ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"804"> deux ou trois; mais par succession de tems le nombre s'en accrut beaucoup, tellement qu'en 1707 il y en eut jusqu'à 900, & en 1733 il y en eut plus de 1200. L'édit du mois de Novembre 1753 a beaucoup restraint ce privilége. Il est dit dans le préambule, qu'il n'appartient qu'à la puissance souveraine de faire grace; que les empereurs chrétiens par respect filial pour l'église, donnoient accès aux supplications de ses ministres pour les criminels; que les anciens rois de France déféroient aussi souvent à la priere charitative des évêques, sur - tout en des occasions solennelles où l'église usoit aussi quelquefois d'indulgence envers les pécheurs, en se relâchant de l'austérité des pénitences canoniques; que telle est l'origine de ce qui se pratique à l'avenement des évêques d'Orléans à leur entrée; que cet usage n'etant pas soûtenu de titres d'une autorité inébranlable, sa Majesté a cru devoir lui donner des bornes.

Le Roi ordonne en conséquence, qu'à l'avenir les évêques d'Orléans à leur entrée pourront donner aux prisonniers en ladite ville, pour tous crimes commis dans le diocese & non ailleurs, leurs lettres d'intercession & déprécation; sur lesquelles le roi fera expédier des lettres de grace sans frais; qu'en signifiant les lettres déprécatoires, il sera sursis pendant six mois, sauf l'instruction qui sera continuée.

L'édit excepte de ces lettres, l'assassinat prémedité, le meurtre ou outrage & excès, ou recousse des prisonniers pour crime, des mains de la justice, commis ou machiné par argent ou sous autre engagement; le rapt commis par violence; les exces ou outrages commis en la personne des magistrats ou efficiers, huissiers & sergens royaux exerçans, faisant ou exécutant quelque acte de justice; les circonstances & dependances desaits crimes, telles qu'elles sont prévûes & marquées par les ordonnances, & tous autres forfaits & cas notoirement réputés non graciables dans le royaume.

Pour ce qui est des regles que l'on observe par rapport aux lettres d'abolition, rémission, pour dons & autres lettres de grace; en général il faut observer que tous les juges auxquels les lettres d'abolition sont adressées, doivent les entériner incessamment, si elles sont conformes aux charges & imformations: les cours souveraines peuvent cependant faire des remontrances au roi, & les autres juges representer à M. le chancelier ce qu'ils jugent à - propos sur l'atrocité du crime.

On ne doit pas accorder de lettres d'abolition pour les duels, assassinats prémédités, soit pour ceux qui en sont les auteurs ou complices, soit pour ceux qui à prix d'argent ou autrement, se louent & s'engagent pour tuer, outrager, excéder ou retirer des mains de la justice les prisonniers pour crime, ni à ceux qui les auront loués ou induits pour ce faire, quoiqu'il n'y ait eu que la seule machination & attentat sans effet; pour crime de rapt commis par violence, ni à ceux qui ont excédé ou outragé quelque magistrat, officier, huissier, ou sergent royal, faisant ou exécutant quelque acte de justice.

L'arrêt ou le jugement de condamnation doit être attaché sous le contre - scel des lettres de rappel de ban ou de galeres, de commutation de peine, ou de réhabilitation, à peine de nullité; & toutes ces lettres doivent être entérinées, quoiqu'elles ne soient pas conformes aux charges & informations: si elles sont obtenues par des gentilshommes, ils doivent y exprimer nommément leur qualité, à peine de nullité.

Pour obtenir des lettres de revision, on présente requête au conseil, laquelle est renvoyée aux maîtres des requêtes pour donner leur avis; ensuite duquel intervient arrêt qui ordonne que les lettres seront expédiées. Voyez Revision.

Les lettres de grace obtenues par les gentilshommes, doivent etre adressées aux cours souveraines qui peuvent néanmoins renvoyer l'instruction sur les lieux, si la partie civile le requiert. L'adresse en peut aussi être faite aux présidiaux, si la compétence y a été jugée.

Les lettres obtenues par les roturiers, s'adressent aux baillis & sénéchaux des lieux où il y a siege présidial; & dans les provinces où il n'y a point de présidial, l'adresse se fait aux juges ressortissans nuement aux cours.

On ne peut présenter les lettres d'abolition, rémission, pardon, & pour ester à droit, que l'accuse ne soit actuellement en prison, & il doit y demeurer pendant toute l'instruction, & jusqu'au jugement définitif; & la signification des lettres ne peut suspendre les decrets ni l'instruction, jugement & exécution de la contumace, si l'accusé n'est dans les prisons du juge auquel les lettres auront été adressées.

On doit présenter les lettres dans les trois mois de leur date; mais comme l'accusé est ordinairement absent, & même souvent qu'il ignore qu'on ait obtenu pour lui des lettres, on en a accordé quelquefois de nouvelles apres les trois mois expirés.

Les charges & informations avec les lettres, même les procedures faites depuis l'obtention des lettres, doivent être incessamment apportées au greffe des juges auxquels l'adresse des lettres est faite; & l'on ne peut procéder à l'entérinement, que toutes les charges & informations n'ayent été apportées & communiquées avec les lettres aux procureurs du roi, quelque diligence que les impétrans ayent faite pour les faire apporter, sauf à décerner des exécutoires & autres peines contre les greffiers négligens.

Les lettres doivent être signifiées à la partie civile, pour donner ses moyens d'opposition; & le procureur du roi & la partie civile peuvent, nonobstant la presentation des lettres de rémission & pardon, informer par addition, & faire recoller & confronter les temoins.

Les demandeurs en lettres d'abolition, rémission & pardon, sont tenus de les présenter à l'audience tête nue & à genoux sans épec; & après qu'elles ent été lûes en leur présence, ils doivent assirmer qu'ils ont donné charge d'obtenir ces lettres, qu'elles contiennent vérité, qu'ils veulent s'en servir: après quoi ils sont renvoyés en prison, & ensuite sont interrogés par le rapporteur du procès.

De telle nature que soient les lettres de grace, ceux quiles ont impetrées doivent être interrogés sur la sellette, & l'interrogatoire rédigé par écrit par le greffier, & envoyé en cas d'appel avec le procès.

Si les lettres sont obtenues pour des cas qui ne soient pas graciables, ou si elles ne sont pas conformes aux charges, l'impétrant en est debouté; parce qu'on suppose que le roi a été surpris, son intention n'étant de faire grace qu'autant que le cas est graciable. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. xvj. (A)

Graces expectatives (Page 7:804)

Graces expectatives, sont des provisions que le pape donne d'avance d'un bénéfice qui n'est pas encore vacant. Il y en a de générales, par lesquelles le pape veut qu'un tel soit pourvû du premier bénéfice qui vacquera; & il y en a de spéciales, par lesquelles le pape mande à l'ordinaire de conferer un certain bénéfice à un tel.

Cette maniere de conférer les bénéfices n'étoit point pratiquée par les premiers papes, & elle a toûjours été reprouvée en France, a l'exception de l'expectative des indultaires & de celle des gradués. Voy. Fevret, tr. de l'abus, liv. II. ch. vij. & ci - apr. Gradués, indultaires, Mandats apostoliques (A)

Grace principale (Page 7:804)

Grace principale, (Hist. mod.) titre qu'on [p. 805] donnoit autrefois à l'évêque de Liége, qui est prince de l'Empire. La reine Marguerite dans ses ménoires raconte qu'on le traitoit ainsi: mais depuis il a pris celui d'altesse. Il n'y a point aujourd'hui de baron dans la haute Allemagne, & sur - tout en Autriche, qui ne se fasse donner ce titre d'honneur. Les Anglois s'en servent à l'égard des éveques & des personnes de la premiere qualite apres les princes. Comme on le donne en Allemagne aux princes qui ne sont pas du premier rang, les ambassadeurs de France l'accorderent d'abord à l'évêque d Osnabruk, qui étoit ambassadeur du collége électoral à Munster, mais ensuite ils le traiterent d'altesse. Ce titre de grace principale n'est plus maintenant d'usage en notre langue. (G)

Grace (Page 7:805)

Grace, (Gramm. Littérat. & Mytholog.) dans les personnes, dans les ouvrages, signifie non - seulement ce qui plait, mais ce qui plait avec attrait. C'est pourquoi les anciens avoient imaginé que la déesse de la beaute ne devoit jamais paroître sans les graces. La beauté ne deplait jamais, mais elle peut etre dépourvûe de ce charme secret qui invite à la regarder, qui attire, qui remplit l'ame d'un sentiment doux. Les graces dans la figure, dans le maintien, dans l'action, dans les discours, dependent de ce mérite qui attire. Une belle personne n'aura point de graces dans le visage, si la bouche est fermee sans sourire, si les yeux sont sans douceur. Le serieux n'est jamais gracieux; il n'attire point, il approche trop du severe qui rebute.

Un homme bien - fait, dont le maintien est mal assûré ou gêné, la démarche précipitee ou pesante, les gestes lourds, n'a point de grace, parce qu'il n'a rien de doux, de liant dans son exterieur.

La voix d'un orateur qui manquera d'inflexion & de douceur, sera sans grace.

Il en est de même dans tous les arts. La proportion, la beaute, peuvent n'être point gracieuses. On ne peut dire que les pyramides d'Egypte ayent des graces. On ne pouvoit le dire du colosse de Rhodes, comme de la Venus de Cnide. Tout ce qui est uniquement dans le genre fort & vigoureux, a un mérite qui n'est pas celui des graces. Ce seroit mal connoitre Michel - Ange & le Caravage, que de leur attribuer les graces de l'Albane. Le sixieme livre de l'Éneide est sublime: le quatrieme a plus de grace. Quelques odes galantes d'Horace respirent les graces, comme quelques - unes de ses épîtres enseignent la raison.

Il semble qu'en général le petit, le joli en tout genre, soit plus susceptible de graces que le grand. On loueroit mal une oraison funebre, une tragedie, un sermon, si on leur donnoit l'épithete de gracieux.

Ce n'est pas qu'il y ait un sevl genre d'ouvrage qui puisse être bon en étant opposé aux graces. Car leur opposé est la rudesse, le sauvage, la sécheresse. L'Hercule Farnese ne devoit point avoir les graces de l'Apollon du Belvedere & de l'Antinoüs; mais il n'est ni sec, ni rude, ni agreste. L'incendie de Troye dans Virgile n'est point décrit avec les graces d'une elégie de Tibulle. Il plaît par des beautés fortes. Un ouvrage peut donc être sans graces, sans que cet ouvrage ait le moindre desagrement. Le terrible, l'horrible, la description, la peinture d'un monstre, exigent qu'on s'eloigne de tout ce qui est gracieux: mais non pas qu'on assecte uniquement l'opposé. Car si un artiste, en quelque genre que ce soit, n'exprime que des choses affreuses, s'il ne les adoucit pas par des contrastes agreables, il rebutera.

La grace en peinture, en sculpture, consiste dans la mollesse des contours, dans une expression douce; & la peinture a par - dessus la sculpture, la grace de l'union des parties, celle des figures qui s'ani<cb-> ment l'une par l'autre, & qui se prêtent des agrémens par leurs attitudes & par leurs regards. Voyez l'article suivant.

Les graces de la diction, soit en eloquence, soit en poésie, dépendent du choix des mots, de l'harmonie des phrases, & encore plus de la délicatesse des idées, & des descriptions riantes. L'abus des graces est l'affeterie, comme l'abus du sublime est l'empoulé; toute perfection est pres d'un défaut.

Avoir de la grace, s'entend de la chose & de la personne. Cet ajustement, cet ouvrage, cette semme, a de la grace. La bonne grace appartient à la personne seulement. Elle se presente de bonne grace. Il a sait de bonne grace ce qu'on attendoit de lui. Avoir des graces, depend de l'action. Cette femme a des graces dans son maintien, dans ce qu'elle dit, dans ce qu'elle fait.

Obtenir sa grace, c'est par métaphore obtenir son pardon: comme faire grace est pardonner. On fait grace d'une chose, en s'emparant du reste. Les commis lui prirent tous ses effets, & lui firent grace de son argent. Faire des graces, répandre des graces, est le plus bel apanage de la souveraineté, c'est faire du bien: c'est plus que justice. Avoir les bonnes graces de quelqu'un, ne se dit que par rapport à un supérieur; avoir les bonnes graces d'une dame, c'est etre son amant favorise. Etre en grace, se dit d'un courtisan qui a été en disgrace; on ne doit pas faire dépendre son bonheur de l'un, ni son malheur de l'autre. On appelle bonnes graces, ces demi - rideaux d'un lit qui sont aux côtés du chevet. Les graces, en latin charites, terme qui signifie aimables.

Les Graces, divinités de l'antiquité, sont une des plus belies allegories de la mythologie des Grecs. Comme cette mythologie varia toujours tantôt par l'imagination des Poëtes, qui en furent les theologiens, tantôt par les usages des peuples, le nombre, les noms, les attributs des Graces changerent touvent. Mais enfin on s'accorda à les fixer au nombre de trois, & à les nommer Aglaé, Thalie, Euphrosine, c'est - à - dire brillant, fleur, gaieté. Elles etoient toujours aupres de Venus. Nul voile ne devoit couvrir leurs charmes. Elles presidoient aux bienfaits, à la concorde, aux rejoüissances, aux amours, à l'eloquence même; elles etoient l'embleme sensible de tout ce qui peut rendre la vie agreable. On les peignoit dansantes, & se tenant par la main; on n'entroit dans leurs temples que couronné de fleurs. Ceux qui ont insulté à la mythologie fabuleuse, devoient au - moins avoüer le merite de ces sictions riantes, qui annoncent des vérités dont résulteroit la selicite du genre humain. Art. de M. de Voltaire.

Grace (Page 7:805)

Grace, (Beaux arts.) Le mot grace est d'un usage tres - fréquent dans les arts. Il semble cependant qu'on a toujours attribue au sens qu'il emporte avec lui quelque chose d'indecis, de mystérieux, & que par une convention générale on s'est contenté de sentir à - peu - pres ce qu'il veut dire sans l'expliquer. Seroit - il vrai que la grace qui a tant de pouvoir sur nous, naquît d'un principe inexplicable? & peuton penser que pour l'imiter dans les ouvrages des arts, il suffise d'un sentiment aveugle, & d'une certaine disposition qu'on ne peut comprendre? non sans doute. Je crois, pour me renfermer dans ce qui regarde l'art de peinture, que la grace des figures imitées comme celle des corps vivans, consiste principalement dans la parfaite structure des membres, dans leur exacte proportion, & dans la justesse de leurs emmanchemens. C'est dans les mouvemens & les attitudes d'un homme ou d'une femme qu'on distingue sur - tout cette grace qui charme les yeux. Or si les membres ont la mesure qu'ils doivent avoir relativement à leur usage, si rien ne nuit à leur développement, si enfin les charnieres & les jointures sont tellement parfaites, que la vo<pb->

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