ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"308">

4°. Le finisseur est l'ouvrier qui termine l'ouvrage du faiseur de mouvemens. Il y a deux sortes de finisseurs; celui qui finit le mouvement des montres simples, & celui qui tetmine le rouage d'une montre à répétition. L'un & l'autre finissent les pivots des roues, les engrénages. Quand les montres sont à roues de rencontre, les fiuisseurs font aussi l'échappement. Le finisseur égalise la fusée avec son ressort; il ajuste le mouvement dans la boîte, remonte la montre dorée, & la fait marcher. Reste à l'horloger à la revoir, à examiner les engrénages, les grosseurs des pivots, leur liberté dans leur trou, les ajustemens du spiral, l'échappement, le poids du balancier, l'égalité de la fusée, &c. Il retouchera lui - même les parties qui ne sont pas selon les regles, & donnera ainsi l'ame à la machine; mais il faut premierement qu'elle ait été construite sur des bons principes.

5°. Les faiseurs d'échappemens des montres à cylindre; ceux - ci ne font que les échappemens, c'est - à - dire, la roue de cylindre, le cylindre même sur lequel ils fixent le balancier, ils ajustent la coulisse & le spiral. Comme aucun des échappemens connu ne corrige ni ne doit corriger les inégalités de la force motrice, c'est à ces méchanistes, qui font faire des échappemens, à prescrire la disposition & les dimensions de l'échappement, c'est - à - dire, à fixer le nombre des vibrations, la grandeur des arcs qu'il doit faire parcourir, le poids du balancier relatif à la disposition de la machine & à la force du ressort, puisque, comme nous le verrons, c'est sur ce rapport que roule toute la justesse des montres.

6°. Le faiseur des ressorts des montres, il ne fait que les petits ressorts.

7°. La faiseuse de chaînes de montres; on tire cet ingénieux assemblage de Genève ou de Londres.

8°. Les faiseuses de spiraux; on tire aussi les spiraux de Genève.

Un spiral exige beaucoup de soin pour être bon, & sa bonté est essentielle dans une montre. Il faut qu'il soit du meilleur acier possible; qu'il soit bien trempé, afin qu'il restitue toute la quantité de mouvement qu'il reçoit, ou la plus approchante.

9°. L'émailleur, ou le faiseur de cadrans.

10°. Les faiseurs d'aiguilles.

11°. Les graveurs, qui font les ornemens des coqs, rosettes, &c.

12°. Les doreuses, sont des femmes qui ne font que dorer les platines, les coqs & les autres parties de montres. Il faut qu'elles usent de beaucoup de précautions pour que le degré de chaleur qu'elles donnent à ces pieces ne les amolissent pas.

13°. Les polisseuses sont occupées à polir les pieces de cuivre d'une montre, comme les roues, &c. qui ne se dorent pas.

14°. Les ouvriers qui polissent les pieces d'acier, comme les marteaux, &c.

15°. Les fendeuses de roues.

16°. Ceux qui taillent les fusées & les roues d'échappement; la justesse d'une roue d'échappement dépend sur - tout de la justesse de la machine qui sert à la tailler, elle dépend aussi des soins de celui qui la fend. Il est donc essentiel d'y apporter des attentions, puisque cela contribue aussi à la justesse de la marche de la montre.

17°. Les monteurs de boîtes font les boîtes d'or & d'argent des montres.

18°. Les faiseurs d'étuis.

19°. Les graveurs & ciseleurs que l'on emploie pour orner les boîtes de montres.

20°. Les émailleurs qui peignent les figures & les fleurs dont on décore les boîtes: les horlogers peuvent très - bien, sans préjudicier à la bonté de l'ouvrage intérieur, orner les boîtes de leurs montres; il faut pour cela qu'ils fassent choix d'habiles artistes, graveurs & émailleurs.

21°. Les ouvriers qui font les chaînes d'or pour les montres, soit pour homme, ou pour femme; les bijoutiers & les horlogers en font.

Je ne parle pas ici d'un très - grand nombre d'ouvriers qui ne font uniquement que les outils & instrumens dont se servent les horlogers; cela seroit long à décrire, & n'est d'ailleurs qu'accessoire à la main - d'oeuvre.

On voit par cette division de l'exécution des pieces d'Horlogerie, qu'un habile artiste horloger ne doit être uniquement occupé,

1°. Qu'à étudier les principes de son art, à faire des expériences, à conduire les ouvriers qu'il emploie, & à revoir leurs ouvrages à mesure qu'ils se font.

2°. On voit que chaque partie d'une pendule ou d'une montre doit être parfaite, puisqu'elle est exécutée par des ouvriers qui ne font toute leur vie que la même chose; ainsi ce qu'on doit exiger d'un habile homme, c'est de construire ses montres & pendules sur de bons principes, de les appuyer de l'expérience, d'employer de bons ouvriers, & de revoir chaque partie à mesure qu'on l'exécute; de corriger les défauts, lorsque cela l'exige: enfin, lorsque le tout est exécuté, il doit rassembler les parties, & établir entre elles l'harmonie, qui fera l'ame de la machine. Il faut donc qu'un tel artiste soit en état d'exécuter lui - même au besoin toutes les parties qui concernent les montres & les pendules; car il n'en peut diriger & conduire les ouvriers que dans ce cas, & encore moins peut - il corriger leurs ouvrages s'il ne sait pas exécuter. Il est aisé de voir qu'une machine d'abord bien construite par l'artiste, & ensuite exécutée par différens ouvriers, est préferable à celle qui ne seroit faite que par un seul, puisqu'il n'est pas possible de s'instruire des principes, de faire des expériences, & d'exécuter en même tems avec la perfection dont est capable l'ouvrier qui borne toutes ses facultés à exécuter.

A juger du point de perfection de l'Horlogerie par celui de la main - d'oeuvre, on imagineroit que cet art est parvenu à son plus grand degré de perfection, car on exécute aujourd'hui les pieces d'Horlogerie avec des soins & une délicatesse surprenante; ce qui prouve sans doute l'adresse de nos ouvriers & la beauté de la main - d'oeuvre, mais nullement la perfection de la science, puisque les principes n'en sont pas encore déterminés, & que la main - d'oeuvre ne donne pas la justesse de la marche des montres & pendules, qui est le propre de l'Horlogerie. Il seroit donc à souhaiter que l'on s'attachât davantage aux principes, & qu'on ne fit pas consister le mérite d'une montre dans l'exécution, qui n'est que l'effet de la main, mais bien dans l'intelligence de la composition, ce qui est le fruit du génie.

L'Horlogerie ne se borne pas uniquement aux machines qui mesurent le tems; cet art étant la science du mouvement, on voit que tout ce qui concerne une machine quelconque peut être de son ressort. Ainsi de la perfection de cet art dépend celle des différentes machines & instrumens, comme, par exemple, les instrumens propres à l'Astronomie & à la Navigation, les instrumens des Mathématiques, les machines propres à faire des expériences de Physique, &c.

Le célebre Graham, horloger de Londres, membre de la société royale de cette ville, n'a pas peu contribué à la perfection des instrumens d'Astronomie, & les connoissances qu'il possedoit dans les différens genres dont nous avons parlé, prouvent bien que la science de l'Horlogerie les érige toutes. [p. 309] Il est vrai qu'il faut pour cela des génies supérieurs; mais pour les faire naître, il ne faut qu'exciter l'émulation & mettre en honneur les artistes.

Nous distinguerons trois sortes de personnes, qui travaillent ou se mêlent de travailler à l'Horlogerie: les premiers, dont le nombre est le plus considérable, sont ceux qui ont pris cet état sans goût, sans disposition ni talent, & qui le professent sans application & sans chercher à sortir de leur ignorance; ils travaillent simplement pour gagner de l'argent, le hazard ayant décidé du choix de leur état.

Les seconds sont ceux qui par une envie de s'élever, fort louable, cherchent à acquérir quelques connoissances & principes de l'art, mais aux efforts desquels la nature ingrate se refuse. Enfin le petit nombre renferme ces artistes intelligens qui, nés avec des dispositions particulieres, ont l'amour du travail & de l'art, s'appliquent à découvrir de nouveaux principes, & à approfondir ceux qui ont déja été trouvés.

Pour être un artiste de ce genre, il ne suffit pas d'avoir un peu de théorie & quelques principes généraux des méchaniques, & d'y joindre l'habitude de travailler, il faut de plus une disposition particuliere donnée par la nature; cette disposition seule tient lieu de tout: lorsqu'on est né avec elle, on ne tarde pas à acquérir les autres parties: si on veut faire usage de ce don précieux, on acquiert bientôt la pratique; & un tel artiste n'exécute rien dont il ne sente les effets, ou qu'il ne cherche à les analyser: enfin rien n'échappe à ses observations, & quel chemin ne fera - t - il pas dans son art, s'il joint aux dispositions l'étude de ce que l'on a découvert jusqu'ici à lui?

Il est sans doute rare de trouver des génies heureux, qui réunissent toutes ces parties nécessaires; mais on en trouve qui ont toutes les dispositions naturelles, il ne leur manque que d'en faire l'application; ce qu'ils feroient sans doute, s'ils avoient plus de motif pour les porter à se livrer tout entiers à la perfection de leur art: il ne faudroit, pour rendre un service essentiel à l'Horlogerie & à la société, que piquer leur amour - propre, faite une distinction de ceux qui sont horlogers, ou qui ne sont que des ouvriers ou des charlatans: enfin confier l'administration du corps de l'Horlogerie aux plus intelligens: faciliter l'entrée à ceux qui ont du taient, & le fermer à jamais à ces misérables ouvriers qui ne peuvent que retarder les progrès de l'art qu'ils tendent même à détruire.

S'il est nécessaire de partir d'après des principes de méchanique pour composer des pieces d'Horlogerie, il est à propos de les vérifier par des expériences; car, quoique ces principes soient invariariables, comme ils sont compliqués & appliqués à de très - petites machines, il en résulte des effets différens & assez difficiles à analyser: nous observerons que, par rapport aux expériences, il y a deux manieres de les faire. Les premieres sont faites par des gens sans intelligence qui ne font des essais que pour s'éviter la peine de rechercher par une étude, une analyse pénible que souvent ils ne soupçonnent pas, l'effet qui résultera d'un méchanisme composé sans regle, sans principe, & sans vûe; ce sont des aveugles qui se conduisent par le tâtonnement à l'aide d'un bâton.

La seconde classe des personnes qui font des expériences, est composée des artistes instruits des principes des machines, des lois du mouvement, des diverses actions des corps les uns sur les autres, & qui doués d'un génie qui sait décomposer les effets les plus délicats d'une machine, voient par l'esprit toutce qui doit résulter de telle ou telle combinaison, peuvent la calculer d'avance, la construire de la ma<cb-> niere la plus avantageuse, ensorte que s'ils font des expériences, c'est moins pour apprendre ce qui doit arriver, que pour confirmer les principes qu'ils ont établis, & les effets qu'ils avoient analysés. J'avoue qu'une telle maniere de voir est très - pénible, & qu'il faut être doué d'un génie particulier; aussi appartientil à fort peu de personnes de faire des expériences utiles, & qui ayent un but marqué.

L'Horlogerie livrée à elle - même sans encouragement, sans distinction, sans récompense, s'est élevée par sa propre force au point où nous la voyons aujourd'hui; cela ne peut être attribué qu'à l'heureuse disposition de quelques artistes, qui aimant assez leur art pour en rechercher la perfection, ont excité entr'eux une émulation qui a produit des effets aussi profitables que si on les eût encouragés par des récompenses. Le germe de cet esprit d'émulation est dû aux artistes anglois que l'on fitvenir en France du tems de la régence, entr'autres à Sully, le plus habile de ceux qui s'établirent ici. Julien le Roy, éleve de le Bon, habile horloger, étoit fort lié avec Sully *, il profita de ses lumieres; cela joint à son mérite personnel, lui valut la réputation dont il a joui: celui - ci eut des émules, entr'autres Enderlin, qui étoit doué d'un grand génie pour les méchaniques, ce que l'on peut voir par ce qui nous reste de lui dans le traité d'Horlogerie de M. Thiout; on ne doit pas oublier feu Jean - Baptiste Dutertre, fort habile horloger; Gaudron, Pierre le Roy, &c. Thiout l'aîné, dont le traité d'Horlogerie fait l'éloge.

Nous devons à ces habiles artistes grand nombre de recherches, & sur - tout la perfection de la main - d'oeuvre; car, par rapport à la théorie & aux principes de l'art de la mesure du tems, ils n'en ont aucunement traité; il n'est pas étonnant que l'on ait encore écrit de nos jours beaucoup d'absurdités; le seul ouvrage où il y ait des principes est le Mémoire de M. Rivaz, en réponse à un assez mauvais écrit anonyme contre ses découvertes; nous devons à ce Mémoire & à ces disputes l'esprit d'émulation qui a animé nos artistes modernes; il seroit à souhaiter que M. de Rivaz eût suivi lui - même l'Horlogerie, ses connoissances en méchanique auroient beaucoup servi à perfectionner cet art.

Il faut convenir que ces artistes qui ont enrichi l'Horlogerie, méritent tous nos éloges; puisque leurs travaux pénibles n'ont eu pour objet que la perfection de l'art, ayant sacrifié pour cela leur fortune: car il est bon d'observer qu'il n'en est pas de l'Horlogerie comme des autres arts, tels que la Peinture, l'Architecture ou la Sculpture; dans ceux - ci l'artiste qui excelle est non - seulement encouragé & récompensé; mais, comme beaucoup de personnes sont en état de juger de ses productions, la réputation & la fortune suivent ordinairement le mérite. Un excellent artiste horloger peut au contraire passer sa vie dans l'obscurité, tandis que des impudens, plagiaires, des charlatans & autres miserables marchands ouvriers jouiront de la fortune & des encouragemens dûs au mérite: car le nom qu'on se fait dans le monde, porte moins sur le mérite réel de l'ouvrage que sur la maniere dont il est annoncé, il est aisé d'en imposer au public qui croit le charlatan sur sa parole, vû l'impossibilité où il est de juger par lui - même.

C'est à l'esprit d'émulation, dont nous venons de parler, que la société des arts, formée sous la protection de M. le Comte de Clermont, dut son origine. On ne peut que regretter qu'un établissement qui auroit pu être fort utile au public, ait été de si courte durée; on a cependant vû sortir de cette société de très - bons sujets qui illustrent aujourd'hui l'acadé<->

* C'est à Sully que nous devons la regle artificielle du tems, fort bon livre.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.