ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"455"> souvent cette théorie en pratique, & rend l'homicide beaucoup plus commun encore au Japon, qu'il ne l'est en Angleterre.

La liberté de conscience ayant toujours été accordée dans cette empire, ainsi que dans presque tout le reste de l'Orient, plusieurs religions étrangeres s'étoient paisiblement introduites au Japon. Dieu permettoit ainsi que la voie fût ouverte à l'évangile dans ces vastes contrées; personne n'ignore qu'il fit des progrès prodigieux sur la fin du seizieme siecle, dans la moitié de cet empire. La célebre ambassade de trois princes chrétiens Japonnois au pape Grégoire XIII, est, ce me semble, l'hommage le plus flateur que le saint - siege ait jamais reçu. Tout ce grand pays, où il faut aujourd'hui abjurer l'évangile, & dont aucun sujet ne peut sortir, a été sur le point d'être un royaume chrétien, & peut - être un royaume portugais. Nos prêtres y étoient honorés plus que parmi nous; à présent leur tête y est à prix, & ce prix même y est fort considérable: il est d'environ douze mille livres.

L'indiscrétion d'un prêtre portugais, qui refusa de céder le pas à un des officiers de l'empereur, fut la premiere cause de cette révolution. La seconde, fut l'obstination de quelques jésuites, qui soutinrent trop leurs droits, en ne voulant pas rendre une maison qu'un seigneur japonnois leur avoit donnée, & que le fils de ce seigneur leur redemandoit. La troisieme, fut la crainte d'être subjugués par les chrétiens. Les bonzes appréhenderent d'être dépouillés de leurs anciennes possessions, & l'empereur enfin craignit pour l'état. Les Espagnols s'étoient rendus maîtres des Philippines voisines du Japon; on savoit ce qu'ils avoient fait en Amérique, il n'est pas étonnant que les Japonnois fussent allarmés.

L'empereur séculier du Japon proscrivit donc la religion chrétienne en 1586; l'exercice en fut défendu à ses sujets sous peine de mort; mais comme on permettoit toujours le commerce aux Portuguais & aux Espagnols, leurs missionnaires faisoient dans le peuple autant de prosélytes, qu'on en condamnoit au supplice. Le monarque défendit à tous les habitans d'introduire aucun prêtre chrétien dans le pays; malgré cette défense, le gouverneur des îles Philippines fit passer des Cordeliers en ambassade à l'empereur du Japon. Ces ambassadeurs commencerent par bâtir une chapelle publique dans la ville capitale; ils furent chassés, & la persécution redoubla. Il y eut longtems des alternatives de cruautés & d'indulgences. Enfin arriva la fameuse rébellion des chrétiens, qui se retirerent en force & en armes en 1637, dans une ville de l'empire; alors ils furent poursuivis, attaqués, & massacrés au nombre de trente - sept mille l'année suivante 1638, sous le regne de l'impératrice Mikaddo. Ce massacre affreux étouffa la révolte, & abolit entierement au Japon la religion chrétienne, qui avoit commencé de s'y introduire dès l'an 1549.

Si les Portugais & les Espagnols s'étoient contentés de la tolérance dont ils jouissoient, ils auroient été aussi paisibles dans cet empire, que les douze sectes établies à Méaco, & qui composoient ensemble dans cette seule ville, au - de - là de quatre cent mille ames.

Jamais commerce ne fut plus avantageux aux Portugais que celui du Japon. Il paroît assez, par les soins qu'ont les Hollandois de se le conserver, à l'exclusion des autres peuples, que ce commerce produisoit, sur - tout dans les commencemens, des profits immenses. Les Portugais y achetoient le meilleur thé de l'Asie, les plus belles porcelaines, ces bois peints, laqués, vernissés, comme paravents, tables, coffres, boëtes, cabarets, & autres semblables, dont notre luxe s'appauvrit tous les jours; de l'ambre gris, du cuivre d'une espece supérieure au nôtre; enfin l'argent & l'or, objet principal de toutes les entreprises de négoce.

Le Japon, aussi peuplé que la Chine à proportion, & non moins industrieux, tandis que la nation y est plus fiere & plus brave, possede presque tout ce que nous avons, & presque tout ce qui nous manque. Les peuples de l'Orient étoient autrefois bien supérieurs à nos peuples occidentaux, dans tous les arts de l'esprit & de la main. Mais que nous avons regagné le tems perdu, ajoûte M. de Voltaire! les pays où le Bramante & Michel Ange ont bâti Saint Pierre de Rome, où Raphaël a peint, où Newton a calculé l'infini, où Leibnitz partagea cette gloire, où Huyggens appliqua la cycloïde aux pendules à secondes, où Jean de Bruges trouva la peinture à l'huile, où Cinna & Athalie ont été écrits; ces pays, dis - je, sont devenus les premiers pays de la terre. Les peuples orientaux ne sont à présent dans les beaux arts, que des barbares, ou des enfans, malgré leur antiquité, & tout ce que la nature a fait pour eux. (D. J.)

JAPONNER (Page 8:455)

JAPONNER, v. act. (Poterie.) c'est donner une nouvelle cuisson aux porcelaines de la Chine, pour les faire passer pour porcelaines du Japon. Par cette manoeuvre pratiquée en Angleterre & en Hollande, on colore en rouge & l'on ajoûte des fleurs & des filets d'or aux pieces de la Chine, qui sont toutes bleues & blanches; mais ces ornemens ajoûtés, ayant trop d'éclat, on les affoiblit par le feu: avec toutes ces précautions, les connoisseurs ne sont pas trompés.

JAPONOIS, Philosophie des (Page 8:455)

* JAPONOIS, Philosophie des (Hist. de la Philosophie.) Les Japonois ont reçu des Chinois presque tout ce qu'ils ont de connoissances philosophiques, politiques & superstitieuses, s'il en faut croire les Portugais, les premiers d'entre les Européens qui aient abordé au Japon, & qui nous aient entretenus de cette contrée. François Xavier, de la Compagnie de Jésus, y fut conduit en 1549 par un ardent & beau zele d'étendre la religion chrétienne: il y prêcha; il y fut écouté; & le Christ seroit peut - être adoré dans toute l'étendue du Japon, si l'on n'eût point allarmé les Peuples par une conduite imprudente qui leur fit soupçonner qu'on en vouloit plus à la perte de leur liberté qu'au salut de leurs ames. Le rôle d'apôtre n'en souffre point d'autre: on ne l'eut pas plûtôt deshonoré au Japon en lui associant celui d'intérêt & de politique, que les persécutions s'éleverent, que les échaffauds se dresserent, & que le sang coula de toutes parts. La haine du nom chrétien est telle au Japon, qu'on n'en approche point aujourd'hui sans fouler le Christ aux pieds; cérémonie ignominieuse à laquelle on dit que quelques Européens plus attachés à l'argent qu'à leur Dieu, se soumettent sans répugnance.

Les fables que les Japonois & les Chinois débitent sur l'antiquité de leur origine, sont presque les mêmes; & il résulte de la comparaison qu'on en fait, que ces sociétés d'hommes se formoient & se polissoient sous une ere peu différente. Le célebre Kempfer qui a parcouru le Japon en naturaliste, géographe, politique & théologien, & dont le voyage tient un rang distingué parmi nos meilleurs livres, divise l'histoire japonoise en fabuleuse, incertaine & vraie. La période fabuleuse commence long - tems avant la création du monde, selon la chronologie sacrée. Ces peuples ont eu aussi la manie de reculer leur origine. Si on les en croit, leur premier gouvernement fut théocratique; il faut entendre les merveilles qu'ils racontent de son bonheur & de sa durée. Le tems du mariage du dieu Isanagi Mikotto & de la déesse Isanami Mikotto, fut l'âge d'or pour [p. 456] eux. Allez d'un pole à l'autre; interrogez les peuples, & vous y verrez par - tout l'idolatrie & la superstition s'établir par les mêmes moyens. Par - tout ce sont des hommes qui se rendent respectables à leurs semblables, en se donnant ou pour des dieux ou pour des descendans des dieux. Trouvez un peuple sauvage; faites du bien; dites que vous êtes un dieu, & l'on vous croira, & vous serez adoré pendant votre vie & après votre mort.

Le regne d'un certain nombre de rois dont on ne peut fixer l'ere, remplit la période incertaine. Ils y succedent aux premiers fondateurs, & s'occupent à dépouiller leurs sujets d'un reste de férocité naturelle, par l'institution des lois & l'invention des arts, l'invention des arts qui fait la douceur de la vie, l'institution des loix qui en fait la sécurité.

Fohi, le premier législateur des Chinois, est aussi le premier législateur des Japonois, & ce nom n'est pas moins célebre dans l'une de ces contrées que dans l'autre. On le représente tantôt sous la figure d'un serpent, tantôt sous la figure d'un homme à rête sans corps, deux symboles de la science & de la sagesse. C'est à lui que les Japonois attribuent la connoissance des mouvemens célestes, des signes du zodiaque, des révolutions de l'année, de son partage en mois, & d'une infinité de découvertes utiles. Ils disent qu'il vivoit l'an 396 de la création, ce qui est faux, puisque l'histoire du déluge universel est vraie.

Les premiers Chinois & les premiers Japonois instruits par un même homme, n'ont pas eu vraisemblablement un culte fort différent. Le Xékia des premiers est le Siaka des seconds. Il est de la même période; mais les Siamois, les Japonois & les Chinois qui le réverent également, ne s'accordent pas sur le tems précis où il a vécu.

L'histoire vraie du Japon ne commence guere que 660 avant la naissance de J. C. c'est la date du regne de Syn - mu; Syn - mu qui fut si cher à ses peuples qu'ils le surnommerent Nin - O, le très - grand, le très - bon, optimus, maximus; ils lui font honneur des mêmes découvertes qu'à Fohi.

Ce fut sous ce prince que vécut le philosophe Roosi, c'est - à - dire le vieillard enfant. Koosi ou Confucius naquit 50 ans après Roosi. Confucius a des temples au Japon, & le culte qu'on lui rend differe peu des honneurs divins. Entre les disciples les plus illustres de Confucius, on nomme au Japon Ganquai, autre vieillard enfant. L'ame de Ganquai qui mourut à 33 ans, fut transmise à Kossobosati, disciple de Xékia; d'où il est évident que le Japon n'avoit dans les commencemens d'autres notions de philosophie, de morale & de religion, que celles de Xékia, de Confucius & des Chinois, quelle que soit la diversité que le tems y ait introduite.

La doctrine de Siaka & de Confucius n'est pas la même. Celle de Confucius a prévalu à la Chine, & le Japon a préféré celle de Siaka ou Xékia.

Sous le regne de Synin, Kobote, philosophe de la secte de Xékia, porta au Japon le livre kio. Ce sont proprement des pandectes de la doctrine de son maître. Cette philosophie fut connue dans le même tems à la Chine. Quelle différence entre nos philosophes & ceux - ci! Les réveries d'un Xékia se répandent dans l'Inde, la Chine & le Japon, & deviennent la loi de cent millions d'hommes. Un homme naît quelquefois parmi nous avec les talens les plus sublimes, écrit les choses les plus sages, ne change pas le moindre usage, vit obscur, & meurt ignoré.

Il paroît que les premieres étincelles de lumiere qui aient éclairé la Chine & le Japon, sont parties de l'Inde & du Brachmanisme.

Kobote établit au Japon la doctrine ésotérique & exotérique de Foï. A peine y fut - il arrivé, qu'on lui éleva le Fakubasi, ou le temple du cheval blanc; ce temple subsiste encore. Il fut appellé du cheval blanc, parce que Kobore parut au Japon monté sur un cheval de cette couleur.

La doctrine de Siaka ne fut pas tout - à - coup celle du peuple. Elle étoit encore particuliere & secrette lorsque Darma, le vingt - huitieme disciple de Xékia, passa de l'Inde au Japon.

Mokuris suivit les traces de Darma. Il se montra d'abord dans le Tinsiku, sur les côtes du Malabar & de Coromandel. Ce fut là qu'il annonça la doctrine d'un dieu ordonnateur du monde & protecteur des hommes, sous le nom d'Amida. Cette idée fit fortune, & se répandit dans les contrées voisines, d'où elle parvint à la Chine & au Japon. Cet évenement fait date dans la chronologie des Japonois. Le prince Tonda Josimits porta la connoissance d'Amida dans la contrée de Sinano. C'est au dieu Amida que le temple Sinquosi fut élevé, & sa statue ne tarda pas à y opérer des miracles, car il en faut aux peuples. Mêmes impostures en Egypte, dans l'Inde, à la Chine, au Japon. Dieu a permis cette ressemblance entre la vraie religion & les fausses, pour que notre foi nous fût méritoire; car il n'y ae que la vraie religion qui ait de vrais miracles. Nous avons été éclairés par les moyens qu'il fut permis au diable d'employer pour précipiter dans la perdition les nations sur lesquelles Dieu n'avoit point résolu dans ses decrets éternels d'ouvrir l'oeil de sae miséricorde.

Voilà donc la superstition & l'idolatrie s'échapant des sanctuaires égyptiens, & allant infecter au loin l'Inde, la Chine & le Japon, sous le nom de doctrine xékienne. Voyons maintenant les révolutions que cette doctrine éprouva; car il n'est pas donné aux opinions des hommes de rester les mêmes en traversant le tems & l'espace.

Nous observerons d'abord que le Japon entier ne suit pas le dogme de Xékia. Le mensonge national est tolérant chez ces peuples; il permet à une infinité de mensonges étrangers de subsister paisiblement à ses côtés.

Après que le Christianisme eût été extirpé par un massacre de trente - sept mille hommes, exécuté presqu'en un moment, la nation se partagea en trois sectes. Les uns s'attacherent au sintos ou à la vieille religion; d'autres embrasserent le budso ou la doctrine de Budda, ou de Siaka, ou de Xékia, & le reste s'en tint au sindo, ou au code des philosophes moraux.

Du Sintos, du Budso, & du Sindo. Le sintos qu'on appelle aussi sinsin & kammitsi, le culte le plus ancien du Japon, est celui des idoles. L'idolatrie est le premier pas de l'esprit humain dans l'histoire naturelle de la religion; c'est de - là qu'il s'avance au manichéisme, du manichéisme à l'unité de Dieu, pour revenir à l'idolatrie, & tourner dans le même cercle. Sin & Kami sont les deux idoles du Japon. Tous les dogmes de cette théologie se rapportent au bonheur actuel. La notion que les Sintoistes paroissent avoir de l'immortalité de l'ame, est fort obscure; ils s'inquietent peu de l'avenir: rendez - nous heureux aujourd'hui, disent - ils à leurs dieux, & nous vous tenons quittes du reste. Ils reconnoissent cependant un grand dieu qui habite au haut des cieux, des dieux subalternes qu'ils ont placés dans les étoiles; mais ils ne les honorent ni par des sacrifices ni par des fêtes. Ils sont trop loin d'eux pour en attendre du bien ou en craindre du mal. Ils jurent par ces dieux inutiles, & ils invoquent ceux qu'ils imaginent présider aux élémens, aux plantes, aux animaux & aux évenemens importans de la vie.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.