ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"716"> seront plus sensibles; ainsi les contractions des arteres étant plus fortes & plus réitérées, le sang abordera à la partie plus abondamment: effet nécessaire de l'action augmentée des vaisseaux: suite manifeste & constante de toute irritation. Mais 1°. le sang ne s'en allant pas en même proportion de la partie enflammée qu'il y aborde, il s'accumulera, distendra les vaisseaux, augmentera le volume de la partie, l'élevera au - dessus du niveau des autres, & produira la tumeur. 2°. La distraction des fibres nerveuses qui forment le tissu des vaisseaux, suivant leur distension trop forte, causera la douleur. 3°. La chaleur augmentera dans la même proportion que l'action réciproque des vaisseaux sur le sang, & du sang sur les vaisseaux; elle sera d'autant plus forte, que le mouvement progressif sera plus gêné; elle sera beaucoup aidée par le mouvement intestin, pour lors plus développé, & par un caractere particulier du sang. Voyez Chaleur. 4°. La rougeur sera proportionnée à la quantité du sang arrêté, au nombre de vaisseaux lymphatiques engorgés, &c. Si un sang épais, abondant forme la matiere de l'obstruction, la tumeur sera dure, la rougeur plus vive, la chaleur & la douleur moindres; l'inflammation sera phlegmoneuse; si c'est un sang au contraire fluxile, acre, détrempé de bile ou de matiere perspiratoire qui soit arrêté dans les vaisseaux entamés, unique siége de l'érésipele, la tumeur sera très - superficielle, molle, la rougeur très - douce, &c. l'inflammation sera un érésipele.

Si l'irritation est peu considérable, que la douleur ne soit pas trop forte, ces symptômes accompagneront seuls l'inflammation; & le mouvement des arteres indépendant de celui du sang, ne sera augmenté que dans la partie: cette irritation déterminet - elle une plus grande quantité de fluide nerveux à la partie, ou ne fait - elle qu'augmenter les vibrations des nerfs? Il n'y a que de la probabilité de côté & d'autre: un peu plus de connoissance du corps humain pourroit éclaircir la question; mais c'est une question qui n'est pas de notre sujet, qui seroit inutile & vraissemblablement infructueuse; ne mêlons point d'ailleurs à nos faits rien d'hypothétique. Par la même raison qu'une légere irritation n'augmente l'action que des nerfs de la partie, & n'excite qu'une fievre locale, une irritation beaucoup plus vive doit, par la communication des nerfs & leur sympathie connue & démontrée par les effets, augmenter le jeu & le mouvement de tous les organes vitaux, c'est - à - dire exciter une fievre générale: aussi voyons - nous que la fievre survient non pas aux inflammations les plus vastes, mais à celles qui sont les plus dolorifiques.

On peut déduire de tout ce que nous avons dit, pourquoi les inflammations de la peau, des parties membraneuses, sont si dolorifiques & si vives; pourquoi au contraire celles qui ont leur siége dans le parenchime des visceres, sont assez lentes & suivies d'une pesanteur plûtôt que d'une douleur; pourquoi l'inflammation du foie, qui dépend de l'obstruction des extrémités de la veine porte, est si lourde & si opiniâtre; pourquoi les enfans, les femmes sont plus sujets à l'inflammation, &c.

Déduisons enfin de notre théorie, pour terminer cette partie, les différentes issues de l'inflammation. Nous en avons compté six: la résolution, la suppuration, la gangrene, l'induration, la terminaison en oedème, & l'exulcération.

1. La résolution se fait lorsque les phénomenes inflammatoires disparoissent sans qu'on observe le moindre dérangement, le plus léger vice dans la partie enflammée; le sang alors suit ses routes accoutumées, & les vaisseaux restent dans leur entier. Lorsque l'inflammation n'a son siége que dans les extrémités artérielles sanguines, rien n'est plus simple; la seule cessation des causes qui avoient déterminé l'inflammation suffit à cet effet; si c'est une ligature, une compression, un corps étranger, un caustique, &c. ces causes cessant d'agir, l'inflammation se résout, pourvu que l'obstruction ne soit pas trop forte. L'oscillation modérée des vaisseaux rend le sang plus fluide, & son mouvement intestin plus développé par la stagnation, concourt aussi admirablement à sa fluxilité; ainsi l'inflammation peut être mise dans la classe des maladies qui se guérissent par elles - mêmes. L'impétuosité modérée des humeurs, une certaine souplesse dans les vaisseaux, la qualité d'un sang ni trop épais ni trop acre, mais suffisamment détrempé par la sérosité, favorisent beaucoup la résolution. On voit par - là pourquoi cette terminaison est plus familiere aux érésipeles. Si le sang est arrêté dans les vaisseaux, il faut, pour la résolution, ou qu'il rétrograde, ou qu'il passe des arteres lymphatiques dans les veines correspondantes; le mouvement des arteres suffit pour faire rétrograder le sang arrêté, ou pour le diviser & le rendre capable de passer par les petits vaisseaux, comme le prouve une observation très - curieuse de Leeuvenhoek. Ce physicien observateur examinoit avec le microscope dans une chauve - souris à demi - morte de froid & d'inanition, cette membrane fine & délicate qui fait les fonctions d'aîle dans cet animal, il n'apperçut d'abord aucun mouvement; mais cinq à six heures après que la chauve - souris eut été ranimée par la chaleur, il vit avec le microscope dans une artere quelques globules de sang arrêté, qui par les oscillations de cette artere, alloient & revenoient, rétrogradoient & ensuite avançoient dans ces vaisseaux, jusqu'à ce que suffisamment atténués, ils pussent en sortir. Si l'obstruction n'a lieu que dans le commencement des vaisseaux lymphatiques, alors la résolution pourra se faire par rétrogradation; mais si le sang trop engagé dans les vaisseaux lymphatiques ne peut revenir dans les sanguins, alors il est transmis de ces arteres dans les veines; & pour qu'il puisse les trouver, il est assez inutile de recourir à la prétendue composition & décomposition d'un globule rouge en six globules séreux; le sang peut être atténué par les contractions successives des arteres, comme dans l'observation de Leeuvenhock, suffisamment pour pouvoir enfiler les plus petits vaisseaux: bien des observations prouvent en effet que le sang peut traverser, en conservant sa masse & sa couleur, tous les différens ordres des vaisseaux lymphatiques & séreux. Haller dit avoir vû sortir par intervalles de l'hypocondre droit d'une personne, une assez grande quantité de sang sans la moindre blessure. (Oper. practic. pagin. 584.) Moor raconte qu'une fille âgée de 22 ans, bien réglee, eut une hémorrhagie très - considérable par les joues & les bras, sans qu'on pût observer la plus légere solution de continuité. (Proefat. de medicin. instaur.) M. de Lamure, célebre professeur de Montpellier, m'a rapporté avoir vû le canal thorachique tellement gorgé de sang, qu'il en imposoit pour un vaisseau sanguin. Enfin, sans aller entasser d'autres faits aussi concluans, le chien cruellement & fort à propos fouetté par M. Astruc, présente un exemple incontestable d'une semblable résolution.

Si par une passion d'ame vive, ou quelqu'autre cause subite, ou même par l'application de quelques répercussifs trop énergiques, ou appliqués à contretems, la tumeur inflammatoire disparoît tout - à - coup; c'est le cas de la délitescence. Elle se fait par la retrogradation du sang inflammatoire dans les vaisseaux plus considérables, d'où il se jette souvent sur quelqu'autre partie; ce transport, ce changement s'appellent METAS2ASIS2, métastase. [p. 717]

2°. Lorsque l'obstruction est trop forte, que la résolution ne peut avoir lieu, on observe dans la partie enflammée un battement très - vif & très sensible, une douleur aiguë & beaucoup de dureté; bien - tôt après la tumeur s'amollit, la douleur cesse, & il n'y a plus aucun battement; une ouverture naturelle ou pratiquée par l'art, donne issue à une liqueur blanchâtre, épaisse, égale & sans caractere d'âcreté, lorsque le pus mérite d'être appellé légitime & sincere. On croit communément que cette liqueur résulte du mélange des débris des vaisseaux déchirés & rompus avec le sang, & qu'elle est l'effet de l'action mechanique des parties en vironnantes. C'est un sentiment que M. Fizes a soutenu & présenté sous le jour le plus favorable dans un très savant & utile traité sur la suppuration; mais qu'il me soit permis, malgré une autorité si pondérante, de faire observer, 1°. que le mélange des petits filamens vasculeux est assez gratuitement supposé & très - peu nécessaire pour la formation du pus. L'on voit très souvent des suppurations abondantes, sans qu'on puisse même soupçonner que la destruction des vaisseaux y ait la moindre part. J'ai vû dans la poitrine d'un homme mort à la suite d'une pleurésie, plus de douze livres de pus qui remplissoit toute la capacité droite de la poitrine, & qui étoit placé entre la plevre & les muscles intercostaux; on ne voyoit dans ces parties que quelques légers déchiremens. Il peut bien se faire que dans ces grandes suppurations, qui dessechent le corps, le tissu cellulaire réduit à son premier état muqueux, contribue en quelque chose à la formation du pus; du - moins alors il est détruit. 2°. Je pense avec Stahl que le mouvement oscilla. toire des vaisseaux environnans ne suffit pas pour la suppuration, & qu'il ne sert qu'à modérer le mouvement intestin du sang; il est très - certain que la sanguification, la nature du sang, & bien d'autres phénomenes de l'économie animale, le prouvent; il est certain, dis - je, que le sang est continuellement agité par un mouvement intestin de putréfaction, qui dans l'animal vivant est retardé & prévenu par les excrétions, par l'abord du chyle, par le mouvement progressif, & par l'action des vaisseaux; dès que le sang est hors du corps, ces causes n'ayant plus lieu, ce mouvement augmente, & le sang se pourrit; lorsqu'il est arrêté dans quelque partie, la même chose arrive; si dans les parties enflammées, le mouvement oscillatoire ne persistoit pas, la putréfaction auroit son effet total; mais étant retenu en partie, & contrebalancé par le mouvement des vaisseaux, son action se réduit à dissoudre & détruire le tissu mucilagineux du sang, ou à le réduire en pus.

3°. Il est facile par ce que nous venons de dire, d'appercevoir comment & quand la gangrene terminera l'inflammation; savoir, lorsque l'obstruction sera très - considérable, l'engorgement fort grand, alors les arteres distendues au - delà de leur ton cesseront de battre; le mouvement progressif du sang & l'action des vaisseaux totalement suspendue, la vie cessera dans la partie; elle ne consiste, de même que celle de tout le corps, que dans la continuité de ces mouvemens. La fermentation putride déjà fort développée dans le sang altéré qui fait la base de cette inflammation, n'ayant plus de frein qui la modere, ne tardera pas à avoir son effet, la putréfaction totale aura lieu; la partie qui est alors gangrenée devient plombée, brune, livide, noirâtre, perd tout sentiment, & exhale une odeur putride, cadavéreuse; c'est alors le sphacele, dernier degré de mortification.

La partie gangrenée est pour l'ordinaire couverte de petites ampoules, cloches, FLIKQENAI, qui sont formées par l'épiderme qui se souleve, & qui renferme une sérosité âcre séparée du sang & de l'air, produit ou plutôt dégagé par la fermentation putride. Il paroît encore par - là fort inutile d'aller encore recourir à un déchirement, à une rupture des vaisseaux obstrués. On voit enfin que l'impétuosité des humeurs vers la partie enflammée, leur acreté, la grandeur de l'obstruction, doivent concourir beaucoup à faire dégénérer l'inflammation en gangrene.

4°. L'induration est une terminaison familiere aux inflammations qui attaquent les glandes conglobées ou lymphatiques, parce qu'alors il y a double obstruction; savoir celle du sang & celle de la lymphe, s'il n'y a que l'obstruction sanguine de résolue, & que la lymphe reste accumulée dans ses vaisseaux, elle y formera une tumeur dure, indolente, skirrheuse.

5°. Il peut arriver sur - tout dans les érésipeles qui sont formées par l'arrêt du sang, & de beaucoup de sérosité dans les vaisseaux cutanés, sanguins & lymphatiques, que le sang soit dissipé seul; la tumeur sereuse persistera, elle sera molle, insensible, &c. c'est le cas des érésipeles qui se terminent en oedème.

6°. L'exulcération aura lieu principalement dans les inflammations qui ont leur siége dans des vaisseaux tendres & délicats, exposés au frottement, à l'impression du froid; la moindre cause déchire ces petits vaisseaux, le froid les fait gercer avant que le pus soit formé. On peut en avoir des exemples assez fréquens dans cette espece d'inflammation érésipélateuse, connue sous le nom de mules, engelures.

Partie thérapeutique. Le diagnostic. Il ne suffit pas de connoître l'inflammation, il faut en distinguer les différentes especes, & il est aussi très - important d'être instruit des causes qui l'ont produite; c'est sur ces trois points principalement que doit rouler le diagnostic. L'histoire de l'inflammation exposée au commencement de cet article, répand un grand jour sur cette partie; nous savons en effet que la douleur & la chaleur fixées à une partie, sont des signes qu'il suffit d'appercevoir pour être assuré que la partie à laquelle on les rapporte est enflammée. Si cette partie est intérieure, la fievre plus ou moins aiguë survient, & l'on observe un dérangement dans les fonctions propres à cette partie; si l'inflammation est externe, à la douleur & à la chaleur, on voit se joindre pour confirmer le diagnostic, la rougeur & la tumeur de la partie enflammée. 2°. Il n'y a pas plus de difficulté pour distinguer une inflammation phlegmoneuse d'avec celle qui est érésipélateuse; qu'on se rappelle les signes que nous avons détaillés plus haut, propres à l'une ou à l'autre de ces inflammations, & qui les différentient aussi de celles qui ne participent ni de l'une ni de l'autre. 3°. Le diagnostic des causes exige plus de recherches & un examen plus grand, & il est plus nécessaire qu'on ne pense pour la curation. Il faut dans cette partie que le malade & les assistans aident le medecin; c'est le cas de dire avec Hippocrate: DEI DE D MONON EAUTON (IHTRON) PAREXEINTA DEONTA W=OIEDNTA, KAITON NOSEONTA, KAITDS2 PAREONTAS2, KAITA ECOQEN. « Il ne suffit pas que le medecin fasse exactement ce qui convient, il faut que le malade, les assistans & les choses extérieures y concourent.» Aphor. 1. lib. I.

Le point principal consiste à déterminer si les causes sont internes ou extérieures locales; on peut, & par le témoignage & en interrogeant le malade, savoir si l'inflammation est dûe à l'action du feu, du froid, d'un caustique, à une luxation, fracture, compression, &c. Si aucune de ces causes ou autre extérieure quelconque n'a précédé, il y a tout lieu d'assurer que c'est une cause interne, un vice du sang qui a déterminé l'inflammation; l'on peut en outre s'instruire quel est le vice du sang, des humeurs, qui mérite d'être accusé; si c'est la raréfaction, l'épais<pb->

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