ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"806"> lonté de se mouvoir ne trouve aucun obstacle, & que les mouvemens doux & lians se fassent successivement dans l'ordre le plus précis: c'est alors que l'idée que nous exprimons par le mot grace sera excitée. Et qu'on n'avance pas comme une objection raisonnable, qu'une figure sans être telle que je viens de la décrire, peut avoir une certaine grace particuliere; qu'on ne dise pas qu'il y a des défauts auxquels certaines graces sont attachees. Il seroit impossible, à ce que je crois, de prouver que cela doit être ainsi; & lorsqu'on essayeroit d'établir l'opinion que j'attaque, on démêleroit sans doute dans l'examen des faits, des circonstances étrangeres, des goûts particuliers, des usages établis, des habitudes qui tiennent aux moeurs, enfin des préjugés sur lesquels on fonde le sentiment que j'attaque. Rien ne me paroît devoir contribuer davantage à la corruption des Arts & des Lettres, que d'établir qu'il y a des moyens de plaire & de réussir, indépendans des grands principes que la raison & la nature ont établis. On a peut - être aussi grand tort de séparer, comme on le fait aujourd'hui, l'idée de la beauté de celle des graces, que de trop distinguer dans les Lettres un bon ouvrage d'avec un ouvrage de goût. Un peintre en peignant une figure de femme, croit lui avoir donné la grace qui lui convient, en la rendant plus longue d'une tête qu'elle ne doit l'être, c'est - à - dire en donnant neuf fois la longueur de la tête à sa figure, au lieu de huit. Seroit - il possible qu'on arrivât par un secret si facile, à cet effet si puissant, à cette grace qu'on rencontre si rarement? non sans doute. Mais il est plus aisé de prendre ce moyen, que d'observer parfaitement la construction intérieure des membres, la juste position & le jeu des muscles, le mouvement des jointures, & le balancement des corps. Il arrive quelquefois cependant que l'artiste dont j'ai parlé, fait une illusion passagere: mais il ne doit ce succes qu'à un examen aussi peu reflechi & aussi aveugle que son travail. C'est ainsi qu'un ouvrage dont le plan n'est pas rempli, ou qui en manque, dans lequel la raison est souvent blessée, où la langue n'est pas respectée, usurpe quelquefois le nom d'ouvrage de goût. Je laisse à juger s'il peut y avoir un goût véritable qui n'exige pas la plus juste combinaison de l'esprit & de la raison: peut - il aussi y avoir de véritable grace qui n'ait pour principe la perfection des corps relative aux usages auxquels ils sont destinés? Article de M. Watelet.

GRACIABLE (Page 7:806)

GRACIABLE, adj. (Jurisprud.) se dit d'un cas ou délit pour lequel on peut obtenir des lettres de grace. Voyez Grace. (A)

GRACIEUX (Page 7:806)

GRACIEUX, adj. (Gramm.) est un terme qui manquoit à notre langue, & qu'on doit à Ménage. Bouhours en avoüant que Ménage en est l'auteur, prétend qu'il en a fait aussi l'emploi le plus juste, en disant: pour moi de qui les vers n'ont rien de gracieux. Le mot de Ménage n'en a pas moins réussi. Il veut dire plus qu'agréable; il indique l'envie de plaire: des manieres gracieuses, un air gracieux. Boileau, dans son ode sur Namur, semble l'avoir employé d'une façon impropre, pour signifier moins fier, abaissé, modeste:

Et desormais gracieux Allez à Liége, à Bruxelles Porter les humbles nouvelles De Namur pris à vos yeux.

La plûpart des peuples du nord disent, notre gracieux souverain; apparemment qu'ils entendent bienfaisant. De gracieux on a fait disgracieux, comme de grace on a formé disgrace; des paroles disgracieuses, une avanture disgracieuse. On dit disgracié, & on ne dit pas gracié. On commence à se servir du mot gracieuser, qui signifie recevoir, parler obligeamment; mais ce mot n'est pas encore employé par les bons écrivains dans le style noble. Article de M. de Voltaire .

Gracieux (Page 7:806)

Gracieux, (Jurisprud.) ce terme s'applique en matiere bénéficiale à une forme particuliere de provisions qu'on appelle en forme gracieuse, in formâ gratiosâ. Voyez ci - devant Forme en matiere bénéficiale. (A)

GRACIEUSE (Page 7:806)

GRACIEUSE, (la) Géog. île de l'Océan atlantique, l'une des Açores, ainsi nommée à cause de la beauté de sa campagne, & de l'abondance de ses fruits. Elle est à 7 lieues N. O. de Tercere. Long. 330. 30. latit. 39. 20. (D. J.)

GRADATION (Page 7:806)

GRADATION, s. f. (Gramm.) il se dit en général d'une disposition où les choses sont considérées, comme s'élevant les unes au - dessus des autres. Ce corps s'est formé par une gradation insensible.

Gradation (Page 7:806)

Gradation, en termes de Logique, signifie une argumentation qui consiste en plusieurs propositions arrangées, de façon que l'attribut de la premiere soit le sujet de la seconde, & que l'attribut de la seconde soit le sujet de la troisieme, & ainsi des autres, jusqu'à ce que le dernier attribut vienne à être affirmé du sujet de la premiere, comme dans l'arbre de porphyre. L'homme est un animal: un animal est une chose vivante: une chose vivante est un corps, un corps est une substance, donc l'homme est une substance.

Un argument de cette espece est susceptible d'une infinité d'erreurs qui peuvent naître de l'ambiguité des termes, dont un sophiste abuse; comme dans celui - ci: Pierre est un homme, un homme est un animal, un animal est un genre, un genre est un des universaux, donc Pierre est un des universaux. Chambers.

Gradation (Page 7:806)

Gradation, (Poésie.) tableau gradué d'images & de sentimens, qui enchérissent les uns sur les autres; c'est ainsi que l'on doit présenter les passions, en peignant avec art leurs commencemens, leurs progrès, leur force, & leur étendue; je n'en citerai pour exemple que le fragment de Sapho sur l'amour; il est si beau que trois grands poëtes, Catulle, Despréaux, & l'auteur anglois de l'hymne à Vénus, se sont disputé la gloire de le rendre de leur mieux, chacun dans leur langue. Me permettra - t - on d'insérer ici les trois traductions en faveur de leur élégance, & pour la satisfaction d'un grand nombre de lecteurs qui seront bien - aises de les comparer & de les juger?

Ecoutons d'abord Catulle, il dit à Lesbie sa maîtresse:

Ille mi par esse Deo videtur, Ille, si fas est superare divos, Qui sedens adversûs identidem te Spectat, & audit

Dulce ridentem; misero quod omnes Eripit sensus mihi! nam simul te Lesbia aspexi, nihil est super me Quod loquar amens;

Lingua sed torpet, tenuis sub artus Flamma dimanat, sonitu suopte Tinniunt aures, geminâ teguntur Lumina nocte.

Voici maintenant la traduction de Despréaux.

Heureux qui près de toi, pour toi seule soupire, Qui joüit du plaisir de t'entendre parler, Qui te voit quelquefois doucement lui sourire, Les Dieux dans leur bonheur peuvent - ils l'égaler?

Je sens de veine en veine une subtile flamme, Courir par tout mon corps sitôt que je te vois; Et dans les doux transports où s'égare mon ame, Je ne saurois trouver de langue, ni de voix. [p. 807]

Un nuage confus se répand sur ma vûe, Je n'entends plus, je tombe en de douces langueurs s Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue, Un frisson me saisit, je tremble, je me meurs.

Enfin voici la traduction angloise.

Blest as th'immortal god is he The jouth who fondly sets by thee, And hears, and fees thee all the while, Softly speak, and sweetly smile,

My bozom glowed, the subtle flame Ran quick through all my vital frame, O'er my dim eyes a darkness hung, My ears with kollow murmurs rung.

In dewy damps my limbs were chill'd, My blood with gentle horrors thrill'd, My feeble pulze forgot to play, I faint'd, sunk, and dy'd away. (D. J.)

Gradation (Page 7:807)

Gradation, en terme d'Architecture, signifie la disposition de plusieurs parties rangées avec symmétrie & par degrés, de sorte qu'elles forment une espece d'amphitéatre, & que celles de devant ne nuisent point à celles de derriere.

Les Peintres se servent aussi du terme de gradation pour marquer le changement insensible des couleurs, qui se fait en diminuant les teintes & les nuances. Voyez Dégradation. Chambers.

GRADE (Page 7:807)

GRADE, s. m. (Jurispr.) se prend quelquefois pour degré d'honneur ou dignité.

Il s'entend aussi des degrés que l'on obtient dans les universités; on dit faire insinuer ses grades, jetter ses grades sur un bénéfice.

Les grades obtenus per saltum, sont ceux qui ont été obtenus précipitamment sans avoir le tems d'étude nécessaire, & sans observer entre l'obtention de deux degrés les interstices nécessaires. Voyez Degré & Gradués. (A)

Grade (Page 7:807)

Grade, (Jurisp. rom.) L'empereur Justinien établit qu'il faudroit passer par cinq différens grades, avant que d'arriver à celui de docteur ès lois; il ordonna donc que dans la premiere année on expliquât aux écoliers les institutes qui portoient son nom; & l'on appelloit ceux à qui l'on enseignoit les principes de cette jurisprudence, juséinianoei: dans la seconde année, on leur inteprétoit les édits perpétuels des préteurs; & ils étoient surnommés edictales: dans la troisieme année, ils passoient à l'étude des décisions de Papinien, dont ils prenoient le nom de papinianistoe: dans la quatrieme année, on leur faisoit expliquer les endroits les plus difficiles des lois, & on les appelloit lytoe, du mot grec LU/W, solvo, parce qu'ils étoient plus libres dans leurs travaux: dans la cinquieme année, on les honoroit du titre de prolytoe, ou gens affranchis des études de droit.

Cet établissement de Justinien ne fut pas de longue durée; toutes les Sciences déjà tombées de son tems, s'éteignirent avec l'empire romain, & les premieres étincelles de leur renaissance ne commencerent à paroître que dans les douzieme & treizieme siecle; il fallut en exciter l'étude par des honneurs & des grades, qui donnent encore des droits & des priviléges qu'on ne devroit accorder dans des siecles éclairés, qu'à ceux qui les méritent par leurs talens & leurs lumieres. (D. J.)

GRADIN (Page 7:807)

GRADIN, s. m. (Architecture.) petite marche ou petit degré; on en pratique sur la table d'un autel, d'un buffet; on donne le même nom aux bancs élevés les uns au - dessus des autres, aux amphitéatres, & aux édifices publics.

Gradin (Page 7:807)

Gradin, (Hydr.) les gradins sont des élévations ou degrés de plomb ou de pierre, pratiqués dans les bufsets d'eau & cascades, où l'eau en tombant forme des nappes. Quoique ces gradins suivent or<cb-> dinairement une ligne droite, on en voit de circulaires. (K)

Gradins de Gazon (Page 7:807)

Gradins de Gazon, (Jardinage.) ce sont des marches ou escaliers formés par du gazon, dont on compose les amphitéatres, vertugadins, cascades champêtres, & estrades qui ornent les jardins.

Ces gradins terminent à merveille le coup - d'oeil d'une grande allée, & se placent fort bien dans les renfoncemens de charmille qu'on peut pratiquer dans la salle verte d'un bosquet. (K)

GRADINE (Page 7:807)

GRADINE, s. f. (Sculpture.) instrument à l'usage des Sculpteurs; c'est une espece de ciseau à plusieurs dents. Voyez nos Planches. Il y a des gradines de différentes longueurs, & même de distérentes matieres, selon que l'ouvrage est ou en marbre, ou en pierre, ou en terre. Les dents de la gradine ont deux usages; l'un d'abattre beaucoup plus de marbre dans le travail, que si elle étoit sans dents; & l'autre, de tracer par l'intervalle qu'elles laissent entr'elles, certaines parties délicates: comme les poils de la barbe, les sourcils, les cheveux, &c.

GRADISCA (Page 7:807)

GRADISCA, (Géog.) les Allemands écrivent Gradisch; petite, mais forte ville du comté de Gortz, sur le Lizonzo, aux frontieres du Frioul, & sujette à la maison d'Autriche, à 2 lieues de Gortz, à 4 d'Aquilée, à 22 N. E. de Venise. Longit. 31. 10. latit. 45. 52. (D. J.)

Gradisca (Page 7:807)

Gradisca, Gratiana, (Géogr.) ville forte de Hongrie, dans la Croatie, prise sur les Turcs par les Impériaux en 1691. Elle est sur la Save, aux frontieres de la Bosnie, à 8 lieues S. O. de Zagrab. Long. 40. 10. latit. 45. 38. (D. J.)

GRADO (Page 7:807)

GRADO, Gradus, (Géog.) petite ville d'Italie, située dans une île de même nom, sur la côte du Frioul, dans l'état de Venise, à 4 lieues S. d'Aquilée, 22 N. E. de Venise. Elle doit sa fondation aux ravages d'Attila en 454. Elle a été presque réduite en cendres en 1374, & elle ne s'est pas relevée de ce desastre; son patriarchat est uni à l'évêché de Venise. Long. 31. 10. latit. 45. 52. (D. J.)

GRADUATION (Page 7:807)

GRADUATION, s. f. (Mathémat. prat. & Arts méch.) on se sert de ce mot pour marquer l'action de graduer ou de diviser une grandeur quelconque en degrés. Voyez Degré & Graduer.

Graduation (Page 7:807)

Graduation, bâtiment de saline; ce bâtiment est placé dans une saline, & destiné à séparer par évaporation les eaux douces qui se trouvent mêlées avec les eaux salées; ou à faire par la seule action de l'air & des vents, ce qui ne s'opéroit que par le feu, d'où il résulte une moindre consommation de bois.

Le bâtiment de graduation de la saline de Rozieres en Lorraine, bâti en 1740 dans une île de la riviere de Meurthe, à 3120 piés de longueur, 24 de large, & 42 de haut. Voyez à l'article Saline, la description de ce bâtiment, & les raisons de son utilité.

GRADUÉS (Page 7:807)

GRADUÉS, s. m. pl. (Jurisprud.) en général sont ceux qui ont obtenu des degrés dans une université, tels que le degré de maître - ès - Arts, celui de bachelier, de licentié, ou de docteur.

Les gradués joüissent de plusieurs prérogatives.

Il faut être gradué pour être reçû dans la plûpart des offices de judicature, du - moins dans les cours souveraines & dans les bailliages & sénéchaussées.

Mais c'est sur - tout en matiere bénéficiale que les priviléges des gradués sont considérables, & qu'ils sont susceptibles d'un plus grand détail. On entend ordinairement par le terme de gradués dans cette matiere, ceux qui après avoir étudié dans une université fameuse du royaume, y ont obtenu des degrés & les ont fait signifier à des patrons ou collateurs, afin de pouvoir requérir les bénéfices dans

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