ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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ENCYCLOPÉDIE, DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS.

H (Page 8:NA3)

H, substantif féminin, (Gramm.) c'est la huitieme lettre de notre alphabet. Voyez Alphabet.

Il n'est pas unanimement avoüé par tous les Grammairiens que ce caractere soit une lettre, & ceux qui en font une lettre ne sont pas même d'accord entre eux; les uns prétendant que c'est une consonne, & les autres, qu'elle n'est qu'un signe d'aspiration. Il est certain que le plus essentiel est de convenir de la valeur de ce caractere; mais il ne sçauroit être indifférent à la Grammaire de ne sçavoir à quelle classe on doit le rapporter. Essayons donc d'approfondir cette question, & cherchons - en la solution dans les idées générales.

Les lettres sont les signes des élémens de la voix, savoir des sons & des articulations. Voy. Lettres. Le son est une simple émission de la voix, dont les différences essentielles dépendent de la forme du passage que la bouche prête à l'air qui en est la matiere, voyez Son; & les voyelles sont les lettres destinées à la représentation des sons. Voyez Voyelles. L'articulation est une modification des sons produite par le mouvement subit & instantané de quelqu'une des parties mobiles de l'organe de la parole; & les consonnes sont les lettres destinées à la représentation des articulations. Ceci mérite d'être développé.

Dans une thèse soutenue aux écoles de Médecine le 13 Janvier 1757 (an ut coeteris animantibus, ita & homini, sua vox peculiaris?), M. Savary prétend que l'interception momentanée du son est ce qui constitue l'essence des consonnes, c'est - à - dire en distinguant le signe de la chose signifiée, l'essence des articulations: sans cette interception, la voix ne se<cb-> roit qu'une cacophonie, dont les variations mêmes seroient sans agrément.

J'avoue que l'interception du son caractérise en quelque sorte toutes les articulations unanimement reconnues, parce qu'elles sont toutes produites par des mouvemens qui embarrassent en effet l'émission de la voix. Si les parties mobiles de l'organe restoient dans l'état où ce mouvement les met d'abord, ou l'on n'entendroit rien, ou l'on n'entendroit qu'un sifllement causé par l'échappement contraint de l'air hors de la bouche: pour s'en assûrer, on n'a qu'à réunir les levres comme pour articuler un p, ou approcher la levre inférieure des dents supérieures, comme pour prononcer un v, & tâcher de produire le son a, sans changer cette position. Dans le premier cas, on n'entendra rien jusqu'à ce que les levres se séparent; & dans le second cas, on n'aura qu'un sifflement informe.

Voilà donc deux choses à distinguer dans l'articulation; le mouvement instantané de quelque partie mobile de l'organe, & l'interception momentanée du son: laquelle des deux est représentée par les consonnes? ce n'est assûrément ni l'une ni l'autre. Le mouvement en soi n'est point du ressort de l'audition; & l'interception du son, qui est un véritable filence, n'en est pas davantage. Cependant l'oreille distingue très - sensiblement les choses représentées par les consonnes; autrement quelle différence trouveroit - elle entre les mots vanité, qualité, qui se réduisent également aux trois sons a - i - é, quand on en supprime les consonnes?

La vérité est que le mouvement des parties mobiles de l'organe est la cause physique de ce qui fait l'essence de l'articulation; l'interception du son est l'effet immédiat de cette cause physique à l'égard de certaines parties mobiles: mais cet effet n'est [p. 2] encore qu'un moyen pour amener l'articulation même.

L'air est un fluide qui dans la production de la voix s'échappe par le canal de la bouche; il lui arrive alors, comme à tous les fluides en pareille circonstance, que sous l'impression de la même force, ses efforts pour s'échapper, & sa vîtesse en s'échappant, croissent en raison des obstacles qu'on lui oppose; & il est très - naturel que l'oreille distingue les différens degrés de la vîtesse & de l'action d'un fluide qui agit sur elle immédiatement. Ces accroissemens d'action instantanés comme la cause qui les produit, c'est ce qu'on appelle explosion. Ainsi les articulations sont les différens degrés d'explosion que reçoivent les sons par le mouvement subit & instantané de quelqu'une des parties mobiles de l'organe.

Cela posé, il est raisonnable de partager les articulations & les consonnes qui les représentent en autant de classes qu'il y a de parties mobiles qui peuvent procurer l'explosion aux sons par leur mouvement: de - là trois classes générales de consonnes, les labiales, les linguales, & les gutturales, qui représentent les articulations produites par le mouvement ou des levres, ou de la langue, ou de la trachée - artere.

L'aspiration n'est autre chose qu'une articulation gutturale, & la lettre h, qui en est le signe, est une consonne gutturale. Ce n'est point par les causes physiques qu'il faut juger de la nature de l'articulation; c'est par elle - même: l'oreille en discerne toutes les variations, sans autre secours que sa propre sensibilité; au lieu qu'il faut les lumieres de la Physique & de l'Anatomie pour en connoître les causes. Que l'aspiration n'occasionne aucune interception du son, c'est une vérité incontestable; mais elle n'en produit pas moins l'explosion, en quoi consiste l'essence de l'articulation; la différence n'est que dans la cause. Les autres articulations, sous l'impression de la même force expulsive, procurent aux sons des explosions proportionnées aux obstacles qui embarrassent l'émission de la voix: l'articulation gutturale leur donne une explosion proportionnée à l'augmentation même de la force expulsive.

Aussi l'explosion gutturale produit sur les sons le même effet général que toutes les autres, une distinction qui empêche de les confondre, quoique pareils & consécutifs: par exemple, quand on dit la halle; le second a est distingué du premier aussi sensiblement par l'aspiration h, que par l'articulation b, quand on dit la balle, ou par l'articulation s, quand on dit la salle. Cet effet euphonique est nettement désigné par le nom d'articulation, qui ne veut dire autre chose que distinction des membres ou des parties de la voix.

La lettre h, qui est le signe de l'explosion gutturale, est donc une véritable consonne, & ses rapports analogiques avec les autres consonnes, sont autant de nouvelles preuves de cette décision.

1°. Le nom épellatif de cette lettre, si je puis parler ainsi, c'est - à - dire le plus commode pour la facilité de l'épellation, emprunte nécessairement le secours de l'e muet, parce que h, comme toute autre consonne, ne peut se faire entendre qu'avec une voyelle; l'explosion du son ne peut exister sans le son. Ce caractere se prête donc, comme les autres consonnes, au système d'épellation proposé dès 1660 par l'auteur de la Grammaire générale, mis dans tout son jour par M. Dumas, & introduit aujourd'hui dans plusieurs écoles depuis l'invention du bureau typographique.

2°. Dans l'épellation on substitue à cet e muet la voyelle nécessaire, comme quand il s'agit de toute autre consonne: de même qu'avec b on dit, ba, bé, bi, bo, bu, &c. ainsi avec h on dit, ha, hé, hi, ho, hu, &c. comme dans hameau, héros, hibou, hoqueton, hupé, &c.

3°. Il est de l'essence de toute articulation de précéder le son qu'elle modifie, parce que le son une fois échappé n'est plus en la disposition de celui qui parle, pour en recevoir quelque modification. L'articulation gutturale se conforme ici aux autres, parce que l'augmentation de la force expulsive doit précéder l'explosion du son, comme la cause précede l'effet. On peut reconnoître par - là la fausseté d'une remarque que l'on trouve dans la Grammaire françoise de M. l'abbé Regnier (Paris, 1706, in - 12, p. 31.), & qui est répétée dans la Prosodie françoise de M. l'abbé d'Olivet, page 36. Ces deux auteurs disent que l'h est aspirée à la fin des trois interjections ah, eh, oh. A la vérité l'usage de notre orthographe place ce caractere à la fin de ces mots; mais la prononciation renverse l'ordre, & nous disons, ha, hé, ho. Il est impossible que l'organe de la parole fasse entendre la voyelle avant l'aspiration.

4°. Les deux lettres f & h ont été employées l'une pour l'autre; ce qui suppose qu'elles doivent être de même genre. Les Latins ont dit fircum pour hircum, fostem pour hostem, en employant f pour h; & au contraire ils ont dit heminas pour feminas, en employant h pour f. Les Espagnols ont fait passer ainsi dans leur langue quantité de mots latins, en changeant f en h: par exemple, ils disent, hablar, (parler), de fabulari; hazer, (faire), de facere; herir, (blesser), de ferire; hado, (destin), de fatum; higo, (figue), de ficus; hogar, (foyer), de focus, &c.

Les Latins ont - aussi employé v ou s pour h, en adoptant des mots grecs: veneti vient de E)NETOI\, Vesta de H(STI/A, vestis de E(QH/S2, ver de H=(R, &c. & de même super vient de U(PE/R, septem de H(W=TA/, &c.

L'auteur des grammaires de Port - Royal fait entendre dans sa Méthode espagnole, part. I. chap. iij. que les effets presque semblables de l'aspiration h & du sifflement f ou v ou s, sont le fondement de cette commutabilité; & il insinue dans la Méthode latine, que ces permutations peuvent venir de l'ancienne figure de l'esprit rude des Grecs, qui étoit assez semblable à f, parce que, selon le témoignage de S. Isidore, on divisa perpendiculairement en deux parties égales la lettre H, & l'on prit la premiere moitié Ipour signe de l'esprit rude, & l'autre moitié - I pour symbole de l'esprit doux. Je laisse au lecteur à juger du poids de ces opinions, & je me réduis à conclure tout de nouveau que toutes ces analogies de la lettre h avec les autres consonnes, lui en assûrent incontestablement la qualité & le nom.

Ceux qui ne veulent pas en convenir soûtiennent, dit M. du Marsais, que ce signe ne marquant aucun son particulier analogue au son des autres consonnes, il ne doit être considéré que comme un signe d'aspiration. Voyez Consonne. Je ne ferai point remarquer ici que le mot son y est employé abusivement, ou du moins dans un autre sens que celui que je lui ai assigné dès le commencement, & je vais au contraire l'employer de la même maniere, afin de mieux assortir ma réponse à l'objection: je dis donc qu'elle ne prouve rien, parce qu'elle prouveroit trop. On pourroit appliquer ce raisonnement à telle classe de consonne que l'on voudroit, parce qu'en général les consonnes d'une classe ne marquent aucun son particulier analogue au son des consonnes d'une autre classe: ainsi l'on pourroit dire, par exemple, que nos cinq lettres labiales b, p, v, f, m, ne marquant aucuns sons particuliers analogues aux sons des autres consonnes, elles ne doivent être considérées que comme les signes de certains mouvemens des levres. J'ajoûte que ce raisonnement porte sur un principe faux, & qu'en effet la lettre h désigne un objet

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