ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"573"> répandue dans toute cette nature, & mèlée toute entiere avec elle, ensorte qu'il n'y ait aucun lieu de la nature matérielle qui soit vuide de la nature spirituelle. Pour moi, qui connois Dieu comme un esprit, je connois aussi l'Incarnation comme un acte constant & irrévocable de la volonté du fils de Dieu, qui veut s'unir la nature humaine, & lui communiquer toutes les perfections qu'une nature créée est capable de recevoir. Cette explication du mystere de l'Incarnation est raisonnable; mais, si je l'ose dire, ou celle des Grecs n'est qu'un amas de fausses idées & de termes qui ne signifient rien, ou ils ont connu la nature divine comme une matiere subtile ».

Le grand homme que je viens de citer, va nous prouver que dans le quatorzieme siecle, il falloit, selon le principe des Grecs, qu'ils crussent encore que l'essence de Dieu étoit une lumiere sublime incorporelle dans le sens des anciens peres, c'est - à - dire, étendue, ayant des parties diffuses; enfin telle que les Philosophes grecs concevoient la matiere subtile, qu'ils nommoient incorporelle. Il rapporte qu'il s'éleva dans le quatorzieme siecle une vive contestation sur une question beaucoup plus curieuse qu'utile: c'est de savoir si la lumiere qui éclata sur la personne de J. C. lorsqu'il fut transfiguré, étoit une lumiere créée ou incréée. Grégoire Palamas, fameux moine du mont Athos, soutenoit qu'elle étoit incréée, & Barlaam défendoit le contraire. Cela donna lieu à la convocation d'un concile tenu à Constantinople sous Andronic le jeune. Barlaam fut condamné, & il fut décidé que la lumiere qui parut sur le Tabor étoit la gloire de la divinité de J. C. sa lumiere propre, celle qui émane de l'essence divine. ou plûtôt celle qui est une seule & même chose avec cette essence, & non une autre. Voyons actuellement les réfléxions de M. de Beausobre. « Il y a des corps, dit - il, que leur éloignement ou leur petitesse rendent invisibles; mais il n'y a rien de visible qui ne soit corps, & les Valentiniens avoient raison de dire que tout ce qui est visible est corporel & figuré. Il faut aussi que le concile de Constantinople qui décida conformément à l'opinion de Palamas, & sur l'autorité d'un grand nombre de peres, qu'il émane de l'essence divine une lumiere incréée, laquelle est comme son vêtement, & qui parut en J. C. dans sa transfiguration; il faut, dis - je, ou que ce concile ait crû que la divinité est un corps lumineux, ou qu'il ait établi deux opinions contradictoires, car il est absolument impossible qu'il émane d'un esprit une lumiere visible, & par conséquent corporelle ».

Je crois qu'on peut fixer dans le siecle de S. Augustin la connoissance de la pure spiritualité. Je penserois assez volontiers que les hérétiques qu'on avoit à combattre dans ce tems - là, & qui admettoient deux principes, un bon & l'autre mauvais, qu'ils faisoient également matériels, quoiqu'ils donnassent au bon principe, c'est - à - dire à Dieu, le nom de lumiere incorporelle, ne contribuerent pas peu au développement des véritables notions sur la nature de Dieu. Pour les combattre avec plus d'avantage, on sentit qu'il conviendroit de leur opposer l'existence d'une Divinité purement spirituelle. On examina s'il étoit possible que son essence pût être incorporelle dans le sens que nous entendons ce mot, on trouva bien - tôt qu'il étoit impossible qu'elle en pût avoir une autre; alors on condamna ceux qui avoient parlé différemment. On avoua pourtant que l'opinion qui donnoit un corps à Dieu, n'avoit point été regardée comme hérétique.

Quoique la pure spiritualité de Dieu fût connue dans l'Eglise quelque tems avant la conversion de S. Augustin, comme il paroit par les ouvrages de S. Jérome, qui reproche à Origene d'avoir fait Dieu corporel; cependant cette vérité rencontroit encore bien des difficultés à vaincre dans l'esprit des plus savans Théologiens. S. Augustin nous apprend qu'il n'avoit été retenu si long - tems dans le Manichéisme que par la peine qu'il avoit à comprendre la pure spiritualité de Dieu. C'étoit - là, dit - il, la seule presque insurmontable cause de mon erreur. Ceux qui ont médité sur la question qui embarrassoit S. Augustin, ne seront pas surpris des difficultés qui pouvoient l'arrêter. Ils savent que malgré la nécessité qu'il y a d'admettre un Dieu purement spirituel, on ne peut jamais concilier parfaitement un nombre d'idées qui paroissent bien contradictoires. Est - il rien de plus abstrait & de plus difficile à comprendre qu'une substance réelle qui est par - tout, & qui n'est dans aucun espace; qui est toute entiere dans des parties qui sont à une distance infinie les unes des autres, & cependant parfaitement unique? Est - ce une chose enfin bien aisée à comprendre qu'une substance qui est toute entiere dans chaque point de l'immensité de l'espace, & qui néanmoins n'est pas aussi infinie en nombre que le sont les points de l'espace dans lesquels elle est toute entiere? S. Augustin est bien excusable d'avoir été arrêté par ces difficultés, sur - tout dans un tems où la doctrine de la pure spiritualité de Dieu ne faisoit, pour ainsi dire, qu'éclore. Ce fut lui - même qui dans les suites la porta à un point bien plus parfait, cependant il ne put la perfectionner alors sur l'essence de Dieu, il raisonna toûjours en parfait materialiste sur les substances spirituelles. Il donna des corps aux anges & aux démons; il supposa trois ou quatre differentes matieres spirituelles, c'est - à - dire subtiles. Il composa de l'une, l'essence des substances célestes; de l'autre, qu'il disoit être comme un air épais, il fit celle des démons. L'ame humaine étoit aussi formée d'une matiere qui lui étoit affectée & particuliere.

On voit combien les idées de la pure spiritualité des substances immatérielles étoient encore confuses dans le tems de S. Augustin. Quant à celles que ce pere avoit de la nature de l'ame, pour montrer évidemment combien elles étoient obscures & inintelligibles, il ne faut que consulter ce qu'il dit sur l'ouvrage qu'il avoit écrit au sujet de son immortalité. Il avoue qu'il n'a paru dans le monde que malgré son consentement, & qu'il est si obscur, si confus, qu'à peine entend - il lui - même, lorsqu'il le lit, ce qu'il a voulu dire.

Il semble que quelque tems après S. Augustin, loin que la connoissance de la pure spiritualité se perfectionnât, elle fut peu - à - peu obscurcie. La philosophie d'Aristote, qui devint en vogue dans le douzieme siecle, fit presque retomber les Théologiens dans l'opinion d'Origene & de Tertullien. Il est vrai qu'ils nierent formellement que dans l'essence spirituelle il se trouvât rien de corporel, rien de subtil, rien enfin qui appartînt au corps; mais d'un autre côté ils détruisoient tout ce qu'ils supposoient, en donnant une étendue aux esprits; infinie à Dieu, & finie aux anges & aux ames. Ils prétendoient que les substances spirituelles occupoient & remplissoient un lieu fixe & déterminé: or ces opinions sont directement contraires aux saines idées de la spiritualité. Ainsi, l'on peut dire que jusqu'aux Cartésiens, les lumieres que S. Augustin avoit données sur la pure incorporéïté de Dieu, étoient diminuées de beaucoup. Les Théologiens condamnoient Origene & Tertullien; & dans le fond, ils étoient beaucoup plus proches du sentiment de ces anciens que de celui de S. Augustin. Ecoutons sur cela raisonner M. Bayle à l'article de Simonide de son dictionnaire historiq. & critique: « Jusqu'à M. Descartes, tous nos docteurs, soit théologiens, soit [p. 574] philosophes, avoient donné une étendue aux esprits, infinie à Dieu, finie aux anges & aux ames raisonnables. Il est vrai qu'ils soûtenoient que cette étendue n'est point matérielle, ni composée de parties, & que les esprits sont tout entiers dans chaque partie de l'espace qu'ils occupent: toti in toto, & toti in singulis partibus. De - là sont sortis les trois especes de présence locale, ubi circumscriptivum, ubi definitivum, ubi repletivum; la premiere pour les corps, la seconde pour les esprits créés, & la troisieme pour Dieu. Les Cartésiens ont renversé tous ces dogmes; ils disent que les esprits n'ont aucune sorte d'étendue, ni de présence locale; mais on rejette leur sentiment comme très absurde. Disons donc qu'encore aujourd'hui presque tous nos Philosophes & tous nos Théologiens enseignent, conformément aux idées populaires, que la substance de Dieu est répandue dans des espaces infinis. Or, il est certain que c'est ruiner d'un côté ce qu'on bâtit de l'autre. C'est redonner en effet à Dieu la matérialité qu'on lui avoit ôtée. Vous dites qu'il est un esprit, voilà qui est bien; c'est lui donner une nature différente de la matiere. Mais en même tems vous dites que sa substance est répandue par - tout; vous dites donc qu'elle est étendue? Or nous n'avons point d'idée de deux sortes d'étendue: nous concevons clairement que toute étendue, quelle qu'elle soit, a des parties distinctes, impénétrables, inséparables les unes des autres. C'est un monstre que de prétendre que l'ame soit toute dans le cerveau & toute dans le coeur. On ne conçoit point que l'étendue divine & l'étendue de la matiere puissent être au même lieu, ce seroit une véritable pénétration de dimensions que notre raison ne conçoit pas. Outre cela, les choses qui sont pénétrées avec une troisieme, sont pénétrées entre elles, & ainsi le ciel & le globe de la terre sont pénétrés entre eux; car ils seroient pénétrés avec la substance divine, qui, selon vous, n'a point de parties; d'où il résulte que le soleil est pénétré avec le même être que la terre. En un mot, si la matiere n'est matiere que parce qu'elle est étendue, il s'ensuit que toute étendue est matiere: l'on vous défie de marquer aucun attribut différent de l'étendue par lequel la matiere soit matiere. L'impénétrabilité des corps ne peut venir que de l'étendue, nous n'en saurions concevoir que ce fondement; & ainsi vous devez dire que si les esprits étoient étendus, ils seroient impénétrables; ils ne seroient donc point différens des corps par la pénétrabilité. Après tout, selon le dogme ordinaire, l'étendue divine n'est ni plus ni moins ou impénétrable ou pénétrable que celle du corps. Les parties, appellez les virtuelles, tant qu'il vous plaira, ces parties, dis - je, ne peuvent point être pénétrées les unes avec les autres; mais elles peuvent l'être avec les parties de la matiere. N'est - ce pas ce que vous dites de celles de la matiere? mais elles peuvent pénétrer les parties virtuelles de l'étendue divine. Si vous consultez exactement le sens commun, vous concevrez que lorsque deux étendues sont pénétrativement au même lieu, l'une est aussi pénétrable que l'autre. On ne peut donc point dire que l'étendue de la matiere differe d'aucune autre sorte d'étendue par l'impénétrabilité: il est donc certain que toute étendue est aussi matiere; & par conséquent vous n'ôtez à Dieu que le nom de corps, & vous lui en laissez toute la réalité lorsque vous dites qu'il est étendu »? Consultez l'article de l'Ame, où l'on prouve, à la faveur de la raison & de quelques étincelles de bonne philosophie, qu'outre les substances matérielles, il faut encore admettre des substances purement spirituelles & réellement distinctes des premieres. Il est vrai que nous ignorons ce que sont au fond que ces deux sortes de substances; comment elles viennent se joindre l'une à l'autre; si leurs propriétés se réduisent au petit nombre de celles que nous connoissons. C'est ce qu'il est impossible de décider; & d'autant plus impossible, que nous ignorons absolument en quoi consiste l'essence de la matiere, & ce que les corps sont en eux - mêmes. Les modernes, il est vrai, ont fait sur cela quelques pas de plus que les anciens; mais qu'il leur en reste encore à faire!

IMMATRICULATION (Page 8:574)

IMMATRICULATION, s. f. (Jurisprud.) signifie inscription de quelqu'un dans la matricule ou registre; les nouveaux officiers sont reçûs & immatriculés dans le siége où ils exercent leur fonction. Les nouveaux propriétaires des rentes assignées sur les revenus du Roi, se font immatriculer par les payeurs pour pouvoir toucher les rentes. Voyez Immatricule & Matricule. (A)

IMMATRICULE (Page 8:574)

IMMATRICULE, adject. (Jurisprud.) est l'acte contenant l'inscription de quelqu'un dans la matricule ou registre commun. L'immatricule d'un huissier ou autre officier est l'acte par lequel il a été inscrit au nombre des officiers du tribunal. L'immatricule d'un nouveau rentier ou propriétaire de quelque partie de rente assignée sur les revenus du Roi, est l'acte par lequel il est inscrit & reconnu en qualité de nouveau propriétaire de cette rente, à l'effet d'en être payé au lieu & place du précédent propriétaire. Voyez Immatriculation & Matricule. (A)

IMMEDIAT (Page 8:574)

IMMEDIAT, adj. (Gramm.) qui suit ou précede un autre sans aucune interposition. V. Medecine.

Immédiat signifie aussi, qui agit sans moyen, sans milieu. On dit dans ce sens, grace immédiate, & cause immédiate.

On a vû depuis quelques années de grandes disputes sur la grace immédiate entre les Théologiens. Il s'agissoit de savoir, si la grace agit sur le coeur & sur l'esprit par une efficacité immédiate, indépendamment des circonstances externes; ou si un certain assemblage, ou certain ménagement de circonstances, jointes au ministere de la parole, peuvent produire la conversion des ames. Voyez Grace. Voyez le dictionn. de Trévoux.

IMMEMORIAL (Page 8:574)

IMMEMORIAL, adj. (Gram. & Jurisprd.) se dit de ce qui passe la mémoire des hommes qui sont actuellement vivans, & dont on ne connoît point le commencement. On dit, par exemple, que de tems immémorial on en a usé ainsi, ou que l'on a une possession immémoriale d'un héritage. La possession de trente ou quarante ans, & même de cent ans, n'est point immémoriale, des que l'on en connoît l'origine. Voyez Possession. (A)

IMMENSITÉ (Page 8:574)

IMMENSITÉ, s. f. (Métaphysiq.) ce terme est relatif à l'étendue, comme celui d'éternité à la durée. L'éternité est un tems sans limites; l'immensité est un espace sans bornes.

On entend par l'immensité de Dieu, la présence de Dieu par - tout. Or on connoît que Dieu peut être présent par - tout de trois manieres: 1°. par la connoissance, parce que rien ne lui est caché; 2°. par son opération ou par sa puissance, parce qu'il produit & conserve tout en tout lieu; 3°. par son essence ou par sa substance, entant qu'il pénetre tout, & qu'il se trouve par - tout substantiellement.

Parmi les anciens hérétiques qui ont erré sur l'immensité de Dieu, les Valentiniens, les Gnostiques, les Manichéens admettant deux principes de toutes choses, l'un bon, & l'autre mauvais, plaçoient le premier dans la région de la lumiere, & le second dans celle des ténebres, par conséquent ils nioient l'immensité de Dieu quant à sa substance.

Wortius, les Calvinistes & les Sociniens ont ren<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.