ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"961"> trieme, cinquieme & sixieme mois, parce que dans ce tems du milieu de la grossesse, l'ouvrage de la génération a pris plus de solidité & plus de force, & qu'ayant eu celle de résister à l'action des quatre premieres révolutions périodiques, il en faudroit une beaucoup plus violente que les précédentes, pour le détruire: la même raison subsiste pour le cinquieme & le sixieme mois, & même avec avantage; car l'ouvrage de la génération est encore plus solide à cinq mois qu'à quatre, & à six mois qu'à cinq; mais lorsqu'on est arrivé à ce terme, le foetus qui jusqu'alors est foible & ne peut agir que foiblement par ses propres forces, commence à devenir fort & à s'agiter avec plus de vigueur; & lorsque le tems de la huitieme période arrive, & que la matrice en éprouve l'action, le foetus qui l'éprouve aussi, fait des efforts qui se réunissant avec ceux de la matrice, facilitent son exclusion; & il peut venir au monde dès le sepsieme mois, toutes les fois qu'il est à cet âge plus vigoureux ou plus avancé que les autres, & dans ce cas il pourra vivre; au contraire, s'il ne venoit au monde que par la foiblesse de la matrice, qui n'auroit pû résister au coup du sang dans cette huitieme révolution, l'accouchement seroit regardé comme une fausse - couche, & l'enfant ne vivroit pas; mais ces cas sont rares: car si le foetus a résisté aux sept premieres révolutions, il n'y a que des accidens particuliers qui puissent faire qu'il ne résiste pas à la huitieme, en supposant qu'il n'ait pas acquis plus de force & de vigueur qu'il n'en a ordinairement dans ce tems. Les foetus qui n'auront acquis qu'un peu plus tard ce même degré de force & de vigueur plus grandes, viendront au monde dans le tems de la neuvieme période; & ceux auxquels il faudra le tems de neuf mois pour avoir cette même force, viendront à la dixieme période; ce qui est le terme le plus commun & le plus général: mais lorsque le foetus n'aura pas acquis dans ce tems de neuf mois ce même degré de perfection & de force, il pourra rester dans la matrice jusqu'à la onzieme & même jusqu'à la douzieme période, c'est - à - dire ne naître qu'à dix ou onze mois, comme on en a des exemples.

Il paroît donc que la révolution périodique du sang menstruel peut influer beaucoup sur l'accouchement, & qu'elle est la cause de la variation des termes de la grossesse dans les femmes, d'autant plus que toutes les autres femelles qui ne sont pas sujettes à cet écoulement périodique, mettent bas toûjours au même terme; mais il paroît aussi que cette révolution occasionnée par l'action du sang menstruel, n'est pas la cause unique de l'accouchement, & que l'action propre du foetus ne laisse pas d'y contribuer, puisqu'on a vû des enfans qui se sont fait jour & sont sortis de la matrice après la mort de la mere; ce qui suppose nécessairement dans le foetus une action propre & particuliere, par laquelle il doit toûjours faciliter son exclusion, & même se la procurer en entier dans de certains cas. Voyez Accouchement, Enfantement.

Il est naturel d'imaginer que si les femelles des animaux vivipares étoient sujettes aux menstrues comme les femmes, leurs accouchemens seroient suivis d'effusion de sang, & qu'ils arriveroient à différens termes. Les foetus des animaux viennent au monde revêtus de leurs enveloppes, & il arrive rarement que les eaux s'écoulent & que les membranes qui les contiennent se déchirent dans l'accouchement; au lieu qu'il est très - rare de voir sortir ainsi le sac tout entier dans les accouchemens des femmes: cela semble prouver que le foetus humain fait plus d'effort que les autres pour sortir de sa prison, ou bien que la matrice de la femme ne se prête pas aussi naturellement au passage du foetus, que celle des animaux; car c'est le foetus qui déchire sa membrane par les efforts qu'il fait pour sortir de la matrice; & ce déchirement n'arrive qu'à cause de la trop grande résistance que fait l'orifice de ce viscere avant que de se dilater assez pour laisser passer l'enfant. M. de Buffon, hist. nat. tom. III. IV.

Quant aux autres circonstances de ce qui se passe dans l'exclusion du foetus, & de ce qui la suit, voy. Accouchement, Naissance, Respiration, Mamelle, Lait .

Régime pendant la grossesse. Il s'agit maintenant de dire quelque chose des précautions que doit observer une femme grosse par rapport à son enfant, & de la conduite qu'elle doit tenir pendant tout le cours de la grossesse, pour éviter bien des indispositions & des maladies particulieres à son état, dont il sera aussi fait une brieve mention à la sin de cet article.

« Aussi - tôt que la grossesse est déclarée, dit l'auteur de l'essai sur la maniere de perfectionner l'espece humaine, que nous suivrons en partie dans ce que nous avons à dire ici, la femme doit tourner toutes ses vûes sur elle - même & mesurer ses actions aux besoins de son fruit; elle devient alors la dépositaire d'une créature nouvelle; c'est un abrégé d'elle - même, qui n'en differe que par la proportion & le développement successif de ses parties ».

On doit regarder l'embryon dans le ventre de la mere, comme un germe précieux auquel elle est chargée de donner l'accroissement, en partageant avec lui la partie la plus pure de ce qui est destiné à être converti en sa propre substance: elle doit donc s'intéresser bien fortement à la conservation de ce précieux rejetton, qui exige de sa tendresse tous les soins dont elle est capable; ils consistent en général à respirer, autant qu'il est possible, un air pur & serein, à proportionner sa nourriture à ses besoins, à faire un exercice convenable, à ne point se laisser excéder par les veilles ou appesantir par le sommeil, à soûtenir les évacuations ordinaires communes aux deux sexes dans l'état de santé, & à mettre un frein à ses passions.

Nous allons suivre sommairement tous ces préceptes les uns après les autres; nous tracerons aux femmes grosses les regles les plus salutaires pour leur fruit, & nous leur indiquerons la conduite la plus sûre & la moins pénible pour elles.

Quoique l'embryon cantonné comme il l'est dans la matrice, paroisse vivre dans un monde différent du nôtre; quoique la nature l'ait muni d'une triple cloison pour le défendre des injures de l'air, il est cependant quelquefois la victime de cet ennemi qu'il ne s'est pas fait: renfermé dans le ventre de sa mere comme une tendre plante dans le sein de la terre, son organisation, sa force, sa constitution & sa vie, dépendent de celle qui doit lui donner le jour; si la mere ressent donc quelques incommodités des effets de l'air, le foetus en est nécessairement affecté. Ainsi les femmes enceintes doivent éviter, autant qu'il est en leur pouvoir, de respirer un air trop chaud, de vivre dans un climat trop sujet aux chaleurs, sur tout si elles n'y sont pas habituées, parce que leur effet tend principalement à causer trop de dissipation dans les humeurs, trop de relâchement dans les fibres; ce qui est ordinairement suivi de beaucoup de foiblesse, d'abattement, de langueur dans l'exercice des fonctions, d'où peuvent résulter bien des desordres dans l'économie animale par rapport à la mere, qui ne manquent pas de se transmettre à l'enfant. L'air froid ne produit pas de moins mauvais effets relativement à sa nature, sur - tout par les dérangemens qu'il cause dans l'évacuation si nécessaire de la transpiration insensible, entant qu'ils occasionnent des maladies catarrheuses qui portent sur la poitrine, y excitent la toux, dont les violentes secousses, les fortes compressions opérées sur les parties contenues [p. 962] dans le bas - ventre, peuvent donner lieu à de faussescouches & à bien de fâcheux accidens qui s'ensuivent. La sécheresse & l'humidité peuvent aussi faire des impressions très - nuisibles sur le corps des femmes grosses & sur celui de leurs enfans; autant qu'elles peuvent, elles doivent éviter de demeurer dans les campagnes marécageuses, au bord des rivieres, dans le voisinage des égoûts, des cloaques, sur les hautes montagnes, ou dans des endroits trop exposés aux vents desséchans du nord. Les odeurs, tant bonnes que mauvaises, peuvent leur être très - pernicieuses, entant qu'elles peuvent nuire à la respiration, en altérant les qualités de l'air, ou qu'elles affectent le genre nerveux. On a vû, selon que le dit Pline, des femmes si délicates & si sensibles, que l'odeur d'une chandelle mal éteinte leur a fait faire des faussescouches: Liébault assûre avoir observé un pareil effet, qui peut être produit encore plus fréquemment par les vapeurs de charbon mal allumé; Mauriceau rapporte une observation de cette espece à l'égard d'une blanchisseuse. Il y a aussi bien des exemples des mauvais effets que produisent les parfums dans l'état de grossesse, sur - tout par rapport aux femmes sujettes aux suffocations hystériques. Voyez Odeur, Parfum, Passion hystérique

Si l'enfant dans la matrice trouvoit des sucs entierement préparés pour servir à sa nourriture, il risqueroit beaucoup moins pour sa conformation & sa vie, du défaut de régime de la mere; mais elle ne fait qu'ébaucher l'élaboration des humeurs qui doivent fournir au développement & à l'accroissement de son fruit: ainsi quand elles sout mal digérées, il reste à l'embryon beaucoup de travail pour en achever l'assimilation, à uoi fes organes délicats ne suffisent pas le plus souvent; d'où peuvent s'ensuivre bien des maux différens, tant pour la mere que pour l'enfant. Lorsqu'il s'agit donc d'établir les regles auxquelles les femmes enceintes doivent se conformer pour la maniere de se nourrir, il est nécessaire de considérer les différens états où elles se trouvent, la différence de leur tempérament, & les différens tems de leur grossesse. Plus les femmes sont délicates, moins elles sont avancées dans leur grossesse, & plus le foetus est incommodé du trop de nourriture; il faut qu'elle soit proportionnée aux forces & aux besoins réciproques de la mere & de l'enfant. Quand les femmes enceintes se sentent des dégoûts, des nausées, de la plénitude, elles doivent se condamner à la diete; il arrive quelquefois qu'elles ont une aversion marquée pour la viande, les oeufs, & toutes les substances animales; c'est un avertissement de la nature qui leur conseille de vivre de végétaux & de les assaisonner avec des aromates ou des acides, pour tempérer leurs humeurs qui ont trop de penchant à la putréfaction. Voyez Dégoût, Envie. Il est donc souvent très - important aux femmes - grosses d'écouter leur sentiment secret, comme la voix de la nature qui les instruit de la conduite qu'elles doivent tenir; elles peuvent en sûreté suivre le conseil d'Hippocrate (aphoris. xxxviij. lib. II.) qui porte que les alimens & la boisson qui ne sont pas de la meilleure qualité, sont cependant préférables dès qu'ils sont plus propres à exciter l'appétit, & qu'on en use en quantité convenable: car il n'est pas moins pernicieux aux femmes grosses de manger trop, que de vivre d'alimens indigestes, sur - tout dans le commencement de la grossesse, qu'il faut chercher à diminuer la plénitude & à ne point affoiblir l'estomac; à quoi on ne peut réussir qu'en ne prenant que peu d'alimens, mais autant qu'on le peut, bien choisis & qui puissent s'assimiler aisément. Voyez Alimens, Assimilation. Au bout de deux ou trois mois, les femmes enceintes qui joüissent d'une bonne santé, peuvent augmenter la quantité de leur nourriture à mesure que le foetus consume davantage des humeurs de la mere; elles peuvent manger indifféremment de toutes sortes d'alimens qui ne sont pas indigestes: elles doivent cependant préférer ceux qui contiennent peu d'excrémens & plus de parties aqueuses. Les femmes grosses qui digerent bien le lait, peuvent en faire usage, il donne un chyle doux, à - demi assimilé; le lait de vache est le plus nourrissant, & dans le dernier mois de la grossesse, il est le plus convenable.

Si les femmes enceintes doivent se garantir des mauvais effets du trop de nourriture, elles n'ont pas moins à craindre de l'excès opposé, à cause de l'alkalescence des humeurs que produit toûjours une diete trop sévere. Les femmes grosses & les enfans ne peuvent point - du - tout supporter l'abstinence; on doit y avoir égard jusque dans leurs maladies: le jeûne forcé leur est presque toûjours préjudiciable, àmoins qu'elles ne soient extrèmement pléthoriques, ou que l'embryon ne soit très - petit; ainsi quand elles se sentent de la disposition à manger, elles seroient très - imprudentes de ne pas se satisfaire avec modération, & elles doivent se faire un peu de violence pour prendre de la nourriture, quand elles en sont détournées par un dégoût excessif, sur - tout lorsque la grossesse est avancée.

La boisson des femmes grosses est aussi sujette à quelques variétés; dans les commencemens, la petitesse du foetus & la mollesse de ses organes exigent moins de boissons aqueuses; ainsi elles peuvent boire dans ce tems - là un peu de vin pur, & ensuite le bien tremper dans le cours de la grossesse. Quand la température de l'air est très - chaude, il faut qu'elles fassent un grand usage de boissons délayantes, mais elles doivent craindre l'usage de la glace, qui peut causer de violentes coliques, & quelquefois même des fausses - couches, comme l'éprouva, selon que le rapporte Mauriceau, une impératrice de son tems; à l'égard des liqueurs fortes, ce sont de vrais poisons pour les femmes enceintes, mais sur - tout pour leur fruit, attendu que par l'effet qu'elles produisent de raccornir les fibres, d'épaissir, de coaguler la lymphe, elles s'opposent à son développement, produisent des engorgemens, des tumeurs, des difformites, qui se manifestent quelquefois aussi - tôt que l'enfant voit le jour, ou dans la suite entant qu'il ne prend pas un accroissement proportionné à son âge, & qu'il vieillit de bonne heure: c'est ce qu'on observe à l'égard des enfans qui naissent de femmes du peuple & de celles qui habitent des pays où l'on fait un grand usage d'eau - de - vie. En général les femmes enceintes doivent éviter tout ce qui peut donner trop de mouvement, d'agitation, au sang, & disposer à des pertes, &c. comme sont les alimens acres, échauffans, les boissons de même qualité, & l'exercice du corps poussé à l'excès.

C'est principalement dans les premiers tems de la grossesse, que l'exercice pouvant être facilement nuisible, est presqu'absolument interdit; c'est avec raison que l'on condamne la conduite des femmes enceintes qui se livrent à des mouvemens violens: rien cependant n'est plus commun parmi elles, sur - tout lorsqu'elles sont dans la vivacité de la premiere jeunesse; à peine la conception est - elle déclarée, qu'il leur arrive quelquefois de passer les nuits à danser & le jour à chanter; ce qui est le plus souvent la cause des fausses - couches aux quelles elles sont sujettes. Si dans les commencemens de la grossesse les femmes avoient l'attention de se reposer, elles pourroient ensuite se livrer à l'exercice avec plus de sécurité, lorsque les racines du placenta seroient implantées plus solidement dans la substance de la matrice, & que le foetus y auroit acquis plus de force. Les femmes élevées délicatement ne doivent pas se modeler sur celles de la campagne, qui malgré leur grossesse,

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.