ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"585"> avant qu'il soit mûr. Il faut être patient pour devenir maître de soi & des autres.

Loin donc que l'impatience soit une force & une vigueur de l'ame, c'est une foiblesse & une impuissance de souffrir la peine. Elle tombe en pure perte, & ne produit jamais aucun avantage. Quiconque ne sait pas attendre & souffrir, ressemble à celui qui ne sait pas taire un secret; l'un & l'autre manquent de force pour se retenir.

Comme à l'homme qui court dans un char, & qui n'a pas la main assez ferme pour arrêter quand il le faut ses coursiers fougueux, il arrive qu'ils n'obéissent plus au frein, brisent le char, & jettent le conducteur dans le précipice; ainsi les effets de l'impatience peuvent souvent devenir funestes. Mais les plus sages leçons contre cette foiblesse sont bien moins puissantes pour nous en garantir, que la longue épreuve des peines & des revers. (D. J.)

IMPECCABILITÉ (Page 8:585)

IMPECCABILITÉ, s. f. (Théologie.) état de celui qui ne peut pécher. C'est aussi la grace, le privilege, le principe qui nous met hors d'état de pécher. Voyez Péché.

Les Théologiens distinguent différentes sortes & comme différens degrés d'impeccabilité. Celle de Dieu lui convient par nature; celle de Jesus Christ entant qu'Homme, lui convient à cause de l'union hypostatique; celle des bienheureux est une suite de leur état; celle des hommes est l'effet de la confirmation en grace, & s'appelle plutôt impeccance qu'impeccabilité: aussi les Théologiens distinguent - ils ces deux choses; ce qui est sur - tout nécessaire dans les disputes contre les Pélagiens, pour expliquer certains termes qu'il est aisé de confondre dans les peres grecs & latins. Dict. de Trévoux. (G)

IMPÉNÉTRABILITÉ (Page 8:585)

IMPÉNÉTRABILITÉ, s. f. (Métaphysiq. & Phis.) qualité de ce qui ne se peut pénétrer; propriété des corps qui occupent tellement un certain espace, que d'autres corps ne peuvent plus y trouver de place. Voyez Matiere.

Quelques auteurs définissent l'impénétrabilité, ce qui distingue une substance étendue d'avec une autre, ou ce qui fait que l'extension d'une chose est différente de celle d'une autre; ensorte que ces deux choses étendues ne peuvent être en même lieu, mais doivent nécessairement s'exclure l'une l'autre. Voyez Solidité.

Il n'y a aucun doute sur cette propriété à l'égard des corps solides, car il n'y a personne qui n'en ait fait l'expérience, en pressant quelque métal, pierre, bois, &c. Quant aux liquides, il y a des preuves qui les démontrent à ceux qui pourroient en douter. L'eau, par exemple, renfermée dans une boule de métal, ne peut être comprimée par quelque force que ce soit. La même chose est vraie encore à l'égard du mercure, des huiles & des esprits. Pour ce qui est de l'air renfermé dans une pompe, il peut en quelque sorte être comprimé, lorsqu'on pousse le piston en bas; mais quelque grande que soit la force qu'on emploie pour enfoncer le piston dans la pompe, on ne lui pourra jamais faire toucher le fond.

En effet, dès que l'air est fortement comprimé, il fait autant de résistance qu'en pourroit faire une pierre.

Les Cartésiens prétendent que l'étendue est impénétrable par la nature: d'autres philosophes distinguent l'étendue des parties pénétrables & immobiles qui constituent l'espace, & des parties pénétrables & mobiles qui constituent les corps. Voyez Etendue, Espace & Matiere.

Si nous n'eussions jamais comprimé aucun corps, quand même nous eussions vû son étendue, il nous eût été impossible de nous former aucune idée de l'impénétrabilité. En effet, on ne se fait d'autre idée d'un corps lorsqu'on le voit, sinon qu'il est étendu de la même maniere que lorsqu'on se trouve devant un miroir ardent de figure sphérique & concave, on apperçoit entre le miroir & son oeil d'autres objets représentés dans l'air, lesquels personne ne pourroit jamais distinguer des objets solides & véritables, si l'on ne cherchoit à les toucher avec la main, & si l'on ne découvroit ensuite que ce ne sont que des images. Si un homme n'eût vû pendant toute sa vie que de pareils fantômes, & qu'il n'eût jamais senti aucun corps, il auroit bien pû avoir une idée de l'étendue, mais il n'en auroit eu aucune de l'impénétrabilité. Les Philosophes qui dérivent l'impénétrabilité de l'étendue, le font parce qu'ils veulent établir dans la seule étendue la nature & l'essence du corps. C'est ainsi qu'une erreur en amene une autre. Ils se fondent sur ce raisonnement. Par - tout où il y a une étendue d'un pié cube, il ne peut y avoir aucune autre étendue d'un second pié cube, à moins que le premier pié cube ne soit anéanti: par conséquent l'étendue oppose à l'étendue une résistance infinie, ce qui marque qu'elle est impénétrable. Mais c'est une pure pétition de principe, qui suppose ce qui est en question, que l'étendue soit la seule notion primitive du corps, laquelle étant posée, conduit à toutes les autres propriétés. Article de M. Formey.

IMPÉNITENCE (Page 8:585)

IMPÉNITENCE, s. f. (Théolog.) dureté, endurcissement de coeur qui fait demeurer dans le vice, qui empêche de se repentir. Voyez Pénitence & Persévérance.

L'impénitence finale est un péché contre le S. Esprit, qui ne se pardonne ni en ce monde ni en l'autre. (G)

IMPENSES (Page 8:585)

IMPENSES, s. f. pl. (Jurispr.) sont les choses que l'on a employées, ou les sommes que l'on a déboursées, pour faire rétablir, améliorer, ou entretenir une chose qui appartient à autrui, ou qui ne nous appartient qu'en partie, ou qui n'appartient pas incommutablement à celui qui en jouit.

On distingue en droit trois sortes d'impenses, savoir, les nécessaires, les utiles & les voluptuaires.

Les impenses nécessaires sont celles sans lesquelles la chose seroit périe, ou entierement détériorée, comme le rétablissement d'une maison qui menace ruine.

Les impenses utiles sont celles qui n'étoient pas nécessaires, mais qui augmentent la valeur de la chose, comme la construction d'un nouveau corps de bâtiment, soit à l'usage du maître ou autrement.

Les impenses voluptuaires sont celles qui sont faites pour l'agrément, & n'augmentent point la valeur de la chose, comme sont des peintures, des jardins de propreté, &c.

Le possesseur de bonne foi qui a fait des impenses nécessaires ou utiles dans le fonds d'autrui, peut retenir l'héritage, & gagne les fruits jusqu'à ce qu'on lui ait remboursé ses impenses.

A l'égard des impenses voluptuaires, elles sont perdues même pour le possesseur de bonne foi.

Pour ce qui est du possesseur de mauvaise foi qui bâtit, ou plante sciemment sur le fonds d'autrui, il doit s'imputer la perte de ce qu'il a dépensé; cependant comme on préfére toujours l'équité à la rigueur du droit, on condamne le propriétaire qui a souffert les impenses nécessaires, à les lui rembourser, & même les impenses utiles, supposé qu'elles ne puissent s'emporter sans grande détérioration; mais le possesseur de mauvaise foi n'est jamais traité aussi favorablement que le possesseur de bonne foi, car on rend à celui - ci la juste valeur de ses impenses, au lieu que pour le possesseur de mauvaise foi, on les estime au plus bas prix.

Voyez la loi 38. au ff. de heredit. petit. les lois 53. & 216. ff. de reg. jur. & la loi 38. ff. de rei vindicat. Les institut. liv. II. tit. 1. §. 30. Le Brun de la [p. 586] commun. liv. III. chap. ij. fect. 1. dist. 7. Le Prêtre, arrêts de la cinquieme, cent. 2. chap. lxxxix. Levest, arrêt 17. Carondas, liv. V. rep. 10. Auzannet sur l'art. 244. de la coût. de Paris. (A)

IMPÉRATIF (Page 8:586)

IMPÉRATIF, v. adj. (Gram.) on dit le sens impératif, la forme impérative. En Grammaire on emploie ce mot substantivement au masculin, parce qu'on le rapporte à mode ou moeuf, & c'est en effet le nom que l'on donne à ce mode qui ajoute à la signification principale du verbe l'idée accessoire de la volonté de celui qui parle.

Les Latins admettent dans leur impératif deux formes différentes, comme lege & legito; & la plûpart des Grammairiens ont cru l'une relative au présent, & l'autre au futur. Mais il est certain que ces deux formes différentes expriment la même relation temporelle, puisqu'on les trouve réunies dans les mêmes phrases pour y exprimer le même sens à cet égard, ainsi que l'observe la méthode latine de P. R. Rem. sur les verbes, chap. ij. art. 5.

Aut si es dura, nega; sin es non dura, venito. Propert. Et potum pastas age, Tityre; & interagendum, Occursare capro (cornu ferit ille) caveto. Virg.

Ce n'est donc point de la différence des relations temporelles que vient celle de ces deux formes également impèratives; & il est bien plus vraissemblable qu'elles n'ont d'autre destination que de caractériser en quelque sorte l'espece de volonté de celui qui parle. Je crois, par exemple, que lege exprime une simple exhortation, un conseil, un avertissement, une priere même, ou tout au plus un consentement, une simple permission; & que legito marque un commandement exprès & absolu, ou du - moins une exhortation si pressante, qu'elle semble exiger l'exécution aussi impérieusement que l'autorité même: dans le premier cas, celui qui parle est ou un subalterne qui prie, ou un égal qui donne son avis; s'il est supérieur, c'est un supérieur plein de bonté, qui consent à ce que l'on desire, & qui par ménagement, déguise les droits de son autorité sous le ton d'un égal qui conseille ou qui avertit: dans le second cas, celui qui parle est un maître qui veut absolument être obéi, ou un égal qui veut rendre bien sensible le desir qu'il a de l'exécution, en imitant le ton impérieux qui ne souffre point de délai. Ceci n'est qu'une conjecture; mais le style des lois latines en est le fondement & la preuve; ad divos adeunto castè (Cic. iij. de leg.); & elle trouve un nouveau degré de probabilité dans les passages mêmes que l'on vient de citer.

Aut si es dura, nega; c'est comme si Properce avoit dit: « si vous avez de la dureté dans le caractere, & si vous consentez vous - même à passer pour telle, il faut bien que je consente à votre refus, nega»: (simple concession). Sin es non dura, venito; priere urgente qui approche du commandement absolu, & qui en imite le ton impérieux; c'est comme si l'auteur avoit dit: « mais si vous ne voulez point avouer un caractere si odieux; si vous prétendez être sans reproche à cet égard, il vous est indispensable de venir, il faut que vous veniez, venito».

C'est la même chose dans les deux vers de Virgile. Et potum pastas age, Tityre; ce n'est ici qu'une simple instruction, le ton en est modeste, age. Mais quand il s'intéresse pour Tityre, qu'il craint pour lui quelqu'accident, il éleve le ton, pour donner à son avis plus de poids, & par - là plus d'efficacité; occursare Capro...caveto: cave seroit foible & moins honnête, parce qu'il marqueroit trop peu d'intérêt; il faut quelque chose de plus pressant, caveto.

Trompé par les fausses idées qu'on avoit prises des deux formes impératives latines, M. l'abbé Régnier a voulu trouver de même dans l'impératif de notre langue, un présent & un futur: dans son système le présent est lis ou lisez; le futur, tu liras ou vous lirez (Gramm. franç. in - 12. Paris 1706, pag. 340); mais il est évident en soi, & avoué par cet auteur même, que tu liras ou vous lirez ne differe en rien de ce qu'il appelle le futur simple de l'indicatif, & que je nomme le présent postérieur (voyez Tems); si ce n'est, dit - il, en ce qu'il est employé à un autre usage. C'est donc confondre les modes que de rapporter ces expressions à l'impératif: & il y a d'ailleurs une erreur de fait, à croire que le présent postérieur, ou si l'on veut, le futur de l'indicatif, soit jamais employé dans le sens impératif. S'il se met quelquefois au lieu de l'impératif, c'est que les deux modes sont également directs (voyez Mode), & que la forme indicative exprime en effet la même relation temporelle que la forme impérative. Mais le sens impératif est si peu commun à ces deux formes, que l'on ne substitue celle de l'indicatif à l'autre, que pour faire disparoître le sens accessoire impératif, ou par énergie, ou par euphémisme.

On s'abstient de la forme impérative par énergie, quand l'autorité de celui qui parle est si grande, ou quand la justice ou la nécessité de la chose est si évidente, qu'il suffit de l'indiquer pour en attendre l'exécution: Dominum Deum tuum adorabis, & illi soli servies (Matth. iv. 10.), pour adora ou adorato, servi ou servito.

On s'abstient encore de cette forme par euphémisme, ou afin d'adoucir par un principe de civilité, l'impression de l'autorité réelle, ou afin d'éviter par un principe d'équité, le ton impérieux qui ne peut convenir à un homme qui prie.

Au reste le choix entre ces différentes formes est uniquement une affaire de goût, & il arrive souvent à cet égard la même chose qu'à l'égard de tous les autres synonymes, que l'on choisit plutôt pour la satisfaction de l'oreille que pour celle de l'esprit, ou pour contenter l'esprit par une autre vûe que celle de la précision. Au fond il étoit très - possible, & peut - être auroit - il été plus régulier, quoique moins énergique, de ne pas introduire le mode impératif, & de s'en tenir au tems de l'indicatif que je nomme présent postérieur: vous adorerez le Seigneur votre Dieu, & vous ne servirez que lui. C'est même le seul moyen direct que l'on ait dans plusieurs langues, & spécialement dans la nôtre, d'exprimer le commandement à la troisieme personne: le style des réglemens politiques en est la preuve.

Puisque dans la langue latine & dans la françoise, on remplace souvent la forme reconnue pour impérative par celle qui est purement indicative, il s'ensuit donc que ces deux formes expriment une même relation temporelle, & doivent prendre chacune dans le mode qui leur est propre, la même dénomination de présent postérieur. Cette conséquence se confirme encore par l'usage des autres langues. Non seulement les Grecs emploient souvent comme nous, le présent postérieur de l'indicatif pour celui de l'impératif, ils ont encore de plus que nous la liberté d'user du présent postérieur de l'impératif pour celui de l'indicatif: OI=)OQ'OU=)N O(\ DRA=SON, pour DRA/SEIS2 (Eurip.); littéralement, scis ergo quid fac, pour facies (vous savez donc ce que vous ferez?). C'est pour la même raison que la forme impérative est la racine immédiate de la forme indicative correspondante, dans la langue hébraïque; & que les Grammairiens hébreux regardent l'une & l'autre comme des futurs: par égard pour l'ordre de la génération, ils donnent à l'impératif le nom de premier futur, & à l'autre le nom de second futur. Leur pensée revient à la mienne; mais nous employons diverses dénominations. Je ne puis regarder comme indifférentes, celles qui font pro<pb->

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