ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"194"> Juifs s'en sont servis, & que ces derniers s'en servent encore, aussi - bien que les Turcs. On les appelle aussi heures planétaires, à cause que les Astrologues prétendent que chaque heure est dominée par une nouvelle planette; & que le jour reçoit son nom de celle qui domine à la premiere heure, comme la lune au lundi, Mars au mardi, &c. Par exemple, le jour du soleil, c'est - à - dire le dimanche, la premiere heure que l'on compte au lever du soleil, est attribuée au soleil lui - même, & en prend le nom; la suivante prend celui de Venus, la suivante de Mercure, ensuite de la lune, de Jupiter, de Saturne & de Mars, d'où il arrive que le jour suivant la premiere heure au lever du soleil tombe sur l'heure de la lune; la premiere du jour d'après tombe sur l'heure de Mars, & ainsi de suite jusqu'à la fin de la semaine.

Les heures italiques sont des heures égales, que l'on commence à compter depuis le coucher du soleil.

Heures inégales, c'est la douzieme partie du jour, & aussi la douzieme partie de la nuit. L'obliquité de la sphere les rend plus ou moins inégales en différens tems; & elles ne conviennent avec les heures égales comme les heures judaïques, qu'au tems des équinoxes.

Après les définitions que nous venons de donner des différentes heures, il est très - facile de les réduire les unes aux autres, & nous ne croyons pas qu'un plus grand détail soit nécessaire sur ce sujet. Voyez la Chronologie de Wolf, chap. j. d'où cet article est extrait en partie. Harris & Chambers. (G)

On connoît l'heure sur la terre ferme par le moyen des pendules & des montres. On peut se servir en mer pour le même objet, du second de ces instrumens, le premier étant sujet à trop de dérangemens par le mouvement du vaisseau. Mais faute de montres, on peut trouver aisément l'heure par un calcul fort simple. Connoissant la latitude du lieu où l'on est (Voy. Latitude.), & la déclinaison du soleil (Voyez Déclinaison), on observe la hauteur du soleil à l'heure qu'on cherche, & par la trigonométrie sphérique, on conclut aisément l'heure qu'il est. Voyez le traité de Navigation de M. Bouguer, p. 262 & suiv. où vous trouverez un plus grand détail sur ce sujet. (O)

Heures (Page 8:194)

Heures, (Théologie.) signifie certaines prieres que l'on fait dans l'église dans des tems réglés, comme matines, laudes, vêpres, &c. Voyez Matines.

Les petites heures sont prime, tierce, sexte & none. On les appelle ainsi à cause qu'elles doivent être récitées à certaines heures, suivant les regles & canons prescrits par l'Eglise, en l'honneur des mysteres qui ont été accomplis à ces heures - là. Ces heures s'appelloient autrefois le cours, cursus. Le P. Mabillon a fait une dissertation sur ces heures, qu'il a intitulée de Cursu Gallicano.

La premiere constitution qui se trouve touchant l'obligation des heures, est le vingt - quatrieme article du capitulaire qu'Heiton ou Aiton, évêque de Basle au commencement du ix. siecle, fit pour ses cures. Il porte que les prêtres ne manqueront jamais aux heures canoniales, ni du jour ni de la nuit.

Les prieres des quarante heures sont des prieres publiques & continuelles que l'on fait pendant trois jours devant le saint Sacrement, pour implorer le secours du ciel dans des occasions importantes. On a soin pendant ces trois jours que le saint Sacrement soit exposé quarante heures, c'est - à - dire treize ou quatorze heures chaque jour.

Heures (Page 8:194)

Heures, (Mythol.) en grec O(\RAI, filles de Jupiter & de Thémis, selon Hesiode, qui en compte trois, Eunomie, Dicé, & Irene, c'est - à - dire, le bon ordre, la justice, & la paix. Apparemment que cette fiction signifioit que l'usage bien fait des heures reglées, entretient les lois, la justice, & la concorde.

Homere nomme les heures les portieres du ciel, & nous décrit ainsi leurs fonctions: « Le soin des portes du ciel est commis aux heures; elles veillent depuis le commencement des tems à la garde du palais de Jupiter; & lorsqu'il faut ouvrir ou fermer ces portes d'éternelle durée, elles écartent ou rapprochent sans peine le nuage épais qui leur sert de barriere ».

Le poëte entend par le ciel, cette grande région de l'espace éthéré, que les saisons semblent gouverner; elles ouvrent le ciel, quand elles dissipent les nuages; & elles le ferment, lorsque les exhalaisons de la terre se condensent en nuées, & nous cachent la vûe du soleil & des astres.

La Mythologie greque ne reconnut d'abord que les trois heures, dont nous avons donné les noms, parce qu'il n'y avoit que trois saisons, le printems, l'été, & l'hiver; ensuite quand on leur ajoûta l'autonne & le solstice d'hiver, ou sa partie la plus froide, la Mythologie créa deux nouvelles heures, qu'elle appella Carpo, & Thalatte, & elle les établit pour veiller aux fruits & aux fleurs; enfin, quand les Grecs partagerent le jour en douze parties égales, les Poëtes multiplierent le nombre des heures jusqu'à douze, toutes au service de Jupiter, & les nommerent les douze soeurs, nées gardiennes des barrieres du ciel, pour les ouvrir & les fermer à leur gré; ils leur commirent aussi le soin de ramener Adonis de l'Achéron, & le rendre à Vénus.

Les mêmes poëtes donnerent encore aux heures, l'intendance de l'éducation de Junon; & dans quelques statues de cette déesse, on représente les heures au - dessous de sa tête.

Elles étoient reconnues pour des divinités dans la ville d'Athènes, où elles avoient un temple bâti en leur honneur par Amphiction. Les Athéniens, selon Athénée, leur offroient des sacrifices, dans lesquels ils faisoient bouillir la viande au lieu de la rotir; ils adressoient des voeux à ces déesses, & les prioient de leur donner une chaleur moderée, afin qu'avec le secours des pluies, les fruits de la terre vinssent plus doucement à maturité.

Les modernes représentent ordinairement les heures accompagnées de Thémis soûtenant des cadrans ou des horloges.

Le mot O(\RAI, designoit anciennement chez les Grecs les saisons; ensuite, après l'invention des cadrans solaires, le même terme se prit aussi pour signifier la mesure du tems que nous nommons heure. Voyez Heure. (D. J.)

HEUREUX, HEUREUSE, HEUREUSEMENT (Page 8:194)

HEUREUX, HEUREUSE, HEUREUSEMENT, (Grammaire, Morale.) ce mot vient évidemment d'heur, dont heure est l'origine. De - là ces anciennes expressions, à la bonne heure, à la mal'heure, car nos peres qui n'avoient pour toute philosophie que quelques préjugés des nations plus anciennes, admettoient des heures favorables & funestes.

On pourroit, en voyant que le bonheur n'étoit autrefois qu'une heure fortunée, faire plus d'honneur aux anciens qu'ils ne méritent, & conclure de - là qu'ils regardoient le bonheur comme une chose passagere, telle qu'elle est en effet.

Ce qu'on appelle bonheur, est une idée abstraite, composée de quelques idées de plaisir; car qui n'a qu'un moment de plaisir n'est point un homme heureux; de même qu'un moment de douleur ne fait point un homme malheureux. Le plaisir est plus rapide que le bonheur, & le bonheur plus passager que la félicité. Quand on dit je suis heureux dans ce moment, on abuse du mot, & cela ne veut dire que j'ai du plaisir: quand on a des plaisirs un peu répétés, on peut dans cette espace de tems se dire heureux; quand ce bonheur dure un peu plus, c'est un [p. 195] état de félicité; on est quelquefois bien loin d'être heureux dans la prospérité, comme un malade dégoûté ne mange rien d'un grand festin préparé pour lui.

L'ancien adage, on ne doit appeller personne heureux avant sa mort, semble rouler sur de bien faux principes; on diroit par cette maxime qu'on ne devroit le nom d'heureux, qu'à un homme qui le seroit constamment depuis sa naissance jusqu'à sa derniere heure. Cette série continuelle de momens agréables est impossible par la constitution de nos organes, par celle des élémens de qui nous dépendons, par celle des hommes dont nous dépendons davantage. Prétendre être toûjours heureux, est la pierre philosophale de l'ame; c'est beaucoup pour nous de n'être pas long - tems dans un état triste; mais celui qu'on supposeroit avoir toûjours jouï d'une vie heureuse, & qui périroit miserablement, auroit certainement mérité le nom d'heureux jusqu'à la mort; & on pourroit prononcer hardiment, qu'il a été le plus heureux des hommes. Il se peut très - bien que Socrate ait été le plus heureux des Grecs, quoique des juges ou superstitieux & absurdes, ou iniques, ou tout cela ensemble, l'ayent empoisonné juridiquement à l'âge de soixante & dix ans, sur le soupçon qu'il croyoit un seul Dieu.

Cette maxime philosophique tant rebattue, nemo ante obitum felix, paroît donc absolument fausse en tout sens; & si elle signifie qu'un homme heureux peut mourir d'une mort malheureuse, elle ne signifie rien que de trivial. Le proverbe du peuple, heureux comme un roi, est encore plus faux; quiconque a lû, quiconque a vécu, doit savoir combien le vulgaire se trompe.

On demande s'il y a une condition plus heureuse qu'une autre, si l'homme en général est plus heureux que la femme; il faudroit avoir été homme & femme comme Tiresias & Iphis, pour décider cette question; encore faudroit - il avoir vécu dans toutes les conditions avec un esprit également propre à chacune; & il faudroit avoir passé par tous les états possibles de l'homme & de la femme pour en juger.

On demande encore si de deux hommes l'un est plus heureux que l'autre; il est bien clair que celui qui a la pierre & la goutte, qui perd son bien, son honneur, sa femme & ses enfans, & qui est condamné à être pendu immédiatement après avoit été taillé, est moins heureux dans ce monde, à tout prendre, qu'un jeune sultan vigoureux, ou que le savetier de la Fontaine.

Mais on veut savoir quel est le plus heureux de deux hommes également sains, également riches, & d'une condition égale, il est clair que c'est leur humeur qui en décide. Le plus moderé, le moins inquiet, & en même tems le plus sensible, est le plus heureux; mais malheureusement le plus sensible est toûjours le moins modere: ce n'est pas notre condition, c'est la trempe de notre ame qui nous rend heureux. Cette disposition de notre ame dépend de nos organes, & nos organes ont été arrangés sans que nous y ayons la moindre part: c'est au lecteur à faire là - dessus ses réflexions; il y a bien des articles sur lesquels il peut s'en dire plus qu'on ne lui en doit dire: en fait d'arts, il faut l'instruire, en fait de morale, il faut le laisser penser.

Il y a des chiens qu'on caresse, qu'on peigne, qu'on nourrit de biscuits, à qui on donne de jolies chiennes; il y en a d'autres qui sont couverts de gale, qui meurent de faim, qu'on chasse & qu'on bat, & qu'ensuite un jeune chirurgien disseque lentement, après leur avoir enfoncé quatre gros cloux dans les pattes; a - t - il dépendu de ces pauvres chiens d'être heureux ou malheureux?

On dit pensée heureuse, trait heureux, repartie heu - , physionomie heureuse, climat heureux; ces pen<-> es, ces traits heureux, qui nous viennent comme des inspirations soudaines, & qu'on appelle des bonnes fortunes d'hommes d'esprit, nous sont donnés comme la lumiere entre dans nos yeux, sans effort, sans que nous la cherchions; ils ne sont pas plus en notre pouvoir que la physionomie heureuse; c'est - à - dire, douce, noble, si indépendante de nous, & si souvent trompeuse.

Le climat heureux, est celui que la nature favorise: ainsi sont les imaginations heureuses, ainsi est l'heureux génie, c'est - à - dire, le grand talent; & qui peut se donner le génie? Qui peut, quand il a reçû quelques rayons de cette flamme, le conserver toûjours brillant? Puisque le mot heureux vient de la bonne heure, & malheureux de la mal'heure, on pourroit dire que ceux qui pensent, qui écrivent avec génie, qui réussissent dans les ouvrages de goût, écrivent à la bonne heure; le grand nombre est de ceux qui écrivent à la mal'heure.

On dit en fait d'arts, heureux génie, & jamais malheureux génie; la raison en est palpable, c'est que celui qui ne réussit pas, manque de génie absolument.

Le génie est seulement plus ou moins heureux; celui de Virgile fut plus heureux dans l'épisode de Didon, que dans la fable de Lavinie; dans la description de la prise de Troie, que dans la guerre de Turnus; Homere est plus heureux dans l'invention de la ceinture de Vénus, que dans celle des vents enfermés dans une outre.

On dit invention heureuse ou malheureuse; mais c'est au moral, c'est en considérant les maux qu'une invention produit: la malheureuse invention de la poudre; l'heureuse invention de la boussole, de l'astrolabe, du compas de proportion, &c.

Le cardinal Mazarin demandoit un général houroux, heureux; il entendoit ou devoit entendre un général habile; car lorsqu'on a eu des succès réitérés, habileté & bonheur sont d'ordinaire synonymes.

Quand on dit heureux scélérat, on n'entend par ce mot que ses succès, felix Sylla, heureux Sylla; un Alexandre VI, un duc de Borgia, ont heureusement pillé, trahi, empoisonné, ravagé, égorgé; il y a grande apparence qu'ils étoient très - malheureux quand même ils n'auroient pas craint leurs semblables.

Il se pourroit qu'un scélérat mal élevé, un grandturc, par exemple, à qui on auroit dit qu'il lui est permis de manquer de foi aux Chrétiens, de faire serrer d'un cordon de soie le cou de ses visirs quand ils sont riches, de jetter dans le canal de la mer noire ses freres étranglés ou massacrés, & de ravager cent lieues de pays pour sa gloire; il se pourroit, dis - je, à toute force, que cet homme n'eût pas plus de remords que son mufti, & fût très - heureux. C'est sur quoi le lecteur peut encore penser beaucoup; tout ce qu'on peut dire ici, c'est qu'il est à desirer que ce sultan soit le plus malheureux des hommes.

Ce qu'on a peut - être écrit de mieux sur le moyen d'être heureux, est le livre de Séneque, de vita beata; mais ce livre n'a rendu heureux ni son auteur, ni ses lecteurs. Voyez d'ailleurs, si vous voulez, les articles Bien, & Bienheureux de ce Dictionnaire.

Il y avoit autrefois des planettes heureuses, d'autres malheureuses; heureusement il n'y en a plus.

On a voulu priver le public de ce Dictionnaire utile, heureusement on n'y a pas réussi.

Des ames de boue, des fanatiques absurdes, préviennent tous les jours les puissans, les ignorans, contre les Philosophes; si malheureusement on les écoutoit, nous retomberions dans la barbarie dont

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