ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"577"> pect est une chimère; c'est la chimère des grandes ames. Ces ames qui prisent tant l'immortalité, doivent priser en même proportion les talens, sans lesquels elles se la promettroient en vain; la Peinture, la Sculpture, l'Architecture, l'Histoire & la Poësie. Il y eut des rois avant Agamemnon, mais ils sont tombés dans la mer de l'oubli, parce qu'ils n'ont point eu un poëte sacré qui les ait immortalisés: la tradition altere la vérité des faits, & les rend fabuleux. Les noms passent avec les empires, sans la voix du poëte & de l'historien qui traverse l'intervalle des tems & des lieux, & qui les apprend à tous les siecles & à tous les peuples. Les grands hommes ne sont immortalisés que par l'homme de lettres qui pourroit s'immortaliser sans eux. Au défaut d'actions célebres, il chanteroit les transactions de la nature & le repos des dieux, & il seroit entendu dans l'avenir. Celui donc qui méprisera l'homme de lettres, méprisera aussi le jugement de la postérité, & s'élevera rarement à quelque chose qui mérite de lui être transmis.

Mais, y a - t - il en effet des hommes en qui le sentiment de l'immortalité soit totalement éteint, & qui ne tiennent aucun compte de ce qu'on pourra dire d'eux quand ils ne seront plus? je n'en crois rien. Nous sommes fortement attachés à la considération des hommes avec lesquels nous vivons; malgré nous, notre vanité excite du néant ceux qui ne sont pas encore, & nous entendons plus ou moins fortement le jugement qu'ils porteront de nous, & nous le redoutons plus ou moins.

Si un homme me disoit, je suppose qu'il y ait dans un vieux coffre relégué au fond de mon grenier, un papier capable de me traduire chez la postérité comme un scélérat & comme un infâme; je suppose encore que j'aye la démonstration absolue que ce coffre ne sera point ouvert de mon vivant; eh bien, je ne me donnerois pas la peine de monter au haut de ma maison, d'ouvrir le coffre, d'en tirer le papier, & de le brûler.

Je lui répondrois, vous êtes un menteur.

Je suis bien étonné que ceux qui ont enseigné aux hommes l'immortalité de l'ame, ne leur ayent pas persuadé en même tems qu'ils entendront sous la tombe les jugemens divers qu'on portera d'eux, lorsqu'ils ne seront plus.

IMMORTELLE (Page 8:577)

IMMORTELLE, s. m. elychrisum, (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur, composée de plusieurs fleurons découpés en forme d'étoile, portés sur un embrion, & soutenus par un calice écailleux, luisant, & de belle couleur d'or ou d'argent. L'embrion devient dans la suite une semence garnie d'aigrettes. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

L'immortelle, autrement dite bouton d'or ou amarante jaune, est nommée par Tournefort, stoechas citrina, angustifolia. Sa racine est simple, grosse, ligneuse, rendant une odeur approchante de celle de la gomme élémi. Ses tiges qui s'élevent à la hauteur d'un ou deux piés, sont lanugineuses, blanches, garnies de petites feuilles étroites, velues & blanchâtres. Ses fleurs naissent au sommet des tiges, ramassées en maniere de têtes ou de bouquets, composées de plusieurs fleurons réguliers, découpées sur le haut en étoiles, de couleur citrine, & soutenues par des calices écailleux, secs, jaunes & brillans. La graine qui succede à chaque fleuron, est oblongue, odorante, âcre, rousse, & garnie d'une aigrette. Cette plante croît d'elle - même aux lieux secs, sablonneux, arides des pays chauds, en Espagne, en Portugal, en Italie, en Provence, & en Languedoc près de Montpellier; elle passe pour incisive, apéritive & emménagogue; mais on ne la cultive dans nos jardins que pour la fleur qui est d'une grande beauté, d'une odeur forte & agréable.

Si on la cueille avant qu'elle vienne à décheoir sur la plante, & qu'ensuite on la tienne dans un en droit sec, elle se conserve quelques années sans se gâter, peut - être parce que son calice écailleux est privé de phlegme; quoi qu'il en soit, cette prérogative lui a valu dans notre langue le nom d'immortelle. Les dames la mettent pour se parer dans leurs cheveux, & à cet égard elle est de beaucoup préférable aux fleurs artificielles. Les Portugais & les Espagnols la chérissent fort, & en cultivent une grande quantité dans leurs jardins, indépendamment de celles des champs, pour en orner les chapelles de leurs églises; les curieux ne manquent pas d'avoir dans ces pays - là plusieurs belles variétés de cette fleur qui semble faite pour leur terroir. (D. J.)

IMMUABLE (Page 8:577)

IMMUABLE, adj. (Gram.) qui ne peut changer. Il n'y a que Dieu qui soit immuable. La nature est dans un état de vicissitude perpétuelle. C'est une suite nécessaire de la loi générale de tous les corps: ou ils se meuvent, ou ils tendent à se mouvoir.

IMMUNITÉ (Page 8:577)

IMMUNITÉ, en latin immunitas, (Jurisprud.) est définie vacatio & libertas ab oneribus, exemption de quelque charge, devoir ou imposition.

Ce mot vient du latin munus, lequel en droit signifie trois choses différentes, savoir, don ou présent fait pour cause, charge ou devoir, & office ou fonction publique.

Les Romains appellerent leurs offices ou fonctions publiques munera, parce que dans l'origine c'étoit la récompense de ceux qui avoient bien mérité du public.

Par succession de tems plusieurs offices furent réputés onéreux, tels que ceux des décurions des villes, à cause qu'on les chargea de répondre sur leurs propres biens tant du revenu & autres affaires communes des villes, que des tributs du fisc, ce qui entraînoit ordinairement la ruine de ceux qui étoient chargés de cette fonction, au moyen de quoi il fallut user de contrainte pour obliger d'accepter ces sortes de places & autres semblables, & alors elles furent considérées comme des charges publiques, munera quasi onera; munus enim aliquando significat onus, aliquando honorem seu officium, dit la loi munus, au digeste de verborum signific.

Les tutelles & curatelles furent dans ce même sens considérées comme des charges publiques, muneroe civilia.

Ceux qui avoient quelque titre ou excuse pour s'exempter de ces charges publiques, étoient immunes, seu liberi à muneribus publicis. Ainsi de munus pris pour charge, fonction ou devoir onéreux, on a fait immunité qui signifie exemption de quelque charge ou devoir; & le terme d'immunitas a été consacré en droit pour exprimer cette exemption, ainsi qu'on le peut voir dans plusieurs titres du digeste & du code.

Le titre de excusationibus au digeste qui concerne les excuses que l'on peut donner pour s'exempter d'être tuteur ou curateur, appelle cette exemption vacatio munerum.

Le titre de vacatione & excusatione munerum, concerne les immunités par lesquelles on peut s'exempter des diverses fonctions publiques. Ces immunités ou excuses sont tirées de l'âge trop tendre ou trop avancé, des infirmités du corps, de l'exercice, de quelque autre fonction supérieure ou incompatible.

Le code contient aussi plusieurs titres sur les immunités, entr'autres celui de immunitate nemini concédendâ, où il est dit que les greffiers des villes qui auront fabriqué en faveur de quelqu'un de fausses immunités, seront punis du feu.

Les titres de decurionibus, de vacatione muneris publici, de decretis decurionum super immunitate quibusdam concedendâ, de excusationibus munerum, & autres titres suivans, traitent aussi de diverses immunités. [p. 578]

Dans notre usage on joint souvent ensemble les termes de franchises, libertés, privileges, exemptions & immunités. Ces termes ne sont cependant pas synonymes. La franchise consiste à n'être pas sujet à certaines charges ou devoirs; les libertés sont aussi à - peu - près la même chose que les franchises; le privilege consiste dans quelque droit qui n'est pas commun à tous; les exemptions & immunités qui signifient la même chose, sont l'affranchissement de quelque charge ou devoir accordé à quelqu'un qui sans cette exemption y auroit été sujet.

L'immunité est quelquefois prise pour le droit d'asyle; quelquefois le lieu même qui sert d'asyle, s'appelle l'immunité; quelquefois enfin le terme d'immunité est pris pour l'amende que l'on paye pour avoir enfreint une immunité, comme quand on dit payer l'immunité de l'Eglise.

Les immunités peuvent être accordées à des particuliers, ou à des corps & communautés.

Les provisions des officiers contiennent ordinairement la clause que le pourvû jouira des honneurs, prérogatives, franchises, privileges, exemptions & immunités attachés à son office.

Les villes & communautés ont aussi leurs immunités.

Toute immunité doit être accordée par le prince ou par quelqu'autre seigneur ou autre personne qui en a le pouvoir.

Au défaut de titre elle peut être fondée sur la possession.

L'immunité est personnelle ou réelle.

On entend par immunité personnelle celle qui exempte la personne de quelque devoir personnel, comme du service militaire de guet & de garde, de tutelle & curatelle, de la collecte & autres fonctions publiques.

Telle est aussi l'exemption de payer certaines impositions, comme la taille, les droits de péages, les droits dûs au roi pour mutation des héritages qui sont dans sa mouvance.

L'immunité réelle est celle qui est attachée à certains fonds, & dont le possesseur ne jouit qu'à cause du fonds, & non à cause d'aucune qualité personnelle. Telles sont les immunités dont jouissent ceux qui demeurent dans certains lieux privilégiés, soit pour l'exemption de taille, soit pour avoir la liberté de travailler de certains arts & métiers sans avoir payé de maîtrise, soit pour n'être pas sujets à la visite & jurisdiction d'autres officiers que de ceux qui ont autorité dans ce lieu.

Chaque ordre de l'état a ses immunités. La noblesse est exempte de taille & des charges publiques qui sont au - dessous de sa condition.

Les bourgeois de certaines villes ont aussi leurs immunités plus ou moins étendues; il y en a de communes à tous les citoyens, d'autres qui sont propres à certaines professions, & qui sont fondées ou sur la nécessité de leur ministere, ou sur l'honneur que l'on y a attaché.

Mais de toutes les immunités, les plus considérables sont celles qui ont été accordées soit à l'Eglise en général, ou singulierement à certaines Eglises, chapitres & monasteres, ou à chaque ecclésiastique en particulier.

Ces immunités sont de trois sortes; les unes sont attachées à l'édifice même de l'Eglise, & aux biens ecclésiastiques; les autres sont attachées à la personne des ecclésiastiques qui desservent l'église; d'autres enfin sont attachées à la seule qualité d'ecclésiastique.

La premiere espece d'immunités qui est de celles attachées à l'édifice même de l'église, & aux biens ecclésiastiques, consiste 1°. en ce que ces sortes de biens sont hors du commerce. Les églises sont mises en droit dans la classe des choses appellées res sacroe, & sont du nombre de celles que les loix appellent res nullius, parce qu'elles n'appartiennent proprement à personne; elles sont hors du patrimoine, & ne peuvent être engagées, vendues, ni autrement aliénées.

Nous n'avons pourtant pas là - dessus tout - à fait les mêmes idées que les Romains; car selon nos moeurs, quoique les églises n'appartiennent proprement à personne, cependant par leur destination elles sont attachées à certaines personnes plus particulierement qu'à d'autres; ainsi chaque église cathédrale est le chef - lieu du diocese; chaque église paroissiale est propre à ses paroissiens; les églises monachales appartiennent chacune à quelque ordre ou congrégation, & ainsi des autres; de sorte qu'on pourroit plûtôt mettre les églises dans la classe des choses appellées en droit res communes, dont la propriété n'appartient à personne, mais dont l'usage est commun à tout le monde.

Les biens d'église ne peuvent être engagés, vendus, ni autrement aliénés, sans une nécessité ou utilité évidente pour l'église, & sans y observer certaines formalités qui sont une enquête de commodo & incommodo, l'autorisation de l'Evêque diocésain, le consentement du patron s'il y en a un, qu'il y ait des publications faites en justice en présence du ministere public, enfin que le contrat d'aliénation soit homologué par le juge royal.

2°. La prescription des biens d'église ne peut être acquise que par quarante ans, à la différence des biens des particuliers, qui, selon le droit commun, se prescrivent par dix ans entre présens, & vingt ans entre absens avec titre, & par trente ans sans titre.

3°. L'immunité des églises consiste en ce qu'elles sont tenues en franche - aumône. Le seigneur, qui donne un fonds pour construire une église, cimetiere ou autre lieu sacré, ne se réserve ordinairement aucun droit ni devoir sur les biens par lui donnés, auquel cas on tient communément qu'il ne reste plus ni foi ni jurisdiction sur le fonds, du - moins quant à la chose, mais non pas quant aux personnes qui sont toujours justiciables du juge du lieu; & même quoique le seigneur ne perçoive aucune redevance sur le fonds, & qu'on ne lui en passe point de déclaration ou aveu, il ne perd pas pour cela sa directe ni son droit de justice sur le fonds même, de sorte que s'il est nécessaire de faire quelqu'acte de jurisdiction dans l'église même, ses officiers sont constamment en droit de le faire.

Le seigneur conserve aussi sur le fonds - aumôné le droit de patronage.

On distingue la pure - aumôme de la tenure en franche - aumône; la premiere est quand on donne à l'église des biens temporels, produisans un revenu sur lesquels le fief & la jurisdiction demeurent, soit au donateur, s'il a le fief & la jurisdiction sur le lieu, soit au seigneur, si le donateur ne l'est pas; les héritages donnés à l'église en pure - aumône sont tenus franchement, & sans en payer aucune redevance ni autre droit, si ce n'est ad obsequium precum.

Mais l'église ne possede en franche - aumône ou pure - aumône que ce qui lui a été donné à ce titre; ses autres biens sont sujets aux mêmes lois que ceux des particuliers.

4°. Une autre immunité des églises, c'étoit le droit d'asyle; mais ce privilége n'appartenoit pas singulierement à l'église, car il tiroit son origine de ce que dans la loi de Moïse, Dieu avoit lui - même établi six villes de réfuge parmi les Israëlites, où les coupables pouvoient se mettre en sureté, lorsqu'ils n'avoient pas commis un crime de propos délibéré.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.