ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"830"> indifférent à l'état; parce que, dit - on, si les uns deviennent riches aux dépens des autres, la richesse existe également dans le royaume. Cette idée est fausse & absurde; car les richesses d'un état ne se soûtiennent pas par elles - mêmes, elles ne se conservent & s'augmentent qu'autant qu'elles se renouvellent par leur emploi dirigé avec intelligence. Si le cultivateur est ruiné par le financier, les revenus du royaume sont anéantis, le commerce & l'industrie languissent; l'ouvrier manque de travail; le souverain, les propriétaires, le clergé, sont prives des revenus; les depenses & les gains sont abolis; les richesses renfermées dans les coffres du financier, sont infructueuses, ou si elles sont placées à intérêt, elles surchargent l'état. Il faut donc que le gouvernement soit très - attentif à conserver à toutes les professions productrices, les richesses qui leur sont nécessaires pour la production & l'accroissement des richesses du royaume.

Observations sur la population soûtenue par la culture des grains. Enfin on doit reconnoitre que les productions de la terre ne sont point des richesses par elles - mêmes; qu'elles ne sont des richesses qu'autant qu'elles sont nécessaires aux hommes, & qu'autant qu'elles sont commerçables: elles ne sont donc des richesses qu'à proportion de leur consommation & de la quantité des hommes qui en ont besoin. Chaque homme qui vit en société n'étend pas son travail à tous ses besoins; mais par la vente de ce que produit son travail, il se procure ce qui lui manque. Ainsi tout devient commerçable, tout devient richesse par un trafic mutuel entre les hommes. Si le nombre des hommes diminue d'un tiers dans un état, les richesses doivent y diminuer des deux tiers, parce que la dépense & le produit de chaque homme forment une double richesse dans la société. Il y avoit environ 24 millions d'hommes dans le royaume il y a cent ans: après des guerres presque continuelles pendant quarante ans, & après la révocation de l'édit de Nantes, il s'en est trouvé encore par le dénombrement de 1700, dix - neuf millions cinq cents mille; mais la guerre ruineuse de la succession à la couronne d'Espagne, la diminution des revenus du royaume, causée par la gêne du Commerce & par les impositions arbitraires, la misere des campagnes, la desertion hors du royaume, l'affluence de domestiques que la pauvreté & la milice obligent de se retirer dans les grandes villes où la debauche leur tient lieu de mariage; les desordres du luxe, dont on se dédommage malheureusement par une économie sur la propagation; toutes ces causes n'autorisent que trop l'opinion de ceux qui réduisent aujourd'hui le nombre d'hommes du royaume à seize millions; & il y en a un grand nombre à la campagne réduits à se procurer leur nourriture par la culture du blé noir ou d'autres grains de vil prix; ainsi ils sont aussi peu utiles à l'état par leur travail que par leur consommation. Le paysan n'est utile dans la campagne qu'autant qu'il produit & qu'il gagne par son travail, & qu'autant que sa consommation en bons alimens & en bons vêtemens contribue à soûtenir le prix des denrées & le revenu des biens, à augmenter & à faire gagner les fabriquans & les artisans, qui tous peuvent payer au roi des subsides à proportion des produits & des gains.

Ainsi on doit appercevoir que si la misere augmentoit, ou que si le royaume perdoit encore quelques millions d'hommes, les richesses actuelles y diminueroient excessivement, & d'autres nations tireroient un double avantage de ce desastre: mais si la population se réduisoit à moitié de ce qu'elle doit être, c'est - à - dire de ce qu'elle étoit il y a cent ans, le royaume seroit dévasté; il n'y auroit que quelques villes ou quelques provinces commerçantes qui se<cb-> roient habitées, le reste du royaume seroit incuite; les biens ne produiroient plus de revenus; les terres seroient par - tout surabondantes & abandonnées à qui voudroit en joüir, sans payer ni connoitre de proprietaires.

Les terres, je le répete, ne sont des richesses que parce que leurs productions sont nécessaires pour satisfaire aux besoins des hommes, & que ce sont ces besoins eux - mêmes qui établissent les richesses: ainsi plus il y a d'hommes dans un royaume dont le terri toire est fort étendu & fertile, plus il y a de richesses. C'est la culture animée par le besoin des hommes, qui en est la source la plus féconde, & le principal soutien de la population; elle soarnit les matieres nécessaires à nos besoins, & procure des revenus au souverain & aux propriétaires. La population s'accroit beaucoup plus par les revenus & par les dépenses que par la propagation de la nation même.

Observations sur le prix des grains. Les revenus multiplient les dépenses, & les dépenses attirent les hommes qui cherchent le gain; les étrangers quittent leur patrie pour venir participer à l'aisance d'une nation opulente, & leur affluence augmente encore ses richesses, en soûtenant par la consommation le bon prix des productions de l'agriculture, & en provoquant par le bon prix l'abondance de ces productions: car non - seulement le bon prix favorise les progres de l'agriculture, mais c'est dans le bon prix même que consistent les richesses qu'elle procure. La valeur d'un septier de blé considéré comme richesse, ne consiste que dans son prix: ainsi plus le blé, le vin, les laines, les bestiaux, sont chers & abondans, plus il y a de richesse dans l'état. La non - valeur avec l'abondance n'est point richesse. La cherté avec pénurie est misere. L'abondance avec cherté est opulence. J'entends une cherté & une abondance permanèntes; car une cherté passagere ne procureroit pas une distribution générale de richesses à toute la nation, elle n'augmenteroit pas les revenus des propriétaires ni les revenus du Roi; elle ne seroit avantageuse qu'à quelques particuliers qui auroient alors des denrées à vendre à haut prix.

Les lenrées ne peuvent donc être des richesses pour toute nation, que par l'abondance & par le bon prix entretenu constamment par une bonne culture, par une grande consommation, & par un commerce extérieur: on doit même reconnoître que relativement à toute une nation, l'abondance & un bon prix qui a cours chez l'étranger, est grande richesse pour cette nation, sur - tout si cette richesse consiste dans les productions de l'agriculture; car c'est une richesse en propriété bornée dans chaque royaume au territoire qui peut la produire: ainsi elle est toûjours par son abondance & par sa cherté à l'avantage de la nation qui en a le plus & qui en vend aux autres: car plus un royaume peut se procurer de richesses en argent, plus il est puissant, & plus les facultés des particuliers sont étendues, parce que l'argent est la seule richesse qui puisse se prêter à tous les usages, & décider de la force des nations relativement les unes aux autres.

Les nations sont pauvres par - tout où les productions du pays les plus nécessaires à la vie, sont à bas prix; ces productions sont les biens les plus precieux & les plus commerçables, elles ne peuvent tomber en non - valeur que par le défaut de population & de commerce extérieur. Dans ces cas, la source des richesses pécuniaires se perd dans des pays privés des avantages du Commerce, où les hommes réduits rigoureusement aux biens nécessaires pour exister, ne peuvent se procurer ceux qu'il leur faut pour satisfaire aux autres besoins de la vie & à la sûreté de leur patrie: telles sont nos provinces où les denrées sont à vil prix, ces pays d'abondance & de pau - re<pb-> [p. 831] té, où un travail forcé & une épargne outrée ne sont pas même des ressources pour se procurer de l'argent. Quand les denrées sont cheres, & quand les revenus & les gains augmentent à proportion, on peut par des arrangemens économiques, diversifier les dépenses, payer des dettes, faire des acquisitions, établir des enfans, &c. C'est dans la possibilité de ces arrangemens que consiste l'aisance qui résulte du bon prix des denrées. C'est pourquoi les villes & les provinces d'un royaume où les denrées sont cheres, sont plus habitées que celles ou toutes les denrées sont à trop bas prix, parce que ce bas prix éteint les revenus, retranche les dépenses, détruit le Commerce, supprime les gains de toutes les autres professions, les travaux & les salaires des artisans & manouvriers: de plus il anéantit les revenus du Roi, parce que la plus grande partie du Commerce pour la consommation se fait par échange de denrées, & ne contribue point à la circulation de l'argent; ce qui ne procure point de droits au roi sur la consommation des subsistances de ces provinces, & très - peu sur les revenus des biens.

Quand le Commerce est libre, la cherté des denrées a nécessairement ses bornes fixées par les prix mêmes des denrées des autres nations qui étendent leur commerce par - tout. Il n'en est pas de même de la non - valeur ou de la cherté des denrées causées par le défaut de liberté du Commerce; elles se succedent tour à tour & irrégulierement, elles sont l'une & l'autre fort desavantageuses, & dépendent presque toûjours d'un vice du gouvernement.

Le bon prix ordinaire du blé qui procure de si grands revenus à l'état, n'est point préjudiciable au bas peupie. Un homme consomme trois septiers de blé: si à cause du bon prix il achetoit chaque septier quatre livres plus cher, ce prix augmenteroit au plus sa dépense d'un sou par jour, son salaire augmenteroit aussi à proportion, & cette augmentation seroit peu de chose pour ceux qui la payeroient, en comparaison des richesses qui résulteroient du bon prix du blé. Ainsi les avantages du bon prix du blé ne sont point détruits par l'augmentation du salaire des ouvriers; car alors il s'en faut beaucoup que cette augmentation approche de celle du profit des fermiers, de celle des revenus des propriétaires, de celle du produit des dixmes, & de celle des revenus du roi. Il est aisé d'appercevoir aussi que ces avantages n'auroient pas augmenté d'un vingtieme, peut - être pas même d'un quarantieme de plus le prix de la main - d'oeuvre des manufactures, qui ont déterminé imprudemment à défendre l'exportation de nos blés, & qui ont causé à l'état une perte immense. C'est d'ailleurs un grand inconvénient que d'accoûtumer le même peuple à acheter le blé à trop bas prix; il en devient moins laborieux, il se nourrit de pain à peu de frais, & devient paresseux & arrogant; les laboureurs trouvent difficilement des ouvriers & des domestiques; aussi sont - ils fort mal servis dans les années abondantes. Il est important que le petit peuple gagne davantage, & qu'il soit pressé par le besoin de gagner. Dans le siecle passé où le blé se vendoit beaucoup plus cher, le peuple y étoit accoûtumé, il gagnoit à proportion, il devoit être plus laborieux & plus à son aise.

Ainsi nous n'entendons pas ici par le mot de cherté, un prix qui puisse jamais être excessif, mais seulement un prix commun entre nous & l'étranger; car dans la supposition de la liberté du commerce extérieur, le prix sera toûjours réglé par la concurrence du commerce des denrées des nations voisines.

Ceux qui n'envisagent pas dans toute son étendue la distribution des richesses d'un état, peuvent objecter que la cherté n'est avantageuse que pour les vendeurs, & qu'elle appauvrit ceux qui achetent; qu'ainsi elle diminue les richesses des uns autant qu'elle augmente celles des autres. La cherté, selon ces idées, ne peut donc pas être dans aucun cas une augmentation de richesses dans l'etat.

Mais la cherté & l'abondance des productions de l'Agriculture n'augmentent - elles pas les profits des cultivateurs, les revenus du roi, des propriétaires, & des bénéficiers qui joüissent des dixmes? ces richesses elles - mêmes n'augmentent - elles pas aussi les dépenses & les gains? le manouvrier, l'artisan, le manufacturier, &c. ne font - ils pas payer leur tems & leurs ouvrages à proportion de ce que leur coûte leur subsistance? Plus il y a de revenus dans un état, plus le Commerce, les manufactures, les Arts, les Métiers, & les autres professions deviennent nécessaires & lucratives.

Mais cette prospérité ne peut subsistes que par le bon prix de nos denrées: car lorsque le gouvernement arrête le débit des productions de la terre, & lorsqu'il en fait baisser les prix, il s'oppose à l'abondance, & diminue les richesses de la nation à proportion qu'il fait tomber les prix des denrées qui se convertissent en argent.

Cet état de bon prix & d'abondance a subsisté dans le royaume tant que nos grains ont été un objet de Commerce, que la culture des terres a été protégée, & que la population a été nombreuse; mais la gêne dans le commerce des blés, la forme de l'imposition des subsides, le mauvais emploi des hommes & des richesses aux manufactures de luxe, les guerres continuelles, & d'autres causes de dépopulation & d'indigence, ont détruit ces avantages; & l'état perd annuellement plus des trois quarts du produit qu'il retiroit il y a un siecle, de la culture des grains, sans y comprendre les autres pertes qui résultent nécessairement de cette énorme dégradation de l'Agriculture & de la population. Art. de M. Quesnay le fils.

Pour ne point rendre cet article trop long, nous renvoyons à Nielle ce qui concerne les maladies des grains.

Grains de Paradis (Page 7:831)

Grains de Paradis, ou grand Cardamome. Voyez Cardamome.

Grain de fin (Page 7:831)

Grain de fin, (Chimie. Métall.) petit bouton de fin qu'on retire du plomb, de la litharge, ou du verre de plomb, &c. qui doivent servir à coupeller l'argent: on l'appelle encore le témoin & le grain de plomb; derniere expression qui répond à l'idiome allemand qui exprime la même idée.

Si l'on met du plomb marchand seul sur une coupelle, & qu'on l'y traite comme si l'on affinoit de l'argent, on trouve pour l'ordinaire à la fin de l'opération un petit point blanc, qui est le fin que contenoit ce plomb: mais cette quantité, pour si petite qu'elle soit, se trouve avec le culot qui est formé par le coupellement de l'argent avec le plomb, & l'augmente de poids: il faut donc trouver un moyen de l'en défalquer dans la pesée du bouton de fin; sans quoi on tomberoit dans l'erreur. Pour cela, on scorifie à part la même quantité de plomb qu'on a employée pour l'essai, & on le coupelle pour en avoir le témoin. On met ce témoin dans le plateau des poids avec lesquels on pese le culot; & par ce moyen en ne comptant que les poids, on soustrait celui du témoin du bouton de fin qui a reçû du plomb la même quantité d'argent étranger à la mine essayée.

C'est ainsi qu'on se dispense des embarras du calcul & des erreurs qu'il peut entraîner. On peut être sûr que le bouton de fin a reçû la même accrétion de poids, puisque le plomb & sa quantité sont les mêmes; il y a pourtant certaines précautions à prendre pour garder cette exactitude: il faut grenailler à la fois une certaine quantité de plomb, & mêler le résultat avec un crible, parce que l'argent ne se distribue pas uniformément dans toute la masse du

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