ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"743"> été examiné sur les parties des Mathématiques nécessaires à son état, c'est - à - dire, sur l'Arithmétique, la Géométrie élémentaire & pratique, la Méchanique & l'Hydraulique. Le Roi paye pour cet effet un examinateur particulier.

L'intention de M. le maréchal de Vauban étoit, qu'après cet examen, on envoyât les jeunes gens, qui l'avoient subi, dans les places où il y avoit de grands travaux, pour les former dans le service des places, & leur faire acquérir les différentes parties de la science du Génie. Cette espece de noviciat devoit durer un an ou deux, après quoi il vouloit qu'on les examinât de nouveau pour juger de leurs talens & du progrès de leur application avant que de les admettre à l'état d'ingénieur. Ceux dont les talens auroient paru trop médiocres pour le Génie, devoient être placés dans l'infanterie, où les connoissances qu'ils avoient acquises ne pouvoient que contribuer à en faire de bons officiers.

Le Roi a établi à Mézieres, depuis quelques années, une école particuliere pour le Génie.

Quoique tous les Ingénieurs doivent être également versés dans le service des places & dans celui de campagne; cependant comme il est difficile d'exceller en même tems dans chacun de ces deux services, peut - être seroit - il à propos de les diviser en ingénieurs de place & en ingénieurs de campagne.

Ces deux états, dont M. le maréchal de Vauban a réuni les différentes qualités dans le degré le plus éminent, supposent également la science de la fortification; mais comme on peut posséder le détail de la construction des travaux, qui ne s'apprend point en campagne, & ignorer ou du moins ne point exceller dans ce détail, & être très - habile dans le service de campagne, qui ne donne aucune idée de celui des places, le partage de ces deux fonctions pourroit peut - être donner lieu de former des sujets plus habiles dans chacune de ces deux parties du Génie.

Le service de campagne demande beaucoup de connoissance de l'art de la guerre; il exige d'ailleurs une grande vivacité d'esprit & d'intelligence pour imaginer & exécuter en même tems les différens travaux nécessaires en campagne, pour fortifier les camps & les postes qu'on veut défendre: « On n'étudie point cette matiere dans les places, dit M. de Clairac dans l'Ingénieur de campagne, parce que ce n'est point l'objet présent... D'ailleurs, quel que soit le rapport de la fortification de campagne avec celle des places, la science de celle - ci ne suffit pas toujours pour développer pleinement ce qui concerne l'autre ». C'est pourquoi, dès que les travaux de l'ingénieur en campagne exigent une étude particuliere, il semble qu'il seroit très - convenable de s'y appliquer aussi particulie ement.

Les qualités nécessaires aux ingénieurs de guerre ou de campagne sont, suivant M. le maréchal de Vauban, « beaucoup de coeur, beaucoup d'esprit, un génie solide, & outre cela une étude perpétuelle & une expérience consommée sur les principales parties de la guerre: mais si la nature rassemble très - rarement ces trois premieres qualités dans un seul homme, il est encore plus extraordinaire d'en voir échapper à la violence de nos sieges, & qui puissent vivre assez pour pouvoir acquèrir les deux autres. Le métier est grand & noble, mais il mérite un génie fait exprès & l'application de plusieurs années ». Instruct. pour la conduite des sieges.

Aux qualités précédentes, « il faut encore, dit M. Maigret, joindre l'activité & la vigilance absolument nécessaires dans toutes les actions de la guerre, mais sur - tout dans l'attaque des places qui esperent du secours. Il ne faut point donner le tems aux assiégés de se reconnoître; qui y perd une heure, en perd pour le moins deux, & un seu moment perdu en ces occasions est quelquefois irréparable. C'est par l'activité & la vigilance que les ingénieurs contraignent souvent des assiégés de capituler, qui ne le feroient que long - tems après, si ces ingénieurs n'avoient pas usé d'une grande promptitude dans le progres des attaques ». Traité de la sûreté des états par le moyen des forteresses.

Aux deux divisions précédentes d'ingénieur de place & d'ingénieur de campagne, peut - être seroit - il encore à propos de faire une troisieme classe pour la fortification des villes maritimes, qui demande une étude particuliere, & dans laquelle il est difficile d'exceller sans beaucoup de travail & d'application. Il suffit, pour s'en convaincre, d'une lecture sérieuse & réfléchie des deux derniers volumes de l'Architecture hydraulique, par M. Belidor.

Les appointemens des ingénieurs, lorsqu'on les reçoit, sont de six cens livres par an. Ils augmentent ensuite, selon le mérite & l'ancienneté. Dans les sieges & en campagne, les moindres appointemens de ceux qu'on y emploie sont de cent cinquante livres par mois.

Les ingénieurs obtiennent les mêmes grades militaires & les mêmes récompenses que les autres officiers des troupes. Ainsi ils parviennent à celui de brigadier, de maréchal de camp, de lieutenant général & même de maréchal de France, comme l'a été M. de Vauban. Ils ont aussi des pensions, des majorités, des gouvernemens de places, &c.

Le nombre des ingénieurs en France est de trois cens. Ils sont partagés dans les différentes places de guerre du royaume. En tems de guerre, on en forme des détachemens à la suite des armées. Ceux qui servent dans les siéges sont partagés en brigades, à la tête de chacune desquelles est un ancien ingénieur, auquel on donne le nom de brigadier. Ces brigades se relevent toutes les vingt - quatre heures.

Dans les places où il y a plusieurs ingénieurs, le premier est appellé ingénieur en chef. Il a la direction principale de tous les travaux; les autres agissent sous ses ordres. Les appointemens des ingénieurs en chef sont de 1800 livres, mais ils ont outre cela des récompenses & des gratifications. Cette place demande des soins infinis, dit M. le maréchal de Vauban, « une activité perpétuelle, beaucoup de conduite, de bon - sens, d'expérience dans tous les ouvrages de terre, de bois & de pierre, avec une parfaite intelligence de toutes les différentes especes de matériaux, de leur prix, & de la capacité des ouvriers. Ces qualités sont si nécessaires dans la conduite des grands travaux, que par - tout où elles se trouvent manquer, on peut s'assûrer que le moindre mal qui en puisse arriver sera un retardement, une longue & ennuyeuse construction, quantité de mal - façons, & toujours beaucoup de dépense superflue: accidens à jamais inséparables de la médiocre intelligence de ceux qui en seront chargés ». Directeur des fortifications.

Il y a aussi des ingénieurs provinciaux ou directeurs des fortifications dans les provinces. Ce sont ceux qui sont chargés de la direction générale de tous les travaux qui se font dans les places de leur département. (Q)

INGENIEUX (Page 8:743)

* INGENIEUX, adj. (Gramm.) qui montre de l'esprit & de la sagacité. Il se dit des choses & des personnes. Un poëte ingénieux. Un machiniste ingénieux. Une pensée ingénieuse; une machine ingénieuse. Les choses ingénieuses déparent les grandes choses. Si elles sont accumulées dans un ouvrage, elles fatiguent. Elles sont plus faites pour être dites que pour être écrites. Elles consistent dans des rapports fins, délicats & petits qui échappent aux hom<pb-> [p. 744] mes de sens dont l'attention se porte sur les masses. Homere, Virgile, Milton, le Tasse, Horace, Sophocle, Eurypide, Corneille, Racine, ne sont point des poëtes ingénieux. Il n'y a point d'homme à qui ce titre convienne moins qu'à Démosthene & à Bossuet. Un auteur qui court après des traits ingénieux, se peint à mon esprit sous la forme de celui qui s'applique à frapper un caillou sur l'angle pour en tirer une étincelle. Il m'amuse un moment. Il se dit à Paris plus de choses ingénieuses en un jour que dans tout le reste du monde. Elles ne coutent rien à cette nation, qui sait aussi, quand il lui plaît, s'élever aux plus grandes.

INGÉNU (Page 8:744)

INGÉNU, adj. (Hist. anc.) signifioit chez les Romains celui qui étoit né de parens libres, honnêtes, nobles. Voyez Libre.

Isidore dit que ceux - là sont appellés ingénus qui naissent libres, & qui n'ont que faire d'acquérir la liberté: ingenui, cui libertatem habent in genere, non in facto. Voyez Manumission.

Une personne passoit pour ingénue, quand elle étoit née d'une mere libre, quoique son pere fût esclave. Voyez Esclave.

Les ingénus pouvoient posséder des emplois, donner leurs suffrages, privileges dont les affranchis étoient exclus. Voyez Affranchi.

Ingénu signifie aussi quelquefois celui qui est originaire du pays, qui n'est point étranger. Voyez Natif.

INGÉNUITÉ (Page 8:744)

INGÉNUITÉ, s. f. (Gram.) l'ingénuité est dans l'ame; la naïveté dans le ton. L'ingénuité est la qualité d'une ame innocente qui se montre telle qu'elle est, parce qu'il n'y a rien en elle qui l'oblige à se cacher. L'innocence produit l'ingénuité, & l'ingénuité la franchise. On est tenté de supposer toutes les vertus dans les personnes ingénues. Que leur commerce est agréable! Si elles ont parlé, on sent qu'elles devoient dire ce qu'elles ont dit. Leur ame vient se peindre sur leurs levres, dans leurs yeux, & dans leur expression. On leur découvre son coeur avec d'autant plus de liberté, qu'on voit le leur tout entier. Ont - elles fait une faute, elles l'avouent d'une maniere qui feroit presque regretter qu'elles ne l'eussent pas commise. Elles paroissent innocentes jusque dans leurs erreurs; & les coeurs doubles paroissent coupables, lors même qu'ils sont innocens. Il est impossible de se fâcher long - tems contre les personnes ingénues: elles desarment. Voyez Agnès dans l'école des femmes. Leur vérité donne de l'intérêt & de la grace aux choses les plus indifférentes. Le petit chat est mort; qu'est - ce que cela? rien: mais ce rien est de caractere, & il plaît.

L''ingénuité a peu pensé, n'est pas assez instruite; la naïveté oublie pour un moment ce qu'elle a pensé, le sentiment l'emporte. L'ingénuité avoue, révele, manque au secret, à la prudence; la naïveté exprime & peint; elle manque quelquefois au ton donné, aux égards; les réflexions peuvent être naïves, & elles le sont quand on s'apperçoit aisément qu'elles partent du caractere. L'ingénuité semble exclure la réflexion; elle n'est point d'habitude sans un peu de bétise, la naïveté sans beaucoup de sentiment; on aime l'ingénuité dans l'enfance, parce qu'elle fait espérer de la candeur; on l'excuse dans la jeunesse, dans l'âge mûr on la méprise. L'Agnès de Moliere est ingénue; l'Iphigénie de Racine est naïve & ingénue. Toutes les passions peuvent être naïves, même l'ambition; elle l'est quelquefois dans l'Agrippine de Racine; les passions de l'homme qui pense sont rarement ingénues.

INGÉVONS (Page 8:744)

INGÉVONS, (Géog. anc.) Ingoevones, ancien peuple du nord de l'Allemagne, vers la mer Baltique; Pline remarque que les Ingévons comprenoient sous eux les Cimbres, les Teutons, & les Cauques, Cauchi, & que toutes ces nations étoient voisines de la mer. D'un autre côté, Tacite nous apprend que les noms de Ingévons, Hermions, & Istévons, étoient venus des héros qui avoient été les premiers chefs des familles, lesquelles en se multipliant avoient formé ces trois peuples. C'est ainsi que Tacite nous prouve l'inutilité des tortures que divers savans se sont donnés dans ces derniers siecles pour trouver la signification de ces noms. (D. J.)

INGOLSTAD (Page 8:744)

INGOLSTAD, Ingolstadium, (Géog.) ville d'Allemagne, la plus forte de Baviere, avec une université fondée en 1410, dont l'évêque d'Aichstad est le chancelier perpétuel comme diocésain, & établit pour vice - chancelier le premier professeur de Théologie. Quelques - uns ont appellé cette ville en latin Auréatum; mais c'est Aichstadt qu'il faut ainsi nommer. Plusieurs auteurs écrivent Ingelstad, & tirent son origine des Angles, ancien peuple saxon, qui se jetterent dans la Suabe, & laisserent des traces de leur nom à Ingelheim, Ingolstad, Engelbourg, &c. D'autres lui donnant une origine plus moderne, l'attribuent à de véritables anglois, qui vinrent de leur pays prêcher le Christianisme en Allemagne; parce que Aischstad ville voisine, leur doit sa naissance. Elle est sur le Danube, à deux lieues N. E. de Neubourg, 16 S. O. de Ratisbonne, 18 N. O. de Munich. Long. 28. 45. lat. 48. 42. & suivant le P. Nicaise Grammatici, 48. 46. (D. J.)

INGRANDE (Page 8:744)

INGRANDE, Igorandis, (Géog.) petite ville de Bretagne au bord de la Loire, aux confins de l'Anjou; elle fait la séparation de l'Anjou & de la Bretagne. Long. 18. 45. lat. 46. 34. (D. J.)

INGRATITUDE (Page 8:744)

INGRATITUDE, s. f. (Morale.) oubli, ou plutôt méconnoissance des bienfaits reçus. Je la mettrois volontiers cette méconnoissance au rang des passions féroces; mais du - moins on ne trouvera pas mauvais que je la nomme un vice lâche, bas, contre nature, & odieux à tout le monde. Les ingrats, suivant la remarque de Cicéron, s'attirent la haine générale, parce que leur procedé décourageant les personnes généreuses, il en résulte un mal auquel chacun ne peut s'empêcher de prendre part.

Quoique l'ingratitude ne renferme aucune injustice proprement dite, entant que celui de qui l'on a reçu quelque bienfait, n'a point droit à la rigueur d'en exiger du retour; toutefois le nom d'ingrat désigne une sorte de caractere plus infâme que celui d'injuste; car quelle espérance aurois - je de toucher une ame, que des bienfaits n'ont pû rendre sensible? Et quelle infamie de se déclarer indigne par le coeur de l'opinion favorable qu'on avoit donné de soi!

Si l'on réfléchit aux principes de ce vice, on s'appercevra, qu'outre l'insensibilité dont il émane si souvent, il découle encore de l'orgueil & de l'intérêt. M. Duclos a très - bien dévoilé ces trois sources de l'ingratitude, dans son livre sur les Moeurs, dont je ne tirerai cependant que le précis.

« La premiere espece d'ingratitude, dit - il, est celle des ames foibles, légeres, & sans consistance. Affligées par le besoin présent, sans vûe sur l'avenir, elles ne gardent aucune mémoire du passé: elles demandent sans peine, reçoivent sans pudeur, & oublient sans remords. Dignes de mépris, ou tout au plus de compassion, on peut les obliger par pitié, & par grandeur d'ame.

Mais rien ne peut sauver de l'indignation celui qui ne pouvant se dissimuler les bienfaits qu'il a reçus, cherche cependant à méconnoître son bienfaiteur. Souvent après avoir reclamé les secours avec bassesse, son orgueil se révolte contre tous les actes de reconnoissance qui peuvent lui rappeller une situation humiliante; il rougit du malheur, & jamais du vice.

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