ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"959"> qui ont répandu de la lumiere sur quelques points particuliers de ces sciences; la plûpart des auteurs qui en ont écrit, les ont traités d'une maniere si vague, & les ont expliqués par des rapports si éloignés & par des hypotheses si fausses, qu'il auroit mieux valu n'en rien dire du tout.

Ce qu'on peut cependant indiquer ici de plus vraissemblable concernant les incommodités, les desordres dans l'économie animale, qu'eprouvent la plûpart des femmes dans les commencemens de leur grossesse, c'est que l'on doit les attribuer en général à la suppression des menstrues, plûtôt qu'à toute autre cause. Voyez ci - après Grossesse (maladies de la). Ce sont les mêmes symptomes que souffient les filles à qui cette évacuation périodique manque. En effet, les incommodités des femmes grosses ne commencent à se faire sentir qu'au tems après la conception, où les regles auroient paru, si elle n'avoit pas eu lieu; ensorte qu'il se passe quelquefois près d'un mois sans que les maux de la grossess surviennent, si la conception s'est faite immédiatement après les regles. Les bêtes qui ne sont pas sujettes à cette évacuation périodique, n'éprouvent aucun des effets qui suivent la suppression. La subversion de l'équilibre dans les solides & dans les fluides, qui résulte du reflux dans la masse des humeurs du sang qui devroit être évacué pour le maintien de cet équilibre, semble une cause suffisante pour rendre raison de tous les accidens occasionnés par les regles retenues. Voyez ce qui est dit à ce sujet dans l'art. Equilibre, (Econ. anim.); & pour ce qui regarde le goût dépravé des femmes grosses, leurs fantaisies singulieres, voyez Envie, (Pathol.) Malacie, Opilation, Menstrues . Voyez aussi ci - après ce qui est dit des maladies dépendantes de la grossesse.

Dans le cours ordinaire de la nature, les femmes ne sont en état de concevoir qu'après la premiere éruption des regles; & la cessation de cet écoulement à un certain âge, les rend stériles pour le reste de leur vie. Voyez Puberté, Menstrues. Il arrive cependant quelquefois que la conception devance le tems de la premiere éruption des regles. Il y a beaucoup de femmes qui sont devenues meres avant d'avoir eu la moindre marque de l'écoulement naturel à leur sexe; il y en a même quelques - unes qui, sans être jamais sujettes à cet écoulement périodique, ne laissent pas d'être fécondes. On peut en trouver des exemples dans nos climats, sans les chercher jusque dans le Bresil, où des nations entieres se perpétuent, dit - on, sans qu'aucune femme ait d'écoulement périodique. On sait aussi que la cessation des regles, qui arrive ordinairement entre quarante & cinquante ans, ne met pas toutes les femmes hors d'état de concevoir. Il y en a qui ont conçû aptès cet âge, & même jusqu'à soixante & soixante & dix ans: mais on doit regarder ces exemples, quoique assez fréquens, comme des exceptions à la regle; & d'ailleurs, quoiqu'il ne se fasse pas d'évacuation périodique de sang, il ne s'ensuit pas toûjours que la matiere de cette évacuation n'existe point dans la matrice. Voyez Menstrues.

La durée de la grossesse est pour l'ordinaire d'environ neuf mois, c'est - à - dire de deux cents soixante & quatorze jours: ce tems est cependant quelquefois plus long, & très - souvent bien plus court. On sait qu'il naît beaucoup d'enfans à sept & à huit mois; on sait aussi qu'il en naît quelques - uns beaucoup plûtard qu'au neuvieme mois: mais en général les accouchemens qui précedent le terme de neuf mois, sont plus communs que ceux qui le passent; aussi on peut avancer que le plus grand nombre des accouchemens qui n'arrivent pas entre le deux cents soixante & dixieme jours & le deux cents quatre - vingtieme, arrivent du deux cents soixantieme au deux cents soixante & dixieme; & ceux qui disent que ces accouchemens ne doivent pas être regardés comme prematurés, parorsient bien - fondés. Selon ce calcul, les tems ordinaires de l'accouchement naturel s'étendent à vingt jours, c'est - à - dire depuis huit mois & quatorze jours, jusqu'a neuf mois & quatre jours.

On a fait une obiervation qui paroit prouver l'étendue de cette variation dans la durée des grossesses en genéral, & donner en même tems le moyen de la reduire à un terme fixe, dans telle ou telle grossesse particuliere. Quelques personnes prétendent avoir remarqué que l'accouchement arrivoit après dix mois lunaires de vingt - sept jours, ou neuf mois solaires de trente jours, au premier ou au second jour qui répondoit aux deux premiers jours auxquels l'écoulement périodique étoit arrivé à la mere avant sa grossesse. Avec un peu d'attention, l'on verra que le nombre de dix périodes de l'ecoulement des regles peut en effet fixer le tems de l'accouchement à la fin du neuvieme mois, ou au commencement du dixieme.

Il naît beaucoup d'enfans avant le deux cents soixantieme jour; & quoique ces accouchemens précedent le terme ordinaire, ce ne sont pas de faussescouches, parce que ces enfans vivent pour la plûpart. On dit ordinairement qu'ils sont nés à sept mois ou à huit mois; mais il ne faut pas croire qu'ils naissent en effet précisément à sept mois ou à huit mois accomplis: c'est indifféremment dans le courant du sixieme, du septieme, du huitieme, & même dans le commencement du neuvieme mois. Hippocrate dit clairement que les enfans de sept mois naissent dès le cent quatre - vingts - deuxieme jour; ce qui fait précisément la moitié de l'année solaire.

On croit communément que les enfans qui naissent à huit mois, ne peuvent pas vivre, ou du - moins qu'il en périt beaucoup plus de ceux - là, que de ceux qui naissent à sept mois. Pour peu que l'on refléchisse sur cette opinion, elle paroît n'être qu'un paradoxe; & je ne sai si en consultant l'expérience, on ne trouvera pas que c'est une erreur. L'entant qui vient à huit mois est plus formé, & par conséquent plus vigoureux, plus fait pour vivre, que celui qui n'a que sept mois: cependant cette opinion, que les enfans de huit mois périssent plûtôt que ceux de sept, est assez communément reçûe; elle est fondée sur lautorité d'Aristote, qui dit: coeteris animantibus ferendi uteri unum est tempus; homini vero plura sunt, quippe & septimo mense & decimo nascitur, atque etiam inter septimum & decimum positis; qui enim mense octavo nascuntur, cesi minus, tamen vivere possunt. De generatanimal. lib. IV. cap. ult. Le commencement du septieme mois est donc le premier terme de la grossesse; si le foetus est rejetté plûtôt, il meurt, pour ainsi dire, sans être né: c'est un fruit avorté qui ne prend point de nourriture, & pour l'ordinaire il périt subitement dans la fausse - couche.

Il y a, comme l'on voit, de grandes limites pour les termes de la durée de la grossesse, puisqu'elles s'étendent depuis le septieme jusqu'au neuvieme & dixieme mois, & peut - être jusqu'au onzieme: il naît à la vérité beaucoup moins d'enfans au dixieme mois, qu'il n'en naît dans le huitieme, quoiqu'il en naisse beaucoup au septieme. Mais en général les limites de la grossesse sont renfermées dans l'espace de trois mois, c'est - à dire depuis le septieme julqu'au dixieme de sa durée possible.

Les femmes qui ont fait plusieurs enfans, assûrent presque toutes que les femelles naissent plûtard que les mâles: si cela est, on ne devroit pas être surpris de voir naître des enfans à dix mois, sur - tout des femelles. Lorsque les enfans viennent avant neuf mois, ils ne sont pas aussi gros ni aussi formés que les autres: ceux au contraire qui ne viennent qu'à dix mois [p. 960] ou plûtard, ont le corps sensiblement plus gros & mieux formé, que ne l'est ordinairement celui des nouveau - nés; les cheveux sont plus longs; l'accroissement des dents, quoique cachées sous les gencives, est plus avancé; le son de la voix est plus net & le ton en est plus grave qu'aux enfans de neuf mois. On pourroit reconnoître à l'inspection du nouveauné, combien sa naissance auroit été retardée, si les proportions du corps de tous les enfans de neuf mois étoient semblables, & si les progrès de leur accroissement étoient reglés: mais le volume du corps & son accroissement varient, selon le tempérament de la mere & celui de l'enfant; ainsi tel enfant pourra naître à dix ou onze mois, qui ne sera pas plus avancé qu'un autre qui sera né à neuf mois.

Les foetus des animaux n'ont qu'un terme pour naître. Les jumens portent le leur pendant onze à douze mois; d'autres comme les vaches, les biches, pendant neuf mois; d'autres comme les renards, les louves, pendant cinq mois; les chiennes pendant neuf semaines; les chattes pendant six; les femelles des lapins trente - un jours: la plûpart des oiseaux sortent de l'oeuf au bout de vingt - un jours; quelques - uns, comme les serins, éclosent au bout de treize ou quatorze jours, &c. La variété est à cet égard tout aussi grande qu'en toute autre chose qui est du ressort & des opérations de la nature: cependant il paroît que les femelles des plus gros animaux, qui ne produisent qu'un petit nombre de foetus, sont constamment celles qui portent le plus long - tems; & que le tems du séjour de leur foetus dans le ventre de la mere est toûjours le même.

On doit observer aussi que l'accouchement dans ces différens animaux est sans hémorrhagie: n'en doit - on pas conclure que le sang que les femmes rendent toûjours après leur accouchement, est le sang des menstrues; & que si le foetus humain naît à des termes si différens, ce ne peut être que par la variété de l'action de ce sang, qui se fait sentir sur la matrice à toutes les révolutions périodiques; action qui est aussi vraissemblablement une des principales causes de l'exclusion du foetus, dans quelque tems qu'elle se fasse, & par conséquent des douleurs de l'enfantement qui la précedent. En effet ces douleurs sont, comme on sait, tout au - moins aussi violentes dans les fausses - couches de deux & de trois mois, que dans les accouchemens ordinaires; & il y a bien des femmes qui ont dans tous les tems & sans avoir conçu, des douleurs très - vives, lorsque l'écoulement périodique est sur le point de paroître: ces douleurs sont de la même espece que celles de la fausse - couche ou de l'accouchement; dès - lors ne doit - on pas soupçonner qu'elles viennent de la même cause?

L'écoulement des menstrues se faisant périodiquement & à des intervalles déterminés, quoique la grossesse supprime cette apparence, elle n'en detruit cependant pas la cause; & quoique le sang ne paroisse pas au terme accoûtumé, il doit se faire dans ce même tems une espece de révolution, semblable à celle qui se faisoit avant la grossesse aussi y a - t - il des femmes dont les menstrues ne sont pas supprimées dans les premiers mois de la grossesse: il y a donc lieu de penser que lorsqu'une femme a conçû, la révolution périodique se fait comme auparavant; mais que comme la matrice est gonflée, & qu'elle a pris de la masse & de l'accroissement (Voyez Matricf), les canaux excrétoires étant plus serrés & plus pressés qu'ils ne l'étoient auparavant, ne peuvent s'ouvrir ni donner d'iffue au sang, à moins qu'il n'arrive avec tant de force, ou en si grande quantité, qu'il puisse se faire passage malgré la résistance qui lui est opposée: dans ce cas il paroîtra du sang, & s'il en coule en grande quantité, l'avortement suivra; la matrice reprendra la forme qu'elle avoit auparavant, parce que le sang ayant rouvert tous les canaux qui s'étoient fermés, ils reviendront au même état qu'ils étoient. Si le sang ne force qu'une partie de ses canaux, l'oeuvre de la génération ne sera pas détruite, quoiqu'il paroisse du sang; parce que la plus grande partie de la matrice se trouve encore dans l'état qui est nécessaire pour qu'elle puisse s'exécuter: dans ce cas il paroîtra du sang, & l'avortement ne suivra pas; ce sang sera seulement en moindre quantité que dans les évacuations ordinaires.

Lorsqu'il n'en paroît point du tout, comme c'est le cas le plus ordinaire, la premiere révolution périodique ne laisse pas de se marquer & de se faire sentir par les mêmes symptomes, les mêmes douleurs: il se fait donc des le tems de la premiere suppression, une violente action sur la matrice; & pour peu que cette action fût augmentée, elle détruiroit l'ouvrage de la génération: on peut même croire avec assez de fondement, que de toutes les conceptions qui se font dans les derniers jours qui précedent l'arrivée des menstrues, il en réussit fort peu, & que l'action du sang détruit aisément les foibles racines d'un germe si tendre & si délicat, ou entraine l'oeuf avant qu'il se soit attaché à la matrice. Les conceptions au contraire qui se font dans les jours qui suivent l'écoulement périodique, sont celles qui tiennent & qui réussissent le mieux; parce que le produit de la conception a plus de tems pour croitre, pour se fortifier & pour résister à l'action du sang & à la révolution qui doit arriver au tems de l'écoulement. C'est sans doute par cette considération que le célebre Fernel, pour calmer les alarmes que donnoit à toute la France la stérilité de la reine, donna d'abord ses attentions aux écoulemens périodiques: après en avoir corrigé les irrégularités, il crut que le tems qui pouvoit le plus faire espérer la fécondité, étoit celui qui suivoit de près les regles.

Le foetus ayant eu le tems de prendre assez de force pour résister à la premiere épreuve de la révolution périodique, est ensuite plus en état de souffrir la seconde, qui arrive un mois après cette premiere: aussi les avortemens causés par la seconde période sont - ils moins fréquens que ceux qui sont causés par la premiere; à la troisieme, le danger est encore moins grand, & moins encore à la quatrieme & à la cinquieme: mais il y en a toûjours. Il peut arriver & il arrive en effet de fausses - couches dans les tems de toutes ces révolutions périodiques; seulement on a observé qu'elles sont plus rares dans le milieu de la grossesse, & plus fréquentes au commencement & à la fin. On entend bien, par ce qui vient d'être dit, pourquoi elles sont plus fréquentes au commencement: il reste à expliquer (toûjours d'après M. de Buffon, qui nous fournit une grande partie de cet article) pourquoi elles sont aussi plus fréquentes vers la fin que vers le milieu de la grossesse.

Le foetus vient ordinairement au monde dans le tems de la dixieme révolution; lorsqu'il naît à la neuvieme ou à la huitieme, il ne laisse pas de vivre, & ces accouchemens précoces ne sout pas regardés comme de fausses - couches, parce que l'enfant quoique moins formé, ne laisse pas de l'être assez pour pouvoir vivre; on a même prétendu avoir des exemples d'enfans nés à la septieme & même à la sixieme révolution, c'est à dire à cinq ou six mois, qui n'ont pas laissé de vivre; il n'y a donc de différence entre l'accouchement & la fausse - couche, que relativement à la vie du nouveau né; & en consillérant la chose généralement, le nombre des fausses - couches du premier, du second, & du troisieme mois, est très - considérable par les raisons que nous avons dites, & le nombre des accouchemens précoces du septieme & du huitieme mois, est aussi assez grand en comparaison de celui des fausses - couches des qua<pb->

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