ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"957"> pecunia, est un prêt que l'on fait d'une somme d'argent à gros intérêt, comme au denier quatre, cinq, six, ou autres qui excede le taux de l'ordonnance, à quelqu'un qui va trasiquer au - delà des mers, à condition que si le vaisseau vient à périr, la dette sera perdue.

Ces contrats sont admis en France nonobstant le chapitre dernier aux décrétales de usuris, dont la décision n'a point été suivie par nos théologiens. Ils sont aussi autorisés par l'ordonnance de la Marine, liv. III. tit. v. La raison qui fait qu'on ne les regarde pas comme usuraires, est tant par rapport aux gains considérables, que peut faire celui qui emprunte pour le commerce maritime, qu'à cause du risque que court le créancier de perdre son argent: c'est d'ailleurs une espece de société dans laquelle le créancier entre avec celui auquel il prête.

Les contrats à grosse avanture peuvent être faits devant notaire ou sous seing - privé.

L'argent peut être prêté sur le corps & quille du vaisseau, sur agrêts & apparaux, armement & victuailles, conjointement & séparément, & sur le tout ou partie de son chargement pour un voyage entier, ou pour un tems limité.

Il n'est pas permis d'emprunter sur le navire ou sur le chargement au - delà de leur valeur, à peine d'être contraint en cas de fraude au payement des sommes entieres, nonobstant la perte ou prise du vaisseau.

Il est aussi défendu sous même peine, de prendre des deniers sur le fret à faire par le vaisseau & sur le profit espéré des marchandises, même sur les loyers des matelots, si ce n'est en présence & du consentement du maitre, & au - dessous de la moitié du loyer.

On ne peut pareillement donner de l'argent à la grosse, aux matelots sur leurs loyers ou voyages, sinon en présence & du consentement du maitre, à peine de confiscation du prêt & de 50 liv. d'amende.

Les n'aîtres sont responsables en leur nom du total des sommes prises de leur consentement par les matelots si elles excedent la moitié de leurs loyers, & ce nonobstant la perte ou prise du vaisseau.

Le navire, ses agrêts & apparaux, armement & victuailles, même le fret, sont affectés par privilége au principal & intérêt de l'argent prêté sur le corps & quille du vaisseau pour les nécessités un voyage, & le chargement au payement des deniers pris pour le faire.

Ceux qui prêteront à la grosse au maître dans le lieu de la demeure des propriétaires, sans leur consentement, n'auront hypotheque ni privilége que sur la portion que le maître pourra avoir au vaisseau & au fret, quoique les contrats fussent causés pour radoub ou victuailles de bâtiment.

Mais les parts & portions des portions des propriétaires qui auroient refusé de contribuer pour mettre le bâtiment en état, sont affectées aux deniers pris par les maîtres pour radoub & victuailles.

Les deniers laissés pour renouvellement ou continuation, n'entrent point en concurrence avec ceux qui sont actuellement fournis pour le même voyage.

Tous contrats à la grosse demeurent nuls par la perte entiere des effets sur lesquels on a prêté, pourvû qu'elle arrive par cas fortuit dans le tems & dans les lieux des risques.

Les prêteurs à la grosse contribuent à la décharge des preneurs aux grosses avaries, comme rachats, compositions, jets, mâts & cordages coupés pour le salut commun du navire & des marchandises, & non aux simples avaries ou dommages particuliers qui leur pourroient arriver, s'il n'y a convention contraire.

En cas de naufrage les contrats à la grosse sont réduits à la valeur des effets sauvés.

Lorsqu'il y a contrat à la grosse, & assûrance sur un même chargement, le donneur à la grosse est préféré aux assureurs sur les effets sauvés du naufrage pour son capital seûlement.

Il y a encore plusieurs regles pour ces contrats, que l'on peut voir dans l'ordonnance. Voyez aussi la loi 4. ff. de nautico foenore, & la loi 1. cod. codem. (A)

GROSSESSE (Page 7:957)

GROSSESSE, s. f. (Econom. anim. Medec.) c'est le terme ordinaire que l'on employe pour désigner l'état d'une femme enceinte, c'est - à - dire d'une femme dans laquelle s'est opérée l'ouvrage de la conception, pour la production d'un homme, mâle ou femelle, quelquefois de deux, rarement d'un plus grand nombre.

On entend aussi par le terme de grossesse, le tems pendant lequel une femme qui a conçu, porte dans son sein l'effet de l'acte de la génération, le fruit de la fécondation; depuis le moment où la faculté prolifique a été réduite en acte, & où toutes les conditions requises de la part de l'un & de l'autre sexe, concourent dans la femme, & commencent à y jetter les fondemens du foetus, jusqu'à sa sortie.

Il suffit pour caractériser la grossesse, que ce qui est engendré prenne accroissement ou soit présumé pouvoir le prendre (dans les parties qui sont susceptibles de le contenir, mais ordinairement dans la matrice, rarement dans les trompes, & hors des parties de la génération), au point de procurer au bas - ventre une augmentatien de volume, de le rendre plus renflé, plus gres, qu'il n'est ordinairement. Ainsi il n'y a pas moins grossesse, soit que le germe reste parfait, ou qu'il devienne imparfait dans sa formation, dans son développement, & dans celui de ses enveloppes: les cas où il ne se forme que des monstres, des moles, de faux - germes, qui prennent néanmoins un certain accroissement, constituent toûjours de vraies grossesses.

L'état où les germes restent enfermés, se nourrissent & croissent dans le sein des femelles de tous les animaux vivipares, comme dans l'espece humaine, a beaucoup de rapport avec l'incubation des ovipares; il peut être regardé lui - même comme une veritable incubation qui se fait au - dedans du corps des femelles pour la même fin que celle des ovipares se fait au - dehors. Le foetus humein, comme celui de tous les vivipares, prend son accroissement dans le ventre de sa mere pour acquérir des forces, qui lui donnent le moven d'en sortir, & de pouvoir subsister hors d'elle, d'une maniere convenable aux dispositions qu'il a acquises; de même que le poulet couvé dans l'oeuf, s'y nourrit & y grossit, jusqu'à ce qu'il soit assez fort pour en sortir & pour travailler ultérieurement à sa nourriture & à son accroissement d'une maniere proportionnée à ses forces. Voyez Génération, Foetus, Incubation

L'exposition de ce qui se passe pendant la grossesse, n'étant donc que l'histoire de la formation du foetus humain, de son développement, de la maniere particuliere dont il vit, dont il se nourrit, dont il croît dans le ventre de sa mere, & dont se font toutes ces différentes opérations de la nature à l'égard de l'un & de l'autre; c'est proprement l'histoire du foetus même qu'il s'agiroit de placer ici, si elle ne se trouvoit pas suffisamment détaillée en son lieu. Voyez Foetus. Ainsi il ne reste à traiter dans cet article, que des généralités de la grossesse, & de ce qui y est relatif; savoir, des signes qui l'annoncent, de sa durée, des causes qui en déterminent les différens termes naturels & contre - nature; & ensuite du régime qu'il convient aux femmes d'observer pendant la grossesse, des maladies qui dépendent de cet état, & de la cure particuliere dont elles sont susceptibles. Cela posé, entrons en matiere, suivant l'ordre qui vient d'être établi. [p. 958]

Des signes de la grossesse. Quelques auteurs, dit M. de Buffon dans son histoire naturelle, tom. IV. en traitant de l'homme; quelques auteurs ont indiqué deux signes pour reconnoître si une femme a conçu. Le premier est un saisissement ou une sorte d'ébranlement qu'elle ressent dans tout le corps au moment de la conception, & qui dure même pendant quelques jours. Le second est pris de l'orifice de la matrice, qu'ils assûrent être entierement fermé après la conception. Mais ces signes sont au - moins bien équivoques, s'ils ne sont pas imaginaires.

Le saisissement qui arrive au moment de la conception est indiqué par Hippocrate dans ces termes: liquidò constat earum rerum peritis, quod mulier, ubi concepit, statim inhorrescit ac dentibus stridet, & articulum reliquumque corpus convulsio prehendit: c'est donc une sorte de frisson que les femmes ressentent dans tout le corps au moment de la conception, selon Hippocrate; & le frisson seroit assez fort pour faire choquer les dents les unes contre les autres, comme dans la fievre. Galien explique ce symptome par un mouvement de contraction ou de resserrement dans la matrice; & il ajoûte que des femmes lui ont dit qu'elles avoient eu cette sensation au moment qu'elles avoient conçu. D'autres auteurs l'expriment par un sentiment vague de froid qui parcourt tout le corps, & ils employent aussi les mots d'horror & d'horripilatio. La plûpart établissent ce fait, comme Galien, sur le rapport de plusieurs femmes. Ce symptome seroit donc un effet de la contraction de la matrice qui se resserreroit au moment de la conception, & qui fermeroit par ce moyen son orifice, comme Hippocrate l'a exprimé par ces mots, quoe in utero gerunt, harum os uteri clausum est; ou, selon un autre traducteur, quoecumque sunt gravidoe, illis os uteri connivet. Cependant les sentimens sont partagés sur les changemens qui arrivent à l'orifice interne de la matrice apres la conception: les uns soûtiennent que les bords de cet orisice se rapprochent, de façon qu'il ne reste aucun espace vuide entre eux; & c'est dans ce sens qu'ils interpretent Hippocrate: d'autres prétendent que ces bords ne sont exactement rapprochés qu'après les deux premiers mois de la grossesse; mais ils conviennent qu'immédiatement après la conception l'orifice est fermé par l'adhérence d'une humeur glutineuse; & ils ajoûtent que la matrice qui hors de la grossesse pourroit recevoir par son orifice un corps de la grosseur d'un pois, n'a plus d'ouverture sensible après la conception; & que cette différence est si marquée, qu'une sage - femme habile peut la reconnoître. Cela supposé, on pourroit donc constater l'état de la grossesse dans les premiers jours. Ceux qui sont opposés à ce sentiment, disent que si l'orifice de la matrice étoit fermé apres la conception, il seroit impossible qu'il y eût de superfétation. On peut répondre à cette objection, qu'il est très possible que la liqueur séminale pénetre à - travers les membranes de la matrice; que même la matrice peut s'ouvrir pour la superfétation, dans certaines circonstances, & que d'ailleurs les superfétations arrivent si rarement, qu'elles ne peuvent faire qu'une legere exception à la regle générale. D'autres auteurs ont avancé que le changement qui arriveroit à l'orifice de la matrice, ne pourroit être marqué que dans les femmes qui auroient déjà mis des enfans au monde, & non pas dans celles qui auroient conçu pour la premiere fois: il est à croire que dans celles - ci la différence doit être moins sensible; mais quelque grande qu'elle puisse être, en doit - on conclure que ce signe est réel & certain? Ne faut - il pas du - moins avoüer qu'il n'est pas assez évident? L'étude de l'anatomie & de l'expérience ne donnent sur ce sujet que des connoissances générales, qui sont fautives dans un examen particulier de cette nature. Il en est de même du saisissement ou du froid convulsif, que certaines femmes ont dit avoir ressenti au nroment de la conception. Comme la plûpart des femmes n'éprouvent pas le même symptome, que d'autres assûrent au contraire avoir ressenti une ardeur brûlante, causée par la chaleur de la liqueur séminale du mâle, & que le plus grand nombre avoue n'avoir rien senti de tout cela, on doit en conclure que ces signes sont très - équivoques, & que lorsqu'ils arrivent c'est peut - être moins un effet de la conception, que d'autres causes qui paroissent plus probables.

A ce qui vient d'être dit des signes de la grossesse, M. de Buffon ajoûte un fait qui prouve que l'orifice de la matrice ne se ferme pas immédiatement après la conception, ou bien que s'il se ferme, la liqueur séminale du mâle ne laisse pas de pouvoir entrer dans la matrice, en pénétrant à - travers le tissu de ce viscere. Une femme de Charles - Town, dans la Caroline méridionale, accoucha en 1714 de deux jumeaux, qui vinrent au monde tout - de - suite l'un après l'autre; il se trouva que l'un étoit un enfant negre, & l'autre un enfant blanc; ce qui surprit beaucoup les assistans. Ce témoignage évident de l'infidélité de cette femme à l'égard de son mari, la força d'avoüer qu'un negre qui la servoit étoit entré dans sa chambre un jour que son mari venoit de la laisser dans son lit; & elle ajoûta pour s'excuser, que ce negre l'avoit menacée de la tuer, & qu'elle avoit été contrainte de le satisfaire. Voyez Lectures on muscular motion, by M. Parsons. London, 1745, pag. 79. Ce fait ne prouve - t - il pas aussi que la conception de deux ou de plusieurs jumeaux ne se fait pas toûjours en même tems? Voyez Superfétation.

La grossesse, continue M. de Buffon, a encore un grand nombre de symptomes équivoques, auxquels on prétend communément la reconnoître dans les premiers mois; savoir une douleur legere dans la région de la matrice & dans les lombes; un engourdissement dans tout le corps, & un assoupissement continuel; une mélancolie qui rend les femmes tristes & capricieuses; des douleurs de dents, le mal de tête, des vertiges qui offusquent la vûe, le retrécissement des prunelles, les yeux jaunes & injectés, les paupieres affaissées, la pâleur & les taches du visage, le goût dépravé, le dégoût, les vomissemens, les crachemens, les symptomes hystériques, les fleurs blanches, la cessation de l'écoulement périodique, ou son changement en hémorrhagie, la secrétion du lait dans les mammelles, &c. L'on pourroit encore rapporter plusieurs autres symptomes, qui ont été indiqués comme des signes de la grossesse, mais qui ne sont souvent que les effets de quelques maladies particulieres; il n'y a que les mouvemens du foetus, devenu assez fort environ le quatrieme mois, pour les rendre sensibles au toucher sur le ventre, qui puisse assûrer l'état de la grossesse, & qui en soient par conséquent le signe le moins équivoque, si on les distingue bien des remuemens d'entrailles: on peut même dire qu'ils sont un signe certain, lorsqu'ils sont joints à la dureté, à l'enflure partieuliere de l'hypogastre, dans un sujet qui joüit d'ailleurs d'une bonne santé; les symptomes ci - devant mentionnés cessant ordinairement vers ce tems - là, lorsqu'ils sont l'effet de la grossesse.

On seroit obligé d'entrer dans un trop grand détail, si l'on vouloit considérer chacun de ces symptomes & en rechercher la cause: pourroit - on même le faire d'une maniere avantageuse, puisqu'il n'y en a pas un qui ne demandât une longue suite d'observations bien faites? Il en est ici comme d'une infinité d'autres sujets de physiologie & d'économie animale; à l'exception d'un petit nombre d'hommes rares,

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