ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"228"> cement de la science de l'économie végétale; quoiqu'elle soit moins compliquée que l'économie animale, elle n'a pas encore été mieux développée. Plus ces deux sciences seront avancées, plus on y trouvera de rapport; on sait déja que les os sont formés par le périoste comme le bois par l'écorce; on peut comparer la seve des plantes au sang des animaux, ou au moins à la liqueur qui en tient lieu dans ceux qui n'ont point de sang; les plantes prennent leur nourriture par la succion des racines & des feuilles, comme les animaux par la bouche ou par les suceoirs qui leur servent de bouche; il se fait dans les plantes des digestions, des sécrétions, des évacuations, &c. elles ont des sexes très - distincts par les organes propres à former, à féconder & à nourrir les embryons qui sont les germes des plantes; enfin le polype a autant d'analogie avec les plantes qu'avec les animaux.

Les animaux & les végétaux ont beaucoup plus de rapports les uns aux autres, qu'ils n'en ont aux minéraux. La structure de ceux - ci est plus simple, leur substance est moins composée, ainsi il est plus facile de les décrire & de les distinguer les uns des autres pour former le plan de leur Histoire naturelle. Le corps de cette Histoire consiste dans l'explication de la formation des minéraux, & il est inséparable de la théorie de la terre, puisque nous devons le nom de minéral à toutes les parties dont ce globe est composé. L'Histoire naturelle des minéraux comprend encore l'énumération de leurs usages & de leurs propriétés; mais leur définition exacte ne peut se faire que par le moyen de la Chimie.

Cette science commence au point où l'Histoire naturelle se termine. Le naturaliste recherche toutes les productions de la nature dans son propre sein; il leve avec précaution le voile qui les couvre; il les observe d'un oeil attentif sans oser y porter une main téméraire; s'il est obligé de les toucher, il est toujours dans la crainte de les déformer; s'il est forcé de pénétrer dans l'intérieur d'un corps, il ne le divise qu'à regret, il n'en rompt l'union que pour en mieux connoître les liens, & pour avoir une idée complette de la structure intérieure aussi - bien que de la forme extérieure. Le chimiste au contraire ne voit les opérations de la nature que dans les procédés de l'art; il décompose toutes les productions naturelles; il les dissout, il les brise; il les soumet à l'action du feu pour déplacer jusqu'aux plus petites molécules dont elles sont composées, pour découvrir leurs élémens & leurs premiers principes.

Heureux le siecle où les sciences sont portées à un assez haut point de perfection pour que chacune des parties de l'Histoire naturelle soit devenue l'objet d'autres sciences qui concourrent toutes au bonheur des hommes; il y a lieu de croire que l'Histoire naturelle a été le principe de toutes ces sciences, & qu'elle a été commencée avant elles; mais son origine est cachée dans la nuit des tems.

Dans le siecle présent la science de l'Histoire natu - relle est plus cultivée qu'elle ne l'a jamais été; non seulement la plûpart des gens de lettres en font un objet d'étude ou de délassement, mais il y a de plus un goût pour cette science qui est répandu dans le public, & qui devient chaque jour plus vif & plus général. De tous ceux qui travaillent à l'Histoire naturelle, ou qui s'occupent de ces matériaux, les uns observent les productions de la nature & méditent sur leurs observations: leur objet est d e perfectionner la science & de connoître la vérité; les autres recueillent ces mêmes productions de la na ture & les admirent: leur objet est d'étaler toutes ces merveilles, & de les faire admirer. Ceux - ci contribuent peut - être autant à l'avancement de l'Histoire naturelle que les premiers, puisqu'ils rendent les ob<cb-> fervations plus faciles en rassemblant les productions de la nature dans ces cabinets qui se multiplient de jour en jour, non - seulement dans les villes capitales, mais aussi dans les provinces de tous les états de l'Europe.

Le grand nombre de ces cabinets d'Histoire naturelle prouve manifestement le goût du public pour cette science; on ne peut les former que par des recherches pénibles & par une dépense considérable, car le prix des curiosités naturelles est actuellement porté à un très - haut point. Un tel emploi du tems & de l'argent suppose le desir de s'instruire en Histoire naturelle, ou au moins de montrer pour cette science un goût qui se soutient par l'exemple & par l'émulation. Dans le siecle dernier & au commencement de notre siecle, il y avoit beaucoup plus de cabinets de médailles qu'à présent; aujourd'hui on forme des cabinets d'Histoire naturelle par préférence aux cabinets de machines de Physique expérimentale. Si ce goût se soutient, peut - être bien des gens aimeront - ils mieux avoir des cabinets d'Histoire naturelle que de grandes bibliotheques. Mais tout a ses vicissitudes, & l'empire de la mode s'étend jusques sur les sciences. Le goût pour les sciences abstraites a succédé au goût pour la science des antiquités; ensuite la Physique expérimentale a été plus cultivée que les sciences abstraites; à présent l'Histoire naturelle occupe plus le public que la Physique expérimentale & que toute autre science. Mais le regne de l'Histoire naturelle aura - t - il aussi son terme?

Cette science durera nécessairement autant que les sciences physiques, puisqu'elle en est la base & qu'elle donne la connoissance de leurs matériaux. Son objet est aussi cûrieux qu'important; l'étude de la nature est aussi attrayante que ses productions sont merveilleuses. L'Histoire naturelle est inépuisable; elle est également propre à exercer les génies les plus élevés, & à servir de délassement & d'amusement aux gens qui sont occupés d'autres choses par devoir, & à ceux qui tâchent d'éviter l'ennui d'une vie oisive; l'Histoire naturelle les occupe par des recherches amusantes, faciles, intéressantes & variées, & par des lectures aussi agréables qu'instructives. Elle donne de l'exercice au corps & à l'esprit; nous sommes environnés des productions de la nature, & nous en sommes nous - mêmes la plus belle partie. On peut s'appliquer à l'étude de cette science en tout tems, en tout lieu & à tout âge. Avec tant d'avantages, l'Histoire naturelle une fois connue, doit être toujours en honneur & en vigueur, plus on s'y appliquera, plus son étude sera séduisante; & cette science fera de grands progrès dans notre siecle, puisque le goût du public y est porté, & que l'exemple & l'émulation se joignent à l'agrément & à l'utilité de l'Histoire naturelle pour assurer son avancement.

Dans les sciences abstraites, par exemple en Métaphysique, un seul homme doué d'un génie supérieur peut avancer à grands pas sans aucun secours étranger, parce qu'il peut tirer de son propre fond les faits & les résultats, les principes & les conséquences qui établissent la science; mais dans les sciences physiques, & sur - tout en Histoire naturelle, on n'acquiert les faits que par des observations longues & difficiles; le nombre des faits nécessaires pour cette science surpasse le nombre immense des productions de la nature. Un homme seul est donc incapable d'un si grand travail; plusieurs hommes durant un siecle, ou tous les contemporains d'une nation entiere n'y suffiroient pas. Ce n'est que par le concours de plusieurs nations dans une suite de siecles, qu'il est possible de rassembler les matériaux de l'Histoire de la nature. Pendant qu'une foule d'observateurs les entassent à l'aide des tems, il paroît [p. 229] quelques grands génies qui en ordonnent la disposition; mais ils ne se succedent qu'après de longs intervalles. Ces grands hommes sont trop rares! heureux le siecle qui en produit un dans son cours! encore le succès de ses méditations dépend - il de la valeur des faits acquis par les observateurs qui l'ont précédé, & le mérite de ses travaux peut être effacé par les observations qui se font dans la suite. Le chef d'oeuvre de l'esprit humain est de combiner les faits connus, d'en tirer des conséquences justes, & d'imaginer un système conforme aux faits. Ce système paroît être le système de la nature, parce qu'il renferme toutes les connoissances que nous avons de la nature; mais un fait important nouvellement découvert change les combinaisons, annulle les conséquences, détruit le système précédent, & donne de nouvelles idées pour un nouveau système, dont la solidité dépend encore du nombre ou de l'importance des faits qui en sont la base. Mais il ne faut pas croire que l'on n'aura jamais de système vrai, parce que l'on n'acquerra jamais tous les faits; les principaux suffisent pour garantir la vérité d'un système, & pour assurer sa durée.

Nous avons en Histoire naturelle d'assez bons ouvrages de descriptions, d'observations & de systèmes, pour fournir à une étude profonde de cette science; mais il y a beaucoup de choix à faire dans les livres, & il est fort avantageux de suivre une bonne méthode dans l'étude que l'on veut faire, tant par la lecture des livres, que par l'inspection des productions de la nature. On ne connoîtra jamais une nation par la lecture de la meilleure histoire que l'on en puisse faire, aussi - bien que si l'on avoit vécu parmi cette nation, que l'on eût observé par soi - même son génie & ses moeurs, & que l'on eût été témoin de la conduite de son gouvernement. Il en est de même pour l'Histoire naturelle; les descriptions les plus exactes, les observations les plus fines, les systèmes les plus ingénieux ne donnent pas une idée aussi juste des productions de la nature que la présence des objets réels: mais on ne peut pas tout voir, tout observer, tout méditer. Les Philosophes y suppléent, ils nous guident, ils nous éclairent par des systèmes fondés sur les observations particulieres, & élevés par la force de leur génie. Pour entendre & pour juger ces systèmes, pour en connoître l'erreur ou la vérité, pour s'y représenter le tableau de la nature, il faut avoir vû la nature elle - même. Celui qui la regarde pour la premiere fois avec les yeux du naturaliste, s'étonne du nombre immense de ses productions, & se perd dans leur variété. Qui oseroit entreprendre de visiter toute la surface de la terre pour voir les productions de chaque climat & de chaque pays? qui pourroit s'engager à descendre dans les profondeurs de toutes les carrieres & de toutes les mines, à monter sur tous les pics les plus élevés, & à parcourir toutes les mers? De tels obstacles décourageroient les plus entreprenans, & les feroient renoncer à l'étude de l'Histoire naturelle.

Mais on a trouvé le moyen de raccourcir & d'applanir la surface de la terre en faveur des Naturalistes; on a rassemblé des individus de chaque espece d'animaux & de plantes, & des échantillons des minéraux dans les cabinets d'Histoire naturelle. On y voit des productions de tous les pays du monde, & pour ainsi dire un abregé de la nature entiere. Ses productions s'y présentent en foule aux yeux de l'observateur; il peut approcher sans peine & sans crainte les animaux les plus sauvages & les plus féroces; les oiseaux restent immobiles; les dépouilles des fleuves & des mers sont étalées de toutes parts; on apperçoit jusqu'aux plus petits insectes; on découvre la conformation intérieure des animaux en considérant les squelettes & d'autres parties internes de leur corps; on voit en même tems les racines, les feuilles, les fleurs, les fruits & les semences des plantes; on a tiré les mineraux du sein de la terre pour les mettre en évidence. Quiconque est animé du desir de s'instruire, doit à cet aspect se trouver heureux de vivre dans un siecle si favorable aux sciences, & il se sentira pénétrer d'une nouvelle ardeur pour l'Histoire de la nature.

On peut prendre les premieres notions de cette science dans les cabinets d'Histoire naturelle; mais on n'y acquerra jamais des connoissances complettes, parce que l'on n'y voit pas la nature vivante & agissante. Quelque apprêt que l'on donne aux cadavres des animaux ou à leurs dépouilles, ils ne sont plus qu'une foible représentation des animaux vivans. Peut - on comparer des plantes desséchées à celles qui font l'ornement de nos campagnes par la beauté de leurs feuillages, de leurs fleurs & de leurs fruits? Les minéraux se soutiennent mieux dans les cabinets que les végétaux & les animaux; mais il n'y a qu'une si petite portion de chaque minéral que l'on ne peut pas juger du volume immense des pierres, des terres, des matieres métalliques, &c. ni de leur position, ni de leur mélange. Le naturaliste ne peut donc voir dans les cabinets d'Histoire naturelle qu'une esquisse de la nature; mais elle suffit pour lui donner des vues, & lui indiquer les objets de ses recherches. Après les avoir considérés dans les cabinets, il est à propos de lire dans un ouvrage choisi leur description & leur histoire avant que d'aller observer chaque objet dans le sein de la nature; cette étude préliminaire facilite l'observation, & fait appercevoir bien des choses qui échapperoient à une premiere vue. Lorsque l'on a observé quelques objets dans leur entier & dans le lieu qui leur est propre, il faut reprendre les livres, & lire une seconde fois les articles qui ont rapport aux choses que l'on vient de voir; à cette seconde lecture, on est plus en état d'entendre le vrai sens des endroits qui paroissoient obscurs ou équivoques. Ensuite, en rentrant dans les cabinets, on acquiert encore de nouvelles lumieres sur les mêmes choses; on peut les y voir présentées ou préparées de façon à faire appercevoir des qualités qui ne sont pas apparentes dans l'état naturel & dans le lieu originaire. Enfin, c'est ce lieu qu'il faut fréquenter par préférence le plus souvent qu'il sera possible, pour voir la même chose en différens tems, sous différens aspects, & avec des vues différentes relativement à la chose que l'on a pour objet, & à celles qui y sont mêlées, ou qui l'environnent.

Les principaux faits de l'Histoire naturelle sont établis sur les rapports que les choses ont entre elles, sur les différences & sur les ressemblances qui se trouvent entre les productions de la nature. Le naturaliste doit les comparer les unes aux autres, en observant leurs propriétés & leur conformation; les éloigner ou les rapprocher les unes des autres pour reconnoître la substance & la forme essentielle & caractéristique de chaque être matériel. Il ne peut atteindre à son objet qu'en faisant des combinaisons longues & difficiles, qui seront toujours fautives s'il n'y fait entrer pour élémens tous les rapports qu'une production de la nature a avec toutes les autres productions. Ces combinaisons font l'objet des méditations des Naturalistes, & déterminent la méthode particuliere que chaque auteur se prescrit dans la composition de ses livres, & l'ordre que l'on suit pour l'arrangement d'un cabinet d'Histoire naturelle. Mais cet art de combiner & cet ordre méthodique mal conçus, sont un écueil que les commençans évitent difficilement, & dont ils ne se retirent qu'à grande peine, lorsqu'ils s'y sont une fois engagés. Cet écueil a un puissant attrait; on veut tracer

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.