ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"391"> plette, & qu'il faudroit parler en doutant, beaucoup plus souvent qu'on ne le fait communément; mais en se conduisant autrement, on s'expose au danger de prendre des conjectures fausses & incertaines pour des vérités reconnues & indubitables. Le commun des gens de lettres ne s'accommode pas des expressions suspendues, non plus que le peuple. Ils aiment les affirmations générales & universelles, & le ton hardi d'un docteur fait dans leur esprit le même effet que l'évidence. Revenons de cette digression. Il est certain que le vulgaire a toujours été un fort mauvais juge de ces matieres, & qu'il a condamné comme athées des gens qui croyoient une divinité, seulement parce qu'ils n'approuvoient pas certaines opinions ou quelques superstitions de la théologie populaire. Par exemple, quoique Anaxagore de Clazomene fût après Thalés le premier de la secte ïonique, qui reconnût, pour principe de l'univers, un esprit infini, neanmoins on le traitoit communément d'athée, parce qu'il disoit que le soleil n'étoit qu'un globe de feu, & la lune qu'une terre; c'est - à - dire, parce qu'il nioit qu'il y eût des intelligences attachées à ces astres, & par conséquent que ce fussent des divinités. On accusa de même Socrate d'athéisme, quoiqu'on n'entreprît, dans le procès qu'on lui fit, de prouver autre chose contre lui, sinon qu'il croyoit que les dieux qu'on adoroit à Athènes n'étoient pas de véritables dieux. C'est pour cela encore que l'on traitoit d'athées les chrétiens pendant les premiers siecles, parce qu'ils rejettoient les dieux du paganisme. Au contraire le peuple a souvent regardé de véritables athées, comme des gens persuadés de l'existence d'une divinité, seulement parce qu'ils observoient la forme extérieure de la religion, & qu'ils se servoient des manieres de parler usitées.

HYLOPHAGES (Page 8:391)

HYLOPHAGES, s. m. pl. (Géog. anc.) peuples d'Ethyopie, voisins des Hylogones, c'est à - dire, chasseurs nés dans les forêts, & des Spermatophages ou mangeurs de graines. Hylophages signifie mangeurs de bois, parce qu'ils broutoient pour vivre, les branches les plus tendres des arbres. Diodore de Sicile, liv. III. chap. xxiv. & xxv. donne une description bien curieuse de tous ces divers peuples Ethyopiens. Il ajoûte, au sujet des Hylophages, qu'ils sont exposés à une maladle nommée glaucoma; « c'est, continue - t - il, lorsque par trop de sécheresse l'humeur crystalline devient de la couleur d'un verd de mer, & cet accident leur ôte l'usage de la vûe ». plus habile medecin de nos jours ne parleroit pas mieux de cette maladie, & n'en sçait pas plus que l'historien qui vivoit du tems de César. (D. J.)

HYLOZOISME (Page 8:391)

HYLOZOISME, s. m. (hist. de la Philos.) espece d'athéisme philosophique, qui attribue à tous les corps considérés en eux - mêmes, une vie comme leur étant essentielle, sans en excepter le moindre atome, mais sans aucun sentiment & sans connoissance réfléchie: comme si la vie d'un côté, & de l'autre la matiere, étoient deux êtres incomplets, qui joints ensemble, formassent ce qu'on appelle corps. Par cette vie, que ces philosophes attribuoient à la matiere, ils supposoient que toutes les parties de la matiere ont la faculté de se disposer elles - mêmes d'une maniere artificielle & réglée, quoique sans délibération ni réflexion, & de se pousser à la plus grande perfection dont elles soient capables. Ils croyoient que ces parties, par le moyen de l'organisation, se perfectionnoient elles - mêmes jusqu'à acquérir du sentiment & de la connoissance directe comme dans les bêtes, & de la raison ou de la connoissance réfléchie comme dans les hommes. Cela étant, il est visible que les hommes n'auroient pas besoin d'une ame immatérielle pour être raisonnables, ni l'univers d'aucune divinité pour être aussi régulier qu'il l'est. La principale différence qu'il y a entre cette espece d'athéisme & celle de Démocrite & d'Epicure, c'est que ces derniers supposent que toute sorte de vie est accidentelle, & sujette à la génération & à la corruption; au lieu que les Hylozoïstes mettent une vie naturelle, essentielle, & qui ne s'engendre ni ne se détruit, quoiqu'ils l'attribuent à la matiere, parce qu'ils ne reconnoissent aucune autre substance dans le monde que celle des corps.

On attribue à Straton de Lampsaque l'origine de ce sentiment. Il avoit été disciple de Théophraste, & s'étoit acquis beaucoup de réputation dans la secte Péripatéticienne, mais il la quitta pour établir une nouvelle espece d'athéisme. Velleius, épicurien & athée, en parle de cette maniere. Nec audiendus Strato, qui physicus appellatur, qui omnem vim divinam in naturâ sitam esse censet, quoe causas gignendi, augendi minuendive habeat, sed careat omni sensu. De nat. deorum, lib. I. cap. xiij. Il prétendoit, comme les Epicuriens, que tout avoit été formé par le concours fortuit des atomes, à qui il attribuoit je ne sçais quelle vie; ce qui faisoit croire qu'il regardoit la matiere ainsi animée comme une espece de divinité: c'est ce qui a fait dire à Seneque: Ego seram aut Platonem, aut Peripateticum Stratonem, quorum alter Deum sine corpore fecit, alter sine animo? Apud Augustinum de cit Dei, l. VI. c. x. C'est - là la cause pour laquelle Straton est quelquefois rangé parmi ceux qui croyoient un Dieu, quoique ce fût un véritable athée. On peut s'en assurer encore par ce passage de Cicéron: Strato Lampsacenus negat opera deorum se uti ad fabricandum mundum; quoecumque sint docet omnia esse effecta naturoe; nec ut ille qui asperis & loevibus & hamatis uncinatisque corporibus concreta hoec esse dicit interjecto inani; somnia censet hoec esse Democriti, non docentis sed optantis. Acad. quest. l. XI. c. xxxviij. Il nioit done aussi - bien que Démocrite, que le monde eût été fait pat une divinité ou par une nature intelligente, mais il ne tomboit pas d'accord avec lui touchant l'origine de toutes choses; parce que Démocrite n'établissant aucun principe actif, ne rendoit aucune raison du mouvement ni de la régularité que l'on voit dans les corps. La nature de Démocrite n'étoit que le mouvement fortuit de la matiere; mais la nature de Straton étoit une vie inférieure & plastique, par laquelle les parties de la matiere pouvoient se donner à elles - mêmes une meilleure forme, mais sans sentiment de soi - même ni connoissance réfléchie. Quidquid aut fit aut fiat, naturalibus fieri, aut factum esse docet ponderibus ac motibus. Cic. ibid. Il faut donc de plus remarquer, qu'encore que Straton établisse la vie dont on a parlé dans la matiere, il ne reconnoît aucun être, ni aucune vie générale qui préside sur toute la matiere pour la former. C'est ce qui est en partie affirmé par Plutarque advers. Colotem. & qu'on peut recueillir de ces mots: « Il nie que le monde lui - même soit un animal, mais il soutient que ce qui est selon la nature, suit ce qui est conforme à sa nature; que le hasard donne le commencement à tout, & qu'ensuite chaque effet de sa nature se produit ». Comme il nioit qu'il y eût un principe commun & intelligent qui gouvernât toutes choses, il falloit qu'il donnât quelque chose au hasard, & qu'il fît dépendre le système du monde d'un mélange du hasard & d'une nature reglée.

Tout Hylozoïsme n'est pas un athéisme. Ceux qui, en soutenant qu'il y a de la vie dans la matiere, avouent en même tems qu'il y a une autre sorte de substance qui est immatérielle & immortelle, ne peuvent pas être accusés d'athéisme. On ne sauroit nier en effet qu'un homme qui croiroit qu'il y a une divinité, & que l'ame raisonnable est im<pb-> [p. 392] mortelle, pourroit être aussi persuadé que l'ame sensitive dans les hommes comme dans les bêtes, est purement corporelle, & qu'il y a une vie matérielle & plastique, c'est - à - dire, qui a la faculté de faire des organes dans les semences de toutes les plantes & de tous les animaux, par laquelle leurs corps sont formés. Il pourroit croire en conséquence de cela, que toute la matiere a une vie naturelle en elle - même, quoique ce ne soit pas une vie animale. Pendant qu'un tel homme retiendroit la créance d'une divinité & d'une ame raisonnable & immortelle, on ne pourroit l'accuser d'athéisme déguisé. Mais au lieu que l'ancien sentiment des atomes menoit droit à reconnoître qu'il y a des substances qui ne sont pas corps, quoique Démocrite ait fait violence à ces deux dogmes pour les séparer, il faut avouer que l'Hylozoïsme est naturellement uni avec la pensée de ceux qui n'admettent que des corps.

Ainsi l'Hylozoïsme ne sauroit être justifié d'athéisme, dès qu'il est joint au matérialisme. En voici deux raisons; la premiere, c'est qu'alors l'Hylozoïsme dérive l'origine de toutes choses d'une matiere qui a une espece de vie, & même une connoissance infaillible de tout ce qu'elle peut faire & souffrir. Quoique cela semble une espece de divinité, n'y ayant dans la matiere considérée en elle - même aucune connoissance réfléchie, ce n'est autre chose qu'une vie, comme celle des plantes & des animaux. La nature des Hylozoïstes est une mystérieuse absurdité, puisque l'on suppose que c'est une chose parfaitement sage, comme étant la cause de l'admirable disposition de l'univers, & néanmoins qu'elle n'a aucune conscience intérieure ni connoissance réfléchie; au lieu que la divinité, conformément à sa véritable notion, est une intelligence parfaite, qui sçait toutes les perfections qu'elle renferme, qui en jouit, & qui est par - là souverainement heureuse. 2°. Les Hylozoïstes matérialistes, en établissant que toute matiere comme telle a de la vie en elle - même, doivent reconnoître une infinité de vies, puisque chaque atome a la sienne; vies collatérales, pour ainsi dire, & indépendantes J'une de l'autre, & non une vie commune ou une intelligence générale qui préside sur tout l'univers; au lieu que dire qu'il y a un Dieu, c'est supposer un être vivant & intelligent, qui est l'origine & l'architecte de tout. On voit donc que les Hylozoïstes matérialistes sont de véritables athées, quoique d'un côté ils semblent approcher de plus près de ceux qui reconnoissent un Dieu. C'est une nécessité que tous les athées attribuent quelques - unes des propriétés incommunicables de la divinité à ce qui n'est point Dieu, & particulierement à la matiere; car il faut indispensablement qu'ils lui attribuent l'existance par elle - même, & la prééminence qui fait qu'elle est le premier principe de toutes choses. La divinité à qui les Hylozoïstes matérialistes rendent tout le culte dont ils sont capables, est une certaine déesse aveugle, qu'ils appellent nature, ou vie de la matiere, & qui est je ne sai quoi de parfaitement sage & d'infaillible dans ses lumieres, sans en avoir aucune connoissance. Telles sont les absurdités inévitables en tout genre d'athéisme. Si l'on ne savoit pas qu'il y a eu des athées, & qu'il y en a encore, on auroit peine à croire que des gens, qui n'étoient pas destitués d'esprit, n'ayent pû digérer l'éternité d'un être sage & intelligent, ni la formation de l'univers par cet être, & qu'ils ayent mieux aimé attribuer à la matiere cette même éternité, qui leur fait tant de peine quand on l'attribue à une nature immatérielle. Voyez Athéisme. Matiere. Lisez aussi le premier article du tome II de la biblioth. choisie de M. le Clerc.

HYMEN (Page 8:392)

HYMEN, s. m. (Anatom.) C'est sous ce nom que les anciens ont déïfié une membrane charnue, placée à l'origine du vagin, dont elle retrécit l'entrée.

Le mot grec UMHN, signifie proprement un pellicule, une membrane, & répond aux mots de la même langue X)ITWN & MH)NIC, desquels mots on fait usage suivant les parties du corps où ces membranes se trouvent placées.

Mundinus a le premier parlé de l'hymen comme d'un voile mis constamment par la nature au - devant du vagin; il l'appelle velamen subtile quod in violatis rumpitur, cum effusione sanguinis, le voile de la pudeur, qui se rompt dans la défloration avec effusion de sang. Picolhomini a pareillement nommé ce voile, le cloître de la virginité, claustrum virginitatis. Les Italiens l'appellent en conséquence dans leur langue, la telletta valvola, sede della virginita. Les Latins, flos virginitatis, zona virginea; & les matrones françoises, la dame du milieu. Tous ces noms indiquent assez le cas qu'on en a fait & l'idée qu'on s'en est formée.

Aussi est - il arrivé que cette membrane délicate, de figure indéterminée, qui se trouve ou ne se trouve pas dans le conduit de la pudeur, qui est visible ou invisible, a causé plus de maux dans le monde que la fatale pomme jettée par la Discorde sur la table des dieux aux nôces de Thétis & de Pelée.

Cependant on peut voir dans Riolan, Bartholin, de Graaf & autres, combien les anciens Anatomistes disputoient pour & contre l'existance de cette membrane, ainsi que sur sa situation & sa figure. Les modernes ont continué la même dispute, sans pouvoir mieux s'accorder que leurs prédécesseurs.

Falloppe, Vésale, Riolan, Carpi, Platerus, Techmeyer, Morgagni, Diemerbrock, Drake, Heister, Ruysch, Winslow & autres, regardent la membrane de l'hymen comme une partie non - seulement réelle, mais qu'on doit mettre constamment au nombre de celles de la génération des femmes. Ils assurent que cette membrane est charnue; qu'elle est fort mince dans les jeunes vierges, & plus épaisses dans les filles adultes; qu'elle est située au - dessous de l'orifice de l'uretre; qu'elle ferme en partie l'entrée du vagin; qu'elle est percée d'une ouverture ronde, oblongue, ovalaire, si petite néanmoins, qu'on pourroit à peine y faire passer un pois dans l'enfance, & une grosse feve dans l'âge de puberté.

M. Winslow entre dans les détails les plus propres à nous - persuader de l'existance de l'hymen, comme d'une chose constante. C'est, dit - il, un cercle membraneux qui borde l'extrémité antérieure du vagin dans les vierges, sur - tout dans la jeunesse & avant les regles. Ce repli membraneux, plus ou moins large, plus ou moins égal, quelquefois semi - lunaire, laisse une très - petite ouverture dans les unes, plus grande dans les autres, mais rendant pour l'ordinaire l'orifice externe du vagin généralement plus étroit que le diametre de sa cavité. Ce repli, continue - t - il, est formé par la rencontre de la membrane interne du vagin, avec la membrane ou la peau de la face interne des grandes aîles. Il peut s'effacer par des regles abondantes, par des accidens particuliers, par imprudence, par légereté, par tempérament & par d'autres causes. Il se rompt presque toûjours par la consommation du mariage, mais il se détruit inmanquablement par l'accouchement; & pour lors il n'en reste plus rien, ou seulement des lambeaux irréguliers, qu'on nomme caroncules myrtiformes, à cause de quelque ressemblance avec des feuilles de myrthe. On ne trouve point, ajoûte - t - il, ces caroncules dans les jeunes filles véritablement pucelles; on ne les trouve que dans les adultes, parce qu'elles

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