ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"122"> jour, pour arrêter le sang non - seulement dans l'amputation des membres, voyez Amputation, mais encore dans l'opération de l'anevrysme, voyez Anevrysme, & dans les plaies accompagnées de grandes hémorrhagies.

M. Petit fait observer dans une dissertation sur la maniere d'arrêter le sang dans les hémorrhagies, imprimée dans les mém. de l'acad. royale des Sciences, année 1731, que ces différens moyens n'auroient jamais été ou très - rarement suivis de succès sans la compression; il a toûjours fallu, même dans l'application des caustiques, appliquer des compresses qui fussent assujetties & soutenues par plusieurs tours de bande suffisamment serrés pour résister à l'impulsion du sang de l'artere, & s'opposer à la chûte trop prompte de l'escharre que font les styptiques, le feu, ou à la séparation prématurée de la ligature ou de l'escharre. Sans cette précaution, on auroit presque toûjours à craindre l'hémorrhagie, qui n'arrive que trop souvent à la chûte de la ligature ou de l'escharre, malgré les soins qu'on prend pour l'éviter par une compression convenable.

M. Petit, après avoir remarqué que la compression a dû, selon toutes les apparences, être conforme à la premiere idée que les hommes ont dû naturellement avoir pour arrêter le sang, lui donne en ce qui concerne les amputations, tous les avantages de la nouveauté, soit par rapport à la maniere de comprimer les vaisseaux, soit par rapport à l'usage exclusif qu'il lui donne, en rejettant la ligature autant qu'il est possible. Il fait observer que le bout du doigt légerement appuyé sur l'orifice d'un vaisseau, est un moyen suffisant pour en arrêter le sang, & qu'il ne faudroit point autre chose si l'on pouvoit toûjours tenir le doigt dans cette attitude, & si le moignon d'un malade agité pouvoit garder assez long - tems la même situation; mais la chose étant impossible, M. Petit y a remédié par l'invention d'une machine qui fait sûrement & invariablement l'office du doigt; il en donne la description & la figure dans les Mém. de l'acad. royale des Sciences, année 1731. Les mémoires de l'année suivante contiennent des observations du même auteur, confirmatives des raisons & des faits rapportés dans la premiere dissertation; les personnes de l'art ne liront point ces ouvrages sans en tirer des instructions aussi solides que nécessaires. Nous décrirons cette machine à la fin de cet article.

En 1736, M. Morand a donné un mémoire à l'académie royale des Sciences, où rappellant ce que M. Petit a dit sur les hémorrhagies dans les années 1731 & 1732, il adopte la doctrine de cet auteur sur la formation du caillot qui contribue à arrêter le sang; mais il ajoute que la crispation & l'affaissement du tuyau y ont aussi beaucoup de part; que les agens extérieurs employés pour arrêter le sang tendent toûjours à procurer au vaisseau l'état d'applatissement ou de froncement, & que ces agens sont plus efficaces à proportion qu'ils diminuent davantage le calibre ou le diametre du vaisseau.

Le caillot si nécessaire pour la cessation de l'hémorrhagie examiné dans sa formation, ne fait que suivre, selon M. Morand, l'impression qu'il a reçûe de l'artere qui est son moule; & jamais l'hémorrhagie ne s'arrêteroit si on supposoit l'artere après sa section, conservée dans le même état où elle étoit au moment de sa section, & sans avoir changé ni de forme ni de diametre.

M. Morand rapporte les observations les plus favorables qui semblent tout donner au caillot, & en oppose d'autres par lesquelles il prouve que l'applatissement seul du vaisseau peut le faire.

Nous parlerons de la méthode d'arrêter le sang de l'artere intercostale au mot Ligature; & de l'hé - morrhagie qui suit l'extirpation d'un polype au mot Polype. Il faut observer généralement que pour les hémorrhagies ordinaires, l'application de la charpie brute, soutenue de quelques compresses assujetties par quelques tours de bande, suffit pour procurer la formation du caillot, & arrêter le sang. Passons à la description de la machine de M. Petit.

Cette machine représentée Planche XIX. fig. 1. & 2. a deux parties: l'une comprime le tronc d'où vient la branche de l'artere qui est coupée; & l'autre comprime l'ouverture de la branche par laquelle le sang s'écoule. Cette machine peut avoir lieu dans toutes les amputations; on ne représente ici que la construction qui convient pour l'amputation de la cuisse.

La premiere partie s'applique avant de faire l'opération; elle y est même très - essentielle. Elle est composée d'un bandage circulaire A, qui fait le même contour du corps que le circulaire d'un brayer, & qui, après avoir embrassé le corps au dessous des hanches, vient se rendre dans l'aine précisément au - dessous de l'arcade des muscles du basventre, dans l'endroit où passe l'artere crurale. Un autre circulaire B entoure la cuisse au - dessous du pli de la fesse, & vient se rendre dans l'aine où se trouvent l'une sur l'autre des plaques de tôle garnies de chamois C, D; celle de dessous est plate du côté qu'elle touche à la plaque de dessus; mais du côté qu'elle touche au pli de l'aine, elle est garnie d'une pelote rembourrée. Le centre de cette pelote est appuyé précisément sur le passage de l'artere crurale à sa sortie du ventre. La plaque de dessus est attachée aux deux circulaires qui lui servent de point fixe; quelques liens attachent ces deux circulaires entre eux. Celui qui entoure les hanches, empêche la plaque de descendre; & celui qui entoure la cuisse, l'empêche de remonter, afin qu'elle réponde toûjours au même endroit du pli de l'aine. Une vis E, qui peut tourner sans fin sur la plaque de de dessous, passe dans un écrou taraudé sur la plaque de dessus; de sorte que lorsqu'on tourne cette vis à droite, on écarte les deux plaques l'une de l'autre; & on les rapproche lorsqu'on tourne à gauche. Mais afin qu'elles s'éloignent & qu'elles s'approchent en ligne droite, il y a deux petites fiches 1, 2, qui s'élevent perpendiculairement de la plaque de dessous, & passent chacune par un trou percé dans la plaque de dessus, l'une à droite & l'autre à gauche de la vis. Ces deux tiges dirigent l'approche & l'éloignement des deux plaques, & c'est par elles qu'elles s'approchent ou s'éloignent toûjours parallelement. Lorsque le bandage est bien posé, en tournant la vis à droite pour écarter les deux plaques, on comprime tellement l'artere, que le sang n'y peut plus passer.

Jusques - là cette machine ne fait que remplir l'usage du tourniquet; elle ne sert qu'à retenir le sang pendant l'opération: mais pour arrêter le sang des vaisseaux que l'on vient de couper, il faut un second bandage composé d'une double plaque comme le premier. A la plaque de dessus viennent aboutir & s'accrocher quatre courroies qui sont solidement retenues aux deux circulaires du premier bandage. Avant que de les appliquer, il faut placer en comprimant une pelote de charpie sur le vaisseau, non directement sur son embouchure, mais sur le côté de cette embouchure le plus éloigné de l'os, afin que le pressant vers l'os, les parois de l'artere s'appliquent l'un contre l'autre: on met plusieurs tampons les uns sur les autres; ensuite on pose sur le dernier tampon de charpie le centre de la pelote G, qu'on assujettit avec les courroies F, qui viennent toutes se rendre à la plaque de dessus H. Alors si on tourne la vis, les deux plaques s'écarteront; & com<pb-> [p. 123] me la supérieure ne peut remonter, parce qu'elle est assujettie par les courroies, il faut que la plaque inférieure s'enfonce & appuie sur les tampons, qui effaceront la cavité de l'artere, de façon que le sang ne pourra en sortir.

Cette compression étant faite, on desserre la pelote qui agit sur le tronc de l'artere, jusqu'à ce qu'on sente le battement au - dessous du point où il étoit comprimé.

A chaque pansement il faut avoir la précaution de tourner la vis du bandage supérieur pour empêcher le cours du sang dans la branche ouverte; & lorsqu'on a levé & changé l'appareil, & qu'on a suffisamment comprimé l'embouchure du vaisseau, on desserre la pelote qui comprime le tronc de l'artere. C'est ainsi que les fontainiers, lorsqu'ils veulent souder un tuyau de plomb qui est percé, commencent par arrêter l'eau, en fermant un robinet au - dessus de l'endroit percé, afin que le cours de l'eau ne s'oppose point à la réparation du conduit.

Des esprits trop disposés à diminuer le mérite des inventions des autres, ont crû trouver le germe de celle - ci dans l'arsenal de Scultet, où effectivement on voit une machine proposée par cet auteur pour comprimer l'artere radiale, au moyen d'une vis. Mais qu'il y a loin de ce bandage à celui de M. Petit, qui tire un nouvel éclat des circonstances dans lesquelles il a été imaginé! On avoit coupé la cuisse fort haut à une personne de grande distinction; la ligature manqua au bout de quelques jours; les styptiques, les escharrotiques, & la compression ordinaire avoient été sans effet; le malade périssoit, & l'état du moignon ne permettoit pas qu'on fit de nouvelles tentatives de ligature. La conjoncture étoit très - délicate; il n'y avoit qu'un instant pour reconnoître l'état des choses, & trouver les moyens d'y remédier. M. Petit fit faire une compression sur l'artere dans l'aine, & plaça à côté du malade un chirurgien qui comprimoit avec l'extrémité du doigt, l'ouverture de l'artere. Il passa la nuit à faire construire le bandage qui remplit les mêmes vûes, & il fut appliqué le lendemain matin avec le succès que M. Petit avoit prévû. Les plus célebres chirurgiens témoins d'une opération qui avoit attiré les yeux de tout Paris, ne purent s'empêcher d'admirer la présence & l'activité de l'esprit de l'autear. Le malade doit évidemment la vie à ce bandage, fruit d'un génie heureux, & cette cure est sans contredit une de celles qui ont fait le plus d'honneur à la Chirurgie françoise.

Malgré tous les avantages de la compression méthodique imaginée par M. Petit, les chirurgiens s'en tenoient à la pratique de la ligature, lorsqu'en 1750, M. Brossard, chirurgien d'une petite ville de Berry, vint. à Paris proposer un topique infaillible pour arrêter le sang des arteres. On lui permit d'en faire l'application dans une opération d'anevrysme faux consécutif, à la suite d'un coup d'épée au bras. Le topique soûtenu par une compression convenable, arrêta fort bien L'hémorrhagie, & le malade guérit sans ligature. Ce fait ne parut pas fort concluant en faveur du topique, à ceux sur - tout qui savoient que quelques années auparavant, on s'étoit dispensé de faire la ligature dans un cas semblable à l'hôpital de la Charité, & que le malade avoit été parfaitement guéri par la seule compression qui avoit été faite sous la direction de M. Petit. On employa le topique en différentes amputations; & quoiqu'il fût possible d'affoiblir le mérite de ce remede par les heureuses expériences qu'on avoit de la simple compression, on crut devoir acheter le secret du sieur Brossard. C'est une excroissance fongueuse nommée agaric, & dont on fait l'amadoue. Quoique cet agaric croisse sur différens arbres, comme le chêne, le hêtre, le frêne, le sapin, le bouleau, le noyer, M. Brossard prétend que celui qui vient aux vieux chênes qui ont été ébranchés, est le meilleur. On n'en prend que la substance fongueuse qui prete sous le doigt comme une peau de chamois; on en fait des morceaux plus ou moins grands que l'on bat avec un marteau pour les amollir, au point d'être aisément dépecés avec les doigts. On doit conserver l'agaric ainsi préparé dans des bocaux de verre, pour que les insectes ne le mettent point en poudre. Dans l'application il faut avoir soin de s'en servir à sec sur l'orifice du vaisseau, & de le soutenir par une compression suffisante. L'agaric se colle par le moyen du sang à la circonférence du vaisseau, & est véritablement un excellent mey en pour arrêter l'hémorrhagie, qui dispensera dans beaucoup de cas, de l'usage de la ligature. Voyez Ligature.

La réputation du nouveau topique a fait rechercher les différens moyens dont on s'étoit servi dans la pratique pour éviter les inconvéniens de la ligature, que toutes les nations n'ont point adoptée aussi généralement qu'on l'a fait en France. Dionis même nous apprend que de son tems les chirurgiens de l'hôtel - Dieu de Paris ne s'en étoient pas encore servi. Van - Horne blâme la ligature des vaisseaux comme un moyen douloureux & cruel. « Nous réussissions bien mieux, dit - il, en nous servant d'une espece de champignon commun dans notre pays (en Hollande) qu'on appelle vesse - de - loup, & vulgairement bovist». Ce remede est extrèmement recommandé par plusieurs auteurs, tels que Jean Bauhin, Nuck, &c. Verduin qui loue la ligature comme la méthode la plus suivie par les meilleurs praticiens, ajoûre qu'il y en a pourtant encore qui arrêtent le sang avec un bouton de vitriol, ou avec plusieurs morceaux de vesse - de loup, & un autre grand morceau par - dessus; que ce fongus est un fort bon astringent, & que cette pratique est en usage en Allemagne & en Hollande.

Pierre Borel, medecin du roi à Castres, au milieu du dernier siecle, parle d'un moyen qu'il dit être un secret admirable pour arrêter le sang après l'amputation d'un membre. Un chirurgien de sa connoissance faisoit des petites chevilles d'alun, qu'il noircissoit avec de l'encre pour qu'on ne devinât point son remede. Il mettoit ces especes de tentes dans l'orifice des vaisseaux, & appliquoit par - dessus un appareil convenable. Borel assûre que ce moyen a été constamment suivi du plus grand succes; il n'y a pas lieu d'en douter; on pourroit encore s'en servir malgré l'efficacité de l'agaric, que l'expérience a montré n'être pas un moyen infaillible dans tous les cas, & qui n'est pas un moyen nouveau, mais simplement renouvellé. Christophe Encelius dit qu'il n'y a point de moyen qui opere plus promptement pour arrêter toute espece d'hémorrhagie, que la poudre d'uva quercina; c'est, dit cet auteur, une espece de champignon qui se trouve au pié du chêne.

Je ne crois pas pouvoir mieux terminer cet article, qu'en rapportant la doctrine de Lanfranc, chirurgien de Milan, qui vint à Paris en 1295, & s'y fit admirer par son savoir en Chirurgie, dont il donna des leçons publiques.

On connoîtra, dit Lanfranc, que le sang vient d'une artere, parce qu'il sortira par bonds, suivant la dilatation & la constriction de l'artere. Portez le doigt dans la plaie sur l'orifice du vaisseau, & tenezl'y pendant une grande heure: il se formera un caillot, & vous appliquerez ensuite avec plus de succès le médicament convenable, qui sera préparé avec deux gros d'encens en poudre & un gros d'aloës; on en fera une masse en consistance de miel avec du blanc d'oeuf, & on y ajoûtera des poils de lievre coupés bien menus. Il n'y a pas de meilleur

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