ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"226"> les êtres qui couvrent la surface de la terre, & tous ceux qui sont cachés dans ses entrailles. L'Histoire naturelle, dans toute son étendue, embrasseroit l'univers entier, puisque les astres, l'air & les météores sont compris dans la nature comme le globe terrestre; aussi l'un des plus grands philosophes de l'antiquité, Pline, a donné une histoire naturelle sous le titre de l'histoire du monde, historia mundi. Mais plus on a acquis de connoissances, plus on a été porté, & même nécessité, à les diviser en différens genres de Science. Cette division n'est pas toujours exacte, parce que les Sciences ne sont pas si distinctes qu'elles n'ayent des rapports les unes avec les autres; qu'elles ne s'allient & ne se confondent en plusieurs points, soit dans les généralités, soit dans les détails.

L'Astronomie, qui paroît fort éloignée de l'Histoire naturelle, suivant les idées que l'on a aujourd'hui de ces deux sciences, y tient cependant par la théorie de la terre, & s'en rapprocheroit davantage, si le télescope & les autres lunettes de longue vue pouvoient produire un aussi grand effet que le microscope; cet instrument merveilleux qui nous fait appercevoir des choses aussi peu à la portée de notre vue par leur petitesse infinie, que celles qui sont à des distances immenses. Enfin, si l'on parvenoit jamais à voir les objets qui composent les planettes assez distinctement pour juger de leur figure, de leur mouvement, de leur changement, de leur forme, &c. on auroit bien - tôt les rudimens de leur histoire naturelle; elle seroit sans doute bien différente de celle de notre globe, mais les connoissances de l'une ne seroient pas infructueuses pour celles de l'autre. Il suffit d'avoir indiqué les rapports que l'Histoire naturelle peut avoir avec l'Astronomie, ce seroit s'occuper d'une chimere que d'insister sur ce sujet: ne sortons pas de notre globe, il a donné lieu à bien d'autres sciences qui tiennent de plus près que l'Astronomie à l'Histoire naturelle, & il n'est pas si aisé de reconnoître les limites qui les en séparent.

Les animaux, les végétaux & les minéraux constituent les trois principales parties de l'Histoire naturelle; ces parties font l'objet de plusieurs sciences qui dérivent de l'Histoire naturelle, comme les branches d'un arbre sortent du tronc. Observons cet arbre scientifique, & voyons quel degré de force la tige donne à chacune de ses branches.

La description des productions de la nature fait la base de son histoire; c'est le seul moyen de les faire reconnoître chacune en particulier, & de donner une idée juste de leur conformation. Il y a deux sortes de descriptions; les unes sont incomplettes, & les autres sont complettes. Dans les premieres, on n'a pour but que de caractériser chaque chose au point de la faire distinguer des autres: cette description n'est qu'une dénomination, le plus souvent fort équivoque, quelque art que l'on emploie pour exprimer les caracteres distinctifs de chaque objet. Les productions de la nature sont trop nombreuses & trop variées; la plûpart ne different entr'elles que par des nuances si peu sensibles, que l'on ne doit pas espérer de les peindre dans une phrase, ce protrait est le plus souvent infidele. Pour s'en convaincre, il suffit de jetter les yeux sur les systèmes de nomenclature qui ont été faits en Histoire naturelle; ils sont tous fautifs. Cependant si l'on parcourt la liste des auteurs de ces systèmes, on ne doutera pas qu'ils n'en eussent fait d'exacts, s'il eût été possible de parvenir à ce point de perfection dans les descriptions qui n'ont pour but que la nomenclature, & qui n'embrassent que quelques parties de chaque objet. Les descriptions complettes expriment tous les objets en entier; & non seulement elles les font re<cb-> connoître sans équivoque, mais elles indiquent les rapports qui se trouvent entre leurs parties constituantes.

Dans cette vue, les descriptions comprennent les parties intérieures de chaque objet comme les parties extérieures; elles expriment, autant qu'il est possible, les proportions de la figure & du poids, les dimensions de l'étendue & toutes les qualités qui peuvent donner une idée juste de la conformation des principales parties de chaque chose. Par de telles descriptions, on peut comparer un objet à un autre, & juger de la ressemblance & de la différence qui se trouvent dans leur conformation; on peut reconnoître les différens moyens que la nature emploie pour produire le même effet, & l'on parvient à des résultats généraux, qui sont les faits les plus précieux pour l'Histoire naturelle.

Le naturaliste ne considere une chose que pour la comparer aux autres; il observe par préférence dans chaque chose les caracteres qui la distinguent des autres, & il fait tous ses efforts pour voir la marche de la nature dans ses productions. L'anatomiste au contraire contemple chaque chose en elle - même; il développe chacune de ses parties pour découvrir les moins apparentes, & il emploie tout son art, afin de reconnoître les premiers agens matériels, & tous les ressorts que la nature emploie pour faire mouvoir les corps animés.

Jusqu'à présent l'Anatomie n'a guere eu d'autre objet que l'homme, c'est sans doute le principal; mais le corps humain ne renferme pas tous les modeles du méchanisme de l'économie animale. Il y a dans les animaux des conformations bien différentes de celles de l'homme, ils ont des parties plus développées; en les comparant les uns aux autres, & en les rapportant tous à l'homme, on connoîtra mieux l'homme en particulier & la méchanique de la nature en général. Ce grand objet est celui de l'Anatomie comparée, qui a un rapport plus immédiat à l'Histoire naturelle que l'Anatomie simple, parce que l'on ne peut tirer de celle - ci que des observations de détail, tandis que l'autre donne des résultats & des faits généraux qui font le corps de l'histoire naturelle des animaux.

La Medecine est une branche de l'Histoire naturelle, qui tire aussi de l'Anatomie une partie de sa substance. L'on n'aura jamais une bonne théorie en Medecine, que l'on ne soit parvenu à faire un corps d'Histoire naturelle, parce que l'on ne connoîtra jamais l'économie animale de l'homme, si l'on ne connoît les différentes conformations des animaux; & l'on feroit dans la Medecine - pratique des progrès bien plus rapides que l'on n'en a fait jusqu'à présent, en établissant sur les animaux une Medecine comparée, & une Chirurgie comparée comme une Anatomie comparée.

La Botanique est une des principales branches & des plus étendues de l'Histoire naturelle; mais en parcourant les ouvrages des Botanistes, on voit cette branche amaigrie par un rameau excessif qui lui enleve presque toute sa substance. La nomenclature des plantes, qui n'est qu'une petite partie de leur Histoire naturelle, semble avoir été le principal objet des Botanistes; ils ne se sont appliqués pour la plûpart, qu'à faire des dénominations. Voyez Botanique. La signification des noms, & l'explication des termes, sont les préliminaires de toutes les sciences, & ces préliminaires sont peut - être plus nécessaires en Botanique, qu'en toute autre science, parce que le nombre des plantes est si grand, que sans cette précaution, il y auroit nécessairement de l'équivoque & de l'erreur dans l'application de leurs noms. Il seroit donc nécessaire d'avoir en Botanique un vocabulaire qui contînt les noms & les descrip<pb-> [p. 227] tions complettes de toutes les plantes connues, & qui servît d'interprete pour tous les auteurs. Quelque méthode que l'on employât pour l'arrangement d'un tel ouvrage, il seroit plus utile que tous les systèmes qui ont jamais été faits pour la distribution méthodique des plantes. Par le moyen des descriptions complettes que contiendroit ce vocabulaire, l'on seroit assuré d'y trouver le nom de toutes les plantes que l'on auroit sous les yeux; ce que l'on n'a pas encore pû faire par les méthodes de nomenclature, parce qu'elles ne contiennent que des descriptions incomplettes qui ne suffisent pas pour faire reconnoître toutes les plantes indiquées par ces méthodes. Peut - être aussi ce vocabulaire une fois établi, feroit renoncer les Botanistes à la prétention chimérique de suivre dans leurs systemes l'ordre inintelligible de la nature, qui ne peut être conçû que par le Créateur.

En réduisant la nomenclature des plantes à ses justes limites, relativement au reste de la Botanique, on verra que le plus difficile & le plus important de cette science n'est pas de nommer les plantes, mais de connoître leurs propriétés, de savoir cultiver les plantes utiles & de détruire celles qui sont nuisibles, d'observer leur conformation & toutes les parties qui concourent à l'économie végétale; voilà jusqu'où s'étendent la Botanique & l'Histoire naturelle des plantes. Ainsi la Botanique contient une grande partie de la matiere médicale qui est renfermée en entier dans l'Histoire naturelle générale, puisque cette science comprend non - seulement les plantes, mais tous les animaux & tous les minéraux qui ont des vertus medicinales. Ces propriétés sont si précieuses, que les Naturalistes doivent réunir toutes leurs connoissances à celles des Medecins pour les découvrir. Jusqu'à présent, le hazard y a eu plus de part que les lumieres de l'esprit humain; mais en faisant des tentatives sur les animaux, en les soumettant à l'effet de certaines plantes, on trouveroit dans ces plantes des propriétés utiles aux hommes; & cette découverte seroit bien moins difficile, si l'on avoit seulement les élémens d'une medecine comparée établie sur les animaux considérés en état de santé & en état de maladie. Que de nouvelles propriétés n'auroit - on pas encore découvert dans les plantes relativement aux Arts, si les Botanistes avoient employé à les éprouver le tems qu'ils ont passé à les nommer! Les choses dont les propriétés sont connues, ne peuvent manquer de noms; les gens de la campagne savent les noms de toutes les plantes qui leur servent ou qui leur nuisent, & ils les connoissent mieux que les Botanistes; ils sont aussi presque les seuls qui s'occupent de leur culture.

Les premieres idées que l'on a eues de l'Histoire naturelle ont sans doute été celles de l'Agriculture & de l'éducation des animaux; on a commencé par cultiver les plantes & par élever les animaux qui pouvoient servir d'alimens. Après s'être pourvu du nécessaire, on s'est appliqué à des recherches qui ont fait naître les sciences; à force de travaux & de méditations, & à l'aide des siecles, on les a élevées à un haut degré de perfection. Il est surprenant qu'au milieu de tant de découvertes en différens genres, l'Agriculture ait eu peu d'avancement. Voyez Botanique. On laboure & on seme à peu - près de la même façon depuis plusieurs siecles; cependant on ne peut pas douter qu'il n'y ait des moyens de labourer & de semer plus fructueusement. L'art de peupler les forêts n'a été bien connu que de nos jours. Quelles recherches peuvent donc être plus importantes que celles qui contribuent à rendre la terre plus féconde, & à multiplier les choses les plus nécessaires aux hommes! Ces objets sont les plus dignes des Naturalistes, des savans de tout genre, & des bons citoyens; aussi ne peut on pas trop applaudir aux travaux de ceux qui s'appliquent à rechercher la nature des terres, à perfectionner la charrue, à conserver les grains, à purifier ou à préserver les semences de la contagion, à élever des forêts, à naturaliser des arbres étrangers, &c.

L'Agriculture a des parties de detail qui méritent l'attention des Botanistes, & qu'ils peuvent perfectionner par les connoissances générales qu'ils ont sur les plantes, avec plus de succès, que les gens qui n'ont que des connoissances bornées chacun dans leur art. La culture des légumes & des arbres fruitiers, l'art des greffes, sont dignes des soins des Botanistes, parce qu'il est possible de varier ces productions, & d'augmenter par la culture, le fonds de nos richesses en ce genre. On peut changer les qualités des légumes au point de les rendre meilleurs & différens d'eux - mêmes à quelques égards; on peut former des fruits qui n'auront jamais paru sur la terre. Les nomenclateurs de Botanique diront: la laitue de Batavia n'est qu'une variété de la laitue sauvage; la poire cressane n'est qu'une variété de la poire sauvage. Mais ces variétés sont des biens réels dont nous devons être très - reconnoissans envers les hommes laborieux & inventifs qui nous les ont procurés; tandis que la dénomination caractéristique d'une plante inutile n'est en elle - même qu'une vaine connoissance, & que la définition d'un nouveau genre de plante n'est qu'une chimere.

La culture des fleurs & des arbres d'agrément appartient à la Botanique, comme les autres parties de l'Agriculture, & peut avoir son genre d'utilité réelle indépendamment de l'innocent amusement qu'elle nous procure. Les Fleuristes savent distinguer parmi des tulipes de différentes couleurs, celles dont les semences produiront des tulipes panachées, & ils prévoient les changemens de couleurs qui se feront chaque année dans ces panaches. Si l'on avoit bien réfléchi sur cet ordre successif de teintes natuelles dans les fleurs, si on l'avoit bien observé sur les feuilles du houx & des autres arbres qui ont des feuilles panachées, on pourroit en tirer de nouvelles lumieres pour le mélange des couleurs dans les arts, pour le changement de ces couleurs, la dégradation de leurs teintes, &c. de telles connoissances seroient d'autant plus sures, qu'elles seroient d'accord avec les opérations de la nature. La culture des fleurs exige des soins très - assidus; il faut être attentif à la nature de chaque plante pour prévenir les maladies auxquelles elle est sujette, & pour l'empêcher de dégénérer; ainsi l'on est à portée de reconnoître pour ainsi dire, les différentes qualités de leur tempérament, leurs maladies héréditaires, & d'autres particularités de l'économie végétale.

La connoissance de cette économie est le but le plus élevé de la Botanique; pour y parvenir il a fallu commencer par l'examen détaillé de toutes les parties des plantes; c'est une sorte d'anatomie plus simple que celle des animaux, mais qui demande des recherches aussi fines & des opérations aussi délicates. De grands observateurs y ont fait des progrès rapides; l'invention du microscope leur a donné le moyen de découvrir les parties les moins apparentes des végétaux. Par l'exposition anatomique de toutes les plantes, ou au moins de celles qui different entre elles par leur conformation, on répandroit de nouvelles lumieres sur le méchanisme de la végétation. On a deja fait de grandes découvertes sur le développement des germes sur l'accroissement des plantes, sur la succion des racines & des feuilles, le cours & l'évaporation de la seve, la reproduction des végétaux, &c. mais il y a encore beaucoup de connoissances à desirer dans toutes les parties de la Botanique. Il faut qu'elles concourrent toutes à l'avan<pb->

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