ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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A l'égard de ces hommes moins haïssables que ceux que l'orgueil rend injustes, & plus méprisables encore que les ames légeres & sans principes, dont nous avons parlé d'abord, ils font de la reconnoissance un commerce intéressé; ils croient pouvoir soumettre à un calcul arithmétique, les services qu'ils ont reçus; ils ignorent qu'il n'y a point d'équation pour les sentimens, & que l'avantage du bienfaiteur sur celui qu'il a prévenu par ses services, est en quelque maniere inappréciable ».

Telles sont les principales sources qui font germer l'ingratitude de toutes parts. Ceux qui mettent leur espoir dans la reconnoissance des gens qu'ils obligent, n'ont pas assez réfléchi sur cette matiere; le symbole des ingrats, ce n'est point le serpent, c'est l'homme. En effet, tant de conditions sont requises pour s'acquitter dignement d'un bienfait notable, que cette considération fit dire aux Stoïciens, qu'il n'y avoit que leur seul sage qui les sût dignement remplir.

Celui qui ne rend pas la pareille à son bienfaiteur, lorsqu'il le peut, est un ingrat. Le manque de reconnoissance intérieure d'un plaisir reçu, est une branche d'ingratitude. Puisqu'on a trouvé l'ame prompte & ouverte à obliger, il faut avoir la bouche prompte à publier le bienfait, & l'ame ouverte à le sentir: c'est ainsi que le plus pauvre homme du monde peut dignement s'acquitter. Le romain qui venant d'obtenir d'Auguste la liberté de son pere, lui dit les larmes aux yeux, qu'il le réduisoit à la nécessité de vivre & de mourir ingrat vis - à - vis de lui, tenoit bien le propos d'une ame reconnoissante. On ne tombe point dans l'ingratitude, lorsque les moyens extérieurs nous manquent, si notre coeur est vraiment sensible: le coeur mesure les services qu'on rend, & le coeur en mesure aussi le ressentiment.

Je croirois que c'est une sorte de méconnoissance, quand l'on s'empresse trop de sortir d'obligation, d'effacer le plaisir reçu, & de demeurer quitte par une espece de compensation, munus munere expungendo; car les lois de la gratitude sont différentes de celles d'une place de change.

Ceux - là sont encore plus blâmables, qui pour compensation, payent avec de la pâte de belles hécatombes, & qui présentent à Mercure des noyaux pour d'excellens fruits qu'ils ont reçus de sa main libérale.

Mais que penser de ces gens d'un naturel si dépravé, qu'ils rendent le mal pour le bien; semblables à ces mauvaises herbes, qui brûlent la terre qui les nourrit. Il arrive quelquefois, dit Tacite, que lorsqu'un service est au - dessus de la récompense, l'ingratitude & la haine même prennent la place de la reconnoissance & de l'amitié, pro gratiâ rependitur odium. Séneque qui a épuisé ce sujet, va plus loin que Tacite; il ajoute que de tels monstres sont capables de haïr à proportion qu'on les oblige. Quoi donc, ce qui doit le plus porter à la gratitude, produiroit des effets si contraires? S'il étoit vrai que la bienfaisance pût exciter la haine, & qu'une si belle mere fût capable de mettre au jour un enfant si difforme, il ne faudroit pas s'étonner de voir des caracteres difficiles à recevoir des faveurs. Il est vrai qu'on ne doit pas prendre de toutes mains, ni donner de toutes mains; s'il convient de recueillir des graces avec sentiment, avec jugement, il est bon de lès dispenser de même; mais d'ordinaire, nous ne savons faire ni l'un ni l'autre.

Quelques auteurs ont prétendu que les lois d'aucun peuple n'avoient porté de peines contre l'ingratitude, non plus que contre le parricide, pour ne pas présupposer des choses si détestables, & qu'une voix secrete de toute la nature semble assez condamner; mais l'on pourroit leur nommer les Perses, les Athéniens, les Medes, ou plutôt les Macédoniens, qui ont reçu dans leurs tribunaux de justice l'action contreles ingrats. Les Romains & les Marseillois avoient autrefois des peines imposées contre les affranchis ingrats envers leurs anciens maîtres.

Ces sortes d'exemples avérés par l'histoire, ont fait souhaiter à d'honnêtes citoyens, qu'il yeût dans un siecle tel que le nôtre, une peine certaine & capitale établie contre ce vice, qui n'a plus de bornes à cause de son impunité. Hé quoi, répond M. le Vayer, voudroit - on dépeupler le monde? Il n'y a point de prisons assez spacieuses pour resserrer la multitude de ceux qu'on accuseroit. m beaucoup moins de places capables de recevoir le nombre de plaideurs, que cette sorte d'action feroit éclorre. Le Pnyce d'Athènes & les amphithéatres de l'ancienne Rome ne suffiroient pas au concours d'accusateurs & d'accusés.

Peut - être encore que si le nombre d'ingrats étoit reconnu aussi grand qu'il est par les poursuites judiciaires d'une action de droit reçue, on n'auroit plus de honte de se trouver en si belle & si nombreuse compagnie, composée principalement de gens du premier ordre, tous couverts de soie, d'or, & de pourpre.

Ajoutons que, comme il n'y auroit presque personne qui ne se plaignît d'avoir été payé d'ingratitude, il seroit très - difficile de peser exactement les circonstances qui augmentent ou qui diminuent le prix d'un bien fait.

Enfin, le mérite du bienfait seroit perdu, si l'on pouvoit poursuivre un ingrat comme on poursuit un débiteur, ou une personne qui s'est engagée par un contrat de louage. Le but propre d'un bienfait, c'est - à - dire d'un service, pour lequel on ne stipule point de retour, c'est d'un côté, de fournir l'occasion à celui qui le reçoit, de justifier sa libre reconnoissance par l'amour de la vertu; & de l'autre, de montrer en n'exigeant rien de celui à qui l'on donne, qu'on lui fait du bien gratuitement, & non par des vûes d'intérêt.

Quoique rien n'oblige de fournir de beaux habits à des fous qui les déchirent, il faut toûjours compter sur l'ingratitude des humains, & plutôt s'y exposer, que de manquer aux misérables. L'injure se grave sur le métal; une grace reçûe se trace sur le sable, & disparoît au moindre vent. Il faut moins servir les hommes pour l'amour d'eux, disoit un sage de la Grece, que pour l'amour des dieux qui le commandent, & qui récompensent eux - mêmes les bienfaits. C'est pourquoi Virgile place les ames bienfaisantes dans les champs élisées:

Quique sui memores alios fecere merendo, Omnibus hîc niveâ cinguntur tempora vitâ.

On sait le mot de ce bon religieux rapporté par Philippe de Comines, au sujet de Jean Galéas, duc de Milan. « Nous nommons saints, tous ceux qui nous font du bien ». Je tiens pour dieu, tout ce quimenourrit, disoit l'ancien proverbe grec. (D. J.)

Ingratitude (Page 8:745)

Ingratitude, (Jurisprud.) l'ingratitude du donataire envers le donateur est une juste cause pour révoquer une donation entre - vifs, quoique de sa nature elle soit irrévocable.

Le donataire est coupable d'ingratitude, lorsqu'il a fait quelque injure grave au donateur, ou qu'il l'a battu & outragé, qu'il lui a causé de dessein prémédité la perte de ses biens; s'il a refusé des alimens au donateur tombé dans l'indigence; s'il a attenté à sa vie, ou y a fait attenter par d'autres; enfin, si par affectation il a persisté dans un refus opiniâtre de satisfaire aux clauses de la donation.

Ce droit de révoquer une donation pour cause [p. 746] d'ingratitude, ne passe pas à l'héritier du donateur, si lui - même ayant connu l'ingratitude, l'a dissimulée & n'a point agi en justice pour faire révoquer la donation. Voyez la loi derniere au code de revoc. donat.

L'ingratitude du vassal envers son seigneur dominant, donne lieu à la commise du fief au profit du seigneur.

Le vassal se rend coupable d'ingratitude, lorsqu'il y a de sa part desaveu ou félonie. Voyez Commise, Desaveu, & Félonie. (A)

INGRÉDIENT (Page 8:746)

INGRÉDIENT, s. m. (Pharmacie.) c'est par ce nom qu'on désigne le plus ordinairement une matiere considérée comme faisant partie d'une composition pharmaceutique.

Les ingrédiens solides de quelques - unes de ces compositions sont connus dans l'art sous le nom d'especes. Voyez Especes (Pharmacie.) (b)

INGRIE (Page 8:746)

INGRIE, Ingria, (Géog.) province de l'empire russien, sur le fond du golphe de Finlande, abondante en poisson & en gibier; on y fait la chasse des élans qui y viennent par troupes de Finlande, & traversent la Niva deux fois l'année, au printems & en automne. Les Ingriens sont des hommes vigoureux & d'une constitution robuste; ils ressemblent beaucoup aux Finnois & parlent la même langue, qui n'a aucun rapport avec toutes les autres langues du Nord. L'Ingrie fut conquise par Pierre le Grand sur la Suede; S. Petersbourg en est la capitale. (D. J.)

INGWEILER (Page 8:746)

INGWEILER, (Géog.) petite ville de la basse - Alsace, surla riviere de Moter.

INGUINAL, ALE (Page 8:746)

INGUINAL, ALE, adj. (Chirurgie.) qui concerne l'aîne, appellée en latin inguen. On appelle en Chirurgie inguinal, un bandage fait avec une piece de toile coupée en triangle, sur laquelle sont attachés trois bouts de bande, savoir deux aux angles supérieurs pour être attachés autour du corps, & l'autre à l'angle inférieur qui s'attache à la ceinture après avoir passé de devant en arriere sous la cuisse du côté malade. Ce bandage est contentif; on s'en sert lorsqu'on applique quelque emplâtre, cataplasme & compresses, &c. sur l'aine. Voyez Planche XXVII. fig. 9. & 10. On fait un inguinal double, lorsque les deux aînes sont dans le cas d'être pansées. On appelle hernie inguinale, la descente qui se borne au pli de l'aîne. Voyez Hernie. (Y)

INHABILE (Page 8:746)

INHABILE, adj. (Jurisprud.) se dit de celui qui est incapable de faire ou de recevoir quelque chose.

Un impuissant, par exemple, est inhabile à la gé nération, & conséquemment au mariage.

Les enfans exhérédés & ceux qui ont renoncé, sont inhabiles à succéder. Voyez Habile. (A)

INHABILETE (Page 8:746)

INHABILETE, s. f. (Jurisprud.) est le défaut de capacité pour faire quelque chose, comme l'inhabileté à succéder, à s'obliger, à donner, disposer, tester, ester en jugement. Voyez Incapacité. (A)

INHABITABLE, INHABITER (Page 8:746)

INHABITABLE, INHABITER, (Gram.) voyez Habitation, Habiter.

INHAMBANE (Page 8:746)

INHAMBANE, (Géog.) royaume d'Afrique sur la côte orientale de la Cafrerie, sous la ligne & sur le golfe de Sophala; les habitans sont idolâtres. Dapper dit que la ville capitale s'appelle Tongue; mais l'intérieur de tous ces pays - là nous est entierement inconnu, & nous ne connoissons que très - peu des côtes. (D. J.)

INHÉRENT (Page 8:746)

INHÉRENT, adj. terme de Physique, se dit d'une qualité qui réside dans un corps, & qui ne lui vient point d'une action extérieure. On demande par exemple, si la pesanteur est une qualité inhérente à la matiere; c'est - à - dire si c'est une qualité qui ne provienne pas de l'impulsion d'un fluide invisible, comme le prétendent les Cartésiens. Voyez Attraction, Gravité, &c. (O)

INHIBITIONS (Page 8:746)

INHIBITIONS, s. m. pl. (Jurisprud.) sont des dé<cb-> fenses faites à quelqu'un par la loi ou par un jugement, de faire quelque chose de contraire. (A)

INHUMANITE (Page 8:746)

* INHUMANITE, s. f. (Gramm.) vice qui nous sort de notre espece, qui nous fait cesser d'être homme; dureté de coeur, dont la nature sembloit nous avoir rendus incapables. Voyez Humanité.

INHUMATION (Page 8:746)

* INHUMATION, s. f. (Gramm.) l'action de mettre le corps d'un homme mort dans la sépulture. Il faut la volonté d'un testateur pour inhumer un corps hors de son église paroissiale. On n'a commencé qu'en 1200 d'inhumer dans les églises, ce qui doit les rendre mal - saines. L'inhumation s'est faite dans presque tous les tems, & chez presque tous les peuples, avec plus ou moins de pompe & de cérémonies.

INJACULATION (Page 8:746)

INJACULATION, injaculatio; (Medecine.) terme dont se sert Vanhelmont pour désigner une maladie qui consiste dans une douleur spasmodique violente de l'estomac, accompagnée de l'immobilité du corps. James, Dict. de Medecine.

INJECTER (Page 8:746)

INJECTER, verb. act. (Anatom.) c'est la méthode de remplir les vaisseaux des animaux avec une liqueur colorée, qui se durcissant, tient les vaisseaux distendus & fermes, & laisse la liberté d'en observer plus exactement la distribution, la situation & les diametres, de découvrir le nombre de leurs ramifications & de leurs anastomoses, qu'il ne seroit pas possible d'appercevoir sans ce moyen.

La nature des instrumens, celle des liqueurs dont on se sert pour les injections, la maniere dont on veut faire l'injection, enfin la manoeuvre même de l'injection, sont autant d'articles dont on va donner l'explication.

C'est une découverte qui a beaucoup contribué à éclaircir l'économie animale. Malpighy & Glisson se sont servi de liqueurs colorées, mais Swamerdam paroît être le premier qui ait employé une préparation de cire. Il ajoute qu'il apprit cette méthode en 1666 à Van - Horne & à Hade; ce ne fut qu'en 1668 que Graaf fit graver la figure des instrumens dont il falloit se servir, & qu'il décrivit tout ce merveilleux artifice. Mais Ruysch a poussé cet art si loin, que les plus savans hommes sont aussi pleins d'admiration que les plus ignorans, à la vue des prodiges qu'a opéré son industrie. Il faisoit une espece de mystere de son secret; mais à présent les anatomistes sont suffisamment instruits de la maniere de remplir les vaisseaux.

L'instrument dont on se sert ordinairement pour pousser la liqueur dans les vaisseaux, est une forte seringue de cuivre, dont le piston doit couler avec aisance, & à laquelle peuvent s'adapter différens tuyaux qu'on y fixe par le moyen d'une vis; les extrémités de ces tuyaux ont différens diametres, & sont sans vis, afin qu'ils puissent entrer dans d'autres tuyaux, & s'emboîter avec eux si exactement que pour peu qu'on les force l'un contre l'autre, rien ne puisse passer entre eux. Mais parce que leur cohésion n'est pas assez forte pour résister à la force avec laquelle on pousse l'injection, & qu'il est à craindre que ce second tuyau ne soit repoussé, & que la matiere de l'injection ne s'échappe & ne fasse ainsi manquer l'opération; l'extrémité du second tuyau qui reçoit celui qui est fixe sur la seringue, doit avoir une partie quarrée terminée devant & derriere par un cercle élevé ou saillant, afin d'empêcher la clé qui embrasse étroitement l'entre - deux de ces cercles ou la partie quarrée, de glisser; ou bien elle doit être garnie de deux branches de cuivre, afin de pouvoir la contenir avec deux doigts. L'autre extrémité de cette espece de tuyau est de différente grosseur, & il y a vers cette extrémité une hoche ou entaillure qui sert à arrêter un fil; par le moyen de cette hoche, le fil qui lie ce vaisseau par lequel on doit faire l'injection, ne sauroit glisser: outre cette forme

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