ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"898"> pe une teinte différente; il affectoit de se servir de papier gris, afin que les rehauts ou les parties les plus éclairées fussent d'une derniere teinte très - foible, qui se fondit mieux avec celles des planches gravées; & il parvint par cette industrie à donner à ses ouvrages un air de peinture fort voisin du camayeu.

Ce secret plut tellement au célebre Raphael, qu'il souhaita que plusieurs de ses compositions sussent perpétuées de cette maniere; il grava lui - même des camayeux en bois, auxquels il mit son initiale ou une R blanche à l'estampe, ou de la teinte la plus claire.

Sylvestre ou Marc de Ravenne, mais particulierement François Mazzuolo dit le Parmesan, ont beaucoup gravé de cette maniere, d'après Raphael; ils furent imités par Jérôme Mazzuolo, Antonio Frontano, le Beccafumi, Baldassorne, Perucci, Benedict. Penozzi, Lucas Cangiage, Roger Goltz ou Goltzius, Henri & Hubert de même nom. Le trait des médailles données en camayeu par Hubert Goltzius peintre antiquaire, a été gravé à l'eau - forte. Plusieurs graveurs en ont fait autant depuis, pour avoir des copies plus exactes de desseins de peintres croqués à la plume & lavés de couleur; ressource qui n'est applicable qu'à cet usage, car le trait maigre de l'eauforte n'a ni la beauté ni l'expression du trait gravé en bois, qui est plus vigoureux & plus nourri.

Dès le tems des Goltzius, des graveurs en camayeu varioient leurs rentrées par différentes couleurs du trait, & chargeoient cette gravure de tailles & de contre - tailles; ce qui sortoit du genre, & nuisoit à l'effet du camayeu de Hugo da Carpi.

On a des gravures en camayeu de Vanius, Luvin, Dorigny, Bloemart, Fortunius, André Andriam, Pierre Gallus, Ligosse de Veronne, Barroche, Antonio da Trento, Giuseppe Scolari, Nicolas Rossilianus, Dominique Saliene, &c.

Cet art fleurit en 1600 sous Paul Molreelse d'Utrecht, George Lalleman, Businck, Stella, ses filles & sa niece, les deux Maupins, le Guide, Coriolan & Jean Coriolan; en 1650, sous Chistophe Jegher, qui a gravé d'après Rubens, Montenat, Vincent le Sueur qui n'y a pas réussi, Nicolas qui en a exécuté avec plus de succès pour M. Crozat & M. le comte de Caylus.

François Perrier peintre de Franche - Comté, imagina, il y a environ cent ans, de graver à l'eau - forte toutes ses rentrées de camayeu; ce qui, selon Bosse, avoit déjà été tenté par le Parmesan, qui avoit abandonné cette maniere qui lui avoit paru trop mesquine. Elle se faisoit à deux planches de cuivre, dont l'une imprimoit le noir, & l'autre le blanc sur papier gris: mais ces estampes étoient sans agrément & sans effet, & Perrier abandonna ses planches de cuivre pour revenir à celles de bois.

Après ce petit historique, passons maintenant à la manoeuvre de l'art. Voici comment Bosse explique la manoeuvre de Hugo da Carpi. « Il faut, dit - il, avoir deux planches de pareille grandeur, exactement ajustées l'une sur l'autre: on peut sur l'une d'elles graver entierement ce que l'on desire, puis la faire imprimer de noir sur un papier gris & fort; & ayant verni l'autre planche comme ci - devant, & l'ayant mise le côté verni dans l'endroit de l'empreinte que la planche gravée a faite en imprimant sur cette feuille, la passer de même entre les rouleaux: ladite estampe aura fait sa contreépreuve sur la planche vernie. Après quoi il faut graver sur cette planche les rehauts, & les faire fort profondément creuser à l'eau - forte. On peut exécuter la même chose avec le burin, & même plus facilement.

La plus grande difficulté dans tout ceci est de trouver du papier & une huile qui ne fasse point jaunir ni roussir le blanc: le meilleur est de se servir d'huile de noix très - blanche & tirée sans feu, puis la mettre dans deux vaisseaux de plomb, & la laisser au soleil jusqu'à ce qu'elle soit épaissie à proportion de l'huile foible dont nous allons parler. Pour l'huile forte, on laissera l'un de ces vaisseaux bien plus de tems au soleil.

Il faut ensuite avoir du blanc de plomb bien net, & l'ayant lavé & broyé extrèmement fin, le faire sécher & en broyer avec de l'huile foible bien à sec, & après l'allier avec de l'autre huile plus forte & plus épaisse, comme on fait pour le noir. Puis ayant imprimé de noir ou autre couleur sur du gros papier gris, la premiere planche qui est gravée entierement, vous en laisserez sécher l'impression pendant dix à douze jours: alors ayant rendu ces estampes humides, il faut encrer de ce blanc la planche où sont gravés les rehauts, de la même façon que l'on imprime ordinairement, l'essuyer, & la poser ensuite sur la feuille de papier gris déjà imprimée, ensorte qu'elle soit justement placée dans le creux que la premiere planche y a faite, prenant garde de ne point la mettre à l'envers, ou le haut en bas. Cela fait, il ne s'agit plus que de faire passer entre les rouleaux ».

Ce discours d'Abraham Bosse est louche en plusieurs endroits. Nous allons tâcher d'exposer la maniere de graver en camayeu, d'une maniere plus précise & plus claire.

Les planches destinées à la gravure en camayeu se feront de poirier préférablement au buis; parce que sur le premier de ces bois les masses prennent mieux la couleur que sur le second. Il ne faut pas d'autres outils ni d'autres principes que ceux de l'article précédent sur la gravure en bois.

Il faut graver autant de planches ou rentrées que l'on veut faire de teintes. Les plus grands clairs ou les jours, comme hachures ou rehauts de blanc, doivent être formés en creux dans la planche, pour laisser au papier même à en donner la couleur. Quelquefois on gravera sur cuivre, à l'eau - forte, le trait de l'estampe, sur - tout si l'on ne peut imiter le croquis original tracé à la plume & lavé, sans que ce tiait soit fort délié.

Le mérite de cette gravure consistera principalement dans la justesse des rentrées de chaque planche ou teinte: on y réussira par le moyen des pointes ajustées & de la frisquette, comme à l'impression en lettres; mais mieux encore par la presse en tailledouce, & d'une machine telle que celle dont nous allons donner la description.

Lorsque les planches ou rentrées d'une estampe auront toutes été dessinées fort juste les unes sur les autres, en bois, bien équarries & gravées au nombre de trois au - moins, une pour les masses les moins brunes, où l'on aura gravé en creux les rehauts, une pour les masses plus brunes, & une pour le trait ou les contours & coups de force des figures, chacune n'ayant rien de ce qu'on aura gravé sur une autre; l'on aura une machine de bois de chêne ou de noyer, de l'épaisseur des planches gravées, & à peu de chose près de la largeur de la presse en taille - douce.

Cette machine sera composée de trois pieces jointes ensemble par des tenons à mortoise; l'une formée en talud, pour pouvoir être glissée facilement entre les rouleaux de la presse sur la table, & ayant de chaque côté une petite bande de ser sixée avec des vis sur son épaisseur & sur l'épaisseur des deux autres. L'on mettra dans le vuide sur l'espace de lapresse, des langes de drap plus ou moins, selon l'cxigence, pour que la gravure vienne bien. Il faudra que le papier soit mouillé bien à - propos. On en prendra une feuille, qu'on insérera en équerre, selon la marge qu'on y voudra laisser, sous la piece en talud & sous l'une des deux autres, par - dessus [p. 899] les langes. On encrera de la couleur qu'on voudra, la premiere planche ou rentrée, c'est - à - dire la plus claire, avec des balles semblables à celles des faiseurs de papiers de tapisserie. L'on posera adroitement cette planche du côté de la gravure, sur la feuille de papier qu'on a étendue sur les langes, un peu dessous la piece en talud, & l'une des deux autres. On observera de l'approcher bien juste de l'angle ou équerre de ces pieces. Cela fait, on posera sur la planche quelques langes, maculatures, ou autres choses mossettes, afin que tournant le moulinet, & faisant passer le tout entre les rouleaux, la couleur qui est sur la gravure s'attache bien au papier. Cette teinte faite sur autant de feuilles qu'on voudra d'estampes, on passera avec les mêmes précautions à la seconde teinte; & ainsi de suite. S'il y a plus de trois teintes, on commenceta toûjours par la plus claire; on passera aux brunes, qu'on tirera successivement en passant de la moins brune à celle qui l'est le plus, & l'on finira par le trait ou par la planche des contours; ce qui achevera l'estampe en camayeu ou clair - obscur.

C'est ainsi (dit M. Papillon) qu'ont été imprimés les beaux camayeux que MM. de Caylus & Crozat ont fait exécuter: c'est ainsi qu'on est parvenu à ne point confondre les rentrées; & c'est de ce dernier soin que dépend toute la beauté de ce genre d'ouvrage.

Quant aux couleurs qu'on employera, elles sont arbitraires; on les prendra à l'huile ou la détrempe; le bistre ou la suie de cheminée & l'indigo sont les plus usités; l'encre de la Chine fera fort bien; il en est de même de la terre d'ombre bien broyée, &c.

M. de Montdorge observe avec raison dans le mémoire qu'il nous à communiqué là - dessus, qu'il y a grande apparence que les effets de ce genre de gravure, combinés avec les effets de la gravure en maniere noire, ont fait naître les premieres idées d'imprimer en trois couleurs, à l'imitation de la peinture.

Cet article a été rédigé d'après l'ouvrage d'Abraham Bosse & celui de Felibien, & les lumieres de M. de Montdorge & de M. Papillon.

Quant aux trois articles qui suivent, ils sont tels que nous les avons reçus de M. de Montdorge.

Gravure en couleurs, à l'imitation de (Page 7:899)

Gravure en couleurs, à l'imitation de la Peinture. Cette maniere de graver est un art nouveau, dont la découverte est précieuse à d'autres arts; Jacques Christophe le Plon, natif de Francfort, éleve de Carlo Marate, en est l'inventeur: on doit placer l'époque de cette invention entre 1720 & 1730; l'Angleterre en a vû naître les premiers essais; à peine commençoient - ils à y réussir, que le Blon pasla en Fiance (c'etoit en 1737); un rouleau d'épreuves échappées de l'attelier de Londres, composoit alors tout son bien; mais quelques amateurs étonnés de l'effet merveilleux de trois couleurs imprimees sur le papier, vousurent suivre des opérations si singulieres, & se réunirent pour mettre l'inventeur en état de donner des leçons de son art; les commencemens furent difficiles. Quand le Blon travailloit à Londres, c'étoit au centre des graveurs en maniere noire; & cette maniere qui fait la base du nouvel art étoit totalement abandonnée en France.

Les effets du nouveau genre de gravure sont les conséquences des principes que le Blon a établis dans un traité du coloris; persuadé que les grands coloristes, que le Titien, Rubens, Vandeyk, avoient une maniere invariable de colorier, il entreprit de fonder en principes l'harmonie du coloris, & de la réduire en pratique méchanique par des regles sûres & faciles: tel est le titre d'un traité qu'il a publié à Londres en anglois & en françois: ce traité a été réimprimé & fait partie d'un livre intitulé l'art d'imprimer les tableaux, à Paris 1757. Il est revêtu du certificat de M M. les commissaires qui furent nommés par le roi pour être dépositaires des secrets de le Blon.

C'est en cherchant les regles du coloris, que j'ai trouvé, dit l'inventeur, la façon d'imprimer les objets avec leurs couleurs naturelles; & passant ensuite à des instructions préiiminaires, il jette les fondemens de son art, en établissant que la Peinture peut représenter tous les objets visibles avec trois couleurs, savoir le jaune, le rouge, & le bleu, puisque toutes les autres couleurs sont composées de ces trois primitives; par ex. le jaune & le rouge font l'orangé; le rouge & le bleu font le pourpre, le violet; le bleu & le jaune font le verd. Les différens mélanges des trois couleurs primitives produisent toutes les nuances imaginables, & lear réunion produit le noir: je ne parle ici que des couleurs matérielles, ajoûte - t - il, c'est - à - dire des couleurs dont se servent les Peintres; car le mélange de toutes les couleurs primitives impalpables ne produit pas le noir, mais précisément le contraire; il produit le blanc. Le blanc est une concentration ou exces de lumiere; le noir est une privation ou défaut de lumiere.

Trois couleurs, nous le répétons, donnent par leur mélange autant de teintes qu'il en puisse naitre de la palette du plus habile peintre: mais on ne sauroit, en les imprimant l'une après l'autre, les fondre comme le pinceau les fond sur la toile: il faut donc que ces couleurs soient employées de façon que la premiere perce à - travers la seconde, & la seconde à - travers la troisieme, afin que la transparence puisse suppléer à l'effet du pinceau. Chacune de ces couleurs sera distribuée par le secours d'une planche particuliere: ainsi trois p'anches sont nécessaires pour imprimer une estampe à l'imitation de la Peinture.

Préparation des planches. Elles seront grainées comme les planches destinées à la maniere noire. Voyez Gravure en maniere noire . Ces planches doivent être entre elles de même épaisseur, bien unies, & très - exactement d'équerre à chaque angle; unies, pour qu'à l'impression toute la superficie soit également pressée; & d'équerre, pour qu'elles se rapportent contour sur contour l'une après l'autre, quand elles imprimeront la même feuille de papier.

La meilleure façon de rendre les planches exactement égales entre elles, c'est de faire des trous aux quatre coins, de les joindre l'une sur l'autre par quatre rivures bien serrées; de tracer le quarré sur les bords de la premiere; de limer jusqu'au trait en conservant toûjours l'équerre sur l'épaisseur des quatre: limez enfin vos rivures, & les planches en sortiront comme un cahier de papier sort de la coupe du relieur.

On peut au lieu de rivure, serrer les planches avec de petits étaux qui changeront de place à mesure qu'on limera les bords. C'est à l'artiste à consulter son adresse & sa patience dans les différens moyens qu'il employera pour les opérations méchaniques.

Moyen sûr pour calquer sur la planche grainée. Il s'agit à - présent de distribuer le tableau sur les trois planches; & pour que les contours sur chaque planche se retrouvent précisément dans les endroits où ils doivent se rencontrer, voici de quel moyen on se sert. Prenez une de vos planches, couchez - la sur un carton épais plus grand de deux pouces en hauteur & en largeur, que la planche; faites avec le canif une ouverture bien perpendiculaire dans le carton, la planche elle - même servira de calibre; & dès que le carton sera coupé sur les quatre faces, il vous donnera un cadre de deux pouces. Ayez pour déta<pb->

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