ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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commune à tous les tuyaux de la seconde espece,
on doit en avoir quelques uns qui soient plus larges
& qui soient configurés d'une autre maniere pour
des cas particuliers. Par exemple, si l'on veut injecter les gros vaisseaux, le tuyau attaché à un grand
vaisseau doit avoir une valvule ou un robinet, &
qu'on puisse tourner selon le besoin pour empécher
que l'injection ne sorte du vaisseau par le tuyau; autrement
il faut que celui qui fait l'injection attende
pour retirer la seringue, que la matiere injectée soit
refroidie; ou s'il retire trop tôt la seringue, l'injection s'échappe, & les gros vaisseaux se desemplissent.
Lorsque la seringue n'est pas assez grande pour
contenir toute la matiere nécessaire pour remplir les
vaisseaux, il faut la remplir une seconde fois; si l'on
étoit obligé pour cela de retirer la seringue du tuyau
attaché au vaisseau, il se perdroit de l'injection, &
ce qui seroit exposé à l'air se refroidiroit & se durciroit.
Pour éviter ces inconvéniens il faut avoir quelques
tuyaux qui aient une branche courbe soudée
latéralement, & une valvule disposée de maniere
que la liqueur ne puisse pas passer du tuyau droit
dans le tuyau courbe, mais qui au contraire la laisse
passer du tuyau courbe dans le tuyau droit. Celui
qui fait l'injection ayant alors soin de tenir l'extrémité
du tuyau courbe dans la liqueur qui sert à l'injection, peut aussi - tôt qu'il a desempli la premiere seringue,
la remplir de nouveau en tirant seulement le
piston, & reitérant cette manoeuvre avec diligence,
il sera en état de pousser dans les vaisseaux tout autant
de liqueur qu'il en faudra pour les injecter parfaitement.
Tous ces différens tuyaux sont ordinairement
faits de cuivre jaune; ils peuvent néanmoins
l'être de tout autre métal, comme d'étain, &c.
Les liqueurs dont on se sert lorsqu'on a dessein de
remplir les vaisseaux capillaires, sont telles qu'elles
peuvent se mêler ou avec l'eau ou avec les liqueurs
grasses; les unes & les autres ont des avantages &
des inconvéniens. Toutes les différentes especes de
glues, comme la colle de poisson, la colle forte, &c.
dissoutes & délayées dans l'eau, se mêlent aisément
avec les liqueurs contenues dans les vaisseaux des
animaux, ce qui est un grand avantage; car elles
pénetrent jusques dans les plus petits vaisseaux d'un
sujet bien choisi & bien préparé, & souvent elles
suffisent pour répondre à l'intention de l'anatomiste,
lorsqu'il n'a d'autre dessein que de préparer quelque
fine membrane, dont les vaisseaux sont si déliés,
qu'il n'est pas possible de les appercevoir à la vue,
si les sections transversales de ces vaisseaux sont circulaires,
ou si leurs parois sont affaissées. Mais lorsqu'il faut aussi injecter les gros vaisseaux, ces sortes
d'injections ont un inconvénient fâcheux, & la préparation
en est moins utile & moins belle. En effet,
si l'on n'injecte qu'une liqueur glutineuse, il n'est pas
possible de conserver un sujet aussi long - tems qu'il
en faut à la colle pour sécher & se durcir; & comme
en disséquant la partie injectée, il n'est guere possible
qu'on ne coupe plusieurs vaisseaux, l'injection s'épanchera.
Pour éviter cet inconvénient, on pourroit
à la vérité tremper la partie dans l'esprit de vin qui
coaguleroit la colle; mais alors elle devient si fragile,
qu'elle se casse pour peu qu'on la manie, & si
l'on veut conserver la préparation, les gros vaisseaux
se fléchissent presque entierement lorsque les
parties aqueuses de l'injection sont évaporées. On
pourroit aussi prévenir l'épanchement de l'injection
en liant exactement chaque vaisseau avant que de le
couper; mais cela n'empêche pas que les vaisseaux
ne se contractent lorsque la colle se desseche. Si pour
obvier à ces inconvéniens, on commence à injecter
d'une dissolution de colle ce qu'il en faut pour remplir
les vaisseaux capillaires, & que pour remplir
ensuite les grands vaisseaux, on se serve de l'injec -
tion grasse ordinaire, la cire ne va pas fort loin sans
se congeler, & les deux sortes d'injections ne manquent
jamais de se mêler irrégulierement; desorte
que les vaisseaux paroissent interrompus & cassés
par la séparation mutuelle de ces deux liqueurs, ce
qui devient encore plus sensible dans la suite à mesure
que les parties aqueuses se dissipent. L'esprit de
vin coloré se mêle avec les eaux & les huiles, &
peut encore pénétrer jusques dans les plus petits
vaisseaux; mais d'un autre côté il coagule toutes les
liqueurs animales qu'il rencontre, & qui quelquefois
bouchent les vaisseaux de maniere que l'injection ne
sauroit passer jusqu'aux capillaires; d'ailleurs, l'esprit - de - vin ne peut tenir qu'avec peine. suspendues
quelques - unes des poudres qui communiquent les
couleurs les plus durables; & comme il s'évapore à
la fin entierement, les vaisseaux deviennent fort petits,
& cette petite quantité de poudre colorée qui
restè dans les vaisseaux n'ayant rien qui en tienne
les parties liées & réunies entre elles, elle paroît
ordinairement interrompue en tant d'endroits, que
les petites ramifications de vaisseaux ont plûtôt l'apparence
d'un coup de pinceau jetté au hasard, que
de tuyaux réguliers & continus. Le suif fondu &
mêlé avec un peu d'huile de térébenthine, peut
quelquefois remplir les petits vaisseaux, & tient les
plus gros suffisamment distendus; mais il s'arrête dès
qu'il rencontre quelque fluide dans les parties, & ne
peut jamais pénétrer aussi avant que les autres liqueurs;
il a d'ailleurs si peu de ténacité qu'il se casse
pour peu qu'on le manie, ce qui rend les préparations
fort desagréables. Ce qui réussit le mieux pour
les injections finies, c'est l'huile de térébenthine colorée
qu'on pousse d'abord à la quantité requise pour
remplir les plus petits capillaires, & immédiatement
après on remplit les gros vaisseaux avec l'injection
commune. L'huile de térébenthine est assez subtile
pour pénétrer plus avant qu'aucune autre liqueur
colorée; ses parties résineuses qui restent après l'évaporation
des parties spiritueuses lient assez celles
de la matiere qui a servi à la colorer pour les empêcher
de se desunir, & elle s'incorpore intimement
avec l'injection ordinaire; de maniere que si l'injection est bien faite, il est impossible à la vue la plus
perçante de s'appercevoir qu'on a employé deux
sortes d'injections. Toutes les liqueurs dont on se sert
pour injecter les vaisseaux des animaux n'ayant qu'une
foible & presque toúte une même couleur, ne
paroîtroient pas du tout dans les plus petits vaisseaux,
parce qu'elles y deviennent entierement transparentes.
Il faut pour les rendre sensibles, y mêler
quelque matiere capable de les colorer; & lorsqu'on
injecte différens vaisseaux d'une partie, même des
plus gros, on a de la peine à distinguer les uns, à
moins qu'on ne donne différentes couleurs aux injections, ce qui rend aussi les préparations plus belles.
Pour cet effet les Anatomistes se servent de plusieurs
matieres pour colorer leurs liqueurs selon leurs intentions;
telles par exemple, que la gomme gutte, le
safran, l'ivoire brûlé, &c. qu'on peut avoir aisément.
L'essentiel est d'examiner les matieres qui sont
propres à être mêlées avec les liqueurs destinées à
injecter les vaisseaux capillaires; car il est rare qu'on
ait besoin d'injecter d'autres vaisseaux, excepté certaines
ramifications principales des arteres, & quelques
veines. Les couleurs communément employées
par ces deux dernieres sortes de vaisseaux, sont le
rouge, le verd, & quelquefois le bleu. Les Anatomistes sans doute, se sont proposés d'imiter les couleurs
naturelles des arteres & des veines de l'animal
vivant, en remplissant les unes avec une matiere
rouge, & les autres avec une matiere bleue ouverte.
Il résulte cependant d'autres avantages de ces couleurs,
telle que la vive réflexion des rayons de lu<pb->
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miere, & le peu de disposition qu'elles ont à les laisser
passer ou à devenir transparentes, sans quoi les
vaisseaux les plus fins seroient encore imperceptibles
après avoir été injectés. Les matieres animales &
végétales dont on se sert pour colorer les injections,
telles que la cochenille, la lacque, l'orcanette, le
bois de Brésil, l'indigo, &c. ont en général l'inconvénient
de se grumeler & de boucher ainsi quelques
vaisseaux. Leurs couleurs aussi se passent trop tôt
lorsqu'on fait dessécher les parties pour les conserver,
& elles les communiquent encore aisément aux
liqueurs dans lesquelles on conserve les préparations,
outre qu'elles ont l'inconvénient d'attirer les insectes;
ainsi quoiqu'on réussisse assez souvent en se servant
de ces couleurs, il faut cependant préférer les
substances minérales, telles que la pierre calaminaire,
le minium ou le vermillon, pour les injections rouges; & de ces matieres le vermillon est encore
préférable aux autres, parce qu'il donne une
couleur plus vive, & qu'on le trouve ordinairement
mieux broyé. La couleur verte qu'on emploie généralement
est le verd - de - gris, & celui qu'on nomme
crystallisë vaut mieux encore, parce que sa couleur
est plus éclatante, qu'il ne se grumele jamais, &
qu'il se dissout dans les liqueurs grasses.
Pour les injections fines, on prend une livre d'huile
de térébenthine bien claire, & l'on y mêle peu - à - peu une once de vermillon ou de verd - de - gris crystallisé
en poudre subtile, ou plutôt exactement broyé
sur le porphyre; il faut les agiter avec une spatule de
bois jusqu'à ce que le mélange soit exact, & passer
ensuite la liqueur par un linge fin. La séparation des
parties les plus grossieres se fait encore mieux, en
ne versant d'abord sur la poudre que quelques onces
d'esprit de térébenthine, & agitant fortement avec
une spatule: laissez un peu reposer, & versez par
inclination dans un autre vase bien net l'esprit de
térébenthine & le vermillon ou le verd - de - gris qui
y est suspendu, & répétez cela jusqu'à ce que l'esprit
de térébenthine n'enleve plus de la poudre, & qu'il
n'en reste que les parties les plus grossieres. L'injection ordinaire se prépare ainsi: prenez une livre de
suif, cinq onces de cire blanche ou jaune, trois onces
d'huile d'olive, faites fondre ces matieres au feu
de lampe; lorsqu'elles seront fondues, ajoutez - y deux
onces de térébenthine de Venise; & quand elle sera
mélée, vous y ajouterez environ deux onces de vermillon
ou de verd - de - gris préparé, que vous mélerez
peu - à - peu; passez alors votre mélange par un
linge propre & chauffé, pour séparer toutes les parties
grossieres; & si l'on veut pousser cette matiere
plus avant dans les vaisseaux, on peut avant que de
s'en servir, y ajouter un peu d'huile, ou esprit de
térébenthine.
Voici quelques regles générales pour le choix
d'un sujet convenable. 1°. Plus le sujet que l'on injecte est jeune, plus aussi, toutes choses d'ailleurs
égales, l'injection se portera loin, & ainsi du contraire.
2°. Plus les fluides de l'animal auront été
dissous & épuisés pendant sa vie, plus aussi le succès
de l'opération sera grand. 3°. Moins la partie que
l'on a dessein d'injecter est solide, plus les vaisseaux
se rempliront. 4°. Plus les parties sont membraneuses
& transparentes, plus l'injection sera sensible.
C'est pourquoi, lorsque l'on injecte quelque partie
solide d'un vieux sujet, qui est mort ayant les vaisseaux
pleins d'un sang épais, à peine est - il possible
de pousser l'injection dans quelques vaisseaux. Les
principales choses que l'on doit avoir en vûe, lorsqu'on a dessein d'injecter un sujet, sont de dissoudre
les fluides épaissis, de vuider les vaisseaux & de relâcher
les solides, & d'empêcher que la liqueur injectée ne se coagule trop tôt. Pour remplir toutes ces
fins, quelques auteurs proposent d'injecter par les
arteres de l'eau tiede ou chaude jusqu'à ce qu'elle
revienne claire par les veines, & les vaisseaux par
ce moven sont si bien vuidés de tout le sang qu'ils
contenoient, que les parties en paroissent blanches.
Ils conseillent ensuite de pousser l'eau, en introduisant
de l'air avec force, & enfin de faire sortir l'air
en pressant avec les mains les parties où il a été introduit.
Après une semblable préparation, on peut
parvenir, il est vrai, à faire des injections subtiles;
mais il y a ordinairement un inconvénient inévitable,
qui est dans toutes les parties où il se trouve
un tissu cellulaire tant - soit - peu considérable; la tunique
cellulaire ne manque jamais d'être engorgée
d'eau qui gâte les parties qu'on a dessein de conserver
dans des liqueurs ou de faire dessécher. Il est
encore rare qu'il ne se mêle avec l'injection grasse,
soit dans les grands, soit dans les petits vaisseaux,
quelques parties aqueuses qui font paroître l'injection interrompue; c'est pourquoi il vaut mieux se
passer de cette injection avec l'eau, si on le peut, &
faire macérer le sujet, ou la partie que l'on a dessein
d'injecter pendant long - tems dans de l'eau chauffée
au degré qu'on y puisse facilement porter la main:
par le moyen de cette eau chaude, les vaisseaux seront
suffisamment ramollis & relâchés, le sang deviendra
fluide, & l'injection ne sera pas exposée à se
refroidir si - tôt; mais il faut avoir soin que l'eau ne
soit pas trop chaude, car les vaisseaux se raccourciroient
& le sang se durciroit. On peut, pendant la
macération, exprimer de tems à autre, autant qu'il
est possible, les liqueurs de l'animal, & les déterminer
vers le vaisseau qu'on a ouvert pour pousser
l'injection; le tems qu'il faut continuer la macération
est toujours proportionné à l'âge du sujet, à
la grosseur, à la grandeur des parties qu'on veut
injecter, & à la quantité de sang que l'on remarque
dans les vaisseaux, ce qui ne peut guere s'apprendre
que par l'expérience. Mais il faut au moins faire son
possible pour que le sujet ou la partie macérée soit
bien chaude, & continuer à presser en tous sens avec
les mains jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sang, dans
quelque situation qu'on mette le sujet. Lorsque la
seringue à injecter l'injection & le sujet sont en état,
il faut choisir un des tuyaux de la seconde espece,
dont le diametre soit proportionné à celui du vaisseau
par lequel doit se faire l'injection; car si le tuyau
est trop gros, il est évident qu'on ne pourra pas l'introduire,
& s'il est beaucoup plus petit que le vaisseau,
il ne sera pas possible de les attacher si bien
que les tuniques des vaisseaux, en se repliant, ne
laissent entr'elles & le tuyau quelque petit passage
par lequel une partie de l'injection rejaillira sur celui
qui injecte dans le tems de l'opération, & les vaisseaux
les plus proches se vuideront en partie par la
perte d'une portion de la liqueur injectée: lorsqu'on
a choisi un tuyau convenable, il faut l'introduire
dans l'orifice du vaisseau coupé, ou dans une incision
qu'on y fait latéralement; & alors ayant passé
un fil ciré au - dessous & le plus près du vaisseau qu'il
est possible, par le moyen d'une aiguille ou d'une
sonde flexible & armée d'un oeil, il faut faire avec le
fil le noeud du chirurgien, & le serrer autant que le
fil le permet, ayant soin que le noeud porte sur
la hoche ou entaillure du tuyau, autrement le
noeud glisseroit, & le tuyau sortiroit du vaisseau
dans le tems de l'opération, ce qui la rendroit inutile.
S'il se trouve de grands vaisseaux coupés qui
communiquent avec ceux qu'on a dessein d'injecter;
ou s'il y en a d'autres qui partent du même tronc,
& qu'on ne veuille pas y faire passer l'injection, il
faut les lier tous avec soin pour ménager la liqueur,
& pour que l'opération réponde mieux à l'intention
que l'on a pour lors. Tout cela étant fait, il
faut faire chausser au feu de la lampe les deux sortes
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