ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"714"> prise dans le sens qui se présente naturellement, elle est trop générale; c'est - à - dire si l'on pense, comme c'est le sentiment unanimement reçu, que la stagnation du sang est un principe qui doit précéder & produire l'inflammation. Cette proposition ainsi donnée universellement est fausse. Il y a bien des inflammations excitées par le feu, les caustiques actifs, &c. qui suivent de trop près l'application de la cause, pour qu'on puisse supposer que le sang a dû s'arrêter avant que les symptomes parussent: cette supposition seroit d'ailleurs gratuite & démontrée fausse, parce que ces causes suffisent pour augmenter l'irritabilité & exciter les symptomes inflammatoires. Il est bien vrai que dans ces inflammations cet arrêt du sang ne tarde pas à avoir lieu; ainsi dans certains cas il est cause, dans d'autres il est l'effet de l'inflammation. La tumeur présente dans toute inflammation, quoiqu'inobservable dans celles qui sont internes, toujours constante malgré la syncope & la mort même, le siége de l'inflammation & les causes qui la produisent concourent à fournir des preuves incontestables de ce fait. Par stagnation, hérence, arrêt du sang, &c. je n'entends pas le repos absolu, mais seulement son mouvement retardé de façon qu'il aborde plus vîte à la partie qu'il n'en revient.

2°. L'inflammation n'a lieu que dans les petits vaisseaux artériels, sanguins ou lymphatiques. La stagnation qui se feroit dans les gros troncs seroit suivie de la syncope ou de la mort; si par une ligature on intercepte dans un vaisseau artériel considérable le mouvement du sang, l'animal sur qui on fait l'expérience devient inquiet, s'agite & meurt dans les convulsions, & l'on n'apperçoit d'autre inflammation que celle des petits rameaux qui rampent dans les parois de l'artere liée, dans lesquels la ligature a gêné ou interrompu le cours des humeurs. La proposition qui annonce que le siége de l'inflammation n'est que dans les vaisseaux artériels, est fondée sur le peu de contractilité ou sensibilité des veines, sur leur disposition, qui est telle que le sang va toujours d'un endroit plus difficile dans un plus large & plus aisé. Elle est cependant trop générale, à moins que sous le nom d'arteres on ne veuille aussi comprendre les veines qui en font les fonctions, & dont les ramifications se multiplient en convergeant: la veineporte est dans ce cas - là; aussi je pense que c'est dans ses extrémités qu'est le siége de l'inflammation sourde du foie, si difficile à connoître & à guérir. Nous avons ajouté que les vaisseaux susceptibles d'inflammation étoient sanguins ou lymphatiques; en effet, le sang peut s'arrêter dans les premiers, ou s'égarer dans les lymphatiques qui naissent des vaisseaux sanguins; ce qui produit l'inflammation par erreur de lieu de Boerhaave, le premier qui ait développé cette idée, qui ne lui appattient pas, que Chirac pourroit revendiquer avant lui, mais dont la découverte doit être, avec plus de raison, comme l'a déja remarqué M. Fizes, attribuée au célebre Vieussens, medecin de Montpellier, le plus grand des anatomistes françois. Il expose fort clairement cette doctrine dans son traité intitulé: Novum systema vasorum. Il dit avoir vu dans les intestins d'un homme mort d'une inflammation dans cette partie - là, les vaisseaux lymphatiques nouvellement découverts, tous remplis de sang, « qui par leur replis tortueux & leur entrelacement réitéré présentoient un spectacle étonnant & fort agréable; & de cette observation il suit clairement, ajoute ce grand medecin, que le sang trop abondant ou raréfié peut quelquefois s'épancher dans les vaisseaux lymphatiques dilatés, y arrêter & produire une nouvelle inflammation dont je n'ai eu aucune idée claire avant d'avoir découvert l'origine, l'insertion & les distributions des vaisseaux secretoires du corps humain ». Boerhaave n'ignoroit pas la vérité de ce fait, rapporté par Vieussens; cependant sans lui en rendre de justes hommages, il donne cette idée comme lui appartenante. Les anciens avoient eu quelque idée de cette inflammation. Galien dit dans un endroit (Method. med. lib. X. cap. x.) que l'inflammation est quelquefois si violente, que non - seulement les petits vaisseaux sanguins sont engorgés, mais même les vastes espaces qui sont entre ces vaisseaux sont distendus par un sang chaud & abondant: on pourroit croire qu'il veut parler des petites ramifications lymphatiques qui sont dans le tissu cellulaire. On voit un exemple frapant & démonstratif de cette inflammation dans l'ophtalmie, où la cornée opaque arrosée dans l'état naturel des seuls lymphatiques transparens, paroît alors n'être qu'un tissu de vaisseaux sanguins gonflés: l'inflammation des tendons, des os, des cartilages, &c. offre le même spectacle & la même preuve. Il y a d'ailleurs des observations qui démontrent que le sang peut se faire jour à - travers les plus petits vaisseaux; ainsi on a vu des personnes dont la sueur étoit entremèlée de globules rouges; on voit des crachats teints de sang, sans qu'on puisse soupçonner la rupture des petits vaisseaux; les tuyaux excrétoires de la matrice à - travers lesquels il ne suinte ordinairement qu'une humeur ténue & lympide, laissent dans le tems de la menstruation passer du sang rouge en quantité; si dans ces vaisseaux lymphatiques encore irritables, au lieu du sang, la lymphe, au transport de laquelle ils sont destinés, vient à s'arrêter, il se formera une inflammation blanche, que Boerhaave appelle du second genre, & qui est connue sous le nom d'oedème chaud; cet auteur s'abandonnant à sa théorie, pense qu'il peut y avoir autant de genres d'inflammation, qu'il y a de genres décroissans de vaisseaux séreux; mais il ne fait pas attention que l'obstruction ne suffit pas, il faut outre cela qu'elle ait lieu dans les vaisseaux irritables; sans cela il se forme un skirrhe, ou un oedeme, & non une inflammation séreuse; les expériences apprennent qu'on n'apperçoit aucune trace d'irritabilité dans les vaisseaux lymphatiques qui sont parvenus à une certaine petitesse. L'on peut conclure de ce que nous avons dit, que toutes les parties qui ont des vaisseaux sanguins ou lymphatiques du premier & second genre, sont sujettes à l'inflammation, & conséquemment il n'y a point de partie à l'abri de cette affection, puisque les admirables & malheureusement perdues injections de Ruisch, nous apprennent que toutes les parties ont des vaisseaux assez considérables; il n'est pas jusqu'aux os qui ne puissent être susceptibles d'inflammation. Galien assûre qu'ils peuvent s'enflammer même indépendamment des membranes qui les environnent; les observations de Heine (voyez son traité de l'inflammation des os) confirment cette assertion.

Les causes qui produisent l'inflammation, peuvent se réduire à deux chefs principaux; savoir à celles qui augmentent d'abord l'irritabilité dans la partie avant de produire la stagnation, & à celles dont l'effet primitif est cette stagnation qui détermine ensuite & excite l'augmentation de contractilité: ces deux causes peuvent agir ensemble & se compliquer.

Ou peut ranger à la premiere classe toutes les causes irritantes, le feu, les caustiques, les vésicatoires, le froid extrèmement âcre, les applications huileuses, rances, ou simplement emplastiques, qui agissent en arrêtant la transpiration, les frictions, l'écoulement ou le dépôt de quelque humeur qui ait une âcreté très - marquée, comme il arrive aux hydropiques, aux jambes desquels on observe des legeres inflammations excitées par la sérosité qui s'échappe, aux femmes qui ont des fleurs blanches d'un mauvais [p. 715] caractere, ou un flux gonorrhoïque virulent, tout l'intérieur du vagin est enflammé. L'érésipele scorbutique dépend aussi de la même cause: toutes ces inflammations paroissent participer davantage de l'éresipele que du phlegmon. Je crois que dans l'érésipele le sang est le plus souvent mêlé avec la matiere de la transpiration, ou avec quelqu'autre humeur ténue, acre, & sur - tout bilieuse. Les érésipeles qui surviennent à des coleres effrénées dépendroient - elles d'un dérangement excité dans le foie? Ce qu'il y a de bien certain, c'est que bien des érésipeles, & sur - tout ceux qui sont périodiques, méritent souvent d'être attribués à quelque changement opéré dans ce viscere; c'est la pratique & l'observation qui ont donné naissance à cette idée. Les inflammations qui surviennent aux blessures, luxations, distorsions, & en un mot aux affections dolorifiques, doivent être aussi renfermées dans cette classe.

La seconde classe établie des causes qui excitent l'inflammation, comprend celles qui produisent d'abord l'hérence du sang ou l'obstruction des vaisseaux, & qui y disposent. Pour que le sang s'arrête ou coule plus difficilement dans les vaisseaux de quelque partie, il faut que sa masse augmente par - dessus la capacité des vaisseaux; ce qui peut arriver, ou par l'augmentation absolue du sang, ou par la diminution de la capacité des vaisseaux, ou enfin par le concours de ces deux causes, l'inflammation n'ayant lieu que dans les petits vaisseaux, où à peine les globules sanguins peuvent passer à la suite l'un de l'autre, il est évident que si les globules sont trop sortement liés les uns aux autres pour pouvoir se desunir par l'action très - foible de ces petits vaisseaux, l'obstruction se formera: or ce vice pourra être produit par le froid, les venins coagulans, les spiritueux, absorbans, acides, austeres, invisquans & agissans topiquement. Cette disposition sera engendrée & entretenue dans le corps par l'usage immodéré des liqueurs spiritueuses, aromatiques, vineuses, par les exercices violens, la pléthore, la suppression des excrétions sanguines, l'augmentation des séreuses; la masse du sang augmentera encore, eu égard à la capacité de ces petits vaisseaux, si plusieurs globules poussés avec trop de rapidité se présentent en même tems à l'embouchure d'un vaisseau qui n'en peut admettre qu'un; c'est le cas de la fievre.

Parmi les causes qui peuvent diminuer la capacité des vaisseaux, se présente d'abord la compression, qui peut être excitée par des corps étrangers, des tentes, des tampons, par exemple, placés mal - à - propos dans les plaies par des chirurgiens inhabiles, par des ligatures trop serrées, par les parties dures de notre corps déplacées ou rompues, comme il arrive dans les fractures, luxations, par le poids du corps sur une partie; ainsi il survient des inflammations au coxis, aux trochanters, aux épaules des personnes qui restent long - tems couchées sur le dos. La compression peut aussi être produite par un sang trop abondant & raréfié, distendant certains vaisseaux; ceux qui sont voisins souffrent de cette distension; leur capacité en est par - là diminuée: c'est ce qui a lieu dans les fievres ardentes inflammatoires.

L'allongement des vaisseaux, leur distorsion peut, en changeant leur figure, en diminuer le diametre; on sait que de toutes les figures isopérimetres, le cylindre est, après la sphere, celle qui contient le plus de masse; si cette figure change de capacité, elle diminue nécessairement: cette cause peut avoir lieu dans les luxations, distorsions de membres; c'est elle qui, de concert avec la douleur violente, produit les inflammations qu'on observe chez les criminels qui ont souffert la torture.

Enfin la capacité peut être retrécie par la propre contractilité des vaisseaux; leurs parois ont une force qui les fait tendre à se rapprocher de l'axe: cette force est toujours combattue & empêchée d'avoir son effet par le mouvement & la présence du sang; si cette force augmente, ou que la force qui la contrebalance diminue, alors les parois approchées mutuellement accourciront le diametre, & rendront le passage plus étroit. Toutes les causes qui rendent l'irritabilité plus forte, augmentent cette tendance: ces causes ont été détaillées plus haut; c'est ce qui prouve encore que la stagnation du sang suit de près l'augmentation de l'irritabilité; le mouvement & la quantité de sang qui retiennent en équilibre cette tendance venant à diminuer, elle aura aussitôt son effet; c'est ce qui arrive dans les hémorrhagies, & c'est la cause la plus fréquente des inflammations qui surviennent aux blessures & aux opérations; les vaisseaux coupés obéissant à cette force, se retirent, se cachent dans les chairs, & après que le mouvement & la quantité du sang ont été diminués par l'hémorrhagie, leurs parois s'appliquent mutuellement, le passage est presqu'entierement bouché; c'est ce qui fait que ces inflammations se terminent toujours par la suppuration.

Enfin, sans que le sang augmente en masse, ou le vaisseau diminue en capacité, la proportion peut être dérangée & y avoir obstruction; c'est lorsque le sang s'égare dans les vaisseaux lymphatiques; il faut même pour cela que l'embouchure de ces vaisseaux soit dilatée; la trop grande quantité de sang, son mouvement trop rapide, sa raréfaction produisent souvent cet effet. Il est assez ordinaire de voir les vaisseaux de la cornée engorgés de sang dans les personnes pléthoriques; la chaleur, & sur - tout une chaleur humide en est la cause la plus fréquente; rien n'est si propre à relacher, affoiblir les vaisseaux & à y attirer le sang; c'est ce qui fait que les ophtalmies sont si communes, & comme épidémiques dans les constitutions chaudes & humides sans vents (Hippocr. epidem. lib. III.); mais ces causes produisent encore plus sûrement cet effet si elles sont suivies des causes contraires; c'est - à - dire si à la chaleur succede le froid; à l'agitation des humeurs leur repos; à la raréfaction du sang sa condensation, parce qu'alors le sang reste dans les vaisseaux où il étoit entré; c'est la raison pourquoi il survient des inflammations aux personnes qui ayant extrèmement chaud, s'exposent au froid, ou boivent de l'eau extremement fraîche.

Telles sont les causes qui peuvent produire la stagnation inflammatoire du sang; telle est leur différente façon d'agir: j'en passe beaucoup d'autres sous silence qui peuvent donner naissance à l'obstruction; je ne parle ici que de celles qui peuvent l'occasionner promptement, & qui peuvent seules produire l'inflammation: car une obstruction qui se formeroit peu - à - peu ne feroit aucune violence aux arteres, qui prêteroient insensiblement sans souffrir aucune irritation, & sans entraîner conséquemment les symptomes inflammatoires.

Mais de quelque façon que soit amenée l'obstruction; quelque cause que ce soit (pourvu qu'elle ait agi promptement) qui ait gêné, retardé, empêché le mouvement du sang dans des vaisseaux soumis aux lois de la circulation, ce sang, toujours poussé par l'abord continuel de celui qui suit, agira contre les parois des vaisseaux avec d'autant plus de force, que son action, selon l'axe, sera plus empêché, son mouvement intestin, qui est continuellement bridé & retenu par le mouvement progressif, augmentera: double cause de l'irritation qu'il excitera dans ses vaisseaux; l'irritabilité animée par - là ou par toute autre cause irritante étrangere, deviendra plus active; les phénomenes qui en dépendent

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