ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"616"> unes aux autres, afin que la moiteur du papier se distribue également dans toutes ses parties; car c'est dans cette égalité que consiste la bonne préparation du papier. Pour cela l'imprimeur décharge son papier, le transporte sur une table, le découvre, étale d'abord sur la table la maculature grise, puis la blanche, prend une poignée de trois ou quatre mains, la met à deux mains sur la maculature blanche, ne la quitte point d'une main, pendant que l'autre passe & repasse plusieurs fois sur le papier pour en ôter les rides. Il coupe sa poignée à huit ou dix feuilles en dessous, qu'il laisse sur la maculature blanche, reprend ce qui reste de la poignée, le renverse, passe & repasse la main sur le papier qui se trouve en dessus. Il coupe encore son papier à huit ou dix feuilles en dessous, qu'il laisse sur celles qu'il a déja laissées, reprend le reste de la poignée, le renverse, passe & repasse la main sur le papier qui se trouve en dessus. Il réitere cette manoeuvre de couper son papier à sept à huit feuilles en dessous, de les laisser sur le tas, de renverser ou retourner ce qui reste de la poignée, passer la main sur le papier qui se trouve en dessus pour en ôter les rides, & frapper dessus s'il y a quelques endroits plus élevés, jusqu'à ce que la poignée soit entierement remaniée. Après cette poignée il en prend une autre, puis encore une autre jusqu'à la fin du papier. S'il s'apperçoit qu'il soit trop trempé, il le partage en plusieurs poignées, & les laisse exposées à l'air dans l'Imprimerie autant de tems qu'il faudra; ensuite il le remanie. Si au contraire il n'étoit pas assez trempé, il pourra jetter de l'eau dessus avec la main ou avec l'éponge à chaque poignée, plus ou moins grosse, autant qu'il le jugera à propos, ensuite le charger, puis le remanier. Il y a du papier qu'il faut remanier plusieurs fois. L'inconvénient est égal quand le papier est trop trempé, ou qu'il ne l'est pas assez. Quand il est trop trempé il refuse l'encre, ou reste dessus la forme, l'emplit, & l'impression est pochée. Quand il ne l'est pas assez, les lettres ne viennent qu'à moitié, & l'impression paroît égratignée. Après que le papier a été remanié, il faut le couvrir avec la maculature blanche, puis avec la maculature grise, mettre un ais par - dessus, le charger, & le laisser encore sept à huit heures avant de l'employer.

Si la peau du tympan n'est pas bonne, l'imprimeur en prend une bien saine, sans tache autant que faire se peut, d'égale épaisseur par tout. Il la met tremper une demi - heure ou une heure dans la bassine, la retire, en exprime l'eau, & la met pliée une heure ou deux sous du papier trempé; puis après avoir arraché la vieille peau, il enduit de colle le chassis du tympan, & la tringle de fer; il pose dessus la nouvelle peau du côté de la chair, & la queue en bas, l'étend, & l'applique bien tout - autour; la découpe en haut pour laisser sortir les petits couplets, y passe les brochettes, & la laisse sécher. Quand elle est seche, il la perce avec la pointe de ses ciseaux à l'endroit qui répond aux trous du chassis, & y passe la vis, qui avec l'écrou, sert à maintenir les pointures en état.

Quand l'imprimeur veut faire une braie, qui n'est autre chose qu'une peau plus petite que celle que l'on vient d'employer, il coupe avec ses ciseaux la vieille peau tout - autour du chassis en dedans, enduit le chassis de colle & y applique la braie. L'imprimeur fait alternativement un tympan & une braie, c'est - à - dire qu'il emploie alternativement une grande & une petite peau.

La peau du petit tympan se colle comme celle du grand. La différence qu'il y a c'est que la peau du petit tympan doit être plus forte & plus épaisse, & qu'après l'avoir collée, on met un bois de longueur (on appelle ainsi les bois à l'usage de l'Imprimerie) au long de chaque bande en dedans, & un autre bois en travers, que l'on fait entrer un peu à force, pour maintenir ces bandes en état; sans cette précaution les bandes n'étant que de fer mince, rentreroient en dedans à mesure que la peau se banderoit en séchant.

Préparation des cuirs. Il faut aussi préparer les cuirs pour les balles. Ces cuirs sont taillés dans des peaux de moutons, que l'on prend chez les Mégissiers, après avoir été quelque tems dans le plein pour en faire tomber la laine. Les cuirs ne durent point quand les peaux ont resté trop long - tems dans le plein, parce que la chaux les consume. On choisit ordinairement les plus épaisses.

Pour tailler ces cuirs, on met une peau de mouton sur une table, le côté de la chair en dessous; on l'étend; on a un rond de bois ou de maculature, de deux piés & demi de circonférence, que l'on applique sur le milieu de la peau, en commençant par la tête; on décrit une ligne tout - autour du rond avec la pointe des ciseaux; on pose ensuite le rond au - dessous de la ligne ronde que l'on vient de décrire, & on en décrit une seconde; on en décrit une troisieme au - dessous de la seconde. Ensuite en coupant avec de bons ciseaux dans ces lignes rondes, on a trois cuirs dans chaque peau. Si la peau est grande, on coupe dans les côtés des especes de cuirs, qui étant plus minces, ne sont bons qu'à faire ce qu'on appelle dans l'Imprimerie des doublures, qui sont un double cuir qu'on met sous le principal. Quand les cuirs sont coupés, on les étend pour les faire sécher; sans cela ils se corromproient, & on ne pourroit pas les garder; mais quand on les garde trop long - tems ils se raccornissent & deviennent difficiles à apprêter. Quand on veut s'en servir, on les met tremper dans de l'eau nette, comme nous avons dit que l'imprimeur doit faire avant de tremper son papier.

Après qu'un cuir a trempé sept ou huit heures, plus ou moins, à proportion du tems qu'il y a que les cuirs ont été coupés, l'imprimeur le corroie, c'est - à - dire le tire de l'eau, le met sur une planche, l'arrête avec un pié, & de l'autre le crosse en appuyant de toute sa force, pour en exprimer l'eau & le rendre souple & maniable. Ensuite il le ramasse, l'étend tant qu'il peut avec les deux mains, le frappe plusieurs fois contre le mur, & le corroie encore. Il le met tremper une seconde fois, & le corroie de la même maniere. Il le met tremper une troisieme fois, s'il est nécessaire, & le corroie, jusqu'à ce que presque toute l'humidité en soit exprimée, & qu'il soit doux & souple comme un gant. Il enduit ensuite de petit vernis, qui est de l'huile de noix ou de lin recuite, le cuir du côté de la laine, & le laisse s'imbiber pendant quelque tems, enveloppé d'une maculature humide si c'est l'été. Il en faut faire autant à l'autre cuir. En préparant ainsi deux cuirs pour les deux balles, on a soin de préparer aussi deux doublures, qui sont ou deux autres cuirs plus minces de même espece, & qui ne demandent d'autres préparations que d'être souples & ramoitis, ou deux vieux cuirs qu'on fait servir en doublures, après les avoir brossés dans la lessive pour en ôter l'encre. Cette sorte de doublure est préférable & conserve mieux les cuirs. La doublure maintient le cuir dans une douce humidité pendant cinq ou six heures, plus ou moins selon la saison, & l'empêche de se racornir.

Il faut aussi de la laine telle qu'on l'achette chez les marchands, on la tire quand elle est neuve, ou on la carde quand elle a servi quelque tems. Il en faut environ une demi - livre pour chaque pain. On appelle dans l'Imprimerie un pain de laine, la quantité de laine qui se met dans chaque balle.

Monter les balles. Quand les cuirs sont bien préparés, & qu'il y a de la laine tirée ou cardée, un des [p. 617] ouvriers de la presse monte ses balles. Pour cela il commence par attacher légerement le cuir & la doublure au bois de balle, avec un clou qu'il met sur le bord du bois de balle, & au bord du cuir & de la doublure, de façon que le côté de la laine se trouve en - dessus; puis il fait faire un demi - tour à son bois de balle, étale bien le cuir & la doublure; ensuite le bois de balle couché & le manche tourné de son côté, il prend avec ses deux mains la quantité de laine qu'il juge nécessaire pour former son pain de laine, & la met dans la capacité du bois de balle appuyé contre son estomac. Il prend l'extrémité du cuir & de la doublure diamétralement opposée à celle qu'il a déjà attachée, & l'attache aussi. Il examine ensuite s'il a pris assez de laine pour donner à sa balle une figure ronde, & qu'elle soit un peu ferme; il attache un troisieme clou au milieu des deux qui viennent d'être attachés. Ces trois clous sont seulement pour maintenir le cuir & la doublure, pendant que l'imprimeur les attache plus solidement sur le bord du bois de balle, au moyen de dix ou douze clous qu'il met à la distance de trois doigts l'un de l'autre en plissant les extrémités du cuir & de la doublure l'un sur l'autre, & en les appliquant le plus ferme qu'il peut dessus le bord du bois de balle, afin qu'en touchant la laine ne sorte pas.

Quand les balles sont montées, il faut les ratisser pour enlever les ordures qui se sont attachées aux cuirs en les corroyant, & en montant les balles: l'imprimeur verse sur le milieu du cuir d'une balle environ plein une cuilliere à bouche de petit vernis, tourne la balle pour que le vernis ne tombe point, prend l'autre balle, les met l'une sur l'autre, & les distribue comme après avoir pris de l'encre, pour que ce vernis s'étende bien sur toute la surface des cuirs des deux balles, & en détache les ordures. Ensuite il en met une sur les chevilles de la presse, prend un coûteau dont la lame soit non tranchante, & avec cette lame il enleve le petit vernis & toutes les ordures qui se rencontrent sur la superficie du cuir d'une balle. Il met cette balle aux chevilles, & prend l'autre qu'il ratisse de même, puis la suspend au dessus de la premiere à une corde attachée à la jumelle. L'imprimeur ratisse les balles toutes les fois qu'il les a montées; il doit les ratisser aussi dans le courant de la journée, pour enlever de dessus les cuirs les ordures qui s'y attachent en travaillant, & qui viennent de l'encre & du papier. En un mot il ne doit rien négliger pour avoir de bonnes balles, car elles sont l'ame de l'ouvrage; & il est impossible de faire de bonne impression avec de mauvaises balles.

Pendant la préparation des balles & du papier, un des deux imprimeurs a dû coller une frisquette, c'est - à - dire coller au chassis de la frisquette un parchemin ou deux ou trois feuilles de papier fort, pour l'usage dont nous allons parler. On se sert ordinairement de vieilles peaux de tympan; on colle par - dessus une feuille de papier blanc.

Laver les formes. L'imprimeur doit aussi laver les formes avant que de les mettre sous presse. Comme il n'y a point de forme prête, sur laquelle il n'y ait eu deux ou trois épreuves, & même davantage, & qu'il faut plus d'encre pour une épreuve que pour une feuille ordinaire quand la forme est en train, l'oeil du caractere se trouve encré; ce qui rendroit l'impression pâteuse, si on n'avoit pas le soin de laver les formes auparavant. Un des deux imprimeurs prend donc une forme une heure ou deux avant de la mettre sous presse, pour qu'elle ait le tems de sécher, la porte au bacquet, en bouche le trou avec un tampon, la couche, verse dessus une quantité de lessive pour la couvrir, la brosse jusqu'à ce que l'oeil du caractere soit net, & le chassis & la garniture propres, débouche le trou pour laisser écouler la lessive, leve la forme, la laisse égoutter quelque tems, regarde attentivement s'il n'en est rien tombé, la retire du bacquet, la rince avec de l'eau nette, & la laisse sécher. La lessive dont on se sert pour laver les formes n'est autre chose que de la lessive de blanchisseuse, dans laquelle on met de la potasse ou une espece de sel blanc qu'on appelle drogue, qui fond dans la lessive, & qui la rend plus douce. Quand le tirage d'une forme est fini, l'imprimeur est obligé de la laver. Il doit y avoir dans toutes les imprimeries un endroit destiné à tremper le papier, laver les formes, laisser les formes de distribution, mettre les cuirs tremper, &c. on le nomme tremperie. Voyez ce mot & nos Pl.

Il doit ensuite préparer son encre; cette fonction n'est pas longue; il ne faut que bien nettoyer l'encrier, prendre avec la palette une quantité d'encre dans le barril, la mettre dans l'encrier, la bien broyer avec le broyon, la ramasser avec la palette, la broyer encore, puis la mettre dans un des coins de l'encrier. Un ouvrier de la presse curieux de son ouvrage, ne manque pas le matin de broyer toute l'encre qu'il a dans son encrier, avant que de se mettre au travail, pour l'entretenir dans un état de liquidité convenable.

Nous avons laissé les balles, l'une aux chevilles de la presse, & l'autre suspendue à la jumelle; il faut leur faire prendre l'encre; l'imprimeur en broie sur le bord de l'encrier, & en prend avec une de ses balles, puis avec l'autre, & les distribue, c'est - à - dire les fait passer & repasser l'une sur l'autre, en les frottant & les appuyant avec force l'une contre l'autre, jusqu'à ce que toute la surface des deux cuirs, de grise qu'elle étoit, soit d'un beau noir luisant, & également noire par tout. Si l'imprimeur voit qu'il y ait quelqu'endroit sur les cuirs qui n'a pas bien pris l'encre, & qu'il s'apperçoive que cela vient de ce que les cuirs sont humides, il brûle une feuille de papier, & passe les cuirs par - dessus la flamme, en distribuant les balles. Si après cela les cuirs refusent encore de prendre, il les frotte sur une planche ou dans les cendres, pour en dissiper l'humidité, puis y met du petit vernis, les ratisse, prend de l'encre, & les distribue jusqu'à ce que les cuirs paroissent bien pris également. Quand les cuirs n'ont pas été bien corroyés, ils ont de la peine à prendre, sur - tout l'hiver tems pendant lequel les imprimeries sont fort humides; de façon que l'imprimeur est quelquefois obligé de les démonter, c'est - à - dire de les détacher entierement du bois de balle, & de les corroyer de nouveau. Pour éviter cet inconvénient qui fait perdre du tems, il ne s'agit que de les bien corroyer avant de les monter. Dans les imprimeries où il y a d'autres ouvriers de la presse, ceux qui ont des cuirs bien pris, pour faire plaisir à ceux qui en ont deux nouveaux, prennent une de leurs balles, & leur en donnent une des leurs; au moyen de cet arrangement les deux cuirs neufs sont bientôt pris, les deux vieux cuirs aidant à faire prendre les nouveaux.

Mettre en train. Après que le compositeur a corrigé la derniere épreuve d'une feuille, il porte les formes auprès de la presse des imprimeurs qui doivent les tirer, & leur donne en même tems cette épreuve. Le premier des deux ouvriers, qui est celui qui doit mettre en train, essuie le marbre de la presse avec un morceau de papier, prend une forme (on commence ordinairement par le côté de deux & trois), la met sur la presse, l'ajuste bien au milieu de la presse & sous le milieu de la platine, & l'arrête avec six coins par le moyen des cornieres. Il abaisse ensuite le tympan sur la forme, le mouille en dedans avec une éponge, le laisse quelque tems prendre son eau, pendant lequel il frotte ses blanchets, puis après

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.