ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"385"> Ceux qui se disent de nos jours les petits - fils d'Esculape, n'ont pas hérité de ce beau secret; la déesse Hygée l'a gardé pour elle, car elle avoit dans un temple de son pere à Sycione, une belle statue couverte d'un voile; Hippocrate leva le coin de ce voile, & le laissa retomber.

On voit sur les anciens monumens cette déesse en sa qualité de reine de la Medecine, portant la couronne de laurier, & tenant le sceptre de la main droite; sur son sein est un serpent à plusieurs contours, qui avance sa tête pour aller boire dans une patere qu'elle tient de la main gauche; quelquefois elle est assise, mais d'ordinaire elle est debout.

On la trouve souvent figurée sur le revers des médailles & dans les gravures antiques; le roi de France possede dans son cabinet une pierre gravée qui représente cette déesse, & les connoisseurs prisent extrément les beautés simples & naïves de sa figure.

Pline nous dit, liv. XXVII. chap. xxxvij. qu'on lui offroit un simple gâteau de fine farine, qu'on appella de son nom hygeia; étoit - ce pour indiquer que la santé est la fille de la sobriété, comme elle est la mere des plaisirs du sage? Quoi qu'il en soit, on voit sur une médaille que Tristan a fait graver, tom. I. pag. 628, une femme qui présente respectueusement un gâteau de cette espece à la déesse.

Remarquons ici que les Grecs donnerent aussi quelquefois le nom d'Hygiée à la fille de Jupiter, je veux dire à Minerve, & l'honorerent sous ce titre; la déesse de la sagesse étoit très - digne de ce surnom.

Les Romains qui adopterent sagement toutes les divinités des nations étrangeres, ne manquerent pas de recevoir dans leur ville la déesse de la Santé, & de lui bâtir un temple sur le mont Quirinal, comme à celle de qui dépendoit le salut de l'empire. Voyez l'article de la déesse Salus.

Elle écarte les maux, la langueur, les foiblesses, Sans elle la beauté n'est plus. Les amours, Minerve, & Morphée, La soutiennent sur un trophée De myrthe & de roses paré, Tandis qu'à ses piés abattue Rampe l'inutile statue Du dieu d'Epidaure enchaîné. (D. J.)

HYGIENE (Page 8:385)

HYGIENE, subst. fem. U\GIEINH\, (Medecine.) c'est un terme qui vient du grec U)GIEINOS2, sanus, & qui sert à désigner la premiere des deux parties de la méthode medicinale concernant la conduite qu'il faut tenir pour la conservation de la santé actuellement existente; comme la seconde partie de cette méthode est la Thérapeutique qui traite de la maniere de rétablir la santé lorsque l'on l'a perdue: ainsi ces deux parties renferment le double objet que l'on a pû se proposer pour le bien de l'humanité, par l'institution de la Medecine; sa partie pratique ne peut pas tendre à autre chose.

Mais de ces deux objets, le plus utile sans doute, est celui qui consiste à rendre l'état de santé aussi durable, que la vie humaine le comporte de sa nature, & à préserver cet état de tout ce qui peut lui causer quelque altération considérable de tout ce qui peut réduire à la triste nécessité de faire usage des secours de l'art, pour le rétablissement de la santé: car, comme dit Seneque, c'est un plus grand service de soûtenir quelqu'un qui est dans le cas de faire une chûte, que de relever celui qui est tombé: pluris est labantem sustinere, quàm lapsum erigere. Ainsi le medecin auquel on peut devoir la conservation de sa santé, n'est pas moins à rechercher que celui auquel on peut devoir la guérison de quelque maladie.

Cependant comme il est très - rare que lorsqu'on se porte bien, ou que l'on croit se bien porter, l'on demande conseil sur la conduite que l'on doit tenir pour continuer à jouir de cet avantage, attendu que l'on est assez généralement dans l'idée, on peut même dire dans l'erreur de croire que la Medecine n'a pour objet que de guérir les maladies; c'est ce qui a fait que la partie de cette science, qui prescrit des regles à l'égard de la santé, paroît avoir été fort négligée, soit par les maîtres qui ont enseigné la Medecine, soit par ceux qui l'ont enrichie de leurs ouvrages. Ensorte que la plûpart des auteurs d'institutions médicales des derniers siecles, se sont presque bornés à donner la définition de l'Hygiene, sans exposition des préceptes salutaires en quoi elle consiste, préceptes qui avoient fixé l'attention des anciens medecins, parce qu'il leur suffisoit d'en sentir l'importance, pour être déterminés à s'en occuper fortement, parce qu'ils avoient sincérement à coeur de se rendre utiles à l'humanité; au lieu que la plûpart de ceux de ces tems - ci semblent ne se vouer à son service que pour la faire servir à leur propre utilité, puisqu'ils s'appliquent très - peu à étudier & à prescrire les regles qu'il faut observer pour la conservation de la santé, que l'on peut cependant entretenir bien plus aisément, que l'on ne peut contribuer à la rétablir.

En effet, l'art n'a pas autant de part qu'on le croit communément, à la guérison des maladies. Voyez la dissertation de Sthaal, de curatione oequivocâ. Elle est le plus souvent l'ouvrage de la nature dans les maladies aiguës. Voyez Nature. Et les maladies chroniques, sur - tout lorsqu'elles sont invétérées, sont presque toujours supérieures à tous les secours de l'art.

Ainsi la partie de la science medicinale qui peut être la plus avantageuse au genre humain, est donc sans contredit l'Hygiene, en tant qu'elle a pour objet la durée de la vie saine, le bien de ce monde, qu'il importe le plus de conserver, qui est le plus facile à perdre, & le plus difficile à recouvrer, & sans lequel, comme dit le docteur Burnet, reliqua plus aloës, quàm mellis habent.

Mais pour conserver ce bien si précieux, autant qu'il en est susceptible dans un sujet bien constitué, & qui n'a actuellement en lui aucune autre cause que la vie même qui le dispose à la mort, il est nécessaire de connoître avant toutes choses en quoi consistent la vie & la santé, comme il faut connoître la nature de la maladie avant que d'employer les moyens qui peuvent en détruire la cause. Voyez Vie, Santé, Constitution, Maladie, Medecine .

Pour satisfaire à ce qu'exige la conservation de la santé, on doit se proposer trois objets à remplir, savoir 1°. de maintenir l'état de l'individu qui en jouit actuellement, & d'y employer les moyens qui sont conformes à la complexion, au tempérament, qui lui sont propres, qui conviennent à son âge, à son sexe, au climat qu'il habite, à la profession, à l'état dans lequel il vit. Voyez Complexion, Tempérament, Age, Sexe, Climat, Profession 2°. D'éloigner toutes les causes de maladie, de corriger l'influence de celles dont on ne peut se garantir, de changer la disposition qu'elles donnent à en être affecté. Voyez Prophylactique. 3°. De rendre sa vie durable autant qu'elle en est susceptible, en établissant, en préparant, ou en faisant subsister sans interruption, toutes les conditions nécessaires pour le maintien de la santé. Voyez Régime.

Ces conditions sont essentiellement renfermées dans le bon usage des six choses, que l'on appelle d'après les anciens, non - naturelles, qui deviennent naturelles, lorsque l'usage qu'on en fait tourne au profit de la santé; & contre nature, lorsque l'on en use d'une maniere qui est nuisible à l'économie animale, c'est - à - dire que ces choses qui existent indépendamment de la nature considérée comme puissance, qui [p. 386] regle l'exercice de toutes les fonctions du corps humain, doivent cependant être regardées comme lui étant absolument nécessaires, & comme susceptibles de l'affecter avantageusement ou desavantageusement, selon qu'elles ont avec elles un rapport conforme ou contraire à ses besoins & à l'ordre qui doit y subsister.

Ces six choses sont donc 1°. l'air, & tout ce qui se trouve dans l'atmosphere, comme le feu, les météores, les exhalaisons de la terre, &c. Voyez Air. 2°. La matiere des alimens & de la boisson. Voyez Aliment, Pain, Viande , &c. Eau, Vin, &c. Diete. 3°. Le mouvement & le repos. Voyez Exercice, Mouvement, Repos . 4°. Le sommeil & la veille. Voyez Sommeil, Veille. 5°. La matiere des excrétions, celle des suppressions. Voyez Sécrétion, Excrétion, Flux . 6°. Enfin les passions de l'ame. Voyez Passion.

Ces différentes choses sont par conséquent de nature à influer indispensablement sur la conservation de la santé; par conséquent les regles qui doivent être prescrites sur leurs bons & leurs mauvais effets, constituent la partie de la Medecine pratique, qui est l'Hygiene: ainsi on trouvera une exposition sommaire de ces regles par rapport à chacune des choses non - naturelles, sous le mot non - naturel, ou sous le nom de chacune des dénominations particulieres qui viennent d'être mentionnées.

On se bornera ici à rapporter les sept lois ou préceptes proposés par le célebre Hoffman (dissert. sept. leg. sanit. exhib. tom. V. opusc. dioetetic.) pour servir à diriger sur tout ce qui a rapport à la conservation de la santé.

1°. Il faut éviter tout excès en quelque heure que ce soit, parce qu'il est extrèmement nuisible à l'économie animale; la sobriété & la modération en tout, par conséquent même en fait de vertu, ne sauroit trop être recommandée; c'est un conseil du sage Hippocrate, le meilleur connoisseur des vrais besoins du corps & de l'esprit (aphor. 51. sect. 2.); cette maxime est applicable à toutes les choses de la vie qui sont susceptibles d'influer sur la santé, & de porter quelque altération dans l'équilibre des solides & des fluides, c'est - à - dire dans la juste proportion du mouvement qui se fait entre eux, d'où dérive la disposition à l'exercice libre de toutes les fonctions du corps humain. Moderata durant, atque vitam & sanitatem durabilem proestant.

2°. On doit prendre garde à ne pas faire des changemens précipités dans les choses qu'on a accoutumées, parce que l'habitude est une seconde nature: cette regle est aussi importante à suivre dans le physique que dans le moral & dans le politique; parce que les choses que l'on éprouve ordinairement, lors même qu'elles ne sont pas bien conformes aux intérêts de la santé, peuvent moins causer de desordre dans l'économie animale, que ce qui étant essentiellement salutaire ne seroit pas accoutumé. C'est ce qui est confirmé par l'expérience journaliere, depuis Hippocrate, qui dit d'après le même témoignage (aphor 49. sect. 11.) que les personnes foibles ne sont pas incommodées par certaines choses auxquelles elles sont habituées, tandis que des personnes robustes ne peuvent pas les éprouver impunément, parce qu'elles leur sont extraordinaires, quoiqu'elles ne soient pas essentiellement nuisibles, ainsi lorsqu'on juge qu'il y a quelque changement à faire dans la maniere de vivre, dans la conduite, en quelque genre que ce soit, il faut se faire peu - à - peu une habitude contraire à celle que l'on avoit, & ne rien précipiter dans l'innovation. Omnis mutatio subita mala; quod paulatim & successivè fit, id tutum est.

3°. Il faut se conserver ou se procurer la tranquillité de l'esprit, & se porter à la gaieté autant qu'il est possible, parce que c'est un des moyens des plus sûrs pour se maintenir en santé, & pour contribuer à la durée de la vie. En effet, les passions de l'ame, dont elle est satisfaite, favorisent la distribution du fluide nerveux dans toutes les parties du corps; par conséquent l'exercice de toutes les fonctions se fait avec facilité & d'une maniere soutenue; au lieu que la trop grande contention, les peines d'esprit, les chagrins, la tristesse habituelle retiennent ce même fluide dans le cerveau, pour le seul exercice de la faculté pensante, & tous les autres organes en sont privés à proportion; d'où s'ensuit un ralentissement général dans le cours des humeurs, & tous les mauvais effets qui peuvent s'ensuivre: ainsi la plûpart des hommes abregent leur vie plus par l'effet des maladies de l'esprit, que par celles du corps; c'est pour quoi l'on peut dire avec Juvenal, que rien n'est plus à desirer pour la santé du corps, que la conservation de celle de l'ame. Optandum ut sit mens sana in corpore sano.

4°. Il faut tâcher, autant qu'il est possible, de vivre dans un air pur & tempéré, parce que rien ne contribue davantage à entretenir la vigueur du corps & de l'esprit. Rien n'affecte plus nos corps que l'air, & ne nuit davantage que ses impuretés & ses autres mauvaises qualités, comme l'excès, les variations subites de pesanteur, de légéreté, de chaleur, de froid & d'humidité qui operent à l'égard de nos solides, de nos fluides, & du cours de nos humeurs en général, des altérations, des changemens de la plus grande conséquence, qui peuvent avoir les suites les plus funestes. Voyez Air, Chaleur, Froid, Humidité, Température, Intempérie . Certe sanitas ad extremam senectutem duraret, dit Hoffman, si ceteris paribus, aëre, per quatuor anni tempora, puro, moderato & temperato semper frui liceret.

5°. On doit dans le choix des alimens & de la boisson, préférer toujours ce qui est le plus conforme au tempérament & à l'usage ordinaire, qui n'a pas été essentiellement nuisible, parce que la digestion, l'élaboration des humeurs qui en résultent, & leur distribution dans toutes les parties se font avec plus de facilité & d'égalité. Voyez Régime. Ainsi la matiere des alimens & de la boisson devant pénétrer dans les vaisseaux de notre corps, pour être changée en notre propre substance, ou pour servir aux autres différentes destinations; ensorte que le superflu, ou ce qui est inutile, ou ce qui pourroit devenir nuisible, étant retenu, doit être porté hors du corps par les différens émunctoires destinés à cet usage; il est nécessaire que cette matiere, dont doivent être formées nos différentes humeurs, soit de nature à favoriser la dissolution, la séparation des parties nourricieres, des recrémens & des excrémens, d'une maniere proportionnée aux besoins de l'économie animale, dans chaque individu: c'est ce qu'on apprend par l'expérience, qui n'a eu pour guide que le sentiment & l'habitude, & par la réflexion que l'on fait en conséquence sur les suites. C'est cette expérience raisonnée qui doit fournir les regles d'après lesquelles chaque homme sensé doit être le medecin de soi - même, pour se diriger non pas dans le traitement des maladies, mais dans l'usage des choses qui servent à la conservation de la santé. Tout ce qu'on peut dire à ce sujet se trouve renfermé dans les paroles suivantes de l'Hippocrate allemand. Ingesta salubriora languidis, infirmis, oegrotantibus, maxime commendanda sunt; cùm aliàs non negandum sit robustiora & exercitata corpora, etiam duriora, insalubritatis titulo notata, proecipuè usitata, soepè sine loesione ferre posse.

6°. Rien n'est plus important que d'établir une proportion raisonnable entre la quantité des alimens que l'on prend & celle du mouvement, de l'exer<pb->

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