ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"120"> Peau, Chaleur animale (Physiol. & Pathol.) Froid (Econom. anim.)

Les hémorrhagies peuvent encore avoir des suites fâcheuses sans être excessives, si elles se font par des vaisseaux qui appartiennent à des organes d'un tissu délicat, en tant que dans les cas même où elles servent à soulager la nature, elles établissent un vice dans la partie qui peut être très - nuisible: c'est ainsi que l'hémoptysie souvent, en suppléant à une autre hémorrhagie supprimée qui étoit nécessaire ou au moins utile, laisse néanmoins une disposition à ce qu'il se forme des ulceres dans les poûmons, qui sont le plus souvent incurables, & jettent dans une maladie chronique qui mene à une mort inévitable.

En général, on peut distinguer une hémorrhagie salutaire d'avec celle qui ne l'est point, en faisant attention aux forces: l'une les releve dans le cas où elles n'étoient qu'opprimées par la surabondance d'humeurs; tous les symptomes, dont le malade se sentoit fatigué, accablé, se dissipent à mesure que le sang coule, que la pléthore diminue & cesse d'avoir lieu: l'autre au contraire affoiblit de plus en plus le malade, & s'ensuivent tous les effets de l'épuisement des forces qui indiquent bien - tôt le besoin d'en faire cesser la cause, en arrêtant, s'il est possible, l'écoulement du sang; ce dont le malade ne tarde pas à se bien trouver: au lieu qu'il y a beaucoup de danger à supprimer une hémorrhagie salutaire, comme celle qui se fait par le nez dans les jeunes gens, par les veines hémorrhoidales dans les adultes, par les voies utérines dans les femmes; parce que c'est le sang surabondant qui cause ordinairement de semblables hémorrhagies, & que ce sang ne pouvant s'évacuer par l'issue vers laquelle il avoit le plus de tendance, il se porte dans quelque autre partie, où il produit de mauvais effets, soit qu'il se fasse, pour se répandre, un autre passage que celui qu'il affectoit, & qu'il dilate ou rompe des vaisseaux délicats qui ne peuvent pas ensuite se fermer, donnent occasion à des hémorrhagies excessives par quelques voies que ce soit; ou que ce sang, par une sorte de délitescence ou de métastase forcée, soit porté dans quelque partie assez résistante pour qu'il ne s'y fasse aucune issue, & qu'il y forme des engorgemens, des dépôts inflammatoires, des embarras de toute espece dans la circulation; d'où s'ensuivent différentes lésions considérables dans l'économie animale, telles entre autres que les attaques d'apopléxie à la suite de la suppression des hémorrhoïdes; les vomissemens, les crachemens de sang, à la suite des menstrues supprimées, &c.

On ne sauroit donc employer trop de prudence à entreprendre le traitement des hémorrhagies, surtout par rapport aux remedes astringens, tant externes qu'internes, qui sont l'espece de secours que l'on emploie le plus communément à cet égard; ils operent assez facilement & assez promptement, parce que leur action consiste principalement à exciter l'irritabilité des fibres qui ont perdu leur ressort dans les vaisseaux ouverts, par lesquels se fait l'hémorrhagie.

Mais cette qualité astringente ne borne pas ordinairement ses effets à la partie affectée: les astringens pris intérieurement ne peuvent éviter de porter leur effet sur tout le systême des solides, en se mêlant à toute la masse des humeurs; ils ne peuvent pas agir par choix, en réservant leur efficacité pour la seule partie lésée; cela ne peut pas avoir lieu à l'égard de cette sorte de médicament, qui ne sauroit avoir aucune analogie particuliere avec aucune sorte d'organe: l'impression qu'ils font est donc générale; mais si elle n'est que médiocre, & qu'elle ne fasse qu'augmenter le ressort des solides égale<cb-> ment dans toutes les parties, sans qu'il s'ensuive un suffisant resserrement pour fermer entiérement les vaisseaux ouverts, bien loin que l'hémorrhagie cesse, elle risque d'être augmentée par l'augmentation de ton du ressort qu'en acquierent tous les solides, d'où suit qu'ils expriment de plus en plus les fluides contenus, & ne peuvent par conséquent que rendre plus forte l'impulsion des humeurs dans tout le corps, donc aussi vers l'orifice des vaisseaux hémorrhagiques; ce qui ne fait que rendre le mal plus considérable.

Ainsi les astringens donnés intérieurement, doivent être employés à si grande dose, à proportion de la force du tempérament du malade, & si promptement, qu'ils operent, sans retarder, un effet suffisant, d'où puisse suivre une si grande augmentation dans le ton des solides en général, que les vaisseaux hémorrhagiques se ferment tout de suite.

Mais cette adstriction si forte & si subite n'est pas sans inconvéniens, par l'embarras qu'elle peut causer au cours des humeurs en général; d'ailleurs, avant que la masse du sang soit imprégnée de la vertu des astringens, l'hémorrhagie, pour peu qu'elle soit considérable, ne seroit - elle pas de trop longue durée, & n'y auroit - il pas à craindre, par conséquent, qu'elle ne fût très - pernicieuse, dans le cas où elle seroit de nature à devoir être arrêtée le plus tôt possible?

Les plus sûrs astringens sont donc ceux qui peuvent agir promptement sur le genre nerveux, de maniere à y exciter un mouvement spasmodique, général, qui produise l'effet desiré; c'est - à - dire le resserrement nécessaire pour arrêter l'écoulement du sang. Tels sont tous les moyens propres à causer un sentiment subit de froid, comme la glace appliquée sur quelque partie du corps actuellement bien chaude, & naturellement bien sensible: cet effet est encore plus énergique, si la qualité pénétrante & irritante est jointe au moyen employé, pour procurer le sentiment de froid, comme la possede le vinaigre bien fort, qui, étant appliqué sur le bas - ventre, sur les bourses, sur les mamelles, & même sur toute la surface du corps, si le cas le requiert, avec des linges qui en sont imbibés, peut causer un resserrement général dans tous les vaisseaux, très - propre à arrêter l'hémorrhagie dans ceux qui sont ouverts.

C'est par la même raison que les passions de l'ame, lorsqu'on en est affecté subitement, peuvent produire un effet à peu - près pareil, en tant qu'elles causent une tension genérale dans le genre nerveux; c'est ainsi que l'on voit souvent des femmes qui éprouvent la suppression de leur hémorrhagie naturelle, par un accès violent de colere, par une grande révolution de joie ou de chagrin, par une frayeur, une terreur dont elles sont saisies tout - à - coup. La même chose leur arrive aussi pour s'être imprudemment exposées au froid, en se mouillant quelque partie du corps avec de l'eau froide, mais sur - tout les extrémités inférieures, dont l'impression se communique plutôt aux vaisseaux utérins.

De pareils accidens contre nature, & par conséquent nuisibles, ont fait naître l'idée de faire des applications avantageuses de leurs effets dans des cas où ils peuvent être salutaires, en tant qu'ils produisent des suppressions d'hémorrhagies pernicieuses par leur nature ou par excès.

Il faut observer cependant, que les moyens qui tendent à augmenter la tension, le jeu, l'action des solides, ne peuvent être employés dans les hémorrhagies, qu'en tant qu'il y a lieu de présumer que l'érétisme n'a aucune part à les causer; car lorsqu'elles sont accompagnées de cette disposition dans le genre nerveux, tout ce qui peut augmenter le ton des solides, ne peut qu'ajouter à la cause du mal; ainsi on ne peut la diminuer alors, qu'en employant [p. 121] les moyens propres à calmer cet érétisme: c'est pourquoi les narcotiques, les antispasmodiques sont souvent si efficaces pour arrêter les hémorrhagies symptomatiques, compliquées avec des symptomes dolorifiques, telles que celles qui surviennent dans les maladies convulsives.

On ne peut donc être trop circonspect dans l'usage des cordiaux employés contre les défaillances qui sont causées par des hémorrhagies.

Mais comme il n'y a point de cause occasionnelle des hémorrhagies, plus commune que celle de la surabondance des humeurs, & sur - tout de leur partie rouge; il n'est point aussi de moyen plus approprié pour la faire cesser, cette cause, que de procu rer une hémorrhagie artificielle dans les parties où elle ne peut pas nuire; ce qui satisfait également au besoin de diminuer le volume du sang, soit qu'on puisse le regarder comme étant réellement le produit d'un trop grand nombre de globules rouges qui en composent la masse; soit que cet excès de volume ne doive être attribué qu'à la raréfaction, s'il peut y en avoir effectivement de sensible dans la masse des humeurs animales. Voyez Pléthore.

L'évacuation artificielle du sang ainsi effectuée, fait une diversion, par rapport aux parties vers lesquelles l'excédent du sang auroit pu être porté, pour s'y faire une issue, par une suite de leur disposition vicieuse, qui y auroit rendu très - nuisible le dépôt d'humeurs qui s'y seroit formé, la rupture des vaisseaux qui s'y seroit faite. Ainsi les saignées, les scarifications, l'application des sangsues, sont dans ces cas les remedes les plus convenables, & le plus souvent les seuls nécessaires, les seuls que l'on puisse employer, comme ils sont indiqués d'une maniere pressante, les saignées sur - tout, pour arrêter, pour suppléer les hémorrhagies symptomatiques ou critiques, pour en empêcher le retour.

Mais les hémorrhagies artificielles ne sont un remede, à l'égard des symptomatiques, que lorsqu'elles sont ou peuvent être l'effet de la pléthore générale; car lorsqu'elle est particuliere, il est rare, comme on l'observe par rapport aux regles, que les saignées ou d'autres moyens semblables empêchent ou arrêtent les hémorrhagies de cause interne; à moins que l'évacuation artificielle ne puisse être opérée pour hâter les effets de l'hémorrhagie nécessaire, en pratiquant cette opération dans la partie même où la pléthore s'est formée. Voyez Pléthore, Saignée.

Quant aux remedes topiques, que l'on peut employer contre les hémorrhagies, ils supposent que les vaisseaux ouverts sont exposés aux secours de la main; tels sont les applications des différens médicamens absorbans, coagulans, styptiques, sous forme tant solide que fluide ou liquide. Voyez Absorbant, Coagulant, Styptique, Saignement de nez, Playe .

Si la grandeur du vaisseau ouvert, & la quantité du sang qui s'en répand, rend de nul effet l'application de ces médicamens topiques; au cas que le vaisseau puisse être saisi, on tente d'en faire la ligature immédiate; sinon on peut quelquefois produire le même effet en liant, s'il est possible, la partie où se fait l'hémorrhagie; on comprime ainsi le vaisseau ouvert, ou on empêche le sang de s'y porter.

Et si enfin aucun de tous les différens moyens qui viennent d'être proposés, ne peuvent être employés avec succès pour arrêter une grande hémorrhagie, on peut faire usage d'un secours violent, mais efficace, & peut - être trop négligé, qui est de porter le feu dans la partie où se fait la perte de sang, si la chose est praticable; ce qui se fait par le moyen des fers rougis au feu, des cauteres actuels, qui sont sou<cb-> vent d'une grande ressource en pareil cas. Voyez Cautere, Playe.

Ce n'est pas le tout d'avoir arrêté une hémorrhàgie pour en rendre la cure complette, il faut encore s'occuper ensuite à chercher, à employer les moyens propres à en empêcher le retour, lorsqu'elle est véritablement nuisible, ou à en modérer l'excès, si elle peut - être salutaire: il faut s'appliquer à corriger le vice tant des solides que des fluides, qui y a donné lieu; fortifier la partie foible, lui donner du ressort, si c'est à son atonie que doit être attribuée l'hémorrhagie; prescrire un régime & des médicamens incrassans, si la trop grande fluidité, l'acrimonie dissolvante des humeurs, établit une disposition à l'hémorrhagie.

Mais si l'on a été forcé à procurer, par quelque moyen que ce soit, l'astriction de la partie où se faisoit une hémorrhagie, qui ne péchoit que par excès, & dont le retour avec modération soit nécessaire, il faut employer les moyens convenables pour que cette astriction ne fasse pas une trop grande résistance à la dilatation des vaisseaux, qui doit avoir lieu lorsqu'une nouvelle évacuation deviendra nécessaire; car il arrive souvent que le resserrement occasionné par les astringens, ou par tout autre stimulant tonique, devient tellement durable, que la nature ne peut pas le vaincre dans les cas où il est besoin ensuite de le faire cesser.

C'est ainsi que la suppression des regles, causée par les applications froides, est si difficile à guérir; parce que l'équilibre une fois rompu dans les solides d'une partie, soit par excès, soit par défaut de ressort, ne se rétablit qu'avec beaucoup de peine.

Pour un plus grand détail sur le traitement des hémorrhagies contre nature, & de celles qui étant salutaires ou critiques, péchent par excès ou par défaut, voyez les articles où il est traité des hémorrhagies particulieres, tels que les Menstrues, les Hémorrhoides, les Saignemens de nez, la Dyssenterie, le Flux hépatique, &c. & pour les auteuts qui ont écrit sur ces différens sujets, tant en général qu'en particulier consultez entre autres, les OEuvres de Sthaal, de Neuter, d'Hoffman.

Hémorrhagie (Page 8:121)

Hémorrhagie, (Chirurgie.) Les moyens que la Chirurgie a fournis dans tous les tems pour arrêter les hémorrhagies, peuvent se réduire aux absorbans, aux astringens simples, aux styptiques, aux caustiques, au fer brûlant, à la ligature & à la compression.

Les absorbans & les simples astringens ne peuvent être utiles que pour de legeres hémorrhagies; leur insuffisance dans l'ouverture des grands vaisseaux a fait mettre en usage l'alun, le vitriol, & toutes les huiles & les eaux styptiques ou escharotiques. Les anciens chirurgiens se servoient même des cauteres, de l'huile bouillante, du plomb fondu & du fer ardent; ils ont compliqué la brûlure de tant de façons différentes, que c'étoit faire, selon eux, une grande découverte, que d'imaginer une nouvelle façon de brûler; & ils brûloient ainsi, afin de froncer les vaisseaux par la crispation que cause la brûlure.

Les Chirurgiens plus éclairés devinrent moins cruels; ils imaginerent la ligature des vaisseaux. Le célebre Ambroise Paré, chirurgien de Paris, & premier chirurgien de quatre rois, la mit le premier en pratique au xvj. siecle. Cette maniere d'arrêter le sang lui attira bien des contradictions; mais quoique desapprouvée par quelques - uns de ses contemporains, il eut la satisfaction de la voir pratiquer avec un grand succès. La ligature rendit les chirurgiens moins timides; l'amputation des membres devint une opération plus sûre & moins douloureuse, & la guérison en fut plus prompte. On s'est servi presque universellement de la ligature jusqu'à ce

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