ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Cela fait, on taillera un morceau de bois, de maniere à remplir ce trou le plus exactement qu'il sera possible; on l'y placera le bois plein tourné en - dessus, & le bois debout tourné vers un des côtés: après avoir enduit toute l'ouverture d'un peu de colle - forte ou de gomme arabique, ou même sans cette précaution, on l'enchâssera fortement à l'aide d'un maillet & d'un morceau de bois qu'on appuyera dessus, & sur lequel on frappera. On enlevera ensuite avec un fermoir l'excédent de la piece: on la polira: on dessinera dessus, & l'on recommencera de graver sur la piece, comme on a gravé sur le reste de la planche.

Des passes - par - tout. L'on entend par ce mot des morceaux de bois troüés, où l'on place telle lettre de fonte que l'on veut. Pour les bien faire, prenez un morceau de bois équarri, de la hauteur de la lettre: tracez dessus & dessous au trusquin le trou que vous y voulez percer. Arrêtez ensuite votre bois dans l'entaille: évuidez - le dessus & dessous au fermoir, à une ligne ou deux de profondeur; puis le transportant de l'entaille dans un étau, arrêtez - le dedans, & le percez d'un ou de plusieurs trous avec un vilebrequin, jusqu'à moitié de l'épaisseur du bois. Faites - en autant de l'autre côté. Remettez - le ensuite dans l'entaille, & avec des fermoirs de différentes formes, achevez d'emporter le bois qu'occupe l'intérieur du trou que vous avez à percer. Cela fait, polissez - en l'intérieur & les bords: tracez à la plume ce que vous y voulez graver, & achevez.

Epreuves. Voici comment on aura des épreuves de son ouvrage sans recourir à l'imprimeur. On mouillera à l'éponge, ou l'on trempera son papier ou deux à deux, ou quatre à quatre, ou six à six feuilles; on intercallera chaque feuille trempée avec des feuilles seches; on le maniera, changera de côté, mêlera, quelques heures après la trempe, & le séjour de quelques heures sous la presse dont nous avons parlé parmi les outils. On aura du noir d'imprimeur qu'on broyera sur le marbre: on en touchera la balle: l'on promenera la balle sur la planche: on étendra une feuille sur la planche enduite de noir, & l'on passera le rouleau sur la feuille. On aura par ce moyen une épreuve sur laquelle on pourra retoucher son ouvrage. L'art de retoucher est sans contredit la partie la plus difficile de la gravure en bois.

Retoucher. On ne renouvelle pas par la retouche une planche en bois, comme une planche en cuivre. On ne rétablit pas la taille d'épargne, s'il arrive qu'elle soit écrasée, ou devenue filandreuse par le mouillage & le long service; ou si l'on répare ainsi quelques ouvrages, ce sont des morceaux grossiers, & non des gravures délicates. Ce seroit plûtôt fait de regraver une autre planche.

Nous entendons par retoucher, revenit sur une planche nouvelle, pour la perfectionner, en affoiblissant les traits & les contours qu'on trouve trop durs, trop roides, ou trop marques.

Tout se réduit ici à exhorter le graveur à faire cette retouche le plus judicieusement qu'il pourra, réfléchissant sur - tout qu'il ne suppléera pas le bois qu'il aura enlevé mal - à - propos. Nous en dirons davantage plus bas, où nous exposerons d'après M. Papillon les ressour ces qu'il a imaginées & portées dans son art.

Impression. Lorsque la planche est sortie des mains du graveur, c'est souvent à l'imprimeur, pour qui elle est destinée, à la faire valoir son prix.

Les pressiers prennent une seule fois de l'encre pour cinq épreuves: d'où il peut arriver que les premieres soient pochées, les secondes boüeuses, & les dernieres grises; premier défaut à éviter. Il faudroit à chaque epreuve prendre de l'encre, & n'en prendre que ce qu'il faut; avoir des balles moins pesan<cb-> tes, toucher avec ménagement & moins de promptitude, en un mot user des précautions nécessaires.

Si le papier est trop sec, la gravure viendra neigeuse: autre défaut. La gravure est neigeuse lorsque les tailles & les traits sont confondus, & qu'on n'apperçoit que des petits points vermichelés.

Si le papier est trop humide, on aura des taches, ou places dans lesquelles l'estampe aura trop ou n'aura pas assez pris de noir.

Si la planche est plus haute que la lettre, il faut qu'elle vienne pochée. Laissez - la de niveau avec la lettre, le tympan foulera toûjours assez; ou si l'empreinte n'est pas assez forte, vous aurez toûjours la ressource des hausses.

Il ne faut pas tenir une planche en bois pour usée lorsqu'elle donne des épreuves grises ou neigeuses. On se laisse dans ce jugement tromper par une conformité qu'on suppose, & qui n'existe pas entre la gravure en cuivre & la gravure en bois. Il faut savoir que la gravure en cuivre, lorsqu'elle est usée, tous les traits s'affoiblissent & s'effacent; & qu'au contraire à la gravure en bois, les tailles se confondent, le pâtent, & ne font plus qu'une masse.

Supplément. Il est peu de graveurs qui ne sachent ce que nous avons dit jusqu'à présent sur la gravure en bois. Nous allons ajoûter ici par supplément ce que M. Papillon a découvert, & ce qui lui appartient en propre dans cet art.

La premiere de ses découvertes est relative à la maniere de creuser & de préparer le bois pour graver des lointains ou parties eclairées, & de gratter les tailles déjà gravées, pour les rendre plus fortes & les faire ombrer davantage.

La seconde est relative à la maniere de retoucher proprement la gravure en bois.

Nous finirons par ses idées sur la méthode d'imprimer les endroits creux.

Pour creuser à une planche, un lointain, un ciel, ou autre chose, on dessinera tout le reste, à la réserve de ces objets. Ensuite pour ébaucher le creux, on prendra une gouge de la grandeur convenable; on enlevera le bois peu - à - peu, & à contre - fil, autant qu'on pourra: & l'on en ôtera peu sur les bords, afin que la pente du creux y commence en douceur, & qu'elle aille imperceptiblement eu glacis. Cela est important. Si les bords étoient creusés trop profonds ou à - plomb, la gravure ne marqueroit pas en ces endroits quand on imprimeroit, la balle ne pouvant y atteindre; & quand la balle y toucheroit, les hausses qu'on seroit forcé de mettre au tympan, feroient casser le papier à ces bords du creux. Il en arriveroit de même au rouleau, lorsqu'on appuyeroit le bout des doigts pour faire venir la gravure aux endroits creusés.

On polira cette ébauche avec la même gouge, le plus proprement qu'on pourra, afin d'avoir moins a travailler au grattoir à creuser. La lame de ce dernier instrument se fera avec un bout de ressort, comme la pointe à graver. On la trempera plûtôt molle que seche, afin qu'étant aiguisée, le morsil y tienne mieux. Il faut qu'elle soit tranchante sur l'épaisseur de la lame, comme au racloir ou grattoir ordinaire; il faut que cette partie soit courbe à droite & à gauche, & non de niveau comme à un fermoir. Les angles feroient des rayures qu'on auroit beaucoup de peine à atteindre & à effacer.

On prendra garde de ne point trop creuser l'endroit que l'on voudra graver. Il ne faut donner qu'une demi - ligne de creux à un espace d'un pouce, & cela encore à l'endroit le plus profond.

Le creux étant ébauché parfaitement à la gouge, on le repassera & polira au grattoir à creuser, juiqu'à ce qu'il ait la concavité convenable, & qu'il soit sans [p. 895] rayures, inégalités, & dentelures. Pour l'achever, on se servira de la prêle.

Ce creux étant fiui, on le frottera avec du sandarac en poudre, & l'on y dessinera ce qu'on voudra graver. Si c'est un ciel, un horison, une riviere, ou un autre objet qui exige des tailles horisontales ou perpendiculaires, on y tracera d'abord des lignes d'espace en espace avec le trusquin. Sans ces guides, on ne graveroit jamais les tailles de niveau ou àplomb. On les croiroit telles: elles le paroîtroient, & elles ne produiroient point cet effet à l'épreuve: elles seroient plus ou moins courbées par leurs extrémités; c'est la suite du plus ou moins de profondeur du creux.

Il faudra graver un peu plus à - plomb que de coûtume sur le glacis d'un endroit creusé, afin que la gravure ne soit point faite ni couchée sur le même plan de ce glacis, ce qui la rendroit sujette à pocher ou à s'engorger d'encre. On levera le coude ou le poignet en y gravant, sans quoi on risquera de sentir la pointe s'arrêter par l'extrémité du manche aux bords supérieurs de l'endroit creusé. Il faut aussi que la gravure soit plus profonde sur le glacis, & les traits des bords plus à - plomb, par les mêmes raisons. On veillera à n'y point couper les tailles par le pié: pour peu qu'on s'oubliât & qu'on ne contînt pas sa pointe fortement, la pente du glacis rejetteroit l'outil en - dehors en faisant les coupes, & le repousseroit en - dedans en faisant les recoupes, ce qui occasionneroit nécessairement l'accident qu'on a dit.

Pour rendre des tailles plus fortes ou plus épaisses qu'elles n'auroient été gravées, & qu'elles ne paroîtront à une premiere épreuve, on grattera legerement leur superficie avec le grattoir à creuser, ou plûtôt à ombrer, parce que celui - ci n'étant presque point courbe, on en avancera plus facilement l'ouvrage. On choisira celui de ces grattoirs qui mordera le moins & l'on grattera l'endroit à retoucher autant qu'il sera possible, opérant dans le sens du fil du bois; autrement on pourroit rendre les tailles barbelées. On évitera de les gratter sur leurs travers, de crainte que le grattoir ne les égrene en sautillant de taille en taille. On brossera avec une petite brosse, on soufflera sur la gravure, afin de chasser la raclure du bois qui resteroit & rempliroit l'entre - deux des tailles. Quand les tailles grattées paroîtront plus épaisses, on tirera une seconde épreuve de la planche. Si les tailles grattées ne semblent pas encore assez fortes, on recommencera; & ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit satisfait. Cependant il faut procéder avec circonspection. On ne rendra point très - épaisses des tailles qui auront été gravées très - fines & un peu écartées les unes des autres; il faudroit atteindre à la racine des tailles: & alors les tailles trop profondes ne viendroient plus à l'impression. Il ne faut pas que le milieu des endroits grattés soit plus bas qu'un quart - de - ligne, ou tout - auplus une demi - ligne. Le plus ou moins de profondeur doit dépendre du plus ou moins d'étendue de gravure que l'on grattera. Il faut encore observer de former un glacis imperceptible qui, à mesure qu'on approchera des bords de l'endroit qu'on grattera, soit un peu plus relevé & anticipe en s'éteignant, en se perdant sur la gravure qui sera autour. Ce travail est très nécessaire pour faciliter le tirage des épreuves; autrement les tailles grattées auront peine à marquer à l'impression, & la peine d'ajuster des hausses au tympan seroit embarrassante. On est toûjours maître de retoucher & de baisser un peu avec la pointe à graver les tailles où l'on a formé ce glacis, quand on s'apperçoit que le grattoir les a rendues trop épaisses.

Cependant je ne peux nier que cette pratique de gratter les tailles pour les rendre plus fortes, ne m'ait fait souvent observer qu'elles devenoient inégales & brouillées, se pâtoient, & ne faisoient plus qu'une partie matte & noire. La pointe ayant enlevé le bois inégalement dans le fond des tailles par la coupe & par la recoupe, & comme il est impossible de l'enfoncer également par - tout, soit parce qu'il y a des veines dans le bois plus tendres les unes que les autres, soit par l'incertitude de la main & de l'outil, à mesure qu'en grattant l'on a plus approché du fond des tailles, on les a confondues davantage. Le seul remede qu'il y ait, c'est de repasser legerement la pointe dans les mêmes coupes & recoupes, & d'enlever le bois qui empéche le blanc de paroître net & égal. Cette remarque est importante. Alors la retouche est nécessaire, à - moins que le mauvais effet ne vînt de la poussiere retenue entre les tailles, d'où on la chassera avec une pointe à calquer, fine, & non mordante, qu'on essuyera à chaque instant, à mesure qu'on s'en servira. La poussiere peut tenir fortement, mêlée avec le noir qui la mastique, pour ainsi dire, dans la gravure.

On peut creuser également le cormier, le poirier, &c. pour graver selon la méthode de M. Papillon; mais il faut en polissant suivre le fil du bois; si le grattoir avoit été employé à contre - fil, on ne pourroit plus polir proprement. Il en faut dire autant des tailles que l'on gratteroit pour les rendre plus nourries, après avoir été gravées.

Quelques personnes s'étoient apperçûes que les creux des planches de M. Papillon étoient travaillés singulierement; des graveurs en bois l'ont questionné là - dessus: malgré cette observation de leur part, M. Papillon ne connoît aucun artiste qui ait encore tenté de creuser une planche avant de la graver. Ceux qui savent que l'on peut retoucher la gravure en bois, croyent que ces creux sont produits par la fréquence des retouches; & ce nombre même est très - petit: presque personne ne croyant qu'on puisse retoucher une planche après une premiere épreuve. Quant à l'art de fortifier des tailles & de les faire ombrer davantage, il pense aussi qu'aucun graveur ne s'en est avisé, & il ajoûte qu'il n'en est pas surpris, & que cette manoeuvre lui paroîtroit absurde à lui - même, si l'expérience qu'il en fait ne la justifioit.

De la maniere de retoucher proprement. Il n'y a presque pas un morceau gravé en bois, qui n'ait besoin après la premiere épreuve, d'être retouché, quelque net qu'il paroisse, à - moins qu'il ne soit de forte taille, comme une affiche de comédie, &c. Les pieces délicates ne peuvent rester gravées au premier coup, parce que destinées pour l'imprimerie en lettre, & la presse les foulant beaucoup plus que le rouleau, une épreuve imprimée au rouleau paroîtra bien nette, & cependant toutes les tailles déliées en viendront trop dures, si on la tire à la presse. On ne peut donc alors se dispenser de retoucher.

Pour n'avoir pas toûjours à regarder en gravant, un dessein, à contredit de celui qui seroit sur la planche, lorsqu'il s'agiroit d'y placer & graver les ombres: M. Papillon lave à l'encre de la Chine ses desseins sur le bois même: ce qui épargne du tems & donne du feu. Alors il ne fait qu'un croquis au crayon rouge, qui se calque sur la planche, qui se rectifie ensuite à la mine - de - plomb, & qu'il finit à l'encre & à la plume, traçant, lavant, & ombrant. Mais qu'arrive - t - il de - là? c'est que l'encre de la Chine qui a servi à ombrer, peut former sur la planche une certaine épaisseur. Alors, avant que de faire une premiere épreuve, on prendra une éponge & de l'eau, on nettoyera la planche, on la laissera secher, & l'on tirera l'épreuve.

Si l'on s'apperçoit qu'il y ait beaucoup à retoucher, on n'essuyera pas la planche avec une autre épreuve faite sans avoir pris de l'encre, afin de pouvoir distinguer facilement les tailles, & remarquer les en<pb->

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