ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"614"> au contraire il y a quelque mot à supprimer, il faut mettre la ligne dans le composteur, ôter ce qui est à supprimer, rapprocher les mots qui doivent se suivre, tirer de la forme la ligne suivante, la mettre couchée sur le bord du chassis, en prendre le nombre de syllabes nécessaire pour remplir la ligne où est la suppression, justifier cette ligne en ajoutant quelques espaces de plus entre les mots, & la remettre dans la forme. Il faut ensuite remettre dans le composteur le restant de la ligne dans laquelle on a pris pour remplir la précédente, tirer de la forme la ligne suivante, la mettre de même couchée sur le bord du chassis, en prendre ce qui sera nécessaire pour parfaire la ligne qui la précede, la justifier en mettant quelques espaces de plus entre les mots, la remettre dans la forme, & continuer ainsi d'emprunter d'une ligne à l'autre jusqu'à ce qu'il soit tombé juste en ligne. Il est presque impossible que ces deux inconvéniens ne nuisent à l'économie de l'ouvrage. Les lignes où l'on a été obligé d'ajouter quelque mot, sont plus serrées que les autres, c'est - à - dire qu'il y a moins d'espace entre les mots; au contraire dans celles dont on a retranché quelque chose, les lignes en paroissent plus au large. Il vaut mieux dans l'un & l'autre cas remanier quelques lignes de plus, pour éviter toute difformité. Ce ne sont jusqu'ici que les corrections ordinaires. Quand le compositeur a corrigé la premiere forme, que nous avons supposé être le côté de la deux & trois, il compose les lettres qui sont restées de sa correction, les va distribuer, leve la correction de la seconde forme, en commençant par la premiere page de la feuille; passe la deux & la trois, leve la correction de la quatre & de la cinq; passe la six & la sept, leve la correction de la huit & la neuf; passe la dix & la onze, leve la correction de la douze & la treize; passe la quatorze & la quinze, leve la correction de la seize qui est la derniere. Il retourne au marbre, regarde s'il n'est rien resté sur la forme, serre les coins avec la main, taque la forme, la serre avec le marteau, la sonde, la leve sur le marbre, regarde s'il n'en est rien tombé, & la porte aux environs de la presse aux épreuves. Ensuite il desserre l'autre forme qui est le côté de la premiere, & la corrige de même & dans le même ordre qu'il a corrigé l'autre forme qui étoit le côté de la deux & trois.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent, comme nous venons de le dire, que des corrections ordinaires. Quand il y en a d'extraordinaires, c'est - à - dire que le compositeur a fait quelque bourdon ou omission considérable, par exemple de huit lignes; alors, après avoir fait dans les deux formes les corrections ordinaires, telles que celles dont nous venons de parler, il faut composer le bourdon tout simplement, si c'est un alinéa qui a été omis: si au contraire le bourdon est au milieu d'un alinéa & au milieu d'une ligne, il faut prendre dans la forme la ligne où il est marqué, la mettre dans le composteur, mettre à part ce qui ne doit aller qu'après le bourdon, le composer, & faire ensorte en mettant un peu plus ou un peu moins d'espaces entre les mots, de tomber en ligne juste avec ce qui a été mis à part. Ensuite il faut mouiller les deux formes avec l'éponge, les desimposer, c'est - à - dire en ôter la garniture, & remanier en cette sorte. Supposons donc, comme nous avons dit, que le bourdon soit de huit lignes, & qu'il tombe à la neuvieme page de la feuille, il faut y placer les huit lignes du bourdon, puis ôter huit lignes du bas de cette page, pour les mettre au haut de la dix, ôter huit lignes du bas de la dix, & les mettre au haut de la onze, & ainsi porter du bas d'une page au haut de la suivante, jusqu'à la derniere de la feuille, & même jusqu'à la derniere qui sera en page, à - moins qu'il ne se trouve au bas d'une page quelque blanc occasionné par un titre qui n'a pas pû entrer, ou qu'il a fallu faire commencer en page; en ce cas s'il se trouve assez de place pour les huit lignes qu'il y a de trop, le compositeur ne touchera point aux pages suivantes.

Si au contraire le compositeur a fait un doublon, c'est - à - dire s'il a composé deux fois la même chose, & que ce doublon soit d'un alinéa entier, il faut séparer la page en deux dans sa longueur, soit avec un couteau, soit en pressant les lignes par les extrémités en sens contraire, & enlever le doublon, puis rapprocher les lignes qui doivent se suivre. Mais si le doublon se trouve au milieu d'un alinéa & au milieu d'une ligne, il faut mettre cette ligne dans le composteur, ôter de cette ligne ce qu'il y a à supprimer, ôter les lignes suivantes jusqu'à la fin du doublon, parfaire la ligne qui est dans le composteur, & faire en sorte en remaniant quelques lignes, s'il est nécessaire, & mettant un peu plus ou un peu moins d'espaces entre les mots, de tomber en ligne; ensuite en supposant toûjours le doublon de huit lignes, & qu'il se trouve à la neuvieme page de la feuille, il faut prendre huit lignes du haut de la dix, & les mettre au bas de la neuf pour la completter; prendre huit lignes du haut de la onze, & les mettre au bas de la dix, & ainsi prendre du haut d'une page pour porter au bas de la précédente, jusqu'à la derniere de la feuille, dont il faudra remplir le vuide avec de la nouvelle composition; à - moins, comme nous venons de le dire, qu'il ne se trouve au haut d'une page un titre qui ne puisse entrer dans le vuide de la précédente, ou qui doive absolument commencer en page; en ce cas on met un petit fleuron au bas de la page qui précede le titre, & les pages suivantes restent dans le même état. Les mouvemens tant pour l'augmentation que pour la suppression se peuvent faire aisément sur le marbre quand les pages ne sont pas additionnées; mais quand elles le sont, & qu'il y a des additions à porter d'une page à l'autre, il faut mettre les pages dans la galée; il ne seroit guere possible de justifier sur le marbre les colonnes d'addition.

Quand le bourdon n'est que d'une, deux, trois, & même de quatre lignes, le compositeur peut s'exempter de remanier la feuille entierement, en regagnant quelques lignes, s'il est possible, c'est - à - dire en supprimant les lignes qui à la fin d'un alinéa ne sont composées que d'une, ou de deux syllabes, & en faisant entrer ces syllabes dans la ligne précédente en diminuant les espaces. Il peut aussi faire deux pages longues, c'est - à - dire y mettre une ligne de plus, pourvû que ces deux pages se rencontrent l'une sur l'autre, l'une au folio recto, l'autre au folio verso; mais cela ne peut se faire qu'aux pages où il n'y a point de signature. Il en est de même quand le compositeur n'a doublé que deux ou trois lignes; il pourra en alonger quelqu'une, s'il se trouve que la fin d'un alinéa remplisse justement la ligne, & que cette ligne, ou même celle qui la précede se trouve un peu serrée: alors il ne sera pas difficile de rejetter une syllabe de la pénultieme ligne de cet alinéa dans la derniere, & de prendre dans cette derniere ligne une syllabe ou deux pour former une ligne de plus. Il pourra aussi faire deux pages courtes, c'est - à - dire y mettre une ligne de moins, soit qu'il y ait une signature, soit qu'il n'y en ait point, en observant aussi que les deux pages courtes se rencontrent l'une sur l'autre, c'est - à - dire l'une au folio recto, l'autre au folio verso. Au moyen de cette ressource qui est un peu contraire à la régularité de l'ouvrage, le compositeur trouve le moyen, sans remanier beaucoup de pages, de placer un bourdon & de remplir un doublon de quelques lignes.

Voilà enfin la premiere épreuve corrigée. Le [p. 615] compositeur serre les deux formes, les porte à la presse aux épreuves, & avertit les imprimeurs qu'il y a une seconde à faire. Les imprimeurs font cette seconde épreuve comme nous avons vû qu'ils ont fait la premiere, reportent les formes à la place du compositeur, & donnent l'épreuve au prote, qui l'envoye avec la copie à l'auteur ou au correcteur. Cette seconde épreuve ne devroit servir que pour suppléer à ce qui a été omis à la premiere, soit de la part du prote en lisant, soit de la part du compositeur en corrigeant: mais il y a des auteurs qui par négligence ou autrement attendent l'épreuve pour mettre la derniere main à leur ouvrage, & font des changemens, des augmentations, des suppressions qui rendent la correction de la seconde épreuve beaucoup plus épineuse que celle de la premiere; ensorte qu'il faut une troisieme & même quelquefois une quatrieme épreuve. Le compositeur est obligé de corriger la seconde épreuve, mais c'est quand il n'y a que quelques lettres à changer & que les corrections sont légeres: quand elles sont considérables, elles se font ordinairement par les compositeurs en conscience, qui sont des ouvriers capables d'aider le prote dans ses fonctions; ou si c'est le compositeur qui les fait, il en est dédommagé à proportion du tems qu'il y a employé. La derniere épreuve étant corrigée, il porte les formes aux ouvriers de la presse qui doivent les tirer, & son ministere est entierement rempli pour cette feuille. Voyez Composition, Compositeur, & les mots marqués en lettres italiques. Voyez aussi, pour tout ce qui entre dans la composition, comme reglets, filets, vignettes, fleurons, lettres de deux points, &c. ces articles à leur ordre alphabétique.

Impression. Quoique les opérations du compositeur pour la préparation des formes soient longues & demandent beaucoup d'attention, cependant son travail demeureroit dans l'obscurité sans le secours des ouvriers de la presse; c'est la presse qui donne pour ainsi dire le jour & la publicité à l'ouvrage du compositeur: mais auparavant il y a plusieurs fonctions à faire, qui se partagent entre les deux compagnons, y ayant ordinairement deux ouvriers à chaque presse; on les distingue par les noms de premier & de second.

Les fonctions des ouvriers de la presse sont de tremper le papier & le remanier, préparer les cuirs pour les balles, monter les balles & les démonter, laver les formes, mettre en train, &c.

Préparation du papier. L'imprimeur, après avoir mis des cuirs dans l'eau, pour l'usage dont nous parlerons dans la suite, doit tremper son papier; & il le doit faire avec d'autant plus d'attention, que la bonne préparation du papier est une des choses qui contribuent principalement à la bonté de l'impression. Mais avant de le tremper, il doit s'informer, s'il y en a eu déja d'employé, combien de fois il le faut tremper la main. Si c'est la premiere fois qu'on en emploie, il examinera le format & le caractere de l'ouvrage; parce que si le format est grand & le caractere petit, le papier doit être plus trempé que quand le format est petit & le caractere gros. Il y a même quantité de petits ouvrages, comme billets de mariage, billets de bout - de - l'an, avertissemens de communauté, quittances, &c. qui s'impriment à sec. Il examinera ensuite la qualité du papier, s'il est collé ou s'il ne l'est pas, une main de papier collé devant être trempée plus de fois qu'une main de papier non - collé, parce que le papier collé prend beaucoup moins d'eau, & que l'eau le pénetre peu. Il compte ensuite son papier & le partage par dix mains, qui doivent faire quand les mains sont à 25, deux cent cinquante feuilles ou une marque: les quatre marques font un mille. C'est un soin que l'imprimeur doit prendre pour savoir si son papier est juste, & si celui qui le lui a donné ne s'est pas trompé. S'il lui manque quelques mains, il doit les demander, pour éviter les défets, qui malgré les soins ne sont toûjours que trop considérables.

Dans toutes les imprimeries il y a une bassine de cuivre ou un bacquet de bois ou de pierre, qui peut contenir trois ou quatre voies d'eau; l'eau doit être nette: l'eau de fontaine ou de riviere est préférable à l'eau de puits. L'imprimeur étend d'abord une maculature grise sur une table ou sur un ais à côté de la bassine. Cette table doit être unie & ne doit pencher d'aucun côté, afin qu'en trempant le papier, l'eau ne se porte pas plus d'un côté que d'un autre. Dessus la maculature grise l'imprimeur doit mettre une maculature blanche, parce que la feuille blanche ou imprimée qui se trouve immédiatement dessus ou dessous la maculature grise, est presque toûjours gâtée, la maculature grise lui communiquant des taches. L'imprimeur jette avec la main un peu d'eau sur ces deux maculatures, plus ou moins selon qu'il le juge à propos. Ensuite d'une main il prend une main de papier par le dos, & par la tranche de l'autre main; il la plonge d'une main par le dos dans l'eau, plus ou moins profondément & plus ou moins vîte en raison du caractere de l'ouvrage & de la qualité du papier, la retire de l'eau, & avec les deux mains la met vîte sur la maculature blanche, le dos de la main au milieu, en sépare sept à huit feuilles, les étend; reprend par le dos le reste de la main, le plonge dans l'eau, le retire, le met sur la partie qui vient d'être trempée, en sépare sept à huit feuilles & les étend; reprend encore par le dos le reste de la main, le plonge dans l'eau, le retire, l'ouvre juste par le milieu, & l'étend sur les deux parties qui viennent d'être trempées. Il prend une autre main de papier & la trempe de même, puis encore une autre, & la trempe encore de même, & ainsi de suite jusqu'à la quantité de quatre ou cinq marques, qui font mille ou douze cent cinquante feuilles, observant à chaque marque de plier une feuille en biais par le coin, de façon que le coin déborde le papier de huit ou dix lignes; cette feuille ainsi pliée sert à marquer le papier, c'est - à - dire à le partager en marques, prenant garde qu'il ne se fasse des plis au papier, & ayant grand soin d'appuyer de tems en tems les deux mains sur le milieu du papier pour abaisser les dos: sans cette attention il se feroit une élévation au milieu qui empêcheroit l'eau d'y pénétrer, & qui la feroit s'écouler uniquement vers les bords; d'où il s'ensuivroit que les bords du papier seroient plus trempés que le milieu. Nous avons supposé que le papier devoit être trempé trois fois la main. Quand il ne faut le tremper que deux fois, après avoir plongé la main dans l'eau, on en sépare dix ou douze feuilles, & on les étend; on prend le reste de la main, on le plonge dans l'eau, on l'ouvre juste par le milieu, on l'étend, & la main est trempée deux fois. Il y a du papier qu'on ne trempe qu'une fois la main; il y en a d'autre qu'on trempe trois fois les deux mains; pour cela on trempe alternativement une main deux fois, & l'autre main une fois. Quand l'imprimeur a trempé son papier, il met dessus une maculature blanche, puis une maculature grise, sur laquelle il jette de l'eau avec la main autant qu'il le juge nécessaire; ensuite il le met sur un ais aux environs de sa presse, met un autre ais par - dessus, avec une pierre ou un poids de quarante ou cinquante livres pour le charger. Si le papier est collé, l'imprimeur ne le charge pas tout de suite; il le laisse quelque tems pour prendre son eau.

Remanier le papier. Sept à huit heures après que le papier a été trempé, il faut le remanier, c'est - à - dire changer la position des feuilles relativement les

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