ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"896"> droits où il faudra les adoucir & abaisser, en les retouchaut avec la pointe à graver.

Si on veut éviter de se salir les doigts, on laissera sécher la planche un jour ou deux. La vûe se reposera pendant ce tems; car fatiguée d'une application assidue d'un mois ou deux sur une même planche, elle n'en peut presque pas juger la premiere épreuve.

Pour retoucher on aura devant soi son épreuve; on n'oubliera pas que les tailles de la planche sont à contre - sens de l'estampe; on verra si une taille est trop épaisse seulement en quelques endroits ou sur toute sa longueur; on la diminuera de son épaisseur par le côté convenable, égalisant autant qu'il est possible la distance de cette taille à la suivante, avec les autres entre - deux ou distances de tailles; on veillera à ne point trop ôter de bois, sans quoi la taille sera perdue: on aura soin de brosser à mesure qu'on avancera, afin que les petits copeaux ne restent pas dans la gravure.

On sent combien le dessein est sécessaire dans la retouche, soit pour ne pas estropier un coutours, déplacer un musele, pécher contre le clair - obscur; soit en diminuant le trait par le côté opposé à celui qu'il salloit choisir, enslant ou amaigrissant mal - à - propos; soit en revenant sur des tailles qui étoient bien, rendant clair ce qu'il falloit laisser obscur, courbant ce qu'il falloit redresser, redressant ce qu'il falloit courber, &c.

Quand on sera obligé de retoucher ou diminuer, par exemple, l'épaisseur du trait A par le côté où il tiendra aux tailles B, on le fera taille par taille, c'est - à - dire qu'on appuyera un peu la pointe au côté de la coupe d'une taille, à son extrémité, sur le trait duquel on fera entrer le taillant de la pointe, suivant à - peu - près l'épaisseur du bois qu'on voudra ôter au trait. On fera la même chose vis - à - vis sur le côté de la recoupe de la taille, qui est au - dessus de celle dont on vient de parler. Cela fait, on retouchera le trait enievant le bois depuis une taille jusqu'à l'autre, comme on voit par les points de la figure suivante; ce qui fera trois coups de pointe à donner entre ces deux tailles. Trait A, tailles B, C partie retranchée du trait.

C'est ainsi qu'il faut s'y prendre pour retoucher le trait du côté où il tient à des tailles; car si l'on faisoit d'abord une coupe en passant la pointe dans l'épaisseur du trait & dans toute sa longueur, pour couper & recouper ensuite le bois en - travers taille par taille; cela seroit coupe sur coupe, & toutes les tailles seroient infailliblement endommagées, interrompues par le bout, & ne tiendroient plus au trait; elles en seroient séparées par l'ancienne coupe faite en cet endroit pour le former & pour dégager les tailles; le bois se sépareroit de lui même en cet endroit, & l'on ne pourroit y remédier.

C'est de la même maniere qu'on retouchera les gravures aux endroits qu'on aura creusés, & s'il est nécessaire, où l'on aura gratté des tailles, observant de tenir toûjours la pointe plus à - plomb sur le glacis des endroits creusés & des tailles grattées. Après avoir retouché, on tirera une seconde épreuve, qu'on retouchera si le trait & les tailles ne paroissent pas encore assez adoucis; puis une troisieme & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on soit satis fait de son ouvrage.

On gardera dans un porte - feuille les premieres épreuves de chaque planche, selon l'ordre où elles auront été tirées avant & après les retouches, & l'on connoitra par comparaison les progres qu'on fera d'annee en année.

Les Holbeins, Bernard Salomon & C. S. Vichem ont retouché quelques - uns de leurs morceaux en bois, à la pointe a graver; mais seulement à certains endroits, à l'extrémité des tailles éclairées: ja<cb-> mais dans les grandes parties; & sur les estampes que M. Papillon a d'eux, il pretend qu'ils ne l'ont fait qu'une fois à chacune de leurs planches, excepté celle de la bible d'Holbein, où Abisaig est à genoux devant David, & où la retouche est très - sensible aux traits de la montagne que l'on voit par la croisée de la chambre; quelques figures emblématiques de Bernard Salomon, & autres morceaux de C. S. Vichem. Il est sûr que ces graveurs habiles entre les anciens n'ont point retouché de lointains ni de ciel; & que parmi les modernes, MM. Vincent le Sueur, son trere Pierre, Nicolas fils de ce dernier, sont les seuls qui ayent retouché leurs gravures à de grandes parties. Le pere de M. Papillon n'avoit pas cet usage, & M. son fils dit que c'est une des raisons pour lesquelles ses gravures manquent d'esset.

Maniere de bienimprimer les endroits creuses de la gravure. On fera atteindre le papier aux en droits creusés, soit avec le doigt, le pouce, ou la paume de la main, selon leur étendue, lorsqu'on imprimera au rouleau: ce secours ne sera pas nécessaire à l'impression en lettres, où l'on a celui des hausses & de la foule du tympan, qu'il faut toutefois savoir préparer. On collera un morceau de papier ou deux à l'endroit du tympan, qui répondra au creux de la planche. Il faut que ces papiers occupent toute l'étendue du creux. Sur ces premiers papiers on en collera d'autres, qui iront toûjours en diminuant jusqu'au centre. Il ne faut pas couper ces morceaux avec des ciseaux, mais en dechirer les bords avec les ongles. Sans cette attention, l'épaisseur du papier formera une gaufrure & un trait blanc à l'épreuve.

Si un lointain ou un autre endroit creusé vient trop dur à l'impression, il faudra mettre une ou plusieurs hausses au tympan de toute l'etendue de la planche; mais découper ces hausses & en ôter le papier à l'endroit qui répondra au lointain, ou même, sans employer de hausses, découper la feuille du tympan à l'endroit convenable. On pourroit même dans un besoin y découper le parchemin du tympan, & le premier lange ou blanchet. Il faudra que les blanchets ayent déjà servi; neufs, ils feroient venir la gravure trop dure.

Voilà tout ce que nous avons cru devoir employer des mémoires très - savans & très - étendus que M. Papillon nous a communiqués sur son art: la réputation & les ouvrages de cet artiste doivent répondie de la bonté de cet article, si nous avons bien sû tirer parti de ses lumieres. Au reste ces principes sont les premiers qui ayent jamais été publies sur cet art, & ils sont tous de M. Papillon; nous n'avons eu que le petit mérite de les rédiger.

Gravure en creux (Page 7:896)

* Gravure en creux sur le bois & de dépouille. L'on a par le moyen de cette gravure, des empreintes de relief en pâte, terre ou sable préparés, beurre, cire, carton, &c. des sceaux, des cachers, des armoiries de cloche à cire perdue; des figures pour la pâtisserie, les desserts, les sucreries, &c.

Il est vraissemblable qu'on a commencé à graver sur le bois, avant que de graver sur aucune matiere plus dure; & il ne l'est pas moins que la gravure en creux, appellée anciennement engravure, a précédé la gravure.

Il faut distinguer deux sortes de gravure en creux, relativement aux outils dont on s'est servi; l'une en gouttiere exécutée avec des outils tranchans, tels que le couteau, le fermoir, le canif & la gouge; l'autre plus parfaite, travaillée à la gouge plus ou moins courbe; le fermoir & la pointe à graver n'y sont que rarement employés: de - là & ses vives arêtes & ses bords adoucis, & son caractere de dépouille que n'a point la premiere dont les angles & les vives arétes aigues sont sujets à retenir des parties des substances molles sur lesquelles on veut avoir les reliefs des gravures. [p. 897]

Les anciens n'ont guere connu d'autres gravures que celles - là, si l'on y ajoûte celles qu'ils opéroient avec le fer brûlant.

Il faut pour la gravure en bois & de dépouille, donner la préférence au buis qui se polit mieux qu'aucun autre bois; & la manoeuvre principale consiste à faire ensorte que les parties creusées, quelles qu'elles soient, ne soient point coupées, soit perpendiculairement au plan de la planche, soit en - dessous. Il faut que les enfoncemens aillent en pente depuis leurs bords jusqu'à leurs fonds, & qu'ils n'ayent en général aucune gouttiere ni aucune saillie trop aigue; le relief qui en viendroit seroit desagréable, àmoins que l'objet représenté ne l'eût exigé.

Les parties creusées à deux, trois reprises, sont celles qui demandent le plus d'attention. L'écusson d'une armoirie, par exemple, étant creusé d'un demi - poace de profondeur, comme nous l'avons prescrit; si cet écusson a un surtout, on le fera de deux lignes plus profond que le reste, & les figures qu'il portera, d'une ligne ou d'une demi - ligne. Quant aux petites parties qui pourront se faire à la main, d'un seul coup de gouge ou de fermoir, il faudra les couper nettes jusqu'au fond.

On montera sur des manches les parties d'un ouvrage qui seront isolées, & qui se rapporteront dans l'usage les unes à côté des autres.

Si l'ouvrage & le manche étoient d'une piece, comme il arrive quelquefois, le graveur se trouveroit souvent dans le cas de travailler sur un bois debout, & de couper à contre - fil; ce qui rendroit la gravure ingrate & mauvaise.

Dans ces cas on fera tourner le manche, & à l'extrémité du manche on pratiquera une entaille, dans laquelle on enchâssera une piece sur laquelle on gravera; observant seulement que les bords de ces pieces ayent les contours nécessaires bien évidés, pour enlever les reliefs qu'on aura à en tirer.

On voit que si le graveur a à travailler sur un rouleau fait au tour, il y trouvera son avantage; la forme lui donnant les ronds, quarts de ronds & autres bosses, qu'il auroit été obligé de tirer d'une surface plane.

Les pieces isolées demandent des doubles planches & des parties creusées à contredit les unes des autres; il faut que les contours s'y correspondent avec beaucoup de précision, afin qu'appliquées l'une d'un côté, l'autre de l'autre, la pâte entre deux, le relief vienne comme on le desire. C'est la suite de l'exactitude des repaires, & de la parfaite ressemblance des deux morceaux gravés.

Gravure en bois d'une forte taille. C'est la même chose que la gravure ordinaire, avec cette différence qu'à celle - là les tailles sont plus grossieres: ce sont les mêmes manoeuvres & les mêmes outils; il faut seulement que les pointes soient plus épaisses, plus fortes de lames, & plus obliques à la premiere partie du chef. C'est en cette gravure que sont les planches de dominoterie, de papiers de tapisserie, les affiches, les moules de cartes, les planches des toiles peintes, les enseignes des marchands, les desseins de jupons, &c.

Gravure en bois matte & de relief. C'est un diminutif de la précédente. Les grosses lettres d'affiches, les masses de rentrées pour les camayeux, & les toiles peintes, sont gravées de cette maniere. Elle est à l'usage des Fondeurs: c'est par son moyen qu'ils obtiennent en creux la terre ou le sable où ils coulent les métaux. Le graveur doit observer en leur faveur de graver ses traits & contours un peu en talud; ils en feront plus de dépouille, & le creux ne retiendra aucune partie du métal, quand il s'agira d'en retirer la piece. Les planches de cuivre & autres ouvrages obtenus par cette manoeuvre, se reparent & s'ache<cb-> vent au ciselet: mais la gravure en bois a donné les grosses masses; ce qui a épargné beaucoup d'ouvrage à l'artiste, qui, sans ce moyen, auroit été obligé d'exécuter au burin de grandes parties. Cet article & le suivant sont encore tirés des mém. de M. Papillon.

Gravure en bois (Page 7:897)

* Gravure en bois, de camayeu, ou de clairobscur, de relief, à tailles d'épargne & à rentrées, ou à plusieurs planches, formant autant de teintes par dégradation sur l'estampe.

Le camayeu est très - ancien, s'il est vrai que ce fut de cette maniere de peindre d'une seule couleur, qu'un certain Cléophante fut surnommé chez les Grecs le Monochromate. Quant à la gravure en camayeu, il est vraissemblable qu'elle a pris naissance chez quelques - uns de ces peuples orientaux, où l'usage de peindre leurs toiles par planches à rentrées & couleurs différentes, subsiste de tems immémorial. La gravure en bois conduisit à l'invention de l'Imprimerie en lettres; & les premieres rentrées de lettres en vermillon qu'on voit dans des livres dès 1470 & 1472, exécutées par Guttemberg, Schoeffer & autres, suggérerent sans doute à quelque peintre allemand d'imiter les desseins faits avec la pierre noire sur le papier bleu & rehaussés de blanc, avec deux planches en bois à rentrées, une pour le trait noir, & l'autre pour la teinte bleue, avec les rehauts ou les hachures blanches reservées dessus. Cette découverte a précédé l'année 1500. On voit de ces estampes ou premiers camayeux datés de 1504, qui ne sont pas sans mérite. Il y en a d'un goût gothique de Martin Schon, d'Albert Durer, de Hans ou Jean Burgkmaïr, & de leurs contemporains.

Lucas de Leiden, Lucas Cranis ou de Cronach, Sebald, & presque tous ceux qui travailloient alors pour les Imprimeurs en lettres, ont gravé à deux planches ou rentrées.

Les Italiens s'appliquerent aussi à ce genre, après les Allemands. Voici ce qu'on en lit dans Felibien: « Hugo da Carpi, dit cet auteur, publia dans ses principes d'Architecture une maniere de graver en bois, par le moyen de laquelle les estampes patoissent comme lavées de clair - obscur: il faisoit, pour cet effet, trois sortes de planches d'un même dessein, lesquelles se tiroient l'une après l'autre sous la presse, sur une même estampe; elles étoient gravées de façon que l'une servoit pour les jours & grandes lumieres; l'autre pour les demi - teintes, & la troisieme pour les contours & les ombres fortes ».

Abraham Bosse qui a traité de tous les genres de gravure, a aussi parlé de la maniere de graver de Hugo da Carpi. « Au commencement du seizieme siecle, dit Bosse, on imagina en Italie & en Allemagne l'art d'imiter en estampes les desseins lavés, & l'espece de peinture à une seule couleur, que les Italiens appellent chiaro scuro, & que nous connoissons sous le nom de camayeu». On voit par l'historique qui précede, que la gravure en camayeu est beaucoup plus ancienne que Bosse ne la fait. Il ajoûte « qu'avec le secours de cette invention, on exprima le passage des ombres aux lumieres & les différentes teintes du lavis; que celui qui fit cette découverte s'appelloit Hugo da Carpi (autre erreur de Bosse), & qu'il exécuta de fort belles choses d'après les desseins de Raphael & du Parmesan ».

Voici exactement ce que Hugo da Carpi exécuta, au jugement de M. Papillon graveur en bois, qui a mieux examiné cette matiere qu'Abraham Bosse, & qui nous a communiqué un petit mémoire là - dessus. Hugo da Carpi grava des rentrées ou planches par parties mattes, & employa jusqu'à quatre planches de bois pour une estampe, sans y faire aucune taille, les imprimant d'une seule couleur par dégradation de teintes, chaque planche donnant à l'estam<pb->

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