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La Grammaire générale est donc la science raisonnée des principes immuables & généraux de la parole prononcée ou écrite dans toutes les langues.
Une Grammaire particuliere est l'art d'appliquer aux principes immuables & généraux de la parole prononcée ou écrite, les institutions arbitraires & usuelles d'une langue particuliere.
La Grammaire générale est une science, parce qu'elle
n'a pour objet que la spéculation raisonnée des principes
immuables & généraux de la parole: une Grammaire particuliere est un art, parce qu'elle envisage
l'application pratique des institutions arbitraires &
usuelles d'une langue particuliere aux principes généraux
de la parole (voyez
C'est pour les avoir confondues que le P. Buffier,
(Gramm. fr. n°. 9. & suiv.) regarde comme un abus
introduit par divers Grammairiens, de dire: l'usage
est en ce point opposé à la Grammaire.
Or c'est à ces lois de la Grammaire générale, que
Eh! comment pourroit - il se faire que l'usage des langues s'accordât toûjours avec les vûes générales & simples de la nature? Cet usage est le produit du concours fortuit de tant de circonstances quelquefois très - discordantes. La diversité des climats, la constitution politique des Etats; les révolutions qui en changent la face; l'état des sciences, des arts, du commerce; la religion & le plus ou le moins d'attachement qu'on y a; les prétentions opposées des nations, des provinces, des villes, des familles même: tout cela contribue à faire envisager les choses, ici sous un point de vûe, là sous un autre, aujourd'hui d'une façon, demain d'une maniere toute differente; & c'est l'origine de la diversité des génies des langues. Les différens résultats des combinaisons infinies de ces circonstances, produisent la différence prodigieuse que l'on trouve entre les mots des diverses langues qui expriment la même idée, entre les moyens qu'elles adoptent pour désigner les rapports énonciatifs de ces mots, entre les tours de phrase qu'elles autorisent, entre les licences qu'elles se permettent. Cette influence du concours des circonstances est frappante, si l'on prend des termes de comparaison très - eloignés, ou par les lieux, ou par les tems, comme de l'orient à l'occident, ou du regne de Charlemagne à celui de Louis le bien - aimé: elle le sera moins, si les points sont plus voisins, comme d'Italie en France, ou du siecle de François I. à celui de Louis XIV: en un mot plus les termes comparés se rapprocheront, plus les differences paroîtront diminuer; mais elles ne seront jamais totalement anéanties: elles demeureront encore sensibles entre deux nations contigués, entre deux provinces limitrophes, entre deux villes voisines, entre deux quartiers d'une même ville, entre deux familles d'un même quartier: il y a plus, le même homme varie ses façons de parler d'âge en âge, de jour en jour. De là la diversité des dialectes d'une même langue, suite naturelle de l'égale liberté & de la différente [p. 843]
Rien n'est plus aisé que de se méprendre sur le véritable usage d'une langue. Si elle est morte, on ne peut que conjecturer; on est réduit à une portion bornée de témoignages consignés dans les livres du meilleur siecle. Si elle est vivante, la mobilité perpétuelle de l'usage empêche qu'on ne puisse l'assigner d'une maniere fixe; ses oracles n'ont qu'une vérité momentanée. Dans l'un & dans l'autre cas, il ne faut négliger aucune des ressources que le hasard peut offrir, ou que l'art d'enseigner peut fournir.
Le moyen le plus utile & le plus avoué par la raison & par l'expérience, c'est de diviser l'objet dont on traite en différens points capitaux, auxquels on puisse rapporter les différens principes & les diverses observations qui concernent cet objet. Chacun de ces points capitaux peut être soudivisé en des parties subordonnées, qui serviront à mettre de l'ordre dans les matieres relatives aux premiers chefs de distribution. Mais les membres de ces divisions doivent effectivement présenter des parties différentes de l'objet total, ou les différens points de vûe sous lesquels on se propose de l'envisager; il doit y en avoir assez pour faire connoitre tout l'objet, & assez peu pour ne pas surcharger la mémoire, & ne pas distraire l'attention. Voici donc comment nous croyons devoir distribuer la Grammaire, soit générale, soit particuliere.
La Grammaire considere la parole dans deux états
différens, ou comme prononcée, ou comme écrite:
la parole écrite est l'image de la parole prononcée,
& celle - ci est l'image de la pensée. Ces deux points
de vûe peuvent donc être comme les deux principaux
points de réunion, auxquels on tapporte toutes
les observations grammaticales; & toute la Grammaire se divise ainsi en deux parties générales, dont
la premiere qui traite de la parole, peut être appellée
Orthologie; & la seconde, qui traite de l'écriture,
se nomme Orthographe. La nécessité de caractériser
avec précision les points saillans de notre systeme
grammatical, & la liberté que l'usage de notre langue
paroit avoir laissée sur la formation des termes
techniques, nous ont déterminés à en risquer plusieurs,
que l'on trouvera dans le tableau que nous
allons presenter de la distribution de la Grammaire.
Nous ferons en sorte qu'ils soient dans l'analogie des
termes didactiques usités, & qu'ils expriment exactement
toute l'étendue de l'objet que nous prétendons
leur faire désigner: à mesure qu'ils se présenteront,
nous les expliquerons par leurs racines.
Ainsi le mot Orthologie a pour racines
De l'Orthologie. Pour rendre la pensée sensible par
la parole, on est obligé d'employer plusieurs mots,
auxquels on attache les sens partiels que l'analyse démêle
dans la pensée totale. C'est donc des mots qu'il
est question dans la premiere partie de la Grammaire,
& on peut les y considerer ou isolés, ou rassemblés,
c'est - à - dire, ou hors de l'élocution, ou dans l'ensemble
de l'élocution; ce qui partage naturellement le
traité de la parole en deux parties, qui sont la Lexicologie & la Syntaxe. Le terme de Lexicologie signifie
explication des mots; R. R.
I. L'office de la Lexicologie est donc d'expliquer tout ce qui concerne la connoissance des mots; & pour y procéder avec méthode, elle en considere le matériel, la valeur, & l'étymologie.
1°. Le matériel des mots comprend leurs élémens & leur prosodie.
Les sons & les articulations sont les parties élémentaires des mots, & les syllabes qui résultent de
leur combinaison, en sont les parties intégrantes &
immédiates. Voyez
La Prosodie fixe les décisions de l'usage par rapport
à l'accent & à la quantité. L'accent est la mesure
de l'élévation, comme la quantité est la mesure
de la durée du son dans chaque syllabe. Voyez
Les mots ne conservent pas toûjours la forme matérielle
que l'usage vulgaire leur a assignée primitivement;
souvent il se fait des changemens, ou dans
les parties elémentaires, ou dans les parties intégrantes
qui les composent, sans que ces licences
avouées de l'usage en alterent la signification: comme
dans les mots relligio, amasti, amarier, au lieu de
religio, amavisti, amari. On donne communément le
nom de figures aux divers changemens qui arrivent
à la forme matérielle des mots. Voyez au mot
2°. La valeur des mots consiste dans la totalité des idées que l'usage a attachées à chaque mot. Les différentes especes d'idées que les mots peuvent rassembler dans leur signification, donnent lieu à la Lexicologie de distinguer dans la valeur des mots trois sens différens; le sens fondamental, le sens spécifique, & le sens accidentel.
Le sens fondamental est celui qui résulte de l'idée
fondamentale que l'usage a attachée originairement
à la signification de chaque mot: cette idée peut être
commune à plusieurs mots, qui n'ont pas pour cela
la même valeur, parce que l'esprit l'envisage dans
chacun d'eux sous ces points de vûe différens. Par
rapport à cette idée primitive, ses mots peuvent être
pris ou dans le sens propre, ou dans le sens figuré.
Un mot est dans le sens propre, lorsqu'il est employé
pour réveiller dans l'esprit l'idée qu'on a eu intention
de lui faire signifier primitivement; & il est dans
le sens figuré, lorsqu'il est employé pour exciter dans
l'esprit une autre idée qui ne lui convient que par
son analogie avec celle qui est l'objet du sens propre.
On donne communément le nom de tropes aux
divers changemens de cette espece, qui peuvent se
faire dans le sens fondamental des mots. Voyez
Le sens spécisique est celui qui résulte de la différence
des points de vûe, sous lesquels l'esprit peut
envisager l'idée fondamentale, relativement à l'analyse
de la pensée. De - là les différentes especes de
mots, les noms, les pronoms, les adjectifs, &c.
(voyez
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