ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Au reste, ces ouvrages de Becher sont, malgré sa magnifique, sa sublime théorie, tout aussi obscurs que ceux des cent très - célebres alchimistes qu'il cite: car après avoir établi comme l'extrait, l'abrégé de toute l'Alchimie, summa Alchimioe, que sa fin, son moyen & son principe, sont le mercure; il avertit qu'on doit bien se donner de garde de prendre pour le mercure dont il parle le mercure coulant ordinaire, qu'il ne s'agit du - tout point de celui - là; que son mercure, le mercure des Sages & des Philosophes, mercurius sophicus, celui qu'il appelle medium objectum ou tinctura, est le mercure de l'or: quod (aurum) totâ suâ substantiâ mercurius est communi mercurio, quoad substantiam in omnibus similis, sed quoad qualitates in omnibus ei contrarius: nempè fixus, coctus, calidus, siccus, digestus, purus, undè qualitatem & vim mercurium communem digerendi & alterandi habet. Il est presque inutile d'ajoûter, & par conséquent un être imaginaire, du - moins tout aussi arcane que ce qui est le plus gratuitement promis, ou le plus soigneusement caché dans tous les ouvrages hermétiques.

Je pense avec l'auteur du discours historique sur la Chimie, imprimé à la tête du cours de Chimie, selon les principes de Newton & de Stahl, qu'on ne sçauroit donner une idée plus claire des principes & de la maniere des écrivains alchimistes, qu'en rapportant un morceau remarquable de quelque adepte fameux. L'auteur dont je suis l'idée transcrit un long passage de Riplée, chanoine de Brilingthon. Ce passage est très - bien choisi: le voici.

« J'ai promis de donner divers procédés; mais il faut que j'explique les termes obscurs. Les Philosophes se servent de divers noms; par - là ils cachent leur science à ceux qui en sont indignes. Notre pierre est une matiere unique. Il y a une substance qui porte le nom d'un des sept jours; elle paroît vile, mais on en retire une humeur vaporeuse, qu'on nomme le sang de lion vert; de ce sang on forme l'eau appellée blanc d'oeuf, eau - de - vie, la rosée de Mai: cette eau donne une terre appellée soufre vif, chaux du corps du soleil, coque d'oeuf, céruse, arsenic. L'eau contient l'air, la terre renferme le feu, l'un & l'autre se pourrissent ensemble: on en peut séparer les quatre élémens par la distillation & l'extraction. Mais pour former le grand elixir, il suffit de séparer l'eau de la terre, de calciner la terre, de rectifier l'eau en la faisant circuler, de la rejoindre ensuite à la terre. Quand vous lirez dans quelque philosophe, prenez une telle matiere, souvenez - vous qu'il ne vous marque que la pierre ou ses parties. L'arsenic, par exemple, est le feu de la pierre, le soufre l'air, l'huile le feu; l'ammoniac noir dissout la terre, le mercure l'eau, & quelquefois le mercure même, le mercure sublimé, l'eau exaltée avec sa chaux qui se doit congeler en sel. Ce sel se nomme salpêtre, ou soufre de Bacon. Quand vous lirez, prenez du mercure, de l'arsenic, du saturne, le lion vert; ne prenez pas l'argent vif, l'arsenic du vulgaire, le vermillon, le cuivre & le vitriol. Je dis la même chose de l'or & de l'argent; bannissez les sels, les eaux corrosives qui ne sont pas métalliques. Le dessein des Philosophes, c'est d'imiter la nature; ils ont voulu former en peu de tems ce qu'elle donne en plusieurs années. Pour faire l'or & l'argent, ils ont pris une terre rouge & une terre blanche; ils les joignent jusqu'à ce qu'elles soient fixes & fusibles. L'or n'est qu'une terre rouge unie à un mercure rouge: l'argent est une terre blanche incorporée à un mercure blanc. On doit fixer ces mercures dans leur terre, jusqu'à ce qu'ils soûtiennent toutes sortes d'épreuves. Il faut qu'un peu de cette composition puisse teindre une gran<cb-> de quantité de quelque métal que ce soit. Les Philosophes ne se sont pas servi d'or & d'argent pour cette teinture; c'est pour cela qu'ils ont dit qu'elle ne demandoit pas de dépense. La plûpart de ceux qui cherchent la pierre, travaillent sur l'or, l'argent, ou le mercure vulgaire; ils se trompent. L'or & l'argent des Philosophes sont renfermés dans un même corps que la nature n'a pas amené à sa perfection. C'est dans cette terre blanche ou rouge que les Philosophes disent que la pierre est le lion verd, l'assa foetida, la fumée blanche; ils se sont servi de ces noms pour faire illusion aux ignorans. Par le lion verd on entend la semence de l'or. L'assa foetida signifie l'odeur que donne la matiere impure dans la premiere distillation. Le nom de fumée blanche vient des vapeurs blanches qui s'élevent au commencement. Plusieurs s'imaginent que la matiere de la pierre est dans les excrémens; ils se fondent sur les Philosophes qui disent qu'elle se présente sous une forme desagréable, qu'elle est en tout lieu, qu'elle prend naissance entre deux montagnes, qu'on la foule aux piés, qu'elle vient de mâle, de femelle; mais ils se trompent. Les Philosophes nous avertissent eux - mêmes que ce n'est pas dans les matieres fécales qu'il faut chercher la pierre.

Il se présente ici une difficulté, suivant ce que nous venons de dire. Ce n'est pas dans l'or & l'argent qu'il faut chercher la pierre: cependant les Philosophes nous disent ailleurs que la pierre n'est pas dans des matieres d'un genre différent; ils entendent par - là seulement, qu'elle vient du premier principe, c'est - à - dire de la chaleur naturelle ou végétable. Si l'on ne connoît pas cette chaleur qu'on a nommée ventre de cheval, feu humide, fumier, c'est en vain qu'on travaillera ».

On retrouve la même maniere dans le plus ancien des auteurs purement alchimistes, dont l'ouvrage ait été imprimé, Morien, romain, hermite de Jérusalem, de qui Boerhaave a dit qu'il avoit écrit castissimè, c'est - à - dire sans doute, sincerement; & qu'il étoit compté parmi les auteurs purissimos, c'est - à - dire apparemment les moins défigurés par les copistes, les traducteurs, les éditeurs. Le morceau le plus clair de cet ouvrage, c'est son dernier chapitre qui contient l'exposition des matériaux, specierum. L'auteur annonce d'abord dans ce chapitre, que les Philosophes qui l'ont précédé ont caché ces especes sous différens noms, pour que ceux qui chercheroient ce magistere indignement, fussent induits absolument en erreur. Il explique ensuite chaque nom mystérieux par des noms connus; & il ajoûte: « Quoique le vrai nom des especes soit révélé, laissez les fous chercher toutes les autres choses nécessaires à sçavoir pour la confection de ce magistere, & s'égarer en les cherchant, parce qu'ils ne parviendront à l'effectuer que quand le soleil & la lune seront réduits en un même corps; ce qui ne peut arriver sans le précepte divin ».

De sorte que, de l'aveu même des philosophes hermétiques, ou les noms des matieres sont cachés, ou bien interpretés d'une maniere illusoire ou inutile. Leurs procédés ne sont jamais mieux voilés que lorsqu'ils paroissent exposés le plus nuement: car lorsque toutes les matieres, toutes les opérations & tous les produits sont des choses connues, il est unanimement avoué que ces choses connues sont des emblèmes de choses cachées. Les philosophes hermétiques écrivent donc très - obscurement à dessein, par état, par esprit de corps; ils en font profession.

Il faut distinguer ces auteurs en deux classes; les écrivains d'Alchimie pure, qui, comme Morien & Riplée que nous venons de citer, & la tourbe reléguée de la vraie Chimie, n'ont discouru que de la [p. 171] pratique essentielle de l'Alchimie, de la confection du grand - oeuvre. Les autres sont ceux qui dans des ouvrages où ils ont eu pour objet premier & fondamental la transmutation métallique, ont enchâssé cependant dans le jargon alchimique des découvertes sur l'art de traiter les corps par le feu & les menstrues, c'est - à - dire la Chimie générale, y ont décrit des opérations & des instrumens nouveaux ou perfectionnés, ou enfin qui ont enrichi l'art de préparations utiles, usuelles, ou de théories philosophiques lumineuses. Ceux qui sont les plus distingués dans cette derniere classe tiennent aussi le premier rang parmi les premiers chimistes depuis Geber jusqu'à Becher. Voyez la partie historique de l'article Chimie, dans lequel on trouvera (depuis la page 425 au bas de premiere colonne, jusqu'à la fin de la page 428) sur les antiquités alchimiques & sur les plus anciens auteurs, des recherches fort étendues, & qu'il auroit été inutile de répéter ici, même en extrait ou en abrégé.

Je crois pouvoir déduire du petit nombre d'observations que je viens de rapporter sur les écrits alchimiques, que sans décider même de la nullité de l'art & de la frivolité des prétextes allégués pour défendre l'obscurité de la doctrine, que ce seroit, dis - je, une manie bien bisarre que celle de s'occuper à pénétrer le sens des énigmes hermétiques; qu'il est très - probable même que ces énigmes n'ont pas un sens. J'ai sacrifié un tems assez considérable à parcourir les plus célebres des ouvrages hermétiques purs anciens & modernes, imprimés & manuscrits, pour en tirer les matériaux de trois articles de ce Dictionnaire, savoir l'historique de l'article Chimie, celui - ci, & l'article Pierre philosophale; & je puis assûrer avec vérité que l'extrait de toutes les connoissances qu'on y peut puiser pour l'acquisition du grand arcane, le véritable esprit de tous ces livres peut se réduire à cette formule tirée d'Avicenne par Becher: qui accipit quod debet & operatur sicut debet, procedit indè sicut debet: « celui qui prend ce qu'il faut & opere comme il faut, réussit par - là comme il faut »; & à ce beau précepte, labora & ora, travaille & prie. Or quand même cet appareil de mystère ne seroit pas rebutant en soi, qu'il se trouveroit des esprits pour qui ces ténebres même seroient un appât très - séduisant, au - moins qu'il y auroit eu des siecles & des nations dont la philosophie auroit été reservée à un petit nombre d'élus; certainement ce goût n'est ni de notre siecle ni de notre nation; notre philosophie est communicative & amie de l'évidence. Les mystères hermétiques ne sauroient s'accommoder avec sa méthode, ni tenter ses sectateurs.

Je sais bien qu'il y aura beaucoup de grands chimistes qui accuseront ce jugement de paresse ou d'ignorance. Mais nous répondrons encore que tel est le goût de notre siecle, que nous sommes parvenus enfin, tout à - travers de l'enthousiasme des Sciences, à apprécier assez sainement les merveilles qu'elles nous découvrent, pour croire les acheter trop cher, s'il faut les puiser dans des ouvrages seulement prolixes, dissous dans une surabondance de paroles, d'observations, de théories, d'expériences, s'il est permis à un chimiste d'employer dans un article de chimie une image chimique, à plus forte raison si ces ouvrages sont obscurs. Nous osons donc être dégoûtés des ouvrages même des alchimistes de la seconde classe, des Lulles, des Paracelses, &c. en avouant pourtant qu'il faut que les vrais maîtres de l'art s'abreuvent de ces premieres sources, toutes troubles & ameres qu'elles sont.

Les Alchimistes ne se sont pas contentés de cacher leurs arcanes vrais ou prétendus, par l'obscurité de leurs écrits, ils les ont encore enveloppés sous des hyéroglyphes ou des emblèmes tout aussi peu intelligibles. Les plus fameux auteurs hermétiques ont orné leurs ouvrages de quelques - uns de ces tableaux emblématiques, & même ils ont dressé des suites d'emblèmes. La plus complette qui soit parvenue jusqu'à nous est connue sous le nom de liber mutus; elle est gravée à la fin de la Bibliotheque chimique de Manget, & à la fin de nos Planches de Chimie. (b)

HERMÉTIQUEMENT (Page 8:171)

HERMÉTIQUEMENT, (scellé.) Chimie. C'est fermer un vaisseau de verre, en faisant fondre & couler en une seule masse continue les parois de son orifice. (b)

HERMHARPOCRATE (Page 8:171)

HERMHARPOCRATE, s. m. (Antiq.) statue de Mercure, avec une tête d'Harpocrate. Cette statue a des piés & des mains, puisqu'elle a des aîles aux talons, ce qui designe Mercure; & puisqu'elle met le doigt sur la bouche, symbole d'Harpocrate. Il y a des hermès qui nous représentent Harpocrate, assis sur une fleur de lotus, tenant le caducée d'une main, & portant le fruit de pêcher sur la tête. M. Spon, qui parle des Hermharpocrates dans ses Recherches curieuses, dit que les anciens ont peut - être voulu nous apprendre par cette figure, que le silence est quelquefois éloquent, Mercure étant le dieu de l'éloquence & Harpocrate celui du silence. (D. J.)

HERMHÉRACLE (Page 8:171)

HERMHÉRACLE, s. m. (Antiq.) statue ou pilastre composé de Mercure & d'Hercule, dont les noms grecs étoient Hermès & Héracle. C'est une divinité représentée en maniere d'un Hercule sur un herme, tenant d'une main la massue & de l'autre la dépouille du lion, ayant la forme humaine jusqu'à la ceinture, & le reste terminé en colonne quarrée.

On mettoit communément les Herméracles dans les gymnases & dans les académies, parce que Mercure & Hercule, c'est - à - dire l'adresse & la force, doivent présider aux exercices de la jeunesse; & d'un autre côté, parce que la perfection de l'homme consiste dans une correspondance de la beauté de l'esprit & de la forme du corps.

Toutes les écoles de la Grèce étoient embellies de tableaux, de statues, & en particulier d'herméracles. Cicéron écrivant à Atticus, le prie de lui envoyer les statues & les herméracles qu'il lui a promis.

« C'est comme vous savez, lui dit - il, pour orner cette salle des exercices que vous connoissez si bien ». Les curieux trouveront le type d'un herméracle dans les Rech. cur. d'Antiq. de M. Spon, p. 98. fig. 13. (D. J.)

HERMIA (Page 8:171)

HERMIA, s. m. (Botan.) petit fruit des Indes, semblable au poivre pour la figure & pour la forme; il est aussi attaché à un court pédicule, son écorce est rayée, sa couleur citrine ou rougeâtre, & son goût aromatique. Il fortifie l'estomac, dissipe les flatuosités, & s'emploie dans le relachement de la luette.

HERMIEN (Page 8:171)

HERMIEN, s. m. (Théolog.) nom de secte. Hérétiques qui s'éleverent dans le second siecle, & qui furent ainsi appellés de leur chef Hermias.

On les appelle aussi Séleuciens. Voyez ce mot.

Ils enseignoient que Dieu est corporel, & que Jesus - Christ ne monta point au ciel avec son corps, mais qu'il le laissa dans le soleil. Voyez Ascension, Diction. de Trévoux. (G)

HERMINE (Page 8:171)

HERMINE, s. f. hermellanus, (Hist. nat. Zool.) animal quadrupede, plus grand que la belette, mais de la même forme; il a environ neuf pouces & demi de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue. L'hermine est entierement blanche en hiver, à l'exception du bout de la queue qui est noir; en été, elle a les mêmes couleurs que la belette, excepté encore le bout de la queue qui reste noir; le bord des oreilles & les quatre piés qui sont blancs. Dans cette saison, on lui donne le nom de roselet, & bien des gens croient que l'hermine & le roselet sont deux animaux différens: on sait cependant que

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