ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"118"> & enfin de se répandre hors de leur cavité, par le premier orifice qui se présente.

Ce dernier cas est ordinairement celui des hémorrhagies symptomatiques: le précédent convient à celles qui sont critiques; dans celui - là tout est, pour ainsi dire, méchanique; dans celui - ci, les effets sont comme prédéterminés.

Il suit, de ce qui vient d'être dit, que les différentes causes de l'hémorrhagie peuvent se réduire à deux sortes de changemens qui se font dans la partie où elle a lieu, respectivement à l'état naturel; savoir 1°. à la disposition particuliere des vaisseaux d'où se fait l'effusion de sang, disposition par laquelle la force retentrice de ces vaisseaux est considérablement diminuée, au point de céder à la force expultrice ordinaire, ou peu augmentée; 2°. à la disposition générale, par laquelle la force retentrice restant la même que dans l'état habituel, la force expultrice augmente dans toutes les autres parties, au point de surmonter la résistance de cette partie, de la faire cesser, & de forcer les vaisseaux à se dilater outre mesure, ou à se rompre.

On ne conçoit pas aisément que le simple écartement des fibres, qui composent les vaisseaux des parties qui souffrent une hémorrhagie, puisse suffire pour la procurer, par l'espece de disposition qu'on appelle diapédeze. Voyez Vaisseau. Cet écartement ne peut donner passage au sang, qu'en tant que les interstices s'ouvrent de la même maniere que pourroit faire l'orifice des vaisseaux collatéraux non sanguins, pour admettre dans leur cavité des globules de sang, par erreur de lieu. Voyez Erreur de lieu. Mais un tel écartement, sans solution de continuité, ne paroît guere possible; au lieu que la dilatation des collatéraux paroît suffisante pour expliquer tous les effets qu'on attribue à la diapédeze, sur - tout dans le cas de la dissolution du sang, qui rend plus facile la pénétration des globules rouges dans des vaisseaux étrangers.

L'érosion des vaisseaux, qu'on appelle diabrose, (voyez Vaisseau) ne paroît pas plus propre à produire des hémorrhagies que la diapédeze, parce que la qualité dissolvante, l'acrimonie dominante dans la masse des humeurs en général, (voyez Sang) à laquelle on attribue cet effet de dissolution des solides, cette érosion des vaisseaux, ne peuvent jamais fournir la raison d'un phénomene, qui est supposé absolument topique, qui doit, par conséquent, dépendre de causes particulieres; d'ailleurs, en supposant qu'un vice dominant dans les humeurs puisse, ce qui est très - douteux, exister au point de produire une solution de continuité plutôt dans une partie que dans une autre, il devroit s'ensuivre que l'hémorrhagie devroit durer tant que ce vice subsisteroit; ce qui est contraire à l'expérience, qui prouve que les hémorrhagies les plus considérables, les plus opiniâtres, sont néanmoins intermittentes périodiques ou erratiques; ensorte que, tant qu'il y a lieu à la dilatation forcée des vaisseaux, qu'ils restent sans réaction & comme paralytiques, en cédant à la quantité du sang dont ils sont engorgés, ou à l'effort avec lequel y est poussé celui qu'ils reçoivent continuellement, la voie étant une fois faite pour son écoulement, l'hémorrhagie continue, & ne diminue qu'à mesure que la quantité de l'humeur surabondante, ou la force de l'impulsion se fait moindre, & laisse reprendre leur ressort aux solides auparavant distendus beaucoup plus que ne le comporte leur état naturel; & celui - ci se rétablissant de plus en plus, jusqu'à ce que l'issue du sang qui s'écoule toujours moins abondant & moins rouge, soit tout - à - fait fermée, ne permet plus à ce fluide de s'extravaser, & le force à reprendre son cours ordinaire.

Tel est le système de toutes les hémorrhagies, tant naturelles qu'accidentelles, dans quelque partie du corps que ce soit; c'est ce qui se passe tant dans l'écoulement des menstrues, que dans celui des lochies, dans le flux hémorrhoidal, dans le pissement de sang, dans toute autre sorte d'hémorrhagie, soit par le nez, ou par toute autre partie du corps, où il n'y a d'autre différence, par rapport à l'évacuation, qu'à raison de l'intensité & de la durée, qui sont proportionnées à la force du sujet, de son tempérament, à la grandeur des vaisseaux ouverts, à la quantité de l'humeur surabondante à évacuer, ou à l'impulsion, à l'action spasmodique qui détermine le cours du sang, particuliérement vers la partie qui a été forcée, & qui oppose conséquemment moins de résistance, à cause de l'ouverture qui s'y est formée pour l'écoulement de ce fluide.

Après - avoir établi que l'hémorrhagie, de quelque nature qu'elle soit, ne semble dépendre que de la foiblesse de la partie où elle se fait, ou des efforts, soit méchaniques par les loix de l'équilibre vasculaire, ou spasmodiques, par une action déterminée de la puissance motrice, qui sont produits dans toutes les parties du corps contre celle qui s'ouvre, d'où suit l'effusion de sang; on peut donc conclure, que dans le premier cas l'hémorrhagie ne peut être regardée que comme un symptome morbifique, un vice, une lésion dans l'économie animale; & que dans le second, elle est toujours une tendance de la nature à produire un effet utile, à diminuer la trop grande quantité de sang absolue ou respective, dans une partie ou dans tout le corps; par conséquent à remédier à la pléthore générale ou particuliere; (voyez Pléthore) comme il est clairement prouvé par les hémorrhagies qui succedent à la suppression des regles, puisqu'on a souvent observé que les pertes de sang subsidiaires se rendent périodiques, comme celles dont elles sont le supplément.

Ainsi Sthaal, Venter, & la plûpart des observateurs en pratique, rapportent avoir souvent vû des hémoptysies, des crachemens, des vomissemens, des pissemens de sang qui avoient des retours aussi réglés que sont ceux de l'évacuation menstruelle dans l'érat naturel: ce qui établit indubitablement qu'il y a quelque chose d'actif dans ces sortes d'hémorrhagies utiles, qui est une vraie tendance de la nature à faire des efforts pour suppléer, par une évacuation extraordinaire, au défaut d'une autre qui devoit se faire naturellement, ou qui étoit devenue nécessaire par habitude, par tempérament.

Mais cette tendance suivie des effets, peut cependant pécher par excès ou par défaut: il en est donc de toute hémorrhagie spontanée comme des menstrues utérines qui sont toujours produites pour l'avantage de l'individu; mais il peut y avoir des variations très - nuisibles, en tant que l'évacuation peut être trop ou trop peu considérable, ou qu'elle peut être accompagnée d'autres circonstances nuisibles à l'économie animale. Voyez Menstrues, Hémorrhoides, Saignement de nez .

On trouvera, dans ces différens articles, à se convaincre, que si les hémorrhagies sont souvent des effets grandement nuisibles à l'économie animale, en tant qu'elles procurent l'évacuation d'un fluide, qui devroit être retenu, conservé dans ses vaisseaux, ou qu'elles causent par excès du déréglement à l'égard d'une excrétion naturelle, elles sont aussi très - souvent un des plus sûrs moyens que la nature emploie pour préserver des maladies qu'une trop grande quantité même de bonnes humeurs pourroit occasionner; & qu'ainsi les hémorrhagies ne doivent pas toûjours être regardées comme des maladies, puisqu'elles sont au contraire très souvent propres à en garantir, & qu'elles peuvent produire des effets salutaires, en tant qu'elles tien<pb-> [p. 119] nent lieu, dans ces cas, d'un remede évacuatoire, qui même ne peut souvent être suppléé par une évacuation artificielle équivalente, si elle n'est pas faite dans la partie, & peut - être même des vaisseaux particuliers, vers lesquels sont dirigés les efforts de la nature, pour y déposer l'excédent des humeurs, qui doit être évacué sans aucun autre dérangement de fonction qui puisse caractériser une maladie.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas moins de danger à supprimer une hémorrhagie critique, simple, dans quelque partie du corps qu'elle ait lieu, qu'à faire cesser mal - à - propos l'hémorhagie naturelle aux femmes: la disposition de l'économie animale peut rendre celle - là aussi utile, aussi nécessaire que celle - ci.

L'effort salutaire de la nature se démontre clairement par les signes qui précedent dans la plûpart des hémorrhagies spontanées, & qui dénotent une véritable dérivation des humeurs vers la partie où doit se faire l'évacuation pour l'avantage de l'individu. Ainsi, avant le saignement de nez, la tête devient pesante, le visage devient rouge, les jugulaires s'enflent, les rameaux des carotides battent plus fortement, tandis que toute l'habitude du corps devient pâle, & que les extrémités inférieures sont froides; ce qui ne peut être que l'effet de la révulsion spasmodique de toutes ces parties - ci vers les parties supérieures. Dès que le sang a coulé suffisamment, l'égalité de la chaleur & du cours des humeurs se rétablit dans tout le corps à mesure que les efforts toniques cessent d'être déterminés par le besoin, & que les lois de l'équilibre reprennent le dessus. Les symptomes qui précedent le plus souvent le flux menstruel, le flux hémorrhoïdal, le vomissement de sang, l'hémoptisie & les autres hémorrhagies spontanées ou critiques, sont respectivement de la même nature. Voyez les articles où il est traité de ces différentes évacuations.

Mais si le sang qui est forcé à sortir de ses vaisseaux, ne trouve point d'issue pour être versé immédiatement hors du corps; s'il se répand dans quelque cavité où il se ramasse, où il devient un corps étranger, soit que la cause efficiente de l'hémorrhagiè soit symptomatique ou critique, il en résulte des desordres dans l'économie animale, qui sont proportionnés à l'importance des fonctions qui sont lésées en conséquence: ainsi l'épanchement du sang, dans l'intérieur du crâne, produit une compression du cerveau, qui intercepte le cours des esprits dans le genre nerveux, à proportion qu'elle est plus considérable; d'où s'ensuivent des causes très - fréquentes de paralysies plus ou moins étendues, selon que les nerfs sont affectés dans leur principe en plus ou moins grand nombre; d'où résultent très - souvent des apoplexies, des morts subites, lorsque la compression est assez étendue & assez considérable pour porter sur les nerfs qui se distribuent aux organes des fonctions vitales: ainsi l'effusion du sang qui se fait par l'ouverture ou par la rupture de quelque gros vaisseau dans la poitrine, cause des compressions sur les poûmons, sur les arteres principales ou sur le coeur même, d'où s'ensuivent des suffocations, des syncopes mortelles. L'épanchement de sang dans la cavité du basventre ne produit point des effets si dangereux; & ce n'est qu'à raison de la quantité qui s'en répand qu'il peut s'ensuivre des lésions qui portent atteinte au principe vital, autrement ces sortes d'hémorrhagies ne nuisent point d'une maniere aussi prompte & aussi violente que celles qui se font dans des cavités, où le sang accumulé peut gêner les fonctions des organes qui servent immédiatement à l'entretien de la vie.

Dans ces différens cas, si l'on peut s'assûrer par des signes extérieurs (qui manquent le plus souvent), de l'effusion du sang dans les différentes capacités, & que l'effet n'en soit pas assez promptement nuisible pour prévenir & rendre inutiles tous les secours qu'on peut employer; on peut tenter de donner issue au fluide répandu, en ouvrant le crâne par le moyen du trépan; la poitrine & le ventre, en faisant la paracentese de la maniere convenable, respectivement à chacune de ces parties. Voyez Trépan, Paracentese. Mais le plus souvent la mort ne laisse pas le tems à des soins qui ne peuvent être donnés qu'à la suite de mûres délibérations, de certains préparatifs; ou on ne les donne ces soins qu'à pure perte, parce qu'on parvient rarement, par ces opérations, à donner issue au sang ramassé, par la difficulté de pénétrer dans l'endroit même où s'est fait l'amas; comme, par exemple, lorsqu'il ne se trouve pas à la surface du cerveau, ou à portée de cette surface & de maniere à répondre à l'ouverture faite par le trépan, lorsque le sang est renfermé dans les cavités de la base du crâne ou des ventricules du cerveau: il en est de même, lorsque le sang épanché dans la poitrine se trouve renfermé dans le péricarde, &c.

Cependant ce fluide, hors de ses vaisseaux, est un corps étranger qui dégénere bien - tôt, & ne peut qu'être très - nuisible à l'économie animale, tant qu'il est renfermé entre les visceres, sans issue en quantité considérable: il n'y a d'autre moyen d'en faire cesser les mauvais effets, qu'en le faisant sortir hors du corps, ce qui est très - difficile, comme on vient de le faire entendre, & rend toujours ces sortes d'hémorrhagies très - dangereuses, & le plus souvent mortelles; qu'elles soient, ainsi qu'il a été dit, symptomatiques ou critiques.

Les hémorrhagies les plus communes, dans lesquelles le sang se répand hors du corps, peuvent être aussi très - nuisibles, si elles causent une trop grande déperdition de ce fluide par quelque cause qu'elles soient produites, soit qu'elles se fassent par la dilatation forcée des vaisseaux, soit qu'elles dépendent d'une rupture de leurs tuniques: le cerveau recevant moins de sang qu'à l'ordinaire, il s'y sépare à proportion moins de fluide nerveux; d'où s'ensuit le défaut d'esprits nécessaires pour soutenir les forces, pour opérer les mouvemens nécessaires à l'exercice de toutes les fonctions: d'où résultent la débilité & toutes ses suites, particulierement l'imperfection des digestions, de la sanguification, qui en fournissant un chyle mal travaillé & moins propre à donner la matiere propre à former des globules rouges; cette matiere elle - même étant mal travaillée, & ce qui en résulte faisant une très - petite quantité de ces globules, & respectivement trop de parties séreuses, disposent ainsi le fluide des vaisseaux sanguins, à manquer de la consistence qui lui est nécessaire, & à être plus susceptible de passer dans les vaisseaux collatéraux d'un genre différent, à les remplir d'humeurs aqueuses plus tenues qu'elles ne devroient se trouver dans ces vaisseaux d'où elles s'échappent plus aisément, & fournissent matiere à une plus grande quantité d'exhalations par la voie de la transpiration, particulierement dans les capacités des différens ventres, dont la chaleur tient les pores plus ouverts; ensorte que ces vapeurs s'y ramassent, s'y condensent ensuite, & y forment la matiere de différentes sortes d'hydropisies, telles qu'on les observe souvent à la suite des pertes de sang produites par les grandes blessures, ou par toute autre cause externe ou interne d'effusion de sang; voyez Hydropisie. Le défaut de globules rouges, dans les vaisseaux sanguins, doit aussi causer la paleur de toute l'habitude du corps, la diminution de la chaleur naturelle, &c. Voyez Sang,

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