ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"718"> sissement, ou la trop grande quantité de sang par les signes propres à ces différens états. Voyez Raréfaction, Epaississement, Pléthore . Si l'inflammation survient à la fin d'une fievre putride, maligne, pestilentielle, &c. & sur - tout si elle est accompagnée d'une diminution dans les symptômes, elle est censée critique. Ces inflammations ordinairement phlegmoneuses, ont leur siége dans les glandes parotides ou inguinales, d'où leur est venu le nom de parotides ou bubons; ce n'est pas qu'il n'en survienne dans d'autres parties, j'en ai vû plusieurs fois. Quant aux érésipeles, on juge qu'ils doivent être attribués à un sang bilieux, ou à quelque dérangement dans le foie, lorsqu'ils viennent sur - tout au visage sous cause évidente, qu'ils sont périodiques & trèsopiniâtres.

Le prognostic. Les jugemens qu'on peut porter sur les suites de l'inflammation sont extrèmement différens; le siége, la grandeur, les causes, l'espece d'inflammation, la vivacité des symptômes, des accidens, les terminaisons, & mille circonstances, en font varier le prognostic à l'infini; c'est ce qui fait que les généralités dans ces cas - ci sont souvent si fautives, & presque toujours inutiles; ce qui me donne occasion de faire observer 1°. que ceux qui ont voulu donner un prognostic générique pour toute inflammation, & qui ont dit que c'étoit une maladie aiguë, par conséquent toujours dangereuse, & qui ont fait sonner bien haut qu'elle attaquoit le principe vital, &c. n'ont donné que des mots vuides de sens & pleins de faussetés; car il est très - certain qu'il y a des inflammations sans danger tout comme il y en a avec danger; & bien plus il y en a qui loin d'apporter aucune incommodité, sont souvent très - salutaires.

2°. Quand je dirai que telle ou telle inflammation est plus ou moins dangereuse que telle ou telle autre, je prie qu'on ne prenne pas cela à la lettre, de façon qu'on regarde la proposition comme rigoureusement vraie, & à l'abri de toute exception; je ne parle que de ce qui arrive ordinairement, & je regarderois même comme un grand point de rencontrer juste le plus souvent. Il faut pour réaliser une pareille assertion, un concours de circonstances, qu'il est bien rare, pour ne pas dire impossible, de rassembler: il faut placer deux inflammations, dont on compare le prognostic dans des cas absolument semblables; si l'on veut par exemple, décider sur deux inflammations, dont l'une est à la tête & l'autre aux extrémités, supposer le même degré d'inflammation, la même cause, la même constitution de sang, le même tempérament, le même sujet, le même siége, le même engorgement, &c. & quand on aura réuni toutes ces circonstances, il faudra, pour ne pas courir le risque de se tromper, dire qu'ordinairement l'inflammation à la tête est plus dangereuse que celle qui est aux extrémités; & cela arrivera effectivement le plus souvent. Il est assez reçû qu'une inflammation intérieure est pleine de danger, tandis que celle qui est externe, n'a pour l'ordinaire aucune suite fâcheuse; cependant un panaris, un charbon, seront suivis d'une mort prompte, tandis qu'une pleurésie se terminera heureusement. Autre exemple, la résolution est communément regardée comme la terminaison la plus favorable; cependant elle seroit nuisible dans toutes les inflammations critiques, dans celles qui dépendent d'un virus; & enfin, je crois que dans toutes celles qui ont quelque cause intérieure, la suppuration est préférable. On voit par - là que ces signes généraux qui regardent le prognostic, & surtout le prognostic comparé, dont tous les traités de Medecine regorgent, & moyennant lesquels on prétend s'afficher praticien consommé, ne sont souvent que des corollaires théoriques, qui ne menent pas à grand'chose. Le véritable prognostic ne peut bien se saisir qu'au lit du malade; les circonstances & les accidens qu'on observe, &c. le décident. Je vais néanmoins, pour me conformer aux usages reçûs, & suivre l'ordre proposé, donner là - dessus quelques généralités peu rigoureuses, & dont je ne garantis pas l'utilité dans la pratique.

1°. Les inflammations qui attaquent quelque partie considérable interne, quelque viscere, sont plus dangereuses que celles qui ont leur siége extérieur; parmi celles - ci, celles qui occupent la tête ou le col, comme les érésipeles qui l'entourent en forme de collier, que les Grecs appellent ZWS2HR, sont plus à craindre que celles qui sont aux piés, aux mains, &c. Leur siége dans les parties tendineuses, aponévrotiques, glanduleuses, nerveuses, dans les membranes tendues, extrèmement sensibles, les rend plus fâcheuses que celles qui sont dans les cas opposés.

2°. Les inflammations formées & entretenues par quelque vice général du sang, sont plus difficiles à guérir, & plus dangereuses que celles qui ne supposent qu'un dérangement local dans la partie affectée; & parmi les causes extérieures, il y en a qui agissent plus violemment, comme le feu, les caustiques actifs, fractures, &c. & qui augmentent par - là le péril de l'inflammation.

3°. La grandeur de l'inflammation contribue rarement à la rendre plus fâcheuse; c'est sur - tout la vivacité de la douleur & la violence des accidens qui la suivent, qui peuvent rendre le danger plus ou moins pressant, comme la fievre, les veilles, convulsions, délire, &c.

4°. On croit communément que l'inflammation érésipélateuse est plus dangereuse que le phlegmon, parce, dit - on, que le sang est plus âcre, la douleur plus vive, la gangrene plus prochaine, &c.

5°. La constitution du sujet, le tempérament, l'âge, &c. peuvent aussi faire varier le prognostic; chez les personnes cacochymes, les scorbutiques, hydropiques, &c. les inflammations se résolvent rarement; elles dégénerent en suppuration de mauvais caractere, ou en gangrene, de même que dans les tempéramens phlegmatiques & les vieillards. Dans les jeunes gens d'un tempérament vif & sanguin, chez les personnes extrèmement sensibles, les accidens sont toujours plus graves; la terminaison est bien - tôt décidée en bien ou en mal.

6°. De toutes les terminaisons, la résolution est ordinairement la plus heureuse, la seule qui soit vraîment & entierement curative; les autres terminaisons sont des maladies où la mort succede à l'inflammation. Il est des cas particuliers où la suppuration est plus avantageuse; & quoique la gangrene soit l'état de mort, la terminaison la plus fâcheuse, il est des cas au - moins à l'extérieur, où elle est plus à souhaiter qu'à craindre; c'est lorsque les accidens qui surviennent à l'inflammation sont extremement violens, le corps est prêt à succomber aux efferts trop actifs & trop long - tems soutenus d'une fievre opiniâtre; alors la mort d'une partie est nécessaire pour sauver la vie de tout le corps.

La partie du prognostic la plus certaine & la plus utile dans la pratique, est celle qui comprend les signes qui présagent la terminaison de l'inflammation. On doit s'attendre à la résolution lorsque les symptômes de l'inflammation sont modérés, que la douleur est légere, ou plutôt n'est qu'une simple demangeaison, lorsqu'on commence à voir une diminution graduée & insensible dans le volume & la dureté de la tumeur, & qu'on observe une humidité sur la partie enflammée. 2°. La suppuration s'annonce par l'augmentation des symptomes, par le caractere de la douleur, qu'on appelle pulsative, par la figure [p. 719] de la tumeur, qui finit en une pointe extrèmement dure, & dans laquelle le battement est plus sensible. Cette terminaison est plus fréquente & plus avantageuse dans les phlegmons que dans les érésipeles, où la suppuration est fort rare, & presque toujours d'un mauvais caractere. 3°. Les inflammations qui tendent à l'induration occupent toujours des parties glanduleuses; elles sont phlegmoneuses; la douleur, le volume, la chaleur, diminuent sensiblement, & cependant la dureté, la résistence deviennent plus marquées; cette gradation s'observe jusqu'à ce que l'inflammation soit transformée en skirrhe; cette ternlinaison est plus incommode que dangereuse. 4°. Lorsque l'inflammation est érésipélateuse, qu'elle occupe un espace assez considérable, que la tumeur qui l'accompagne est fort élevée, molle, facile à recevoir l'impression du doigt, & lente à se rétablir, on peut, comme je l'ai observé, s'attendre qu'à l'inflammation surviendra un oedème. 5°. On doit craindre l'exulcération dans les parties qui sont foibles, délicates, comme au bout des mammelles, au vagin, aux yeux, dans celles qui sont exposées à l'air froid, & sur - tout quand c'est à cette cause que l'inflammation doit être attribuée, comme on l'observe dans les engelures. 6°. Les signes qui présagent la terminaison en gangrene, sont une augmentation considérable des symptômes, une tension excessive, une douleur extrèmement vive, mais sans battement; & lorsqu'elle est déja commencée, la peau se slétrit, devient plombée, & la douleur cesse presqu'entiérement.

La curation. Nous pouvons appliquer ici avec encore plus de raison, ce que nous avons dit du prognostic de l'inflammation; c'est qu'il est bien difficile, j'ose même dire dangereux, de donner des méthodes thérapeutiques générales; ainsi ne pouvant entrer dans un détail circonstancié de tous les cas particuliers, ni suivre toutes les indications qui pourroient se présenter, nous nous contenterons d'exposer quelques considérations pratiques sur l'usage des remedes qu'on a coutume d'employer dans le traitement des inflammations extérieures; telles sont la saignée, les émolliens, anodins, narcotiques, résolutifs, suppuratifs, antigangréneux. Il nous suffira de faire observer qu'on ne doit pas négliger les secours intérieurs; lorsque la cause qui a produit l'inflammation est interne, il faut approprier les remedes à la cause; dans l'épaississement insister sur les apéritifs, incisifs salins, sudorifiques, &c. dans la raréfaction, faire principalement usage des boissons abondantes, acides ou nitreuses; dans les érésipeles du visage périodiques, avoir recours aux émétiques, aux antibilieux, hépatiques, fondans, aux eaux minérales, acidules, aux martiaux, & sur - tout à l'aloës combiné avec le tartre vitriolé; il est inutile d'avertir qu'il faut, autant qu'on le peut, faire cesser l'action des causes évidentes connues, remettre une luxation, rappeller des excrétions supprimées, &c.

1°. La saignée. Le plus sûr, le plus incontestable, & peut - être le seul effet de la saignée, est de desemplir les vaisseaux, de diminuer la quantité de sang; cet effet est suivi d'un relâchement dans le système vasculeux, & d'une diminution très - marquée dans la force des organes vitaux. De ces principes connus & constatés par une observation journaliere, on peut déduire les cas d'inflammation où la saignée convient. Toutes les fois que la quantité ou le mouvement du sang sont trop augmentés, que l'irritabilité est trop animée, que la douleur, la chaleur, la fievre & les autres accidens pressent un peu trop vivement; dans d'autres cas elle sera tout au moins inutile, quelquefois dangereuse; au reste quand je dis que la saignée peut être dangereuse, je ne parle pas d'une ou deux saignées, qui de la maniere dont on les fait en quelques lieux, ne sont le plus souvent qu'indifférentes; mais de ces saignées copieuses & multipliées à l'excès, qui sont aujourd'hui & ici fort à la mode. Boerhaave regarde la saignée comme extrèmement avantageuse dans l'inflammation par erreur de lieu. Quant à moi, il me paroît qu'à l'exception de quelque cas très - rare, il n'y a pas de plus mauvais remede; mais voici comment Boerhaave raisonne, (observez qu'il raisonne, & qui pis est, théoriquement à sa coutume): le sang qui est arrêté dans les lymphatiques doit, pour que la résolution ait lieu, rétrograder; or cette rétrogradation étant empêchée par l'abord continuel du sang poussé par les forces de la circulation, moins il y aura de sang, moins il sera poussé avec force contre ces petits vaisseaux, & plus facilement se fera la rétrogradation du sang engagé: raisonnement très - lumineux, qui le conduit à ordonner dans ces cas - là, des grandes évacuations de sang, des relâchans & des frictions, légeres sans doute; evacuatione magnâ sanguinis arteriosi, venosique per sanguinis missionem; 2. laxatione fibrarum; 3. frictione artificiali. Qu'il me soit permis d'opposer à l'autorité du grand Boerhaave, 1°. que les grandes évacuations de sang, pour me servir de ces termes, relâchent & affoiblissent les vaisseaux, & que cependant pour que la rétrogradation ait lieu, il faut des oscillations un peu fortes de la part de ces vaisseaux délicats. 2°. Que rien ne contribue plus à diminuer ces oscillations, à former & augmenter l'obstruction par l'erreur de lieu, que la foiblesse & le relâchement des vaisseaux, comme il est forcé de l'avouer lui - même, aph. 118. 3°. Que dans les cas même où cette obstruction auroit été produite par le mouvement augmenté du sang, la saignée abondante seroit pernicieuse, précisément parce qu'elle diminueroit ce mouvement; les causes qui font naître l'obstruction par erreur de lieu, ajoute ce grave auteur dans le même aphorisme, ne la rendent jamais plus opiniâtre que lorsqu'elles sont suivies des causes opposées. 4°. Remarquons enfin pratiquement que les ophtalmies, qui offrent un exemple de cette espece d'inflammation, sont très - souvent augmentées par les saignées, qu'on se garde bien de les traiter par les émolliens relâchans, &c. que les remedes qui sont les plus appropriés dans ces cas, sont les roborans, résolutifs un peu forts, les répercussifs, tels que l'eau - rose, l'eau de fenouil, l'alun, &c. les relâchans n'y conviennent pas mieux; & les frictions qu'il conseille aussi pourroient être d'un grand secours si on les faisoit fortes; dura (frictio), ligat, stringit; elles resserrent, produisent un effet contraire à ses saignées; une friction foible tombe dans l'inconvénient des relâchans, mollis solvit. Hippocr. de medic. offic.

Les émolliens narcotiques. 2°. Il en est des émolliens relâchans, &c. comme de la saignée, ils conviennent dans les mêmes cas; leur principal effet est de détendre, d'humecter, d'affoiblir, d'efféminer, pour parler avec Hippocrate, les solides, d'en diminuer l'irritabilité; vertu que possedent éminemment & d'une façon singuliere les narcotiques pris intérieurement, ou simplement appliqués à l'extérieur; tous ces remedes sont évidemment indiqués lorsque la douleur est extrèmement aiguë, la tension très - considérable, la contractilité excessive; mais il est surprenant de voir appliquer ces remedes, sur - tout les émolliens, dans presque toutes les inflammations, malgré le peu de succès, ou même les inconvéniens qu'on voit en résulter si souvent. Les narcotiques sont plus dangereux, ils exigent aussi beaucoup plus de circonspection & de prudence dans leur administration; ils calment tout de suite les douleurs les plus vives, émoussent & assoupissent pour ainsi dire, la sensibilité, diminuent le mouvement des arteres,

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