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Mais, dira - t - on, les Grecs ne l'ont jamais regardée comme telle; c'est pour cela qu'ils ne l'ont point placée dans leur alphabet, & que dans l'écriture ordinaire ils ne la marquent que comme les accens au - dessus des lettres: & si dans la suite ce caractere a passé dans l'alphabet latin, & de - là dans ceux des langues modernes, cela n'est arrivé que par l'indolence des copistes qui ont suivi le mouvement des doigts & écrit de suite ce signe avec les autres lettres du mot, plûtôt que d'interrompre ce mouvement pour marquer l'aspiration au - dessus de la lettre. C'est encore M. du Marsais (ibid.) qui prête ici son organe à ceux qui ne veulent pas même reconnoître h pour une lettre; mais leurs raisons demeurent toujours sans force sous la main même qui étoit la plus propre à leur en donner.
Que nous importe en effet que les Grecs ayent regardé ou non ce caractere comme une lettre, & que dans l'écriture ordinaire ils ne l'ayent pas employé comme les autres lettres? n'avons - nous pas à opposer à l'usage des Grecs celui de toutes les Nations de l'Europe, qui se servent aujourd'hui de l'alphabet latin, qui y placent ce caractere, & qui l'employent dans les mots comme toutes les autres lettres? Pourquoi l'autorité des modernes le céderoit - elle sur ce point à celle des anciens, ou pourquoi ne l'emporteroit - elle pas, du - moins par la pluralité des suffrages?
C'est, dit - on, que l'usage moderne ne doit son origine qu'à la négligence de quelques copistes malhabiles, & que celui des Grecs paroît venir d'une institution réfléchie. Cet usage qu'on appelle moderne est pourtant celui de la langue hébraique, dont le hé >, n'est rien autre chose que notre h; & cet usage paroît tenir de plus près à la premiere institution des lettres, & au seul tems où, selon la judicieuse remarque de M. Duclos (Remarq. sur le v. chap. de la I. part. de la Grammaire générale.), l'orthographe ait été parfaite.
Les Grecs eux - mêmes employerent au commencement
le caractere H, qu'ils nomment aujourd'hui
Ceux donc pour qui l'autorité des Grecs est une raison déterminante, doivent trouver dans cette pratique un témoignage d'autant plus grave en faveur de l'opinion que je défens ici, que c'est le plus ancien usage, &, à tout prendre, le plus universel, puisqu'il n'y a guere que l'usage postérieur des Grecs qui y fasse exception.
Au surplus, il n'est pas tout - à - fait vrai qu'ils n'ayent employé que comme les accens le caractere qu'ils ont substitué à h. Ils n'ont jamais placé les accens que sur des voyelles, parce qu'il n'y a en effet que les sons qui soient susceptibles de l'espece de modulation qu'indiquent les accens, & que cette sorte de modification est très - différente de l'explosion désignée par les consonnes. Mais ce que la grammaire greque nomme esprit se trouve quelquefois sur
Dans le premier cas, il en est de l'esprit sur la
voyelle, comme de la consonne qui la précede; &
l'on voit en effet que l'esprit se transforme en une
consonne, ou la consonne en un esprit, dans le passage
d'une langue à une autre; le
Dans le second cas, il est encore bien plus évident que ce qu'indique l'esprit est de même nature
que ce dont la consonne est le signe. L'esprit & la
consonne ne sont associés que parce que chacun de
ces caracteres représente une articulation, & l'union
des deux signes est alors le symbole de l'union des
deux causes d'explosion sur le même son. Ainsi le son
Non - seulement les Grecs ont placé l'esprit rude
sur des consonnes, ils ont encore introduit dans leur
alphabet des caracteres représentatifs de l'union de
cet esprit avec une consonne, de même qu'ils en ont
admis d'autres qui représentent l'union de deux
consonnes: ils donnent aux caracteres de la premiere
espece le nom de consonnes aspirées,
Il paroît donc qu'attribuer l'introduction de la lettre h dans l'alphabet à la prétendue indolence des copistes, c'est une conjecture hasardée en faveur d'une opinion à laquelle on tient par habitude, ou contre un sentiment dont on n'avoit pas approfondi les preuves, mais dont le fondement se trouve chez les Grecs mêmes à qui l'on prête assez légerement des vûes tout opposées.
Quoi qu'il en soit, la lettre h a dans notre orthographe différens usages qu'il est essentiel d'observer.
I. Lorsqu'elle est seule avant une voyelle dans la même syllabe, elle est aspirée ou muette.
1°. Si elle est aspirée, elle donne au son de la voyelle suivante cette explosion marquée qui vient de l'augmentation de la force expulsive, & alors elle a les mêmes effets que les autres consonnes. Si elle commence le mot, elle empêche l'élision de la voyelle finale du mot précédent, ou elle en rend muette la consonne finale. Ainsi au lieu de dire avec élision funest'hasard en quatre syllabes, comme funest'ardeur, on dit funest - e - hasard en cinq syllabes, comme funest - e combat; au contraire, au lieu de dire au pluriel funeste - s hasards comme funeste - s ardeurs, on prononce sans s funest'hasards, comme funeste' combats.
2°. Si la lettre h est muette, elle n'indique aucune explosion pour le son de la voyelle suivante, qui reste dans l'état naturel de simple émission de la voix; dans ce cas, h n'a pas plus d'influence sur la prononciation que si elle n'étoit point écrite: ce n'est alors qu'une lettre purement étymologique, que l'on conserve comme une trace du mot radical où elle se trouvoit, plûtôt que comme le signe d'un élément réel du mot où elle est employée; & si elle [p. 4]
Notre distinction de l'h aspirée & de l'h muette répond à celle de l'esprit rude & de l'esprit doux des Grecs; mais notre maniere est plus gauche que celle des Grecs, puisque leurs deux esprits avoient des signes différens, & que nos deux h sont indiscernables par la figure.
Il semble qu'il auroit été plus raisonnable de supprimer de notre orthographe tout caractere muet; & celle des Italiens doit par - là même arriver plûtôt que la nôtre à son point de perfection, parce qu'ils ont la liberté de supprimer les h muettes; nomo, homme; uomini, hommes; avere, avoir, &c.
Il seroit du - moins à souhaiter que l'on eût quelques regles générales pour distinguer les mots où l'on aspire h, de ceux où elle est muette: mais celles que quelques - uns de nos grammairiens ont imaginées sont trop incertaines, fondées sur des notions trop éloignées des connoissances vulgaires, & sujettes à trop d'exceptions: il est plus court & plus sûr de s'en rapporter à une liste exacte des mots où l'on aspire. C'est le parti qu'a pris M. l'abbé d'Olivet, dans son excellent Traité de la Prosodie françoise: le lecteur ne sauroit mieux faire que de consulter cet ouvrage, qui d'ailleurs ne peut être trop lû par ceux qui donnent quelque soin à l'étude de la langue françoise.
II. Lorsque la lettre h est précédée d'une consonne dans la même syllabe, elle est ou purement étymologique, ou purement auxiliaire, ou étymologique & auxiliaire tout à - la - fois. Elle est - étymologique, si elle entre dans le mot écrit par imitation du mot radical d'où il est dérivé; elle est auxiliaire, si elle sert à changer la prononciation naturelle de la consonne précédente.
Les consonnes après lesquelles nous l'employons en françois sont c, l, p, r, t.
1°. Après la consonne c, la lettre h est purement auxiliaire, lorsqu'avec cette consonne elle devient le type de l'articulation forte dont nous représentons la foible par j, & qu'elle n'indique aucune aspiration dans le mot radical: telle est la valeur de h dans les mots chapeau, cheval chameau, chose, chûte, &c. L'orthographe allemande exprime cette articulation par sch, & l'orthographe angloise par sh.
Après c la lettre h est purement étymologique dans plusieurs mots qui nous viennent du grec ou de quelque langue orientale ancienne, parce qu'elle ne sert alors qu'à indiquer que les mots radicaux avoient un k aspiré, & que dans le mot dérivé elle laisse au c la prononciation naturelle du k, comme dans les mots, Achaie, Chersonèse, Chiromancie, Chaldée, Nabuchodonosor, Achab, que l'on prononce comme s'il y avoit Akaie, Kersonèse, Kiromancie, Kaldée, Nabukodonosor, Akab.
Plusieurs mots de cette classe étant devenus plus communs que les autres parmi le peuple, se sont insensiblement éloignés de leur prononciation originelle, pour prendre celle du ch françois. Les fautes que le peuple commet d'abord par ignorance deviennent enfin usage à force de répétitions, & font loi, même pour les savans. On prononce donc aujourd'hui à la françoise, archevêque, archiépiscopal; Achéron prédominera enfin, quoique l'opéra paroisse encore tenir pour Akéron. Dans ces mots la lettre h est auxiliaire & étymologique tout à - la - fois.
Dans d'autres mots de même origine, où elle n'étoit qu'étymologique, elle en a été supprimée totale<cb->
2°. Après la consonne l la lettre h est purement auxiliaire dans quelques noms propres, où elle donne à l la prononciation mouillée; comme dans Milhaud (nom de ville), où la lettre l se prononce comme dans billot.
3°. H est tout à - la - fois auxiliaire & étymologique
dans ph; elle y est étymologique, puisqu'elle indique
que le mot vient de l'hébreu ou du grec, & qu'il
y a à la racine un p avec aspiration, c'est - à - dire un
phé >, ou un phi
Les Italiens employent tout simplement f au lieu de ph; en cela ils sont encore plus sages que nous, & n'en sont pas moins bons étymologistes.
4°. Après les consonnes r & t, la lettre h est purement étymologique; elle n'a aucune influence sur la prononciation de la consonne précédente, & elle indique seulement que le mot est tiré d'un mot grec ou hébreu, où cette consonne étoit accompagnée de l'esprit rude, de l'aspiration, comme dans les mots rhapsodie, rhétorique, théologie, Thomas. On a retranché cette h étymologigue de quelques mots, & l'on a bien fait: ainsi l'on ecrit, trésor, trône, sans h; & l'orthographe y a gagné un degré de simplification.
Qu'il me soit permis de terminer cet article par une conjecture sur l'origine du nom ache que l'on donne à la lettre h, au lieu de l'appeller simplement he en aspirant l'e muet, comme on devroit appeller be, pe, de, me, &c. les consonnes b, p, d, m, &c.
On distingue dans l'alphabet hébreu quatre lettres gutturales, >, >, >, >, aleph, hé, kheth, aïn, & on les nomme ahécha (Grammaire hébraïque par M. l'abbé Ladvocat, page 6.). Ce mot factice est évidemment résulté de la somme des quatre gutturales, dont la premiere est a, la seconde hé, la troisiéme kh ou ch, & la quatriéme a ou ha. Or ch, que nous prononçons quelquefois comme dans Chalcédoine, nous le prononçons aussi quelquefois comme dans chanoine; & en le prononçant ainsi dans le mot factice des gutturales hébraïques, on peut avoir dit de notre h que c'étoit une lettre gutturale, une lettre ahécha, par contraction une acha, & avec une terminaison françoise, une ache. Combien d'étymologies reçûes qui ne sont pas fondées sur autant de vraissemblance! (B. E. R. M.)
h (Page 8:4)
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