions de ces deux peuples sont autant de monumens qui répandent la plus grande lumiere sur leur histoire, la noblesse des pensées, la pureté du style, la briéveté, la simplicité, la clarté qui y régnent, concourent encore à nous les rendre précieuses, car c'est dans ce goût - là que les inscriptions doivent être faites. La pompe & la multitude des paroles y seroient employées ridiculement. Il est absurde de faire une déclamation sur une statue & autour d'une médaille, lorsqu'il s'agit d'actions, qui étant grandes en elles - mêmes, & dignes de passer à la postérité, n'ont pas besoin d'être exagérées.

Quand Alexandre, après la bataille du Granique, eut consacré une partie des dépouilles de sa victoire au temple de Minerve à Athènes, on y mit en grec pour toute inscription: Alexander Philippi filius, & Groeci, proeter Lacedemonios, de barbaris Asiaticis.

Au bas du tableau de Polygnote, qui représentoit la ville de Troie, il y avoit seulement deux vers de Simonide qui disoient: « Polignote de Thase, fils d'Aglaophon, a fait ce tableau, qui représente la prise de Troie ». Voilà quelles étoient les inscriptions des Grecs. On n'y cherchoit ni allusions, ni jeux de mots, ni brillans d'aucune espece. Le poëte ne s'amuse pas ici à vanter l'ouvrage de Polygnote; cet ouvrage se recommandoit assez par lui - même. Il se contente de nous apprendre le nom du peintre, le nom de la ville d'où il étoit, & celui de son pere, pour faire honneur à ce pere d'avoir eu un tel fils, & à la ville d'avoir eu un tel citoyen.

Les Romains éleverent une statue de bronze à Cornélie, sur laquelle étoit cette inscription: « Cornélie, mere des Gracques ». On ne pouvoit pas faire ni plus noblement, ni en moins de termes, l'éloge de Cornélie & l'éloge des Gracques.

Cette briéveté d'inscriptions se portoit également sur les médailles, où l'on ne mettoit que la date de l'action figurée, l'archonte, le consulat sous lequel elle avoit été frappée, ou en deux mots le sujet de la médaille.

D'ailleurs, les langues greque & latine ont une énergie qu'il est difficile d'attraper dans nos langues vivantes, du moins dans la langue françoise, quoiqu'en dise M. Charpentier. La langue latine semble faite pour les inscriptions, à cause de ses ablatifs absolus, au lieu que la langue françoise traîne & languit par ses gérondifs incommodes, & par ses verbes auxiliaires auxquels elle est indispensablement assujettie, & qui sont toujours les mêmes. Ajoutez, qu'ayant besoin pour plaire, d'être soutenue, elle n'admet point la simplicité majestueuse du grec & du latin.

Leurs épitaphes, especes d'inscriptions, se ressentoient de cette noble simplicité de pensées & d'expressions dont on vient de faire l'éloge. Après quelque grande bataille, l'usage d'Athènes étoit de graver une épitaphe générale pour tous ceux qui y avoient péri. On connoit celle qu'Eurypide mit sur la tombe des Athéniens tués en Sicile: « Ici gissent ces braves soldats qui ont battu huit fois les Syracusains, autant de fois que les dieux ont été neutres ».

Nos inscriptions funéraires ne sont chargées, au contraire, que d'un vain étalage de mots qui peignent l'otgueil ou la basse flaterie. On voit, on montre à Vienne l'inscription suivante du tombeau de l'empereur Frédéric III. « Ci git Frédéric III. empereur pieux, auguste, souverain de la Chrétienté, roi de Hongrie, de Dalmatie, de Croatie, archiduc d'Autriche », &c. cependant ce prince, dit M. de Voltaire, n'étoit rien moins que tout cela; il n'eut jamais de la Hongrie que la couronne semée de quelques pierreries, qu'il garda toujours dans son cabinet sans les renvoyer, ni à son pupille Ladislas qui en étoit roi, ni à ceux que les Hongrois élurent ensuite, & qui combattirent contre les Turcs. Il possédoit à peine la moitié de la province d'Autriche, ses cousins avoient le reste; & quant au titre de souverain de la Chrétienté, il est aisé de juger s'il le méritoit.

Les moines n'ont pas été moins ridicules dans leurs inscriptions gravées à l'honneur de leurs fondateurs, ou de leurs églises. Jean - Baptiste Thiers, né à Chartres en 1641, mort en 1703, & connu par quantité de brochures, en fit une sanglante contre cette inscription du couvent des cordeliers de Reims: « à Dieu, & à S. François, tous les deux crucifiés ».

Outre que les inscriptions grecques & romaines sont exemptes de pareilles extravagances, elles ne tendent qu'à nous instruire de faits dont les moindres particularités piquent notre curiosité. De là vient que depuis la renaissance des Lettres, les savans n'ont cessé de les rassembler de toutes parts. Le recueil [p. 778] qu'ils en ont donné contient déja quelques centaines de volumes de prix, & fait une des principales branches de la profonde érudition.

En effet, de tout tems les inscriptions ont été précieuses aux peuples éclairés. Lors du renouvellement des sciences dans la Grece, Acasilaüs, natif d'Argos, publia avant la guerre des Perses, un grand ouvrage, pour expliquer les inscriptions qu'on avoit trouvées sur de vieilles tables d'airain en creusant la terre. Nos antiquaires imitent cet illustre grec, & tâchent de deviner le sens des inscriptions qu'ils découvrent, & dont la vérité n'est pas suspecte. Je m'exprime ainsi, parce que toutes les inscriptions qu'on lit dans plusieurs ouvrages, ne sont, ni du même titre, ni de la même valeur.

Cependant, puisque bien des gens les regardent encore comme des monumens historiques, dont l'autorité doit aller de pair avec celle des médailles qu'on possede, il est important de discuter jusqu'où ce sentiment peut être vrai.

Un de nos antiquaires, M. le baron de la Bastie, qui est entré dans cet examen, a prouvé judicieusement, qu'on doit mettre une très - grande différence entre les inscriptions qui existent & celles qu'on ne sauroit retrouver; entre les inscriptions que les auteurs éclairés ont copiées fidelement eux - mêmes sur l'original en marbre & en bronze, & celles qui ont été extraites de plusieurs collections manuscrites, qui n'indiquent ni le lieu ni le tems où on les a trouvées; & enfin, qui ne sont venues à nous que de copie en copie, sans qu'il y en ait qu'on puisse dire avoir été prises sur l'original.

On sçait que vers la fin du xv. siecle, & au commencement du xvj, il y eut des savans qui, pour s'amuser aux dépens des curieux d'antiquités, se divertirent à composer des inscriptions en style lapidaire, & en firent courir des copies, comme s'ils les avoient tirées des monumens antiques, qu'on découvroit alors encore plus fréquemment qu'aujourd'hui.

Un peu de critique auroit bientôt dévoilé la tromperie; car nous voyons par un des dialogues d'Antonio Augustino, & par une épigramme de Sannazar, que tous les savans n'en furent pas la dupe; mais ils ne furent pas non plus tous en garde contre cette espece de fraude, & un grand nombre de ces fausses inscriptions ont eu malheureusement place dans les différens recueils qu'on a publiés depuis.

Mazocchi & Smetius ont cité plusieurs de ces inscriptions fictives sans se douter de leur fausseté. Fulvio Ursini, quoique fort habile d'ailleurs, en a souvent fourni à Gruter, qui étoient entierement fausses, & qu'il lui donnoit pour avoir été trouvées à Rome même. Autonio Augustino, que je citois tout - à - l'heure, savant & habile critique, en est convenu de bonne foi, & a eu l'honnêteté d'en avertir le public. Cependant le P. André Schott, jésuite d'Anvers, avoit ramassé sans choix & sans discernement toutes celles qu'on lui avoit communiquées d'Espagne, & il est presque le seul garant que Gruter ait cité pour les inscriptions de ce pays - là, qui sont dans son ouvrage.

Outre les inscriptions absolument fausses & faites à plaisir, il s'en trouve un grand nombre dans les recueils qui ont été défigurées par l'ignorance, ou par la précipitation de ceux qui les ont copiées: de secondes copies, comme il arrive tous les jours, ont multiplié les fautes des premieres, & de troisiemes copies en ont comblé la mesure.

Ces réflexions ne doivent cependant pas nous porter à rejetter légerement & sans de bonnes raisons l'autorité des inscriptions en général, mais seulement à ne la recevoir cette autorité, qu'après mûr examen, lorsqu'il est question de constater un fait d'histoire sur lequel les sentimens sont partagés. Les regles d'une critique exacte & judicieuse doivent toujours nous servir de flambeau dans les discussions littéraires.

Pour ce qui regarde l'art de lire les inscriptions, il ne peut s'apprendre que par l'étude & par l'usage, car elles ont leurs caracteres particuliers. Par exemple, nous trouvons souvent dans les inscriptions romaines, les caracteres CIC & Œ employés pour exprimer mil; c'est un I entre deux CC droits ou renversés, & c'est quelquefois un X entre deux CC, dont l'un est droit & l'autre renversé de cette maniere CXC. La premiere figure, quand elle est fermée par le haut, ressemble exactement à une ancienne M, qui étoit faite ainsi CIC; & la derniere figure, quand elle est entierement fermée, présente un 8 incliné Œ; mais si ces sortes de caracteres se lisent aisément, il s'en rencontre d'autres très - difficiles à déchiffrer, indépendemment des abbréviations, qui sont susceptibles de divers sens, & par conséquent de tous les écarts où les conjectures peuvent jetter nos foibles lumieres. (D. J.)

Inscription (Page 8:778)

Inscription, (Art numismat.) Les antiquaires nomment inscriptions les lettres ou les paroles qui tiennent lieu de revers, & qui chargent le champ de la médaille au lieu de figures. Ils appellent légende les paroles qui sont autour de la médaille, & qui servent à expliquer les figures gravées dans le champ.

On trouve quantité de médailles grecques, latines & impériales, qui n'ont pour revers que ces lettres, S. C. Senatus Consulto, ou *D. *E. *DHMARXIXH=S2 *E/ZOUSI/AS2, renfermées dans une couronne. Il y en a d'autres dont les inscriptions sont des especes d'époques, comme dans M. Aurele. Primi Decennales Cos. III. Dans Aug. Imp. Coes. Aug. ludi soeculares. Dans le bas - Empire, Votis V. XXX. &c.

Quelquefois de grands évenemens y sont marqués, comme Victoria Germanica Imp. VI. Cos. III. Dans Marc Aurele, Signif Parthicis receptis. S. P. Q. R. dans Auguste; Victoria Parthica Maxima dans Septime Sévere.

D'autres expriment des titres d'honneur accordés au prince, comme S. P. Q. R. Optimo Principi dans Trajan & dans Antonin Pie. Adsertori publicoe libertatis dans Vespasien. D'autres inscriptions sont des marques de la reconnoissance du Sénat & du peuple, comme dans Vespasien, Libertate P. R. restitutâ ex S. C. Dans Galba, S. P. Q. R. Ob cives servatos. Dans Auguste, Salus generis humani, &c.

Quelques - unes de ces inscriptions ne regardent que des bienfaits particuliers accordés en certains tems ou à certains lieux, avec des voeux adressés aux Dieux pour le rétablissement ou pour la conservation de la santé des princes. Telles sont sous Auguste les médailles suivantes, gravées par l'adulation: Jovi opimo Maximo, S. P. Q. R. Vota suscepta pro salute Imperat. Coesaris Aug. quod Per eum Resp. in ampliore atque tranquilliore statu est. Jovi vota suscepta, pro salute Coes. Aug. S. P. Q. R. Imperatori Coesari, quod vioe mumitoe sint, ex eâ pecuniâ, quam is ad oerarium detulit.

Parmi ces médailles postérieures du tems où les empereurs de Constantinople quitterent la langue latine pour reprendre la grecque dans leurs inscriptions, il s'en trouve qui pourroient embarrasser un nouveau curieux; telle est le ic xc nikaih o*Uc xpictoc nika, Jesus Christus vincit; & le *KURIE *BOHQEI *ALESIW. Domine, Adesto Alexio. *Dec*Pothi *Pop*F*Upotennht*Wi. On trouve dans les médailles d'Héraclius, Deus adjuva Romanis; & c'est ce qu'ils ont voulu exprimer en grec par le *BOHQEI, & que l'on auroit peine à deviner lorsque ce mot est écrit par les seules lettres initiales; car le moyen de savoir que c. leon pamvl *Q sur la médaille de Constantin

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