ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Je n'entens donc pas ici par l'Horlogerie, ainsi qu'on le fait communément, le métier d'exécuter machinalement des montres & des pendules, comme on les a vû faire, & sans savoir sur quoi cela est fondé; ce sont les fonctions du manoeuvre: mais disposer une machine d'après les principes, d'après les lois du mouvement, en employant les moyens les plus simples & les plus solides; c'est l'ouvrage de l'homme de génie. Lors donc que l'on voudra former un artiste horloger qui puisse devenir célebre; il faut premierement sonder sa disposition naturelle, & lui apprendre ensuite le méchanique, &c. Nous allons entrer dans le détail de ce qu'il nous paroît devoir lui servir de guide.

On lui fera voir quelques machines dont on lui expliquera les effets: comment, par exemple, on mesure le tems; comment les roues agissent les unes sur les autres; comment on multiplie les nombres de leurs révolutions; d'après ces premieres notions, on lui fera sentir la nécessité de savoir le calcul pour trouver les révolutions de chaque roue; d'être géometre pour déterminer les courbures des dents; méchanicien pour trouver les forces qu'il faut appliquer à la machine pour la faire mouvoir, & artiste pour mettre en exécution les principes & les regles que ces sciences prescrivent; d'après cela on le fera étudier en même tems les machines & les sciences qu'il devra connoître, ayant attention de ne faire entrer dans ces connoissances la main d'oeuvre que comme l'accessoire.

Quand il sera question des régulateurs des pendules & des montres, il faudra lui en expliquer en gros les propriétés générales; comment on peut parvenir à les construire tels, qu'ils donnent la plus grande justesse, de quoi cela est dépendant; de la nécessité de connoître comment les fluides résistent aux corps en mouvement; de l'obstacle qu'ils opposent à la justesse; comment on peut rendre cette justesse la plus grande possible; de l'étude sur les frottemens de l'air; comment on peut rendre cette résistence la moindre possible; du frottement qui résulte du mouvement des corps qui se meuvent les uns sur les autres; quels effets il en résulte pour les machines; de la maniere de réduire ces frottemens à la moindre quantité possible; on lui fera remarquer les différentes propriétés des métaux; les effets de la chaleur; comment elle tend à les dilater, & le froid à les condenser; de l'obstacle qui en résulte pour la justesse des machines qui mesurent le tems; des moyens de prévenir les écarts qu'ils occasionnent, de l'utilité de la Physique pour ces différentes choses, &c. Après l'avoir ainsi amené par gradation, on lui donnera une notion des machines qui imitent les effets des planetes. En lui faisant seul sentir la beauté de ces machines, on lui fera voir la nécessité d'avoir quelque notion d'Astronomie; c'est ainsi que les machines même serviront à lui faire aimer cet art, que les sciences qu'il apprendra lui paroîtront d'autant moins pénibles, qu'il en connoîtra l'absolue nécessité, & celle de joindre à ces connoissances la main d'oeuvre, afin de pouvoir exécuter ses machines d'après les regles que prescrit la théorie.

Quant à l'exécution, il me paroît convenable qu'il commence par celle des pendules qui sont plus faciles à cause de la grandeur des pieces, & qui permet encore l'avantage d'exécuter toutes sortes d'effets & compositions.

La grande variété que l'on se permet, accoutume aussi l'esprit à voir les machines en grand; d'ailleurs quant à la pratique même, il y a de certaines précisions que l'on ne connoît que dans la pendule, & qui pourroient cependant s'appliquer aux montres. Ainsi parvenu à l'intelligence des machines, il aura des idées nettes de leurs principes; & possédant l'exécution, il passera aisément à la pratique des montres, & d'autant mieux que le même esprit qui sert à composer & exécuter les pendules, est également applicable aux montres qui ne sont en petit que ce que les pendules sont en grand.

Au reste, comme on ne parvient que par gradation à acquérir des lumieres pour la théorie, de même la main ne se forme que par l'usage; mais cela se fait d'autant plus vîte, que l'on a mieux dans la tête ce que l'on veut exécuter; c'est pour cette raison que je conseille de commencer par l'étude de la science avant d'en venir à la main - d'oeuvre, ou tout au moins de les faire marcher en même tems.

Il est essentiel d'étudier les principes de l'art, & de s'accoutumer à exécuter avec précision, mais cela ne suffit pas encore. On ne possede pas l'Horlogerie pour en avoir les connoissances générales; ces regles que l'on apprend sont applicables dans une machine actuellement existente, ou dans d'autres qui seroient pareilles; mais imaginer des moyens qui n'ont pas été mis en usage, & composer de nouvelles machines, c'est à quoi ne parviendront jamais ceux qui ne possedent que des regles, & qui ne sont pas doués de cet heureux génie que la nature seule donne; ce talent ne s'acquiert pas par l'étude, elle ne fait que le perfectionner & aider à le développer; lorsqu'on joint à ce don de la nature celui des Sciences, on ne peut que composer de très bonnes choses.

On voit d'après ce tableau, que pour bien posséder l'Horlogerie, il faut avoir la théorie de cette science, l'art d'exécuter, & le talent de composer, trois choses qui ne sont pas faciles à réunir dans la même personne; & d'autant moins, que jusques ici on a regardé l'exécution des pieces d'Horlogerie comme la partie principale, tandis qu'elle n'est que la derniere; cela est si vrai, que la montre ou la pendule la mieux exécutée, fera de très - grands écarts si elle ne l'est pas sur de bons principes, tandis qu'étant médiocrement exécutée, elle ira fort bien si les principes sont bons.

Je ne prétends pas qu'on doive négliger la maind'oeuvre, au contraire; mais persuadé qu'elle ne doit être qu'en sousordre, & que l'homme qui exécute ne doit marcher qu'après l'homme qui imagine: je souhaite qu'on apprécie le mérite de la main & celui du génie chacun à sa valeur; & je crois être d'autant plus en droit de le dire, que je ne crains pas que l'on me soupçonne de dépriser ce que je ne possede pas. J'ai fait mes preuves en montres & en pendules, & en des parties très - difficiles: en tout cas, je puis convaincre les plus incrédules par les faits.

Je crois devoir d'autant plus insister sur cela, que la plûpart des personnes qui se mêlent de l'Horlogerie sont fort élorgnées de penser qu'il faille savoir autre chose que tourner & limer. Ce n'est pas uniquement leur faute; leur préjugé nait de la maniere dont on forme les éleves. On place un enfant chez un horloger pour y demeurer huit ans, & s'occuper à faire des commissions & à ébaucher quelques pieces d'Horlogerie. S'il parvient au bout de ce tems à faire un mouvement, il est supposé fort habile. Il ignore cependant fort souvent l'usage de l'ouvrage qu'il a fait. Il se présente avec son savoir à la maîtrise; il fait ou fait exécuter par un autre le chef - d'oeuvre qui lui est prescrit, est reçu maître, prend boutique, vend des montres & des pendules, & se dit horloger. On peur donc regarder comme un miracle, si un homme, ainsi conduit, devient jamais habile.

On appelle communément horlogers, ceux qui professent l'Horlogerie. Mais il est à propos de dis<pb-> [p. 307] tinguer l'horloger, comme on l'entend ici, de l'artiste qui possede les principes de l'art: ce sont deux personnes absolument différentes. Le premier pratique en général l'Horlogerie sans avoir les premieres notions, & se dit horloger, parce qu'il travaille à une partie de cet art.

Le second embrasse au contraire cette science dans toute son étendue: on pourroit l'appeller l'architecte - méchanique; un tel artiste ne s'occupe pas d'une seule partie, il fait les plans des montres & des pendules, ou autres machines qu'il veut construire. Il détermine la position de chaque piece, leurs directions, les forces qu'il faut employer, toutes les dimensions; en un mot, il construit l'édifice. Et quant à l'exécution, il fait choix des ouvriers qui sont capables d'en exécuter chaque partie. C'est sous ce point de vûe que l'on doit considérer l'Horlogerie, & que l'on peut espérer d'avoir des bonnes machines, ainsi que nous le ferons voir dans un moment. Nous allons maintenant parler de chaque ouvrier que l'on emploie pour la fabrication des montres & des pendules, dont le nombre est très grand; chaque partie est exécutée par des ouvriers différens, qui font toute leur vie la même chose.

Ce qui concerne la pratique ou la manoeuvre se divise en trois branches, lesquelles comprennent tous les ouvriers qui travaillent à l'Horlogerie.

La premiere, les ouvriers qui font les grosses horloges des clochers, &c. on les appelle horlogersgrossiers.

La seconde est celle des ouvriers qui font les pendules, on les appelle horlogers - penduliers.

La troisieme est celle des ouvriers qui font les montres; on les appelle ouvriers en petit.

1°. Les ouvriers qui fabriquent les grosses horloges sont des especes de serruriers - machinistes. Ils font eux - mêmes tout ce qui concerne ces horloges, forgent les montans dans lesquels doivent être placéen les roues. Ils forgent aussi leurs roues, qui sont de fer & leurs pignons d'acier; ils font les dents des roues & des pignons à la lime, après les avoir divisées au nombre des parties convenables: ouvrage très - long & pénible. Il faut être plus qu'ouvrier pour disposer ces sortes d'ouvrages; car il faut de l'intelligence pour distribuer avantageusement les rouages, proportionner les forces des roues aux efforts qu'elles ont à vaincre, sans cependant les rendre plus pesantes qu'il n'est besoin, ce qui augmenteroit les frottemens mal - à - propos. Les constructions de ces machines varient selon les lieux où elles sont placées; les conduites des aiguilles ne sont pas faciles; la grandeur totale de la machine & des roues, &c. est relative à la grandeur des aiguilles qu'elle doit mouvoir, à la cloche qui doit être employée pour sonner les heures; ce qui determine la force du marteau, & celui - ci la force des roues.

Pour composer avantageusement ces sortes de machines, il est nécessaire de posséder la théorie de l'Horlogerie: ces mêmes ouvriers font aussi les horloges de château, d'escalier, &c.

2°. Voilà le détail des ouvriers pour les pendules.

1°. Le premier ouvrage que l'on fait faire aux ouvriers qui travaillent aux pendules, est ce qu'on appelle le mouvement en blanc, lequel consiste dans les roues, les pignons & les détentes. Ces ouvriers, que l'on appelle faiseurs de mouvement en blanc, ne font qu'ébaucher l'ouvrage, dont le mérite consiste dans la dureté des roues & pignons; les dents des roues doivent être également grosses, distantes entr'elles, avoir les formes & courbures requises, &c.

2°. Le finisseur est celui qui termine les dents des roues, c'est - à - dire, qu'il fait les courbures des dents, finit leurs pivots, fait les trous dans lesquels ils doivent tourner; il fait les engrénages, l'échappement, fait faire les effets à la sonnerie, &c. ou à la répétition. Il ajuste les aiguilles, enfin les finit; ajuste les pendules ou lentilles, & fait marcher la pendule. Reste au méchaniste, c'est - à - dire à l'horloger, de revoir les effets de la machine, si, par exemple, les engrénages sont bien faits, ainsi que les pivots des roues, si l'échappement fait parcourir au pendule l'arc convenable, si la pesanteur de la lentille & les arcs qu'elle décrit sont relatifs à la force motrice, &c. les effets de la sonnerie ou répétition.

3°. La fendeuse est une ouvriere qui fend les roues des pendules, & ne fait que cela.

4°. Le faiseur des ressorts fait les ressorts des pendules; il ne s'occupe uniquement qu'à cela. Ce que l'on peut exiger d'un faiseur de ressorts, c'est qu'il fasse le ressort fort long & de bon acier, que la lame diminue insensiblement de force depuis le bout extérieur jusqu'au centre; qu'il soit trempé assez dur pour ne pas perdre son élasticité, mais pas assez pour casser. Il faut que l'action du ressort, en se débandant, soit la plus égale possible, que les lames ne se frottent pas en se développant.

5°. Il y a les faiseurs de lentilles, de poids, pour faire marcher les pendules: ces ouvriers font aussi les aiguilles d'acier de pendule.

6°. Le graveur, qui fait les cadrans de cuivre pour les pendules à secondes, &c.

8°. Le polisseur est un ouvrier qui polit les pieces de cuivre du mouvement de la pendule; le finisseur termine & polit celles d'acier.

9°. Les émailleurs ou faiseurs de cadrans de pendules.

10°. Les ouvriers qui argentent les cadrans de cuivre.

11. Les ciseleurs font les battes à cartels pour les pendules.

12°. Les ébénistes font les boîtes de marqueterie & autres: les horlogers doivent diriger les ébenistes & ciseleurs pour le dessein des boîtes; & comme ils ne sont pas trop en état de le faire par eux - mêmes, il est à propos qu'ils consultent des architectes ou de bons dessinatcurs.

13°. Les doreurs, pour les bronzes des boîtes & des cartels, &c.

14°. Les metteurs en couleurs: ceux - ci donnent la couleur aux bronzes des boîtes de pendule, aux cartels, cadrans, &c. cette couleur imite la dorure.

15°. Les fondeurs pour les roues de pendules, & de différentes autres pieces qui s'emploient pour les mouvemens.

16°. Les fondeurs qui font les timbres, les tournent & les polissent.

Voilà en gros les ouvriers qui travaillent aux pendules ordinaires. Il y en a d'autres, qui font plus volontiers des pendules à carillon.

Les pendules à équation, ou autres machines composées, sont exécutées par différens ouvriers en blanc, finisseurs, &c. & sont conduites & composées par l'horloger.

Des ouvriers qui travaillent aux montres. 1°. Le faiseur de mouvemens en blanc: il fait de même que ceux des pendules, des roues & des pignons, lesquels exigent à peu - près les mêmes precautions. Ces ouvriers ne font que les mouvemens des montres simples.

2°. Le faiseur de rouage; c'est une sorte d'ouvrier en blanc, qui ne s'occupe qu'à faire les rouages des montres ou répétitions.

3°. Les quadraturiers sont ceux qui font cette partie de la répétition qui est sous le cadran, dont le méchanisme est tel, que lorsque l'on pousse le bouton ou poussoir de la montre, cela fait répéter l'heure & le quart marqué par les aiguilles.

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