ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"324"> sérentes especes de terres sur lesquelles on les emploie: l'expérience seule instruira bientôt les cultivateurs. Et nous ne pouvons mieux actuellement les exciter à éprouver cette nouvelle espece d'engrais, que par l'exposé du résultat des expériences faites, tant en grand qu'en petit, par un très - grand nombre de cultivateurs & de laboureurs de la Province sur les différentes productions de la terre.

Pour les blés. Différentes personnes ont éprouvé plusieurs procédés.

1°. On met la semence & les cendres, par égale mesure, dans un cuvier avec de l'eau, un jour ou deux avant d'ensemencer la terre; par cette méthode tous les grains germent, les épis se trouvent plus longs qu'à l'ordinaire, exempts de brousure, le grain plus pesant, la terre purgée de mauvaises herbes, la récolte plus abondante, & il faut en ce cas un cinquieme moins de semence.

2°. On jette la semence & les cendres ensemble sans les mouiller.

3°. On jette les cendres après que les terres sont préparées, & on seme ensuite. Ces deux façons s'appellent enfouir les cendres avec la semence; elles produisent les mêmes effets que la premiere: cependant ces deux dernieres méthodes ne sont pas aussi généralement usitées que la premiere.

4°. Des cultivateurs de Trucy ont semé au mois d'Avril des cendres de houille sur des blés où l'eau avoit séjourné pendant l'hiver, & où il ne paroissoit point, pour ainsi dire, de plants; ce blé est devenu parfaitement beau.

Dravieres. On avoit semé dans un verger au mois d'Octobre 1756, trente verges de dravieres; le 10 Avril suivant on fit venir des cendres de houille de Suzy; on en fit saupoudrer la moitié des dravieres, & on y employa à peu près la même quantité dont on use de cendres de mer. Vers les premiers jours de Juin, on apperçut les progrès qu'avoit fait la partie saupoudrée, qui dès - lors se trouva plus verte & plus élevée que celle qui ne l'avoit pas été: à la récolte, la même partie saupoudrée de houille se trouva porter entre 14 & 15 pouces plus haut que l'autre.

Plusieurs laboureurs, à qui on fit voir le succès de son épreuve, en userent de même sur les lentilles, dravieres & bisailles qu'ils avoient semées en Mars; ils s'en trouverent très - bien la même année, tant pour ces bisailles, que pour les dravieres d'hiver & de Mars.

Prairies. Le 15 Février de la même année on fit jetter de la houille, nouvellement tirée de la mine de Suzy, sur une portion de pré où la mazée avoit séjourné, & où le jonc dominoit; la bonne herbe prit si fort le dessus sur les joncs, & devint si épaisse, qu'ils furent presque tous étouffés; il n'en reparoissoit pas même la sixieme partie en 1759, qu'on fit faire la même chose sur tout le pré, dont on tira le double d'herbe de ce qu'on en récoltoit ordinairement.

Trefles, luzernes & sainfoins. L'usage des cendres de houille est d'un effet surprenant pour toutes ces productions, si nécessaires sur - tout dans les pays qui manquent de prairies: ce sont ces fourrages qui forment si facilement ces prairies artificielles, aussi propres que les naturelles pour l'engrais des bestiaux. Le trefle a même cet avantage de pouvoir être semé lors des pluies du mois d'Avril dans les champs déja ensemencés en blé, & sur ceux semés en avoine & en orge, lorsque les grains sont assez levés pour que toute la terre paroisse verte. La production du trefle ne nuit point à celle des autres grains, & couvre, après la récolte faite, les champs qui resteroient en jachere, d'une prairie abondante, dont on fait plusieurs coupes pendant deux ans, en y répandant chaque année des cendres de houille lors des premieres pluies du printems. Ces cendres, & les racines encore tendres de ces trefles, procurent aux terres, lorsqu'on les remet en blé, des sels qui leur tiennent lieu de tout engrais, même de fumier, dont on a par conséquent une plus grande abondance pour les terres à blé qui n'ont point été mises en prairies. La qualité des terres doit régler les connoisseurs sur la quantité de cendres qu'on doit y jetter; on observe seulement qu'on doit les jetter au commencement de Février ou de Mars, selon que les saisons sont plus ou moins avancées, en saisissant, s'il est possible, un moment de pluie.

Avoines. Des laboureurs des environs de Noyon, enfouissent les avoines & les cendres avec beaucoup de succès.

Pois gris, lentillon, vesce & bisailles. On met les semences & les cendres, par égale mesure, dans un cuvier avec de l'eau, où on enfouit les semences & les cendres comme on le pratique pour les blés.

On peut aussi semer les cendres sur ces productions lorsqu'elles ont germé & poussé leur verd. Dans ce cas, la quantité des cendres qu'on emploie dépend de la nature des terres; mais on ne doit en mettre que la moitié de ce que l'on mettroit si les mêmes terres étoient empouillées en trefles, luzernes ou sainfoins.

Vignes. Un particulier avoit à Cessieres une portion de vignes, qui, plantées sur un terrein refroidi par les mazées, ne rendoient pas les frais de culture. Au commencement de Février 1758, il fit mettre sur toute l'étendue de ce terrein un pouce d'épaisseur de terre houille, telle qu'elle sortoit de la mine, c'est - à - dire, qui n'avoit pas encore été enflammée & réduite en cendres. Cette portion de vignes, qui étoit absolument mauvaise avant son épreuve, se trouva à la récolte avoir de très - beau bois, & les raisins en étoient aussi gros que dans les meilleures vignes du terroir; le vin en fut fait séparément; il fut beaucoup plus rouge & plus ferme que les autres vins, quoiqu'on ne lui eût pas donné plus de cuve; on l'a conservé jusqu'au mois d'Octobre 1760: ce vin s'est trouvé très - bon. On a encore observé que dans cette année d'épreuve, il n'a point poussé d'herbes dans cette vigne.

Les cendres de houille sont également bonnes pour les basses vignes; on y en répand 300 livres sur 80 verges de terrein.

Légumes. On a éprouvé que lorsque les légumes sont mangés de chenilles, si on les poudre de houille dès le grand matin à la rosée, & qu'on répete la même chose le lendemain, on trouve toutes les chenilles mortes le troisieme jour.

Plusieurs autres personnes sement des terres & cendres de houille sur toutes especes de légumes pour en avancer & en augmenter la production.

Couches. L'utilité dont il seroit que la qualité des terres & cendres de houille écartât ou fît périr les gros vers blancs nommés mulots, qui font mourir les arbres de tout âge, nous porte à donner encore ici une expérience faite des terres de houille dans une couche, dont on ne cherchoit qu'à rendre les productions plus hâtives.

Procédé de l'expérience. L'auteur de l'expérience fit faire dans son jardin deux couches différentes à la même exposition.

Il en fit d'abord former l'enceinte à un pié & quelques pouces de profondeur dans la terre.

La premiere couche fut ainsi composée. On mit dans le fond de la couche, cinq pouces de long fumier de cheval; on répandit sur toute son étendue la quantité d'une piece d'eau; on entassa ce premier lit le mieux qu'il fut possible; l'on mit ensuite sur ce premier lit trois pouces de terre de houille de Cessieres telle qu'elle sort de la mine; on mit dessus [p. 325] pour troisieme lit quatre pouces de fumier un peu plus consommé que le premier; on y jetta moitié d'eau de ce que l'on avoit mis sur le premier lit, après l'avoir bien foulé; on mit ensuite pour quatrieme lit, la même quantité de trois pouces de terre de houille, & pour cinquieme lit trois pouces de fumier bien consommé; enfin, par - dessus, quatre pouces de terreau de vieille couche.

La seconde couche fut formée de même, avec les mêmes précautions, à l'exception de la terre de houille.

On sema en même tems sur les deux couches les mêmes graines potageres.

Dans la couche de houille une partie des graines étoit levée le neuvieme jour; le douzieme tout l'étoit & également verd: dans l'autre couche les graines ne commencerent à lever que le quinzieme jour.

Toute la suite de la production de la couche de houille a toûjours eu trois semaines d'avance sur celle où il n'y en avoit point; mais on a remarqué qu'il y falloit des arrosemens plus fréquens.

Quand toutes les productions furent finies, on défit les deux couches; celle où il n'y avoit point de houille, fut trouvée remplie de gros vers nommés mulots; il ne se trouva au contraire aucun mulot ni autre ver dans la couche où il y avoit de la houille.

Ce fait de la propriété de la terre de houille pour faire périr les gros vers, est si nécessaire à constater, que nous croyons devoir inviter tous ceux qui employeront de ces terres & cendres de houille, de quelque façon que ce soit, à vérifier avec l'attention la plus sûre, s'il se trouvera, ou non, après la récolte des différentes productions, de ces gros vers, ou même d'autres insectes, dans les terres où il s'en trouve ordinairement, & de nous en informer.

Les habitans de la Thiérache qui se servent de ces cendres depuis quelques années, pourroient se ressouvenir si les souris qui ont desolé une partie des terres de ce pays en automne 1759, étoient également dans celles où on avoit employé des cendres cette année ou les précédentes.

Ceux qui feront de pareilles couches avec de la houille, lorsqu'après les productions ils éfondreront leurs couches pour en faire de nouvelles, doivent avoir grande attention de séparer les lits de houille d'avec ceux de fumier, ce fumier de la vieille couche devant servir de terreau pour une nouvelle couche, & le terreau sur lequel on seme ne devant jamais être mêlé de houille: ces lits de houille ainsi séparés des lits de sumier peuvent être répandus dans d'autres endroits pour les fertiliser.

Arbres fruitiers & arbustes. M. Gouges, procureur du Roi en l'élection de Laon, avoit au commencement de Juin 1758, des pêchers dont les feuilles étoient gâtées par les moucherons & les fourmis; ensorte qu'il avoit lieu de craindre que les fruits dont ces arbres étoient chargés ne fussent attaqués par les mêmes insectes. Il fit arroser ces arbres sur toutes les feuilles dès le grand matin, & les fit saupoudrer de houille calcinée & pulvérisée; il fit bécher ces arbres au pié, & y mêla avec la terre remuée de la houille calcinée sans être pulvérisée.

Il avoit encore des poiriers dont les feuilles jaunes annonçoient qu'ils étoient malades; il les fit aussi bécher au pié, & y mêla pareillement avec la terre remuée de la houille calcinée sans être pulvérisée.

Ces différens arbres furent suffisamment arrosés; ils donnerent de très - beau fruit, & eurent une seve si abondante, qu'à la fin de Juillet on fut obligé d'en retrancher beaucoup de bois qui avoit trop poussé. Depuis, les mêmes arbres ont toûjours été très beaux.

Le même M. Gouges a pareillement mis de la houille calcinée au pié de ses lauriers, grenadiers & autres arbustes, qui ont donné des fleurs en abondance.

Nous avons rapporté ci - dessus l'expérience faite par M. Hellot sur ses orangers.

Dans le grand nombre d'expériences dont on a connoissance, on a crû devoir citer plus particulierement celles de M. Gouges, non - seulement parce que c'est lui qui a fourni les mémoires les plus détaillés de ses expériences, mais parce qu'on lui a l'obligation des premieres qui ont été faites des terres houille de Suzy, Faucoucourt & Cessieres La maison de campagne qu'il a à Cessieres lui ayant donné occasion d'examiner les travaux qui se faisoient pour extraire des terres propres à la verrerie de Folembray & à la manufacture des glaces de Saint - Gobin, il apperçut que les terres qui étoient sorties de ces excavations & restées sur le champ comme inutiles à ces manufactures, étoient chaudes; il sentit une chaleur qui augmentoit insensiblement; il reconnut la fermentation qui se faisoit dans ces masses de terre; il apperçut dans différens endroits plusieurs petits soupiraux, d'où il vit sortir une fumée presque imperceptible; il les élargit avec un bâton, & découvrit un feu semblable à celui de la forge d'un maréchal; il trouva toutes les parties de cet intérieur de différentes couleurs, & plusieurs lui parurent couverts de soufre; l'odeur en étoit très forte; il l'avoit déja sentie aux approches de cet endroit: il y retourna six semaines après, le dix de Novembre, avec plusieurs personnes; il fut fort surpris de trouver à douze ou quinze piés d'un de ces petits soupiraux, un pommier couvert de feuilles & de fleurs aussi vives qu'au printems; il reconnut les bancs de terre houille: & comme il avoit entendu dire que ceux de Beaurains avoient au - moins les mêmes qualités que les cendres de mer, il se détermina à faire les expériences que nous venons de rapporter: ce qui a été tellement connu, que l'on est venu avec empressement chercher de ces terres. Il paroît que depuis le mois d'Octobre dernier, on en a enlevé mille à douze cens voitures à quatre & à six chevaux. Le prix n'en est pas encore réglé.

A Beaurains, où ces mines s'exploitent en regle & avec art, c'est - à - dire, par des puits & des galeries souterraines, d'où après que les terres ont été tirées, on les transporte dans des brûleries, qui sont de simples fossés, où elles se consument d'elles - mêmes & se réduisent en cendres, on vend trois livres le sac de trois cens vingt livres pesant. A Ham où on en a fait un magasin, il se vend trois livres douze sols; à Rocourt, près de Saint Quentin, il se débite à quatre livres. On vient d'en établir deux autres magasins à Pont - Sainte - Maxence, sur le pié de trois livres neuf sols le sac, & à Beaumont - sur - Oise, trois livres douze sols.

Au détroit d'Anois, on vend les cendres quinze sols le septier, ce qui revient à - peu - près à trois livres le sac de trois cens vingt livres. On en forme un magasin à Rocourt, près de Saint - Quentin; & l'on compte en faire établir de ces trois différentes especes à Soissons & dans plusieurs autres villes de la province.

Voici ce que reprochent aux terres & cendres de houille, ceux qui craignent d'en faire usage par l'esprit de routine si contraire à toute perfection.

1°. Que ces houilles tiennent les fourrages trop longtems en verd. Ce reproche prouve que les houilles fournissent beaucoup de seve; ceux qui veulent retirer des fourrages secs n'ont qu'à semer les houilles un peu plutôt, c'est - à - dire, au plus tard en Février: ceux qui veulent nourrir les chevaux en verd une partie de l'été, peuvent semer plus tard: rien de

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