ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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répandue dans toute cette nature, & mèlée toute entiere
avec elle, ensorte qu'il n'y ait aucun lieu de la
nature matérielle qui soit vuide de la nature spirituelle. Pour moi, qui connois Dieu comme un esprit,
je connois aussi l'Incarnation comme un acte
constant & irrévocable de la volonté du fils de
Dieu, qui veut s'unir la nature humaine, & lui
communiquer toutes les perfections qu'une nature
créée est capable de recevoir. Cette explication
du mystere de l'Incarnation est raisonnable; mais,
si je l'ose dire, ou celle des Grecs n'est qu'un amas
de fausses idées & de termes qui ne signifient rien,
ou ils ont connu la nature divine comme une matiere
subtile ».
Le grand homme que je viens de citer, va nous
prouver que dans le quatorzieme siecle, il falloit,
selon le principe des Grecs, qu'ils crussent encore
que l'essence de Dieu étoit une lumiere sublime incorporelle
dans le sens des anciens peres, c'est - à - dire, étendue, ayant des parties diffuses; enfin
telle que les Philosophes grecs concevoient la matiere
subtile, qu'ils nommoient incorporelle. Il rapporte
qu'il s'éleva dans le quatorzieme siecle une vive
contestation sur une question beaucoup plus curieuse
qu'utile: c'est de savoir si la lumiere qui éclata sur
la personne de J. C. lorsqu'il fut transfiguré, étoit
une lumiere créée ou incréée. Grégoire Palamas,
fameux moine du mont Athos, soutenoit qu'elle
étoit incréée, & Barlaam défendoit le contraire.
Cela donna lieu à la convocation d'un concile tenu
à Constantinople sous Andronic le jeune. Barlaam
fut condamné, & il fut décidé que la lumiere qui
parut sur le Tabor étoit la gloire de la divinité de
J. C. sa lumiere propre, celle qui émane de l'essence
divine. ou plûtôt celle qui est une seule & même
chose avec cette essence, & non une autre. Voyons
actuellement les réfléxions de M. de Beausobre.
« Il
y a des corps, dit - il, que leur éloignement ou leur
petitesse rendent invisibles; mais il n'y a rien de
visible qui ne soit corps, & les Valentiniens avoient
raison de dire que tout ce qui est visible est corporel
& figuré. Il faut aussi que le concile de Constantinople qui décida conformément à l'opinion
de Palamas, & sur l'autorité d'un grand nombre
de peres, qu'il émane de l'essence divine une lumiere
incréée, laquelle est comme son vêtement,
& qui parut en J. C. dans sa transfiguration; il
faut, dis - je, ou que ce concile ait crû que la divinité
est un corps lumineux, ou qu'il ait établi
deux opinions contradictoires, car il est absolument
impossible qu'il émane d'un esprit une lumiere
visible, & par conséquent corporelle ».
Je crois qu'on peut fixer dans le siecle de S. Augustin la connoissance de la pure spiritualité. Je penserois
assez volontiers que les hérétiques qu'on avoit
à combattre dans ce tems - là, & qui admettoient
deux principes, un bon & l'autre mauvais, qu'ils
faisoient également matériels, quoiqu'ils donnassent
au bon principe, c'est - à - dire à Dieu, le nom de lumiere incorporelle, ne contribuerent pas peu au développement
des véritables notions sur la nature de
Dieu. Pour les combattre avec plus d'avantage, on
sentit qu'il conviendroit de leur opposer l'existence
d'une Divinité purement spirituelle. On examina
s'il étoit possible que son essence pût être incorporelle
dans le sens que nous entendons ce mot, on
trouva bien - tôt qu'il étoit impossible qu'elle en pût
avoir une autre; alors on condamna ceux qui avoient
parlé différemment. On avoua pourtant que l'opinion
qui donnoit un corps à Dieu, n'avoit point été
regardée comme hérétique.
Quoique la pure spiritualité de Dieu fût connue
dans l'Eglise quelque tems avant la conversion de
S. Augustin, comme il paroit par les ouvrages de
S. Jérome, qui reproche à Origene d'avoir fait Dieu
corporel; cependant cette vérité rencontroit encore
bien des difficultés à vaincre dans l'esprit des plus
savans Théologiens. S. Augustin nous apprend qu'il
n'avoit été retenu si long - tems dans le Manichéisme
que par la peine qu'il avoit à comprendre la pure
spiritualité de Dieu. C'étoit - là, dit - il, la seule presque
insurmontable cause de mon erreur. Ceux qui ont médité
sur la question qui embarrassoit S. Augustin, ne
seront pas surpris des difficultés qui pouvoient l'arrêter.
Ils savent que malgré la nécessité qu'il y a
d'admettre un Dieu purement spirituel, on ne peut
jamais concilier parfaitement un nombre d'idées qui
paroissent bien contradictoires. Est - il rien de plus
abstrait & de plus difficile à comprendre qu'une
substance réelle qui est par - tout, & qui n'est dans
aucun espace; qui est toute entiere dans des parties
qui sont à une distance infinie les unes des autres,
& cependant parfaitement unique? Est - ce une
chose enfin bien aisée à comprendre qu'une substance
qui est toute entiere dans chaque point de
l'immensité de l'espace, & qui néanmoins n'est pas
aussi infinie en nombre que le sont les points de l'espace
dans lesquels elle est toute entiere? S. Augustin
est bien excusable d'avoir été arrêté par ces difficultés,
sur - tout dans un tems où la doctrine de la pure
spiritualité de Dieu ne faisoit, pour ainsi dire, qu'éclore.
Ce fut lui - même qui dans les suites la porta
à un point bien plus parfait, cependant il ne put la
perfectionner alors sur l'essence de Dieu, il raisonna
toûjours en parfait materialiste sur les substances
spirituelles. Il donna des corps aux anges & aux démons;
il supposa trois ou quatre differentes matieres
spirituelles, c'est - à - dire subtiles. Il composa de
l'une, l'essence des substances célestes; de l'autre,
qu'il disoit être comme un air épais, il fit celle des
démons. L'ame humaine étoit aussi formée d'une
matiere qui lui étoit affectée & particuliere.
On voit combien les idées de la pure spiritualité
des substances immatérielles étoient encore confuses
dans le tems de S. Augustin. Quant à celles que ce
pere avoit de la nature de l'ame, pour montrer évidemment combien elles étoient obscures & inintelligibles,
il ne faut que consulter ce qu'il dit sur l'ouvrage
qu'il avoit écrit au sujet de son immortalité.
Il avoue qu'il n'a paru dans le monde que malgré
son consentement, & qu'il est si obscur, si confus,
qu'à peine entend - il lui - même, lorsqu'il le lit, ce
qu'il a voulu dire.
Il semble que quelque tems après S. Augustin,
loin que la connoissance de la pure spiritualité se
perfectionnât, elle fut peu - à - peu obscurcie. La philosophie
d'Aristote, qui devint en vogue dans le
douzieme siecle, fit presque retomber les Théologiens dans l'opinion d'Origene & de Tertullien. Il
est vrai qu'ils nierent formellement que dans l'essence
spirituelle il se trouvât rien de corporel, rien
de subtil, rien enfin qui appartînt au corps; mais
d'un autre côté ils détruisoient tout ce qu'ils supposoient,
en donnant une étendue aux esprits; infinie
à Dieu, & finie aux anges & aux ames. Ils prétendoient
que les substances spirituelles occupoient &
remplissoient un lieu fixe & déterminé: or ces opinions
sont directement contraires aux saines idées
de la spiritualité. Ainsi, l'on peut dire que jusqu'aux
Cartésiens, les lumieres que S. Augustin avoit données
sur la pure incorporéïté de Dieu, étoient diminuées
de beaucoup. Les Théologiens condamnoient
Origene & Tertullien; & dans le fond, ils
étoient beaucoup plus proches du sentiment de ces
anciens que de celui de S. Augustin. Ecoutons sur
cela raisonner M. Bayle à l'article de Simonide de
son dictionnaire historiq. & critique:
« Jusqu'à M. Descartes, tous nos docteurs, soit théologiens, soit
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philosophes, avoient donné une étendue aux esprits,
infinie à Dieu, finie aux anges & aux ames
raisonnables. Il est vrai qu'ils soûtenoient que cette
étendue n'est point matérielle, ni composée de
parties, & que les esprits sont tout entiers dans
chaque partie de l'espace qu'ils occupent: toti in
toto, & toti in singulis partibus. De - là sont sortis
les trois especes de présence locale, ubi circumscriptivum,
ubi definitivum, ubi repletivum; la premiere
pour les corps, la seconde pour les esprits créés,
& la troisieme pour Dieu. Les Cartésiens ont renversé
tous ces dogmes; ils disent que les esprits
n'ont aucune sorte d'étendue, ni de présence locale;
mais on rejette leur sentiment comme très absurde.
Disons donc qu'encore aujourd'hui presque
tous nos Philosophes & tous nos Théologiens
enseignent, conformément aux idées populaires,
que la substance de Dieu est répandue dans des
espaces infinis. Or, il est certain que c'est ruiner
d'un côté ce qu'on bâtit de l'autre. C'est redonner
en effet à Dieu la matérialité qu'on lui avoit ôtée.
Vous dites qu'il est un esprit, voilà qui est bien;
c'est lui donner une nature différente de la matiere.
Mais en même tems vous dites que sa substance est
répandue par - tout; vous dites donc qu'elle est étendue? Or nous n'avons point d'idée de deux sortes
d'étendue: nous concevons clairement que toute
étendue, quelle qu'elle soit, a des parties distinctes,
impénétrables, inséparables les unes des autres.
C'est un monstre que de prétendre que l'ame
soit toute dans le cerveau & toute dans le coeur.
On ne conçoit point que l'étendue divine & l'étendue
de la matiere puissent être au même lieu, ce
seroit une véritable pénétration de dimensions que
notre raison ne conçoit pas. Outre cela, les choses
qui sont pénétrées avec une troisieme, sont pénétrées
entre elles, & ainsi le ciel & le globe de la
terre sont pénétrés entre eux; car ils seroient pénétrés
avec la substance divine, qui, selon vous,
n'a point de parties; d'où il résulte que le soleil
est pénétré avec le même être que la terre. En un
mot, si la matiere n'est matiere que parce qu'elle
est étendue, il s'ensuit que toute étendue est matiere: l'on vous défie de marquer aucun attribut
différent de l'étendue par lequel la matiere soit
matiere. L'impénétrabilité des corps ne peut venir
que de l'étendue, nous n'en saurions concevoir
que ce fondement; & ainsi vous devez dire que
si les esprits étoient étendus, ils seroient impénétrables;
ils ne seroient donc point différens des
corps par la pénétrabilité. Après tout, selon le
dogme ordinaire, l'étendue divine n'est ni plus ni
moins ou impénétrable ou pénétrable que celle
du corps. Les parties, appellez les virtuelles, tant
qu'il vous plaira, ces parties, dis - je, ne peuvent
point être pénétrées les unes avec les autres; mais
elles peuvent l'être avec les parties de la matiere.
N'est - ce pas ce que vous dites de celles de la matiere?
mais elles peuvent pénétrer les parties virtuelles
de l'étendue divine. Si vous consultez
exactement le sens commun, vous concevrez que
lorsque deux étendues sont pénétrativement au
même lieu, l'une est aussi pénétrable que l'autre.
On ne peut donc point dire que l'étendue de la
matiere differe d'aucune autre sorte d'étendue par
l'impénétrabilité: il est donc certain que toute
étendue est aussi matiere; & par conséquent vous
n'ôtez à Dieu que le nom de corps, & vous lui
en laissez toute la réalité lorsque vous dites qu'il
est étendu »?
Consultez l'article de l'Ame, où l'on
prouve, à la faveur de la raison & de quelques étincelles de bonne philosophie, qu'outre les substances
matérielles, il faut encore admettre des substances
purement spirituelles & réellement distinctes des
premieres. Il est vrai que nous ignorons ce que sont
au fond que ces deux sortes de substances; comment
elles viennent se joindre l'une à l'autre; si leurs
propriétés se réduisent au petit nombre de celles que
nous connoissons. C'est ce qu'il est impossible de décider;
& d'autant plus impossible, que nous ignorons
absolument en quoi consiste l'essence de la matiere,
& ce que les corps sont en eux - mêmes. Les modernes,
il est vrai, ont fait sur cela quelques pas de
plus que les anciens; mais qu'il leur en reste encore
à faire!
IMMATRICULATION
(Page 8:574)
IMMATRICULATION, s. f. (Jurisprud.) signifie
inscription de quelqu'un dans la matricule ou registre;
les nouveaux officiers sont reçûs & immatriculés
dans le siége où ils exercent leur fonction. Les nouveaux
propriétaires des rentes assignées sur les revenus
du Roi, se font immatriculer par les payeurs
pour pouvoir toucher les rentes. Voyez Immatricule & Matricule. (A)
IMMATRICULE
(Page 8:574)
IMMATRICULE, adject. (Jurisprud.) est l'acte
contenant l'inscription de quelqu'un dans la matricule
ou registre commun. L'immatricule d'un huissier
ou autre officier est l'acte par lequel il a été inscrit
au nombre des officiers du tribunal. L'immatricule
d'un nouveau rentier ou propriétaire de quelque
partie de rente assignée sur les revenus du Roi, est
l'acte par lequel il est inscrit & reconnu en qualité
de nouveau propriétaire de cette rente, à l'effet
d'en être payé au lieu & place du précédent propriétaire.
Voyez Immatriculation & Matricule. (A)
IMMEDIAT
(Page 8:574)
IMMEDIAT, adj. (Gramm.) qui suit ou précede
un autre sans aucune interposition. V. Medecine.
Immédiat signifie aussi, qui agit sans moyen, sans
milieu. On dit dans ce sens, grace immédiate, & cause
immédiate.
On a vû depuis quelques années de grandes disputes
sur la grace immédiate entre les Théologiens.
Il s'agissoit de savoir, si la grace agit sur le coeur &
sur l'esprit par une efficacité immédiate, indépendamment
des circonstances externes; ou si un certain
assemblage, ou certain ménagement de circonstances,
jointes au ministere de la parole, peuvent
produire la conversion des ames. Voyez Grace.
Voyez le dictionn. de Trévoux.
IMMEMORIAL
(Page 8:574)
IMMEMORIAL, adj. (Gram. & Jurisprd.) se dit
de ce qui passe la mémoire des hommes qui sont
actuellement vivans, & dont on ne connoît point
le commencement. On dit, par exemple, que de
tems immémorial on en a usé ainsi, ou que l'on a
une possession immémoriale d'un héritage. La possession
de trente ou quarante ans, & même de cent
ans, n'est point immémoriale, des que l'on en connoît
l'origine. Voyez Possession. (A)
IMMENSITÉ
(Page 8:574)
IMMENSITÉ, s. f. (Métaphysiq.) ce terme est relatif
à l'étendue, comme celui d'éternité à la durée.
L'éternité est un tems sans limites; l'immensité est un
espace sans bornes.
On entend par l'immensité de Dieu, la présence
de Dieu par - tout. Or on connoît que Dieu peut être
présent par - tout de trois manieres: 1°. par la connoissance,
parce que rien ne lui est caché; 2°. par
son opération ou par sa puissance, parce qu'il produit
& conserve tout en tout lieu; 3°. par son essence
ou par sa substance, entant qu'il pénetre tout,
& qu'il se trouve par - tout substantiellement.
Parmi les anciens hérétiques qui ont erré sur l'immensité de Dieu, les Valentiniens, les Gnostiques,
les Manichéens admettant deux principes de toutes
choses, l'un bon, & l'autre mauvais, plaçoient le
premier dans la région de la lumiere, & le second
dans celle des ténebres, par conséquent ils nioient
l'immensité de Dieu quant à sa substance.
Wortius, les Calvinistes & les Sociniens ont ren<pb->
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