ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
"749">
d'injections, ayant toujours soin de les remuer continuellement,
de crainte que la poudre qui leur donne
la couleur ne se précipite au fond & ne se brûle.
L'esprit de térébenthine n'a pas besoin d'être chaussé
plus qu'il ne convient pour qu'on y tienne le doigt;
l'injection ordinaire doit presque bouillir. On aura
avant tout cela enveloppé la seringue avec plusieurs
bandes de linge qu'on mettra principalement aux
endroits où l'opérateur doit la tenir, & qu'on affermira
avec un fil; il faut bien échauffer la seringue,
en pompant à plusieurs reprises de l'eau bien chaude;
il faut aussi chauffer le tuyau attaché au vaisseau,
en appliquant dessus une éponge trempée dans
de l'eau bouillante. Tout étant prêt, & la seringue
bien vuidée d'eau, l'opérateur la remplit de l'injection la plus fine; & introduisant le tuyau monté sur
la seringne dans celui qui est lié avec le vaisseau,
il les presse l'un contre l'autre, tient avec une
main ce dernier tuyau, prend la seringue de l'autre,
& portant le piston contre la poitrine, il le pousse
en s'avançant dessus; ou bien il donne à un assistant
le soin de tenir fermement le tuyau attaché au vaisseau;
& prenant la seringue d'une main, il pousse
le piston de l'autre, & introduit ainsi l'injection, ce
qui doit se faire lentement & sans beaucoup de
force, d'une maniere cependant proportionnée à la
longueur, à la masse de la partie que l'on injecte &
à la force des vaisseaux. La quantité qu'il faut de
cette injection fine s'apprend par l'usage; la seule
regle que l'on puisse suivre en cela est de continuer
à pousser l'injection fine jusqu'à ce qu'on sente quelque
résistance, qui demanderoit une force considérable
pour être surmontée. Mais il n'en est pas de
même lorsqu'on veut injecter toutes les branches
d'un vaisseau; comme, par exemple, si l'on veut
injecter les vaisseaux de la poitrine seulement; car
l'aorte est trop grande, eu égard aux branches qui
en partent, & il faut moins d'injection fine. Aussi - tôt
qu'on a senti cette résistance, il faut tirer l'épiploon
de la seringue, afin de desemplir les gros vaisseaux;
on ôte alors la seringue, on la vuide de ce qu'elle
contient d'injection fine, & on la remplit de l'injection
ordinaire qu'il faut pousser promptement & avec
force, ayant toujours égard à la grandeur & à la
solidité des vaisseaux & à la grosseur de la partie, &c.
on continue à pousser le piston jusqu'à ce qu'on sente
une entiere résistance, ou que la liqueur reflue, on
doit s'arrêter alors, & ne plus pousser de l'injection;
autrement on ouvriroit quelques vaisseaux, & toute
la préparation ou au moins une grande partie seroit
perdue par l'extravasation. Il faut boncher le tuyau
avant que de retirer la seringue pour la nettoyer,
& donner à la matiere injectée en dernier lieu le tems
de se refroidir, & de se coaguler avant que de disséquer
aucune partie. C'est par ce moyen, & en
observant les précautions qui viennent d'être indiquées,
qu'on parvient à injecter les vaisseaux les
plus déliés du corps, comme ceux de la substance
corticale du cerveau, de la tunique choroïde & vasculeuse
de l'oeil, du périoste, des os de l'oreille,
enfin des vaisseaux des dents, de la peau des os &
des visceres. J'ai crû faire plaisir à mes lecteurs en
donnant ce détail sur un art aussi curieux que l'est
celui des injections, & je l'ai fait avec d'autant plus
de confiance que j'ai trouvé un guide sûr en M. Alexandre Monro, professeur d'Anatomie en l'université
d'Edimbourg & de la société royale de Londres.
En effet, je n'ai eu besoin que de transmettre &
rédiger en forme d'article la dissertation que cet habile
professeur a insérée dans les essais & observations
de Medecine de la société d'Edimbourg, & qui se
trouve dans la traduction francoise de cet ouvrage,
tom. l. art. jx. pag. 113. & suiv.
INJECTION
(Page 8:749)
INJECTION, s. f. en Anatomie. Voyez Injecter.
Injection
(Page 8:749)
Injection en Chirurgie est un médicament liquide
qu'on pousse au moyen d'une seringue dans quelque
cavité du corps, soit naturelle, ou faite par
maladie. Plusieurs auteurs modernes se sont déclarés
contre les injections. Ils leur trouvent plusieurs inconvéniens,
comme de dilater les cavités, de presser
leurs parois, de débiliter les solides, d'enlever
le suc nourricier préparé par la nature pour la consolidation
des plaies, d'introduire dans les cavités
des plaies & des ulceres une certaine quantité d'air
qui leur est nuisible; enfin on leur reproche d'avoir
trop peu de durée dans leur action. L'usage
méthodique des injections annulle tous ces inconvéniens.
Il est certain que par leur moyen on est parvenu
à déterger des ulceres caverneux & fistuleux,
& qu'elles ont évité aux malades des incisions, des
contre - ouvertures qui sont des moyens plus douloureux.
Les injections ont souvent entraîné des matieres
étrangeres adhérentes aux parois des cavités
où leur croupissement auroit eu des suites funestes,
& qu'elles ont preparé à l'application salutaite d'un
bandage expulsif qui auroit été sans effet, sans l'usage
primitif des injections. Argumenter contre les
injections de ce qu'elles ne font pas ce à quoi elles
ne doivent point être employées, ou les mettre en
parallele avec d'autres moyens, qui ne les admettent
que préparatoirement ou concurremment, pour
les condamner par un jugement absolu, c'est moins
décrier les injections que les raisons par lesquelles
on voudroit les proscrire. Elles transmettent des
médicamens dans des lieux où il seroit impossible
d'en introduire sous une autre forme. Tous les auteurs
sont remplis d'observations sur leurs bons effets.
M. de la Peyronie s'en est servi avec le plus
grand succès dans le cerveau. Voyez dans le premier
volume des mémoires de l'académie royale de Chirurgie
un mémoire de M. Quesnay sur les plaies de ce viscere.
Dans les épanchemens purulens de la poitrine,
l'ouverture est nécessaire pour donner issue aux
matieres épanchées. L'on donne encore pour regle,
de mettre dans les pansemens les malades en une situation
qui favorise l'écoulement du pus, de lui
faire faire de fortes inspirations, de mettre une canule
qui empêche le séjour des matieres. Malgré
toutes ces précautions, on ne sera pas dispensé d'avoir
recours aux injections, si le pus est visqueux,
si la substance du poumon en est abreuvée. M. Quesnay nous apprend dans son traité de la suppuration
purulente que M. de la Peyronie étant réduit au seul
secours des injections dans la cure d'un abscès à la
poitrine, qui avoit formé une cavité fort considérable,
où les matieres qui s'y accumuloient se
multiplioient prodigieusement, fut obligé de réitérer
les injections jusqu'à cinq fois & davantage en
vingt - quatre heures. Par cette méthode, suivie avec
application, il vint à bout d'arrêter la propagation
des matieres, de les tarir entierement, & de terminer
heureusement cette cure. Ce que M. de la
Peyronie a fait si utilement dans les abscès du cerveau
& du poumon, pourroit - il être exclus raisonnablement
du traitement des abscès au foie? On
dira envain qu'il faut avoir grande attention à ne
pas caverner ce viscere, dont le tissu lâche & tendre
peut aisément se laisser pénétrer & abreuver.
Le cerveau & le poumon sont - ils d'une texture
moins délicate, & destinés à des fonctions moins
importantes? Il n'y a pas de réponse à cette observation.
Dans le cas d'épanchement sanguin dans la cavité
du bas - ventre ou de la poitrine, qui exige qu'on
fasse une ouverture, elle ne rempliroit pas la fin
qu'on se propose, à moins qu'on ne parvienne à
dégrumeler le sang épanché qu'on peut trouver adhérent
aux parties qui forment les parois du vuide
[p. 750]
où est l'épanchement. Les injections avec le miel &
du sel dissous dans de l'eau, auront la vertu de décoaguler
le sang épaissi.
Dans les épanchemens de pus il faut faire les injections à grand lavage, afin d'entraîner, chaque
fois qu'on panse l'abscès, tout le pus qui se trouve
amassé dans sa cavité. Il faut que la liqueur soit alliée
à des remedes qui lui donnent les qualités convenables
à l'état des chairs. Elle doit être suppurative,
émolliente ou digestive, si ces chairs sont endurcies;
mondificative, si elles sont relâchées & engorgées
de matieres purulentes; vulnéraire, balsamique
& sans acrimonie, si l'on a l'intention d'empêcher
seulement la dépravation des matieres qui
suppurent; vulnéraire, astringente & dessicative, si
on veut s'opposer à l'affluence des humeurs & à la
mollesse de chairs. On les renouvelle plusieurs fois
le jour si la suppuration est fort abondante, & l'on
s'assurera que la cavité est suffisamment lavée &
nettoyée, lorsque l'injection qui sort ne paroît plus
chargée de matieres.
Les injections sont d'une très - grande utilité dans
les maladies des cavités naturelles du corps. On les
fait utilement dans la vessie, & suivant la vertu
qu'on donne à la liqueur injectée. On remédie par
leur moyen à deux maladies directement opposées;
à l'atonie des fibres musculeuses, par des injections
vulnéraires & toniques; & à la corrugation, par
des lotions émollientes & relâchantes. Les injections
font d'usage pour nettoyer & mondifier des vessies
baveuses ou purulentes, détacher les pierres enkistées,
& entraîner les sables & graviers qui séjournent
dans sa cavité. Voyez Boutonnieres. On
éprouve quelquefois dans l'opération de la taille,
de la difficulté à charger la pierre sur laquelle la
vessie se contracte après la sortie de l'urine. Dans
ce cas, une injection émolliente écarte les parois
de la vessie, ramene la pierre en - devant, & permet
de la saisir aisément avec des tenettes.
Pour faire l'injection dans la vessie pour l'opération
de la taille au haut appareil, il est commode
de se servir d'une algalie particuliere. Voyez Algalie & Planche X. fig. 8. Voyez Haut Appareil.
Les lavemens sont des injections dans l'intestin rectum;
on en fait dans cette partie pour les ulceres
dont elle peut être affectée, ainsi que dans le vagin,
& dans le canal de l'uretre des hommes. Les injections sont suspectes dans les cas de gonorrhées virulentes;
on peut néanmoins s'en servir utilement sur
la fin, lorsqu'on n'a d'autre intention que de dessécher
& de resserrer les orifices des vaisseaux affoiblis
& relâchés: l'usage des bougies est fort approprié
à ce cas. Voyez Bougie.
Le corps de la matrice admet des injections; tous
les auteurs qui ont parlé des maladies de ce viscere
les recommandent. Mais M. Recolin, de l'académie
royale de Chirurgie, paroît demontrer par le texte
de plusieurs auteurs & par des réflexions judicieuses
sur les cas pour lesquelles il les ont prescrites, qu'ils
n'entendoient par injections dans la matrice, que des
ablutions faites par le moyen d'une seringue dans
la cavité du vagin. Cette discussion termine un mémoire
tres - utile, imprimé dans le troisieme tome des
ouvrages de l'académie royale de Chirurgie par le même
M. Recolin, sur l'efficacité des injections d'eau chaude
dans la matrice, lorsqu'il y reste des portions de
l'arriere - faix après des fausses - couches, l'auteur s'est
trouvé plusieurs fois dans le cas de secourir des femmes
menacées de périr, & qu'il a délivrées par l'injection réitérée d'eau chaude dans la cavité de la matrice.
Le tableau des accidens auquels ces femmes
étoient prêtes de succomber, comparé avec la simplicité
du moyen que M. Recolin a employé, donne
un grand prix à cette découverte, sur laquelle l'au<cb->
teur s'explique néanmoins avec la plus grande modestie.
M. Neuhoff, dans une these de sa composition
soutenue à Leipsick en 1755, & qui a les injections dans la matrice pour objet, de enemate uterino, traite son sujet d'une maniere très - érudite. Il
rapporte les passages des plus anciens écrivains sur
les cas où ils ont cru les injections convenables; mais
on ne voit pas bien clairement qu'elles ayent été faites
dans le corps même de la matrice: Harvey est le
seul qui en parle d'une maniere non équivoque; il a
fait la même opération que M. Recolin a fait depuis.
Il fut appellé pour voir une femme de qualité qui
souffroit de la suppression des lochies, & qui avoit
des accidens que l'auteur avoit vû souvent être les
avant - coureurs d'une mort prochaine. Après avoir
tenté inutilement les moyens ordinaires, il dilata l'orisice
de la matrice avec une sonde, y porta un syphon,
& fit une injection par laquelle il fit sortir plusieurs
livres d'un sang noir, grumeleux & foetide;
la malade en fut soulagée sur le champ. Harvey rapporte
qu'il a fait à une autre personne des injections
dans le corps même de la matrice, pour une ulcération
qu'il a guérie par ce secours.
Les injections se font avec fruit dans les maladies
des oreilles, pour en déterger les ulcérations, & déraciner
les amas de matieres cérumineuses. On assure
qu'on a injecté les trompes d'Eustache, & qu'on a
guéri la surdité par ce moyen: cela mérite confirmation.
Personne n'ignore l'utilité des injections dans
les maladies des voies lacrymales; on les fait ou
avec les petits syphons par les points lacrymaux, à
la méthode d'Anel, ou suivant la méthode de M. de
la Forêt chirurgien de Paris, par le nez, en portant
un syphon courbe dans la partie inférieure du conduit
nazal; voyez le mémoire de ce praticien dans le
second volume de l'académie de Chirurgie. Il paroît par
une dissertation de M. Louis sur la fistule lacrymale,
insérée dans ce même volume, que MM. Morgagni &
Bianchi ont été en dispute sur cet objet, bien avant
que M. de la Forêt établît sa méthode. Les maladies
du sinus maxillaire peuvent être traitées par les injections; voyez dans ce Dictionnaire au mot Gencives,
l'article Maladies des Gencives. On a employé
avec succès les injections pour faire descendre dans
l'estomac des corps étrangers arrêtés dans l'oesophage.
Voyez Repoussoir d'Arrêtes.
Les regles à observer dans l'usage des injections,
sont de donner à la liqueur un degré de chaleur qui
ne soit que de quelques degrés au - dessus de celle des
parties où on la porte. De se servir, pour peu que
la cavité soit considérable, d'une seringue qui soit
grande, & qui forme un gros jet, afin que l'injection
puisse détremper & entrainer sûrement les matieres
qui croupissent. Pour le cerveau, M. de la Peyronie
recommande un conduit large & terminé en forme
d'arrosoir, afin que la liqueur s'étende davantage,
qu'elle lave mieux & fasse moins d'effort sur la substance
du cerveau; il ne faut pas dans ce cas ou semblable,
pousser avec trop de force. On proportionnera
la quantité de la liqueur à l'espace où elle doit
être reçue: on mettra de la promptitude dans l'opération;
on favorisera la sortie de la liqueur par une
position avantageuse, ou bien on la retirera avec
une autre seringue; enfin on en cessera l'usage lorsqu'il en sera tems. L'académie royale de Chirurgie
a proposé en 1757 pour le sujet du prix la question
suivante. Déterminer les cas où les injections sont
nécessaires pour la cure des maladies chirurgicales,
& établir les regles générales & particulieres qu'on
doit suivre dans leur usage. Le mémoire qui aura
été couronné, sera imprimé dans le troisieme tome
des recueils des prix. M. Berg. . . . qui a eu connoissance
du programme de l'académie, a fait une
dissertation latine sur le même sujet, qu'il a soutenu
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.